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00:00Bonjour Francis, bonjour Carlo. J'ai la chance ce matin de recevoir à l'Influencia Café deux grands
00:17patrons dans l'univers des médias. Francis Morel, qu'on ne présente plus, qui a été patron des plus
00:23grands quotidiens français, Les Echos, Le Parisien, Le Figaro, et Carlo D'Assaro Biondo, qu'on présente
00:30peut-être un peu plus, parce que les Français te connaissent peut-être un tout petit peu moins,
00:34mais si tu as été patron des activités de Google en Europe pendant assez longtemps, basé en France,
00:39et maintenant comme tu dis, tu es un Italien en France et un Français en Italie. Absolument. Et
00:45je vous reçois tous les deux ce matin parce que vous avez co-écrit un livre absolument incroyable
00:51sur l'IA, et comme on est en plein, évidemment, sommet de l'IA au Grand Palais, c'était passionnant
00:58de pouvoir vous avoir tous les deux à l'heure où votre livre sort, je crois qu'il est sorti la
01:02semaine dernière. Jeudi dernier. Jeudi dernier, donc c'est un honneur pour Influencia de vous
01:07accueillir ce matin, ça s'appelle « L'humanité face à l'IA ». Et pour commencer, Francis et Carlo,
01:14quelle est la genèse de ce livre ? Comment vous avez écrit à quatre mains ce livre ? Vous racontez
01:20dans le livre comment vous vous êtes rencontrés au début de la négociation sur les droits voisins
01:24en 2010, donc il y a une quinzaine d'années, mais vous ne racontez pas comment est venue cette idée
01:30de ce livre à quatre mains. L'idée, en fait, c'est moi qui ai commencé un peu seul dans mon coin en
01:38partant du constat que les livres que je lis depuis longtemps sur la technologie, sur l'IA et sur
01:43l'évolution des technologies du web sont souvent lourds, écrits pour des ingénieurs, un peu chiant
01:50à lire. Et donc, je dis, j'ai envie d'écrire l'histoire de tout ça d'une manière un peu plus légère,
01:56un peu plus, bien sûr, complète si on peut, mais un peu plus amusante. Et puis, je me suis dit,
02:01mais seul, j'y arriverai jamais. Et j'en ai parlé avec Francis, je crois, il y a maintenant deux ans,
02:07Francis, si je ne me trompe pas. Et en fait, on s'est dit, je pense qu'il y a une forte
02:12complémentarité entre nous par rapport à comment on regarde le sujet, venant tous les deux de médias,
02:19mais d'expériences un peu différentes. Et puis, j'ai toujours apprécié chez Francis,
02:24depuis le début de nos discussions, le fait qu'on se dit les choses clairement. On s'est dit les
02:30choses très clairement, toi et moi, on se connaît. Et je pense que pour écrire un livre, c'est très
02:35bien de se dire les choses clairement. Et comment vous vous êtes réparti le travail, les chapitres,
02:40comment ça fonctionne un livre à quatre mains ? En fait, c'est assez drôle parce qu'au départ,
02:43effectivement, moi aussi, je trouvais que c'était intéressant de réfléchir à un livre de ce type.
