En 2021, 7 millions de Français bénéficiaient d’une aide alimentaire, soit une augmentation de 180 % par rapport à 2009. Pour y remédier, l’association Le Chaînon Manquant agit en redistribuant des surplus alimentaires frais à d’autres associations de solidarité.
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00:00Smart Cause, c'est une rubrique que l'on vous propose tous les mois en partenariat avec DIFT pour mettre en avant une association et aujourd'hui c'est le
00:11Chainon Manquant. Bonjour Valérie de Margerie. Bonjour. Bienvenue, vous êtes la cofondatrice, la présidente du Chainon Manquant. Clara Pigé, bonjour.
00:18Bienvenue à vous aussi, cofondatrice et responsable des opérations de DIFT. Valérie de Margerie, présentez-nous cette association, le Chainon Manquant.
00:27Quelle est votre cause ? Alors le Chainon Manquant, nous avons créé le Chainon Manquant il y a un peu plus de 10 ans avec une mission simple, sauver des surplus alimentaires
00:36frais de qualité et les redistribuer immédiatement aux associations de solidarité qui en ont besoin. Donc notre cause, en 2014, on va peut-être partir de là,
00:46on parlait de 6 millions de personnes en insécurité alimentaire, c'est un chiffre qui n'a cessé d'augmenter depuis, de manière catastrophique d'ailleurs.
00:54Oui, j'ai vu 10 millions de personnes. C'est ça, voilà, 10 millions de personnes aujourd'hui, un français sur trois qui disent privés de nourriture. Et puis en parallèle, on commençait à parler
01:04du gaspillage alimentaire, de son ampleur, à savoir en France 10 millions de tonnes de nourriture gaspillée chaque année, malgré l'impact environnemental de leur production.
01:14Voilà, donc des estomacs vides d'un côté, des poubelles pleines de l'autre, ça n'a aucun sens. Et c'est pour ça qu'on a créé le Chainon Manquant, en nous concentrant
01:22sur ce qu'il manquait le plus à l'aide alimentaire, c'est des produits frais variés de qualité.
01:26Et alors combien de tonnes de produits vous avez sauvés en 10 ans ?
01:30Ah, c'est une bonne question. Un peu plus de 2,8 millions de repas. Donc, eh bien, ça fait combien de...
01:39Ça doit faire beaucoup de tonnes de denrées alimentaires. Je veux bien que vous nous présentiez DIFT en quelques mots, même si, voilà, l'entreprise a déjà participé,
01:50évidemment, et nous a déjà présenté d'autres associations que vous accompagnez.
01:53Avec plaisir. Donc, DIFT, déjà, c'est le nouveau nom de Captain Cause, qui a changé de nom il y a quelques mois. C'est une société à mission qu'on a structurée
02:01avec un objectif, celui de lever des fonds pour des associations et leur donner de la visibilité. Et donc, concrètement, on a développé un logiciel et une plateforme
02:12qui permet aux entreprises de développer leur générosité et d'impliquer leurs clients, leurs collaborateurs, leur communauté dans le choix des causes qui sont financées.
02:20Ça permet de donner de la visibilité à toutes ces initiatives. Donc, ce sont des entreprises qui mobilisent quoi ? Leurs collaborateurs, leurs salariés pour donner, d'une certaine façon ?
02:29C'est essentiellement leurs clients qui sont mobilisés. Donc, on a des entreprises qui ont des grands programmes de fidélité, qui proposent de transformer des points
02:36qui ont été accumulés en consommant en dons à des assos, par exemple, ou bien qui, à Noël ou pour les anniversaires des clients, leur offrent un DIFT,
02:43donc un don-cadeau qui sera fléché à une association. — Et ces enjeux de précarité alimentaire, il y a beaucoup d'entreprises qui y sont sensibles, qui s'y associent, d'une certaine façon ?
