Quelle place pour l'Europe à coté des États-Unis et de la Russie ?
Écoutez l'interview de Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des Affaires étrangères.
Regardez L'invité de RTL avec Thomas Sotto du 19 février 2025.
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00:00RTL Matin
00:04L'invité de RTL Matin est Thomas, vous recevez aujourd'hui Jean-Noël Barraud, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
00:10Bonjour et bienvenue sur RTL Jean-Noël Barraud.
00:11Bonjour Thomas Soto.
00:12La Russie représente une menace existentielle pour l'Europe, ça c'est ce que dit Emmanuel Macron dans la presse régionale ce matin.
00:18Est-ce à dire que la Russie n'est plus seulement l'ennemi de l'Ukraine mais bien celle de toute l'Europe et donc aussi celle de la France ?
00:24Évidemment, et d'ailleurs l'agressivité de la Russie ne se limite pas à la guerre d'invasion en Ukraine qui a commencé il y a trois ans.
00:31Souvenez-vous des étoiles de David, souvenez-vous des cercueils, souvenez-vous des mains rouges, regardez les câbles sous-marins qui ont été coupés en mer Baltique,
00:38regardez les colis piégés en Allemagne, regardez les élections en Roumanie qui ont dû être annulées à cause des manœuvres russes.
00:44Mais le mot ennemi il est très fort, vous le reprenez, la Russie est l'ennemi de la France aujourd'hui et de l'Europe.
00:48Mais la Russie a pris pour cible les pays européens depuis trois ans et donc de toute évidence, avec ses déclarations et avec ses actions hostiles,
00:57la Russie a décidé de faire de nous des ennemis et donc nous devons ouvrir les yeux, réaliser l'ampleur de la menace et nous en prémunir.
01:05Ça veut dire quoi qu'on est en train de plonger dans une logique de guerre ? Jamais le risque d'une guerre en Europe n'a été aussi élevé depuis 1945 a dit François Bayrou.
01:12On est dans une logique de guerre ?
01:13Oui parce qu'on voit le réveil des empires. Qu'est-ce que c'est qu'un empire ? Un empire c'est un pays qui ne connaît plus les frontières
01:18et qui dit je vais déplacer mon influence et ma puissance aussi loin que je le pourrais. Il se trouve que nous sommes voisins de la Russie
01:25et qu'aujourd'hui c'est l'Ukraine qui en quelque sorte est notre première ligne pour repousser la menace.
01:31Si nous ne faisons rien, si nous restons aveugles à la menace, la ligne de front se rapprochera de plus en plus de nos frontières
01:37et nous serons un jour ou l'autre entraînés vers la guerre.
01:39Ça veut dire qu'on va envoyer des troupes parce que ça on ne comprend pas très bien la position de la France là-dessus.
01:43Si on pense qu'on est en guerre, que la Russie est notre ennemi, que la Russie est en train de manger l'Ukraine et que peut-être...
01:48Vous redoutez qu'elle s'attaque à d'autres pays après ? Les Pays-Bas, la Pologne ou pas ? C'est une inquiétude chez vous ?
01:52C'est une inquiétude évidemment puisqu'elle le laisse entendre.
01:55Vladimir Poutine dans ses discours il laisse entendre que la Russie n'a pas de frontières, il veut reconstituer un empire
02:00et il veut repousser sa sphère d'influence.
02:03Et on fera quoi alors si ça arrive ?
02:04Alors d'abord nous ne voulons pas la guerre, nous voulons la paix.
02:07Moi j'ai grandi dans un pays en paix, mes parents ont grandi dans un pays en paix
02:11et ce que nous voulons c'est offrir la même situation à nos enfants.
02:14Et pour cela il va nous falloir dissuader la menace.
02:16Comment est-ce qu'on dissuade la menace ? En étant fort.
02:19Et la première étape c'est évidemment de permettre aux Ukrainiens de négocier ce qui sera une paix durable.
02:27C'est-à-dire une paix qui ne sera pas, comme ça a été le cas pour le passé en Ukraine il y a dix ans,
02:32violée à de multiples reprises jusqu'à être complètement jetée à la poubelle par Vladimir Poutine.
02:37Vous n'avez pas déjà fait que ni Donald Trump ni Vladimir Poutine ne veulent discuter ou négocier avec nous.
02:41On est sur la touche là.
02:42Mais écoutez, seuls les Ukrainiens pourront décider d'arrêter de combattre.