02:47Et comme Carlo, je me disais, mais seul, ce n'est pas la peine, j'y arriverai jamais. Donc,
02:51on a échangé et on s'est, selon les thématiques, réparti les chapitres. Donc, il y avait un chapitre
02:57pour lui, un chapitre pour moi, etc. Et ensuite, on a essayé de faire une synthèse parce qu'on avait
03:02chacun notre style. Il fallait donc avoir un livre qui néanmoins soit cohérent. Et c'est ce qui nous
03:07a pris deux ans pour arriver à ça. En tout cas, Carlo, je te rassure, ce n'est pas ennuyeux du
03:14tout, mon frère. C'est extrêmement passionnant. Ça ne se lit pas comme un roman quand même,
03:18parce qu'effectivement, ça reste très technique et parfois un peu inquiétant. Mais ça se lit,
03:25je l'ai dévoré et c'est vrai que c'est vraiment, ça fait froid dans le dos. C'est absolument
03:31passionnant. Il y a en fait dans le livre deux parties différentes. Il y a d'abord l'histoire
03:37du numéro. Voilà, il y a une grande partie historique. Pour montrer que l'IA n'est pas
03:41tombée comme ça, c'est la résultante de 30 à 40 années de développement du numérique. S'il n'y avait
03:48pas eu de cloud, il n'y aurait pas eu d'IA. Et à chaque fois, on montre qu'il y a un enchaînement
03:52logique. Ça, c'est la première partie. Et puis la deuxième partie, c'est là où on aborde le sujet
03:58du côté obscur de la force, qui sont les différents risques, les différentes thématiques,
04:04les opportunités et comment on peut les envier. Alors justement, cette deuxième partie qui est
04:09qui fait un peu froid dans le dos, qui est sur ce que vous appelez vaincre le côté obscur de la
04:15force, c'est-à-dire passer au-delà de tous ces risques ou de toutes ces inquiétudes. Et j'ai été
04:22absolument fasciné par ce que vous expliquez, c'est que finalement toute la Silicon Valley,
04:28tous ces développeurs, tous ces passionnés d'Internet, finalement sont passionnés par ce côté
04:36obscur de la force. Ils sont passionnés par Tolkien, ils sont passionnés par Star Wars,
04:40ils sont passionnés par Game of Thrones et ainsi de suite. Et je trouve qu'effectivement, quand on
04:46lit cette partie-là du livre, on comprend bien qu'on n'est pas du tout sûr de passer de l'autre
04:53côté de la force, du côté obscur en tout cas, mais qu'il faut avancer. Et que donc, on avance
04:59quoi qu'il arrive. Ces instruments sont un peu imprévisibles. Quand on a lancé les Google Glass
05:05chez Google, pour un exemple en 2015, on ne savait pas à quoi elles auraient été utilisées. Après,
05:11c'est devenu un instrument professionnel dans la médecine surtout, mais on ne le savait pas. Quand
05:15on lance une nouvelle technologie, on ne sait pas forcément comment elle évoluera. Et ce risque,
05:20on ne peut pas, on ne peut faire que l'accepter. Parce qu'autrement, on n'y n'aurait pas,
05:24on ne lancerait rien. Toutefois, et c'est je pense très vrai, je vous dirai après pourquoi je suis
05:30inquiet, mais très vrai dans le monde de la technologie et de la Silicon Valley, il y a une
05:36énorme fascination pour la mythologie et pour revenir, peut-être parce que la religion a été
05:41mise à part récemment et on recherche un paramètre de valeur. Donc, évidemment, quand on regarde la
05:46valeur positive, regarder par la négative, ça permet aussi de le faire. Mais je pense que dans
05:52le fond, il y a beaucoup de bonnes intentions. Quand je suis arrivé chez Google en 2009,
05:56on était tous encore jeunes. On y rentrait en disant, nous allons faire un monde meilleur. Après,
06:01on se rend compte, dix ans après, que pour certaines choses, peut-être, effectivement,
06:04ça a amené des valeurs, mais ça aussi crée des clivages et de terribles inconvénients. Au début
06:09de cette partie-là, on dit dans le livre, la peur est le chemin du côté obscur. La peur mène à la
06:14colère. La colère mène à la haine et la haine mène à la souffrance. C'est Maitre Yoda. Voilà,
06:19mais ce n'est pas en s'abandonnant à la peur. Mais je pense qu'on avait le devoir en écrivant
06:24ce livre, Francis, et tu l'as beaucoup dit d'ailleurs, de ne pas faire un livre dans lequel
06:29on donne que les bénéfices de la technologie et on n'affronte pas les problèmes. D'ailleurs,
06:33le plus on affronte et on comprend quels sont ces côtés obscurs, le mieux on les affrontera. Donc,
06:38les nier, ce n'est pas utile. Mais c'est vrai qu'il y a un certain nombre de sujets qui sont
06:44assez angoissants. La rupture du lien social, c'est un problème terrible. Or, c'est un lien
06:49social dans une société, mais c'est dans le monde entier également. Entre les sociétés qui vont
06:53bouger, celles qui ne vont pas bouger. C'est un énorme problème. L'histoire du droit d'auteur
06:57et la reconnaissance de la réalité des informations qu'on a, c'est un énorme problème. Aujourd'hui,
07:04on ne sait pas où on va. Donc, il fallait effectivement poser ça, même si nous n'avons
07:09pas de réponse immédiate, bien qu'à la fin, on esquisse quand même, à mon avis, une direction.
07:15Protéger l'identité, je veux le citer parce que je crois que c'est un risque gigantesque.