02:54— C'est un sujet qui est très bien compris et entendu par les entreprises. Donc elles se lancent dans l'aventure de soutenir ces associations. L'année dernière, il y avait eu
03:03des grands appels qui avaient été faits notamment par les Restos du Cœur autour des sujets de précarité alimentaire. Disons que c'est un sujet qui existe dans le quotidien des gens
03:12et qui peut pas être ignoré par les entreprises. Donc elles se lancent dans l'aventure. Alors il y a eu des façons assez simples de commencer leur engagement en donnant,
03:21par exemple, des invendus. Donc Valérie me disait tout à l'heure que le point d'entrée du chêneau manquant des entreprises, c'était les restaurants d'entreprise.
03:28Et maintenant, ce qu'il faut développer, c'est le financement des associations, leur fonctionnement, leur développement et le fait qu'elles grandissent.
03:36— Vous nous disiez, le chêneau manquant a été créé il y a 10 ans, les Restos du Cœur. Ça fait beaucoup plus longtemps. Qu'est-ce que vous apportez de plus ?
03:43C'est-à-dire où est-ce que vous vous êtes dit « Mais là, il y a vraiment un trou dans la raquette » ?
03:47— Oui, la réactivité, en fait, sur ces produits frais, fragiles, rapidement périssables. Ça peut être des repas préparés ou des produits bruts. Mais en fait,
03:55ce sont des produits à cuisiner ou à consommer dans les 2 jours, voire même aujourd'hui. Donc on est des champions de la réactivité.
04:03— Je vous explique un peu comment ça marche. — Allez-y, oui. Allez-y. — Oui. Chaque jour, on a des équipes de bénévoles mobiles qui collectent des surplus
04:08frais de qualité auprès des professionnels, les restaurants d'entreprise, l'événementiel, l'abo de production. Et puis on les redistribue dans la foulée,
04:15dans les 2 heures, aux associations qui en ont le plus besoin. — Est-ce que vous travaillez aussi avec les supermarchés, avec la grande distribution ?
04:22— Oui. Après, je dirais que c'est pas... On a innové sur d'autres secteurs. Là-dessus, il y a beaucoup d'acteurs.
04:27— Parce que la loi AGEC a quand même changé la donne. Il y a une obligation pour les supermarchés de ne plus jeter, de ne plus détruire leurs invendus.
04:36Est-ce que ça vous a obligé... Alors vous avez un peu répondu à la question, mais à organiser une collecte différente, supplémentaire ?
04:45Parce que d'un seul coup, il y a peut-être plus de nourriture qui est arrivée sur ce marché ou qu'on a eu la capacité de donner, de redistribuer.
04:54— On a grandi avec ces lois, nous. Parce qu'en fait, voilà, la première loi Garos, c'est 2015. Donc on a accompagné tout ce mouvement.
05:01Et simplement, nous, on s'est engagés sur le secteur principalement de l'événementiel, de la restauration collective,
05:07puisqu'on a vraiment cette recherche de produits un peu différents auxquels les associations n'ont pas accès. Et on a pensé tout notre dispositif comme ça.
05:15Voilà. Et après, ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'on a des plannings de collecte de base pour mobiliser des équipes.
05:23Et puis ensuite, on a des demandes de collecte urgentes qui arrivent tous les jours. Et c'est tout le défi quotidien de notre équipe de les intégrer sur les circuits en cours.
05:31— Et avec quelles associations vous travaillez ? Vous êtes l'association des associations, en quelque sorte ? — Oui. On est un peu aidant des aidants sur la solidarité alimentaire, absolument.
05:39On travaille avec une grande diversité d'associations. Et justement, on va flécher les produits en fonction des associations.
05:45Donc si on a des fruits et légumes bruts à cuisiner, macérates dans des restaurants solidaires, si on a des grands plats collectifs à partager au centre d'hébergement
05:52ou des sandwiches et des salades aux distributions étudiantes, par exemple. — Clare Pigé, est-ce qu'il y a d'autres projets, d'autres associations que les entreprises
06:01peuvent ou veulent accompagner sur ces thématiques de lutte contre la précarité alimentaire ? — Sur la précarité alimentaire, oui, j'en ai 2 en tête, notamment.