02:46Et ils n'arrêteront de combattre que lorsqu'ils auront la certitude que la paix qui leur sera proposée
02:51ne sera pas violée, comme ça a été le cas de celle qu'on leur avait proposée il y a dix ans,
02:56à de multiples reprises et qu'on ne viendra pas une nouvelle fois les agresser.
02:59Et qui offrira ces garanties à l'Ukraine ?
03:01Qui permettra à l'Ukraine de bénéficier d'un traité de paix ?
03:03C'est évidemment les Européens.
03:04Donc, d'une manière ou d'une autre, et par la force des choses,
03:07les Européens et les Ukrainiens seront à la table des négociations, parce qu'ils veulent la paix.
03:11J'en reviens à la question sur les troupes.
03:13Pourquoi et quand on verra ou ne verra-t-on pas de troupes en Ukraine ?
03:17Troupes françaises, troupes européennes ?
03:19Qu'est-ce qui sera le déclencheur ? On sent qu'on n'est pas loin.
03:22Donald Trump s'ennuie et dit « Ah ouais, ça serait super ».
03:24Personne ne veut aujourd'hui envoyer de troupes en Ukraine.
03:26Ce n'est pas du tout d'actualité.
03:28Non, la question qui est posée, c'est comment on évite les erreurs du passé ?
03:31Les erreurs du passé, c'est quoi ?
03:33C'est il y a 10 ans, quasiment jour pour jour, à une semaine près,
03:35on a signé, d'ailleurs la France l'a parrainé, un accord,
03:38on appelle ça l'accord de Minsk, parce qu'il a été signé en Biélorussie,
03:41qui mettait fin à la guerre entre la Russie et l'Ukraine.
03:44C'était un cessez-le-feu, et il n'y avait pas de garantie,
03:47c'est-à-dire qu'il n'y avait pas de mesures dissuasives
03:51empêchant la Russie de reprendre les hostilités.
03:53Et bien c'est ce qu'elle a fait.
03:5420 fois de suite elle a violé le cessez-le-feu,
03:56et puis le 24 février 2022, il y a 3 ans, la semaine prochaine,
04:00elle s'est lancée dans une guerre d'agression à grande échelle contre l'Ukraine.
04:03Sauf qu'il y a quelque chose qui a changé Jean-Noël Barraud,
04:05c'est qu'à l'époque il y avait les Russes, mais les Américains étaient de notre côté.
04:08Là on a les Russes et les Américains qui avancent comme des bulldozers
04:11sans se soucier de qui que ce soit.
04:13Moi j'ai parlé à mon homologue américain hier,
04:15il m'a redit que ce qui était leur objectif,
04:18ce n'est pas un cessez-le-feu fragile,
04:19ce n'est pas une pause transitoire qui permettrait à la Russie
04:22de reconstituer ses forces,
04:24c'est bien une paix durable.
04:26Et une paix durable qui soit garantie.
04:28Est-ce que ça passe par l'envoi de troupes françaises ou européennes ?
04:32Ce n'est pas la question du moment,
04:33mais la question se posera après que les hostilités ont cessé.
04:36Si un jour il y a des troupes,
04:38qu'elles soient européennes, américaines, etc.
04:40En Ukraine, ça sera évidemment comme une garantie de paix.
04:45Ce ne sera pas pour aller combattre,
04:46ce sera pour éviter que les combats ne reprennent.
04:48Quelle sera la limite de notre soutien à l'Ukraine ?
04:50Jusqu'où on va aller si les Russes et les Américains
04:52se mettent d'accord sur le dos des Ukrainiens
04:54et sur le dos des Européens ?
04:55Jusqu'où on va les soutenir ? Jusqu'à la guerre ?
04:58Ce que mes collègues ministres des Affaires étrangères
05:00et moi-même avons dit la semaine dernière,
05:02mercredi, lorsque nous sommes réunis,
05:03c'est une chose très simple.
05:05Tant que les Ukrainiens combattront,
05:07tant qu'ils n'auront pas pu trouver une paix juste et durable,
05:12un accord de paix qui les protège durablement,
05:14alors nous les soutiendrons.
05:15Nous les soutiendrons pourquoi ?
05:17Pas seulement par charité ou par générosité,
05:19mais c'est parce que c'est de notre sécurité qu'il en va.
05:23Il y a dix ans, nous avons fait preuve de faiblesse.
05:25Nous avons laissé s'installer une pause transitoire
05:28qui a ensuite permis à la Russie de repousser
05:30la ligne de front plus proche de chez nous.