07:19Vous expliquez que certains pays vont être complètement déclassés, qu'il va y avoir des
07:24pays avec, des pays sans, qu'il va y avoir des pans entiers de l'humanité qui ne vont pas accéder
07:29à cette intelligence-là ou à ces ressources-là. Vous évoquez même potentiellement demain des
07:36guerres entre ceux qui ont eu accès et ceux qui n'y ont pas eu accès. C'est quand même assez
07:43terrifiant. Pendant l'écriture, est-ce que vous vous disiez qu'on y est peut-être allé un peu
07:46fort ou pas, ou au contraire ? Est-ce que vous avez pris la mesure de ces inquiétudes ?
07:52On ne peut pas se dire qu'on y va trop fort, parce que c'est la réalité. Ce matin, d'ailleurs je
07:57devrais reconnaître la citation à celui qui l'a faite, mais ce matin au forum, je ne sais pas
08:02qui, mais il a dit une phrase que je veux répéter parce qu'elle m'a beaucoup impressionné. Un des
08:06participants a dit que jusqu'à aujourd'hui, on avait tenté d'automatiser ou d'augmenter l'être
08:13humain à travers les muscles, l'industrialisation, la machine à vapeur. Maintenant, ce qu'on augmente
08:20ou qu'on modifie, c'est ce qu'il y a dans le cerveau, c'est la pensée, c'est la capacité de réfléchir. Vu
08:25comme ça, on se rend compte de l'impact et de l'importance. Donc on a, je pense, un devoir de
08:32faire tout ce qui est possible pour éviter les dérives, comme quand on a découvert la
08:39boumme atomique. Elle a eu d'autres avantages et elle a des risques énormes, et on en a été. Donc moi,
08:44je suis extrêmement choqué aujourd'hui quand je vois mes anciens collègues de la Silicon Valley
08:49renoncer au programme sur la diversité, abandonner certaines valeurs qu'ils ont défendues pendant 10,
08:5515 ou 20 ans, parce qu'ils pensent de faire ce qu'eux, ils croient que Trump voudrait, parce que
09:00je ne suis même pas sûr que Trump veuille, qu'on ne fasse pas attention à ses dérives. Mais on vit
09:06un moment que je trouve terrible. Et à l'instant, tu parlais de la bombe atomique. C'est quand même
09:12un parallèle qui fait un peu froid dans le dos, enfin qui fait peur. Et quand on a préparé
09:18l'émission, tu disais, c'est aussi un livre pour alerter, un minima. Il faut aussi qu'on
09:22alerte sur les dangers et qu'on essaye de secouer le coquettier pour que les choses soient prises
09:29avec le plus de précaution possible. Je pense que c'est nécessaire de prendre des précautions. Je
09:36pense que devant le risque de, par exemple, fausse identité, il faut qu'on sache réagir. Je pense que
09:42devant le cyber harcèlement, les fake news, il faut qu'on sache réagir. Devant le risque d'algorithmes
09:49biaisés, parce qu'ils contiennent ou ne contiennent pas certaines attentions, il faut
09:56pouvoir faire quelque chose. Et que si on ne crée pas une institution capable, avec la puissance de
10:01calculs nécessaires, à pouvoir aller regarder un peu la transparence et ce qui se passe, on court des
10:07risques énormes. C'est pour ça qu'on parle de régulation à la fin. Ça ne veut pas dire réglementation,
10:11puisque réglementation, c'est un chiffon rouge tout de suite. Les Européennes ne pensent qu'à réglementer, etc.
10:15Non, mais régulation, c'est-à-dire encadrer un certain nombre de choses, c'est absolument
10:20essentiel. Et j'aime bien la comparaison avec l'énergie atomique, parce qu'en 45, en pleine
10:26guerre froide entre les puissances communistes et les capitalistes, néanmoins, les États
10:32arrivent à se mettre d'accord pour s'asseoir autour d'une table, pour réfléchir à l'encadrement
10:39de l'énergie atomique. Ça donne l'IEA... Alors, l'IEA, ça met 15 ans à sortir. Donc, de la même façon,
10:45nous, quand on lance cette idée, c'est pas pour que ça existe demain. Mais on pense que d'ici 10, 15 ans,
10:50il faut que, de la même façon qu'on avait trouvé un organisme qui encadre l'énergie atomique,
10:55il y ait un organisme qui encadre les développements de l'IEA. C'est tellement lourd de conséquences
11:03que ça ne peut pas être laissé au libre arbitre de tel ou tel dirigeant d'entreprise.