06:09On travaille avec Hop-Up Food, qui est une association qui pourrait être comparée au Chez nos manquants, puisqu'ils mettent aussi en place une interface
06:17entre les personnes qui ont des invendus, plutôt des épiceries et des magasins généraux, quoi, et des personnes qui sont en situation de précarité
06:28et qui voudraient aller chercher des paniers d'invendus gratuitement auprès de ces magasins. Donc c'est vraiment une application digitale et du direct
06:36aux bénéficiaires. Et on travaille aussi, par exemple, avec Copain. Valérie mentionnait à l'instant les aides pour les étudiants qui, eux, font la distribution.
06:46Donc eux, c'est plutôt des bénéficiaires du Chez nos manquants et le bout de la chaîne. — Oui. Est-ce qu'il y a des enjeux de traçabilité, de sécurité alimentaire ?
06:54J'imagine que oui. — Bien sûr. Oui, oui, oui. C'est un sujet compliqué. — Qui est responsable, quoi, du produit ? — Il y a pas mal d'enjeux sur ce sujet.
07:01Il y a également la garantie de la chaîne du froid. Donc nous, on travaille en camionnette réfrigérée. Voilà. Et puis...
07:06— Ça veut dire qu'à partir du moment où vous récupérez les produits, c'est vous qui devenez responsable ? — Oui, absolument. On en est propriétaire.
07:14— Et jusqu'à ce que vous les livriez aux associations et elles deviennent responsables à ce moment-là ? — Elles deviennent responsables à ce moment-là.
07:20Chacun est responsable de la partie de la chaîne alimentaire qu'il maîtrise. — Oui. Est-ce que c'était l'argument donné par certains pour jeter, avant les lois ?
07:29Vous voyez ce que je veux dire ? — Oui, oui. Il y avait une grande peur. Les premières années, le sujet, c'était d'être crédible.
07:35Donc c'est pour ça qu'on a travaillé tout de suite avec des grands noms. Notre première action en terrain, c'était Roland Garros. Donc voilà.
07:40Donc c'était important, en fait, de rentrer avec des grands qui allaient justement... — Ça rassure les autres, après. — ...dégager de crédibilité.
07:45— Oui, effectivement. Vos bénéficiaires directs, vous disiez... On est malheureusement autour de 10 millions de personnes qui sont en précarité alimentaire.
07:55Comment on la définit, c'est quoi ? C'est quand on est obligé de sauter un repas par jour. C'est quoi le critère ?
08:01— Oui. Alors je vais vous dire là-dessus. Je vais pas vous répondre clairement, parce qu'en fait, effectivement, il y a l'insécurité alimentaire,
08:08la précarité alimentaire. En fait, il y a tout un panel un peu de difficultés de se nourrir. Mais effectivement, aujourd'hui, on voit énormément de personnes
08:15qui sautent des repas. Ça, c'est assez récent. Alors qu'avant, on allait plutôt dire on répond pas à ces besoins nutritionnels.
08:22Aujourd'hui, on parle de faim en France. C'est assez nouveau. — Oui. Avec une population jeune qui est notamment concernée, Clara Pigé ?
08:31— Les populations qui sont sensibles à toutes ces précarités, c'est souvent les mêmes, malheureusement. Quand on parle précarité logement,
08:37précarité alimentaire, ça va être beaucoup les jeunes, donc les étudiants, jeunes actifs qui ne gagnent pas assez bien leur vie pour pouvoir
08:46subvenir à leurs besoins. Les familles monoparentales. Donc là, les femmes sont particulièrement touchées. Donc voilà, c'est des publics qui
08:54cumulent les sensibilités et aussi les difficultés. — Et les fragilités. — Les fragilités. Donc oui, c'est des publics qu'on retrouve chez beaucoup
09:03d'associations et parmi les bénéficiaires de beaucoup d'assos qu'on accompagne. — Oui. Est-ce que vous, vous voyez de plus en plus de jeunes
09:09dans cette situation d'insécurité ou de précarité alimentaire ? Il y a eu la période Covid qui a servi un peu de révélateur.
09:15— Oui, bien sûr. Mais effectivement, en fait, il y a vraiment tout un panel de populations différentes. Donc les étudiants, bien sûr,
09:22depuis le Covid, c'est flagrant. En fait, nous, toutes les associations qu'on aide, elles nous disent « Vous faites pas assez ». On est vraiment
09:28face à un effet ciseau avec des surplus quand même qui diminuent globalement parce qu'on progresse sur ces sujets-là. Et par contre, des besoins qui
09:36explosent parce que la précarité explose. Et donc c'est autant les étudiants – et c'est dramatique, bien sûr – mais effectivement, des mamans
09:43qui ne vont pas manger pour pouvoir nourrir leurs enfants. Voilà, c'est vraiment tout un panel.