05:32Si nous voulons éviter que la ligne de front
05:33se déplace jusqu'en Pologne,
05:34jusque dans les Pays-Baltes,
05:36de plus en plus près de la France,
05:37alors nous devons être fermes et soutenir
05:39aujourd'hui les Ukrainiens qui sont la sentinelle de l'Europe.
05:41Et ce que j'entends dans ce que vous me dites ce matin
05:42et c'est particulièrement grave,
05:43c'est que s'il faut aller jusqu'à la guerre,
05:45la France ira jusqu'à la guerre ?
05:47Ah non, je n'ai pas du tout dit ça.
05:48Nous, nous voulons la paix.
05:49Nous ne voulons pas la guerre.
05:55Les Américains sont nos alliés,
05:57notamment au sein de l'OTAN,
05:59l'alliance de sécurité qui nous a permis
06:02pendant des décennies d'avoir la paix
06:05ou en tout cas la sécurité en Europe.
06:07Mais ça change de manière radicale
06:09puisqu'ils ont décidé depuis longtemps maintenant,
06:11ça ne date pas de Donald Trump,
06:12de se retirer de cette alliance de sécurité
06:15qu'on appelle l'OTAN.
06:16Et donc le moment est venu
06:17de se réveiller pour les Européens
06:19et de prendre la place des Européens
06:21que les Américains vont leur laisser.
06:23Ne plus compter sur les Américains ?
06:24Ça veut dire en tout cas de prendre notre part
06:26dans notre sécurité.
06:27Et ça, c'est des efforts considérables,
06:28y compris sur le plan budgétaire.
06:30Il faut se préparer.
06:31En matière d'ingérence,
06:32l'Amérique de Trump se comporte-t-elle
06:34comme la Russie de Poutine ?
06:35Vous citiez beaucoup de faits tout à l'heure
06:37à propos de la phrase d'Emmanuel Macron
06:39sur la menace existentielle pour l'Europe
06:41que représente la Russie.
06:42Est-ce que l'Amérique de Trump se comporte
06:44comme celle de Poutine ?
06:45Est-ce que vous mettez un signe égal
06:46entre Trump et Poutine aujourd'hui ?
06:48J'ai entendu beaucoup parler du discours
06:50du vice-président américain à Munich
06:52sur la liberté d'expression notamment.
06:54Moi je dis, s'agissant de la vie démocratique,
06:56chacun chez soi, merci, au revoir.
06:59Mais en revanche,
07:00là où je suis un peu plus inquiet,
07:01c'est qu'on voit bien que derrière
07:03les autorités américaines,
07:04il y a les grands patrons de la tech
07:06et des réseaux sociaux
07:07qui voudraient nous imposer leurs règles,
07:09c'est-à-dire du n'importe quoi sur Internet
07:12et un débat public complètement pollué,
07:14perturbé par des ingérences d'où qu'elles viennent.
07:16Ça, nous le refuserons toujours.
07:18Dans ce monde hostile, vous disiez
07:20il faudra faire des efforts budgétaires,
07:21ça veut dire quoi ?
07:22Qu'on va ouvrir les vannes ?
07:23Ça veut dire que si nous voulons,
07:24dans les années qui viennent,
07:25pouvoir à la fois prendre en charge notre défense,
07:27je le disais,
07:28les américains se désengagent de l'Europe.
07:29Si nous voulons éviter le décrochage technologique,
07:31devoir aller supplier les américains
07:33ou les chinois pour utiliser leur technologie.
07:35Si nous voulons nous préparer
07:36aux conséquences du dérèglement climatique,
07:39nous aurons des choix difficiles à faire
07:41sur la manière dont nous employons l'argent français.
07:43Ça veut dire quoi ?
07:44Ça veut dire que soit nous parvenons
07:46à recréer de la richesse, d'accord ?
07:48Et notamment en levant,
07:50en retirant la chape de plomb
07:52qui aujourd'hui empêche tous ceux qui veulent
07:54créer de la richesse,
07:55qu'ils soient chefs d'entreprise,
07:56qu'ils soient élus locaux,
07:57qu'ils soient même présidents d'associations,
07:59à le faire.
08:00Soit sinon, nous devrons faire des sacrifices.
08:04Parce que nous n'allons pas reporter...
08:05S'endetter encore s'il le faut, ça les faut là ?
08:07Non, nous n'allons pas reporter
08:08sur les générations à venir.
08:09Il faut un quotidien au coût de l'Ukraine,
08:11de la guerre et de la Russie ?
08:12Non, nous ne pouvons pas reporter indéfiniment
08:14les efforts sur les générations à venir.
08:16C'est fini.