11:08Donc, effectivement, dans le livre, vous proposez l'IEA, qui est donc un...
11:12Global Authority for Artificial Intelligence.
11:14Exactement.
11:15C'est une autorité globale.
11:16Je ne l'aurais pas aussi bien dit, qui est donc de la régulation, et pas de la réglementation,
11:21mais de la régulation. Et vous pensez... D'abord, la proposition est évidemment passionnante.
11:26Mais vous pensez vraiment que les conditions sont réunies pour que les États se mettent autour de la table ?
11:31Il y a 9 mois, j'aurais dit oui, Francis.
11:34Oui. Alors moi, je dirais aujourd'hui sûrement pas. Mais néanmoins, on peut commencer à parler en se disant que d'ici 10, 12 ans,
11:43les dirigeants américains auront changé et on arrivera peut-être à faire quelque chose. Mais il faut poser des pierres...
11:48Je ne peux pas demander 10 ans non plus.
11:50Moi, il y a 1 an ou 9 mois, ou quand on écrivait ce livre, j'aurais dit oui.
11:55Parce qu'Elon Musk, à l'époque, était celui qui avait demandé un moratoire sur l'EI pour qu'on prenne le temps de penser aux valeurs.
12:00Parce que le président Macron, que j'ai rencontré en Serbie, disait que la puissance de calcul, c'est fondamental.
12:08On a besoin de faire attention aux conséquences négatives de l'EI.
12:13Il y avait un consensus sur le fait que certification et audite, pouvoir d'enquête, orientation et collaboration internationales étaient des thèmes importants.
12:23Maintenant, peut-être qu'on est un peu tous tétanisés par l'arrivée de Trump, qui a l'air de dire qu'il faut une indépendance et une liberté absolue.
12:34Moi, ce que je pense, pour être totalement franc, c'est qu'il faut qu'on s'assoie et qu'on se dise si l'Europe veut exister dans ce monde de l'EI,
12:41si l'Europe veut avoir un futur, il y a trois conditions qu'il faut qu'on change absolument.
12:46La première, arrêtons d'empêcher la création de champions européens.
12:54L'Europe a tout fait pour empêcher les fusions transfrontalières dans les télécoms, dans la technologie ou dans les médias.
12:59Même en France, il y a quelques années, il a été interdit parce que ça créait des géants.
13:05Si on ne peut pas créer de géants européens, on ne peut pas combattre les U.S. et combattre le système OIMO.
13:12Donc première chose, ce changement est nécessaire.
13:15Deuxième chose absolument fondamentale, on va vers un marché unique maintenant, mais on a toujours 27 langues et des solutions différentes.
13:23Il faut qu'on ait des standards, une collaboration européenne beaucoup plus forte et beaucoup plus transparente.
13:29Et ensuite, peut-être parce que nous sommes un vieux continent qui a fait des erreurs.
13:33Nous avons eu en Europe des époques très difficiles, mais peut-être qu'on a appris et qu'en termes de valeurs, on a l'expérience ou force à avoir appris quelque chose.
13:44Défendre les valeurs d'ouverture, d'humanité, je dirais même de répartition des richesses dans un monde où ces technologies vont vite, ça devient fondamental.
13:56Et ces trois choses-là, si l'Europe ne s'y attelle pas, je pense que nous serons à la traîne des U.S. et de la Chine et que nous ne pourrons que décliner.
14:04Il faut forcément passer par ces trois choses-là.
14:07L'important dans ce que dit Carlo, c'est qu'en fait, ça n'est pas une réaction de la France ou de l'Allemagne, ça doit être une réaction européenne.
14:15Et moi, ce qui me rend pessimiste, c'est qu'en fait, en Europe aujourd'hui, on ne voit aucune volonté commune.
14:21Il faut qu'on arrive à dépasser les 27 États avec 27 langues différentes, 27 façons de voir les choses.
14:28Il faut qu'il y ait une démarche européenne.
14:30Mais si on ne l'a pas, plus tard, on nous reprochera de ne pas l'avoir fait et nous serons coupables de cela.
14:37Mais il n'y a pas de grand projet européen depuis, peut-être Airbus ou je ne sais pas.