09:49— Je voudrais qu'on parle des Jeux olympiques parce que vous avez été directement impliqué. Voilà, ça a été un immense succès collectif, populaire.
09:59Peut-être aussi un moment de fierté nationale. On n'en a pas tant que ça. Donc on peut se le rappeler. Mais il y avait quand même cet enjeu de gâchis,
10:07de gaspillage alimentaire. Je sais pas. Là aussi, vous avez peut-être pas le chiffre. Mais j'imagine des tonnes de nourriture qui n'étaient pas
10:12forcément consommées et qu'il fallait récupérer. — Tout à fait. Alors là, je peux vous dire qu'on a collecté... Parce que c'est
10:18plus frais. 42 tonnes de nourriture liées au site olympique. Donc ça fait 80 000 repas frais distribués juste sur cet événement olympique et paralympique.
10:31Voilà. Ça a été aussi une belle visibilité pour nos enjeux aux yeux du monde entier. Ça, c'est quand même très fort. Et puis on a eu une centaine
10:41de bénévoles mobilisés chaque jour des levées du soleil sur ces sites. C'est des souvenirs pour la vie. Et même pour moi, qui ai porté la flamme olympique.
10:50— Ah bah oui. Évidemment, ça marque une vie. Et justement, tiens, sur le bénévolat ou les retours des entreprises, des salariés,
10:59quel retour vous avez des entreprises, des salariés qui aident chez nos manquants ? Mais on peut élargir évidemment la question.
11:07— C'est un sujet qui s'est beaucoup développé, l'engagement des équipes par le bénévolat ou par le don de temps dans les entreprises.
11:15Il y a des très beaux acteurs qui se sont développés sur le sujet pour mettre en relation les entreprises qui se disaient
11:20« Tiens, j'ai des sujets de gestion de fin de carrière » ou alors pour mes très juniors de les libérer un jour par mois, 2-3 jours par an pour leur permettre de faire ça.
11:30— Est-ce que ça fait naître parfois des vocations ? C'est-à-dire le fait d'avoir participé ou que son entreprise participe à une cause fait que des gens se disent
11:38« Ah bah tiens, je vais devenir bénévole pour cette association ». — Je suis pas la mieux placée pour y répondre, parce qu'on n'est pas sur le terrain
11:45à regarder ça tous les jours. Mais j'ai l'impression que c'est quand même plutôt des gens qui sont – Valérie complètera peut-être mieux que moi –
11:50qui sont engagés à l'origine et qui ont envie de se libérer de ce temps. C'est eux qui ont été très demandeurs à l'origine que leurs employeurs
11:57mettent ça en place. Maintenant, j'imagine qu'il y a des occasions avec les JO, par exemple, qui ont peut-être fait naître des vocations, parce qu'on se dit
12:04« C'est aussi un moment sympa pour s'engager ». Et ensuite, on découvre une cause et le fait qu'elle est là toute l'année et que...
12:09— Alors pour les JO, c'est sûr. Ça a été un tournant dans l'association. Aujourd'hui, on a plein de bénévoles et pas assez de missions pour les occuper.
12:17Donc vraiment, ça a été un tournant. Mais par rapport aux entreprises, effectivement, les programmes d'engagement collaborateurs font souvent découvrir
12:24l'association aux gens. Et c'est peut-être une petite partie. Mais du coup, pour nous, c'est beaucoup de monde, finalement, qui revient ensuite s'engager
12:33dans l'association, le week-end, par exemple. Donc effectivement, oui, c'est un bon canal de découverte pour nous.
12:39— Des ambassadeurs auprès de la fondation et des personnes qui choisissent où vont les fonds aussi.
12:43— Merci beaucoup. Merci à toutes les deux. Et à bientôt sur BeSmart for Change. On passe tout de suite à notre rubrique prête pour l'impact.