08:17Le temps du confort est terminé.
08:19Nous avons beaucoup plus, je dirais,
08:22de choses à prendre en charge par nous-mêmes
08:24si nous voulons rester libres et indépendants.
08:26Nous ne pouvons pas renvoyer le problème
08:28sur les générations à venir.
08:29Donc il faudra essayer de se serrer la ceinture
08:30pour financer tout ça ?
08:31Je le pense et c'est des choix
08:32auxquels tous les Français devront être associés,
08:34qu'ils comprennent bien les tenants et les aboutissants
08:36et que ce qui est en jeu, c'est notre indépendance.
08:38Emmanuel Macron veut organiser une réunion
08:40en format Saint-Denis avec les chefs de parti
08:41pour parler de l'Ukraine.
08:42Est-ce que vous savez quand ce sera cette réunion ?
08:44C'est une question de jours ?
08:45Ça se tiendra très prochainement
08:47et je crois, par ailleurs,
08:49parce que des groupes politiques l'ont demandé,
08:51que des discussions auront lieu aussi au Parlement.
08:54Il y aura un débat à l'Assemblée ?
08:55Je crois et c'est très important.
08:57Vous le souhaitez en tout cas ?
08:58Je le souhaite.
08:59C'est très important que tous les Français
09:01et leurs élus s'approprient pleinement
09:04la gravité du moment dans lequel nous nous trouvons
09:07et la difficulté de certains choix que nous aurons à faire.
09:09Ça doit venir vite là encore j'imagine ?
09:10Ça doit venir vite.
09:11La semaine prochaine, cette semaine ?
09:13C'est une période de vacances
09:16donc il faut peut-être que chacun ait le temps de se retourner.
09:19Mais en tout cas, ça doit être organisé très prochainement.
09:21Ce qui est sûr, c'est que le sujet fait bouillonner notre classe politique.
09:23Jean-Noël Barraud, notre ministre des Affaires étrangères,
09:25refuse de discuter avec le ministre des Affaires étrangères russe
09:28alors qu'il est à plat ventre devant le nouveau régime syrien
09:30d'Al-Qaïda et de Daesh
09:31et qui est d'une complaisance inouïe à l'égard de l'Algérie.
09:33Ça c'est Jordan Bardella qui l'a dit hier.
09:35Mais Jordan Bardella, voyez-vous,
09:37il est à plat ventre devant tous les tyrans et les despotes de ce monde.
09:40Il se prosterne devant Elon Musk et ses amis
09:42qui voudraient que tout soit possible sur Internet
09:46y compris le pire de ce que l'on connaît.
09:51Donc je n'ai pas tellement de leçons à recevoir de M. Bardella sur ce sujet.
09:55Mais est-ce que le nouvel homme fort de la Syrie,
09:57Ahmed Al-Shara, va être reçu à l'Elysée ?
09:59Ça pourrait être le cas.
10:00Vous savez, la semaine dernière,
10:01on a reçu une vingtaine de pays au sujet de l'avenir de la Syrie.
10:06On a exprimé aux ministres des Affaires étrangères syriens nos attentes.
10:11Mais on a aussi accueilli la société civile syrienne
10:15dont on a facilité le dialogue avec les nouvelles autorités.
10:20Et vous savez ce qu'elles ont dit, les sociétés civiles ?
10:22Elles ont dit merci la France.
10:23Parce que grâce à vous, pour la première fois depuis des décennies,
10:26nous avons la possibilité d'échanger librement avec le gouvernement de notre pays.
10:29J'ai une dernière question sur le Proche-Orient.
10:31Le Hamas va rendre quatre corps demain,
10:33avant de libérer sept nouveaux otages samedi.
10:36Est-ce que le franco-israélien Yahalomi fait partie des corps qui seront rendus demain ?
10:42Est-ce que vous avez des informations sur son sort ?
10:43Nous n'avons pas d'informations, mais nous sommes évidemment très inquiets.
10:46Vous avez des preuves de vie ?
10:47Vous avez des informations qui laissent penser qu'il aurait été tué ?
10:50Aucune preuve de vie.
10:53Le hofère Calderon a été libéré, a retrouvé sa famille,
10:57et est entouré de tout le soutien de notre équipe sur place,
11:01qui continuera de l'accompagner dans les mois et les années qui viennent.
11:04J'espère qu'il en sera de même pour Yahalomi.
11:09Mais je n'ai aucune information et je suis donc très inquiet.
11:12Merci beaucoup Jean-Nel Barraud d'être venu sur RTL ce matin.