14:41Mais en tout cas, on ne voit pas d'innovation particulière.
14:44En fait, on a besoin d'un leader.
14:45Voilà. Et l'Europe a aussi d'autres challenges.
14:50L'armement, le financement de l'OTAN, enfin énormément d'autres challenges.
14:54Est-ce que l'Europe, avec tous ces challenges, est prête à se mobiliser pour l'IA, à votre avis ?
14:59C'est aussi important que l'armement.
15:03La guerre aujourd'hui se fait beaucoup à travers l'usage de la technologie.
15:10Un petit exemple, j'étais chez Atos l'année dernière.
15:14Je m'occupais d'Atos pendant la phase de rémunération de la dette et on s'occupait des Jeux olympiques.
15:18Et on a reçu des cyberattaques constamment qui venaient plus ou moins toujours des mêmes endroits.
15:24Et on se fait la guerre comme ça aujourd'hui.
15:26Donc, je pense que ne pas accepter qu'on doit avoir une capacité de calcul en Europe forte, plus forte que celle qu'on a,
15:34et qu'on puisse avec ça faire du monitoring, de vérification, c'est très important.
15:38Donc, ça fait partie de la réflexion sur la défense européenne, en fait.
15:42La défense européenne passe par la technologie aujourd'hui.
15:46La plupart des guerres aujourd'hui dans le monde se font à travers la technologie.
15:50Évidemment qu'il y a des guerres physiques, on peut espérer qu'il y en ait de moins en moins,
15:53mais je ne suis pas sûr qu'il faut souhaiter qu'elles deviennent électroniques.
15:55Non, surtout après avoir lu votre livre.
15:59Non, non, mais je comprends que le fait qu'on ait affronté et qu'on ait analysé un peu dans les détails
16:05chacun des sept grands mots de l'Internet ou de l'IA, un peu comme les sept parties du côté obscur,
16:12impressionne, mais il était nécessaire de le faire pour être optimiste.
16:15On ne peut pas être optimiste.
16:17Mais non, un peu d'optimisme, je pense que c'est vrai que si Internet a le potentiel de rapprocher les gens,
16:23il expose aussi les inégalités.
16:25Donc, il nous met en face de nos responsabilités.
16:27Comme dit Tim Berners-Lee, on est en face de nos responsabilités.
16:30Aujourd'hui, on ne peut pas nier.
16:31Et au fond, on a aussi un peu écrit ce livre pour que tout le monde puisse, en le lisant,
16:36participer au dialogue un peu à Armégal en connaissant l'histoire, en connaissant d'où ça vient.
16:42Mais on a, par rapport à nos enfants ou petits-enfants,
16:47est-ce que vous croyez que l'Europe ou la France ou l'Italie est capable de leur apporter l'éducation nécessaire à ces enjeux-là
16:56ou il faut les envoyer aux Etats-Unis ou à Singapour le plus vite possible ?
17:00Je pense que ce serait vraiment indispensable qu'ils puissent l'avoir en Europe.
17:04Et que de les envoyer systématiquement aux Etats-Unis ou à Singapour, je trouverais ça très triste.
17:11Qu'ils aient également une partie de leur éducation là, oui, pour qu'il soit ouvert, ça serait très triste.
17:16Imaginez un monde dans lequel il faut les envoyer aux Etats-Unis ou à Singapour, qui aura accès à ça ?
17:21On va encore faire quelque chose de fortement élitiste.
17:23Je pense qu'on a le devoir, on a la possibilité et ce n'est pas horriblement coûteux.
17:28Mais il faut changer certains éléments de mentalité.
17:31Des leçons de codage dans les écoles, ce n'est pas impossible.
17:33Faire comprendre aux enfants qu'analyser les risques est le meilleur moyen de se défendre.
17:37Je pense que c'est essentiel.
17:39Et je crois qu'on a en Europe, par les valeurs qu'on représente, par la qualité des ingénieurs présent ici,
17:44par la qualité de nos universités, par l'exemple, par le contenu humaniste de nos universités qui est là depuis des centaines d'années,
17:52on a tous les ingrédients nécessaires à faire ce qu'il faut pour préparer les générations successives.
17:59Mais je ne pense pas qu'on y ait pris conscience de l'importance du sujet.
18:03Encore une fois, on a écrit ce livre parce que pour moi, j'entends encore dire mais l'IA, oui d'accord, mais est-ce que c'est rentable à court terme ?
18:13Peut-être pas toujours.
18:14Les entreprises ont fait d'ailleurs, on a tous fait des erreurs.
18:16Si les données ne sont pas gérées de manière équilibrée et cohérente et ce ne sont pas les bonnes données, on n'en tient pas les bonnes conséquences.
18:22Mais de penser que l'automation de la pensée et l'augmentation de la pensée et l'imitation de la pensée par la machine ne vont pas changer le monde,
18:31si l'Internet a changé le monde, l'IA changera l'humanité ?
18:37Oui, carrément.
18:38C'est le mot de la fin.
18:41Non, non, parce que Francis, tu dis qu'il faut un leadership politique en Europe pour qu'on y arrive, sinon on n'y arrivera pas.
18:48Mais au-delà du leadership politique, qui est évidemment indispensable, il y a aussi l'argent, les moyens.
18:54On est dans une escalade de centaines de milliards de dollars.
19:01Projet Stargate d'un côté, 90 milliards de dollars côté Macron.
19:05Est-ce que l'Europe peut trouver l'argent nécessaire pour être compétitivement ?
19:12Sûrement pas pour allier 500 milliards comme les États-Unis le font.
19:16Je ne suis pas sûr qu'à l'arrivée, ils mettront effectivement 500 milliards.
19:19Je pense que 500 milliards, sûrement pas.
19:21D'abord, on a vu avec DeepSeek et l'initiative chinoise qu'on peut faire moins cher.
19:26Même si les chiffres ne sont pas bons, quand ils disent 5 millions, mais si c'est 50 ou 100 millions, on est loin des milliards dont on parle.
19:33Donc, il y a quand même des alternatives.
19:35Et puis, par ailleurs, si tous les pays européens sont d'accord pour avancer d'une même voie, on peut sans aucun doute trouver de l'argent.
19:42Macron parlait hier de 100 milliards.
19:45Bon, c'est déjà des sommes.
19:46109 milliards à investir, rien qu'en France, le matin annoncé au Forum.
19:50Je pense qu'on peut trouver des solutions.
19:52Mais il faut effectivement, je reviens à ça, il faut que l'Europe arrive à avancer d'une même voie.
19:58Et donc, il y a un leadership européen qui enlève, qui emmène l'ensemble des autres pays.
20:05Aujourd'hui, on a 27 pays qui partent différemment.
20:10Je pense qu'on ne peut pas se dire comme c'est cher, on ne fait rien.
20:16Il faut qu'on ait la volonté de changer les choses.
20:20Il faut qu'on ait la volonté de revoir la réglementation européenne.
20:23Il faut qu'on ait la volonté de se poser des questions de compétitivité.
20:26Il faut qu'on ait la volonté de faire en sorte qu'on puisse créer des champions européens parce qu'on permet des fusions transfrançaises aréelles ou transsectorielles.
20:36C'est absolument nécessaire.
20:38Je pense que l'argent est un faux problème.
20:40Le problème, ce n'est pas l'argent, c'est la volonté.
20:43Et on parle beaucoup de la Chine, des États-Unis, de l'Europe.
20:47Est-ce que le monde arabe ou est-ce que l'argent du monde arabe, est-ce que ça peut leur permettre de se remettre dans l'échiquier mondial au travers de ce bouleversement technologique qu'est l'Iran ?
21:02Oui, je pense que oui.
21:04Et pour une raison qui est très simple, je vais à Dubaï, parce qu'on avait des activités de Google et parce qu'avant, je gérais d'autres entreprises qui avaient des activités là-bas.
21:14Ce qu'ils ont su faire, c'est avoir une vision de long terme.
21:18Ils ont su dépasser le pétrole, en particulier là-bas.
21:21Ils arrivent à regarder à demain et après-demain, il y a quoi faire.
21:26Après, l'Europe n'a de leçons de démocratie à prendre de personne.
21:31Mais savoir penser un peu à long terme, c'est important.
21:33Et si on est capable de regarder à demain ou après-demain, on arrivera à mieux prioriser, à donner importance aux choses qui le sont.
21:40Et en cela, le changement que la technologie comporte dans la gestion d'entreprise, que ça comporte dans la gestion de nos clients,
21:47ce que ça comporte dans l'accès à la connaissance, ce que ça comporte dans l'éducation, il devient difficile à nier.
21:53Ça devient une évidence.
21:54Si vous pensez à 5 ans et vous dites si ça évolue comme c'est le cas aujourd'hui,
21:58c'est une évidence que ne pas l'adopter ou le freiner nous mettra en position extrêmement difficile.
22:06Et peut-être dernière question, toi qui étais chez Google, qui est passé quand même un certain temps.
22:12Est-ce que tu as un avis ou une vision dans ces géants, les vainqueurs ?
22:20Toutes les semaines, on a des annonces, un coup de chat de GPT, un coup Gmini, un coup Matipsic maintenant.
22:28Est-ce que tu as l'impression quand même qu'il y en a qui sont beaucoup mieux armés que d'autres ?
22:33Évidemment, on parle d'Elon Musk également avec ses projets.
22:37Je pense que la taille aide.
22:39Et quand on rejoint une certaine taille et les moyens d'investir, ça aide au futur.
22:44Ce qu'on disait toujours chez Google, c'est qu'on n'a pas le droit de rater deux virages.
22:48Si on rate deux virages consécutifs, on est dehors.
22:50Mais quand ils arrivent à cette taille-là, c'est difficile de voir ces géants-là disparaître.
22:55Microsoft en 2014, en 2013, que pensait-on de Microsoft ?
23:00Qu'est-ce qu'on en pense aujourd'hui, dix ans après ?
23:01L'évolution que Microsoft a faite sous Satya Nadella est absolument impressionnante.
23:06Bon, Musk, je ne sais pas, parce qu'il dit une chose et puis le contraire le jour après.
23:09Donc, Musk, je n'arrive plus à distinguer l'homme politique de l'homme d'industrie, donc je n'aurai pas de jugement.
23:18Je pense qu'il est vraiment important de dire oui, ces gens-là ont une taille et vont continuer,
23:24mais de penser qu'on peut toujours créer une alternative.
23:28Ces boîtes sont nées extrêmement rapidement.
23:30C'est vrai que le marché américain aide à faire ça, mais Google est devenue grande en cinq, six ans.
23:36Facebook, n'en parlons pas, ça a été quoi, quatre ans avant qu'elle devienne fondamentale ?
23:40Donc, je pense qu'on peut toujours développer des nouvelles choses et créer des nouvelles entreprises qui prendront de la taille,
23:46mais qu'il faut qu'on apprenne à penser un peu plus global qu'on pense en Europe et que...
23:51Et qu'elles sont suffisamment riches pour éviter de rater de virages.
23:54Enfin, elles ne sont pas ratées de virages.
23:56Après, lequel des deux peut y avoir ?
23:57Peut-être un des grands qui peut y avoir, mais je ne vois pas comment les gars femmes disparaîtraient demain matin.
24:05Je n'exclus pas que certains puissent avoir une sortie de route définitive.
24:11N'oublions jamais, il y a où ?
24:15Ça peut toujours arriver.
24:17Au OL, bien sûr.
24:20Donc, moi, je ne suis pas aussi catégorique.
24:23Je suis sûr que Google, avec les réserves qu'ils ont, les initiatives, les volants de cerveau qui travaillent,
24:32n'ont pas de risque.
24:34Microsoft non plus.
24:35Mais quand même, au départ, Meta, c'est parti d'étudier dans un garage, comme Google Admin.
24:44Ça peut toujours arriver.
24:46Et je ne suis pas aussi sûr de leur survie éternelle.
24:49Mais la survie éternelle, personne ne peut la garantir.
24:51Mais il y a un élément de mentalité qui est important.
24:54Quand j'y étais, on en parle d'ailleurs dans le livre, on ne faisait pas des business plans à 5 ans en essayant de calculer les coûts et les revenus de deux côtés.
25:02On réfléchissait, quels problèmes tu résous en faisant quelque chose et quelles sont les technologies de base.
25:07Dans le livre, on en parle, on raconte l'évolution du cloud.
25:10On raconte l'évolution de l'e-commerce.
25:12On raconte l'évolution du stockage.
25:13On raconte la fameuse loi de Moore qui dit que tous les deux ans, le coût de stockage va diminuer de moitié.
25:19Comprendre quelles sont les grandes tendances permet d'essayer de prévoir le futur et de se défendre.
25:23Et là où ils sont bons, et il faut le reconnaître dans ces grosses boîtes américaines,
25:28c'est que les deux ou trois tendances qui font le futur, qui ont été la mobilité, le coût de gestion de l'information,
25:35l'importance du cloud et de ce que ça va faire, ils l'ont compris.
25:40Et ensuite, ils n'essaient pas de dessiner un futur.
25:43Mais comme on le disait au début, la première phrase que tu as dit Sébastien, c'était,
25:48ils lancent par rapport à ces technologies et puis après, ils s'adaptent.
25:52C'est le capacité de s'adapter qui fait qu'ils meurent plus difficilement.
25:54Après, est-ce que demain, un régulateur interviendra et dira, ils sont trop gros ?
25:59On a entendu ça aux Etats-Unis, puis maintenant avec Trump, paraît-il, ça change complètement.
26:03Mais est-ce qu'ils énerveront trop la société pour qu'on dira, on ne peut pas supporter leur taille et on fait quelque chose ?
26:09C'est difficile à prévoir.
26:10Et Francis, peut-être pour conclure, vous êtes rencontré sur la négociation des droits voisins.
26:16Vraisemblablement, il va falloir repartir négocier avec ces grandes plateformes d'intelligence artificielle.
26:25Certains ont fait des accords dans leur coin.
26:28Les grands groupes de presse ont commencé.
26:30Est-ce qu'un ou moins ?
26:33Comment tu vois la suite de cette reprise de négociation ?
26:39Est-ce que tu crois que tout le monde va continuer à y aller en dispersé ?
26:43Je pense que les autres éditeurs ont plutôt envie d'y aller tous ensemble.
26:46Mais je pense que les discussions seront beaucoup plus compliquées,
26:49parce qu'à l'époque où on était face à face, au bout d'un certain temps, Google a compris l'intérêt qu'il avait à négocier.
26:56Aujourd'hui, je pense que, de par Trump et leur idéologie, si je peux dire,
27:02ils n'ont absolument aucune envie de négocier avec quiconque.
27:06Ils ont un mépris complet pour les médias.
27:09Mais ils l'ont fait avec le New York Times ou avec Schrödinger.
27:12Donc ça a été à chaque fois des accords individuels.
27:15Oui, oui, oui.
27:17Donc seul le plus gros...
27:18Je suis pas sûr que le New York Times ait eu un accord.
27:20Il y a un accord avec Schrödinger, il y a un accord avec un éditeur français.
27:24Mais avoir, comme on l'avait eu avec Carlo, un accord sur l'ensemble d'une famille,
27:32je pense que nos interlocuteurs GAFA n'ont aucune envie de ce genre de choses.
27:38Ils sont poussés par un pouvoir politique qui considère que ça ne sert à rien.
27:42Tu es d'accord ?
27:45Oui, je pense qu'en ce moment, c'est difficile.
27:46Mais je pense aussi qu'il faut qu'on passe plus de temps en tant que médias
27:51ou en tant qu'Européens ou en tant qu'Européennes et Américaines
27:54à chercher nos propres solutions.
27:58On ne peut pas attendre que ça vienne de la générosité supposée de ces plateformes.
28:03Il faut qu'on cherche nos propres solutions.
28:06Et peut-être qu'on peut déplacer la bataille sur le partage des données,
28:09sur le partage de certaines infrastructures, plutôt que sur de l'argent directement.
28:14Merci à tous les deux d'être venus ce matin dans l'Influencer Café.
28:17C'est passionnant. Je rappelle le titre du livre,
28:20« L'humanité face à l'IA, le combat du siècle »,
28:23écrit par Carlo D'Assario Biondo et Francis Morel.
28:26Mais rappelez-nous qu'on termine par la phrase de Paolo Neoda,
28:30« Le printemps est inexorable ».
28:31Ce qui veut dire qu'on pense quand même qu'on va démunir sur quelque chose de positif.
28:35Le livre a quand même une part d'optimisme.
28:38Il a une part d'optimisme extrêmement forte.
28:40Je vais le rappeler.
28:41Il a une part d'optimisme extrêmement forte.
28:43Donc le livre chez Calman Levy, disponible partout.
28:47Et c'était bien dans ce débat sur l'IA, ce sommet de l'IA au Grand Palais,
28:54de vous accueillir ce matin.
28:55Merci mille fois à vous deux.
28:57Merci de votre invitation.
28:58Merci.
29:05Merci.