Lors de l’Appel Pour l’Égalité du Think & Do Tank Marie Claire, à l’Hôtel de Lassay, à l’Assemblée nationale, Marie-Pierre Rixain, Députée de l’Essonne, a tenu une keynote essentielle sur les violences économiques subies par les femmes. Elle met en lumière les mécanismes de ces inégalités financières, leur impact sur l’autonomie des femmes et les mesures nécessaires pour garantir une véritable indépendance économique.
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00:00Et pour terminer cette grande première partie dédiée aux femmes dans les métiers d'avenir,
00:15j'invite Marie-Pierre Rixin à revenir sur scène pour nous parler des liens qui existent
00:21entre métiers d'avenir et violences économiques. On peut l'accueillir, merci.
00:30Alors d'abord, merci encore à Marie-Claire et au Think Tank Agir pour l'égalité de
00:41nous avoir réunis et surtout vraiment de mettre le focus sur des problématiques qui
00:45sont centrales dans le parcours de n'importe quelle femme. Je pense que n'importe quelle
00:51femme à un moment donné va se retrouver aujourd'hui au cœur malheureusement d'une
00:56des problématiques qui auront été évoquées. Alors moi je souhaiterais commencer par vous
01:00faire part d'une petite anecdote. Il y a un an, je rentre du travail, je demande à mon
01:08fils de 15 ans s'il a bien fait son exposé d'anglais qu'il devait faire. Je dis bien
01:16évidemment on est allé chez Joanne, on a travaillé, mais tu sais de toute façon l'exposé
01:21il a été vite fait parce que Joanne a un nouveau truc, c'est génial, ça s'appelle
01:25ChatGPT. Je peux te le lire, ça a été hyper efficace, je peux vous dire c'était notamment
01:30sur les dents de la mer et donc en effet l'exposé hyper bien fait. Moi je n'en revenais pas,
01:36très bien. Tout ça pour vous dire qu'en 2024, on a tous, en tout cas ici, peut-être
01:42que certains avaient déjà été réveillés par ChatGPT avant 2024, en tout cas moi j'ai
01:46été réveillée début janvier par ChatGPT un soir et donc pour vous dire que 2024 ça
01:53a été l'année où tout le monde s'est réveillé avec l'IA et je crois que 2025 ça va être
02:00non plus la question de savoir si l'IA est là, comment l'IA va arriver, s'il y a des
02:03biais dans l'IA. L'IA est là et donc c'est une année où je crois nous avons à travailler
02:09sur nos droits, sur nos droits, sur une digitalisation qui soit responsable, qui soit inclusive
02:17et pour cela et bien il va falloir en finir avec la tyrannie de ce que l'on appelle les
02:24tech bro. Les tech bro c'est qui ? Ce sont ces fameux brothers de la tech, de la Silicon
02:34Valley qui ont développé ce que l'on appelle le bro code et qui sont en train et bien de
02:41le mettre plus que jamais en avant et on l'a vu malheureusement effectivement avec les
02:45déclarations de la semaine, du week-end dernier sur cette énergie masculine que certains
02:51veulent encore davantage développer. Or en fait la réalité c'est que la tech plus que
02:57jamais n'arrive pas à recruter, n'arrive pas à retenir des femmes en raison de sexisme,
03:03de violences sexuelles, de ces masculinités toxiques, de dédains également pour l'altérité
03:08dont je parlais tout à l'heure qui sont le lot donc de ce bro code. Ayons en tête quand
03:12même qu'en 2022, donc c'était il y a deux ans et demi, donc c'est à dire que généralement
03:18ce qui se passe aux Etats-Unis arrive par vague en Europe, donc on va se dire qu'on
03:22n'est pas très très loin de ce qui s'est passé aux Etats-Unis en 2022, 70% des personnes
03:28licenciées dans le secteur de la tech ont été des femmes. Donc je crois qu'on a une
03:35vigilance, là on est en train de se dire à quel point les femmes ont une place dans
03:39les métiers d'avenir. Le sujet c'est en effet de se demander si on ne va pas avoir
03:43un recul, un recul en arrière et il faut qu'on soit particulièrement attentif parce
03:49qu'effectivement ces seigneurs algorithmiques, j'ai envie de les appeler comme ça, peuvent
03:55faire vaciller notre monde mais je crois aujourd'hui qu'il y a face à eux aussi une
04:01demande sociale, des besoins qui sont là et la big tech eh bien ne peut pas uniquement
04:07proposer des solutions qui soient vides de sens et sinon effectivement la demande sociale
04:13va se détourner de leur besoin. Or la réalité c'est quoi ? C'est qu'en France sur 87 secteurs
04:20professionnels seulement 18 sont mixtes. Les femmes, la moitié des femmes actives
04:26se concentrent sur 10 de ces 87 secteurs. On a donc un gender gap qui est vraiment considérable
04:34et cela a été raté mais je voudrais quand même rappeler quelques chiffres. Donc à
04:37l'échelle mondiale si on avait une pleine parité dans les 87 secteurs professionnels
04:45à l'échelle mondiale ce serait 2100 milliards de dollars de PIB annuel, pardon 28 milliards
04:52à l'échelle mondiale, 2100 à l'échelle européenne et 330 milliards à l'échelle
04:57de la France. Donc lorsqu'on parle de budget contraint et de finances publiques contraintes
05:03on peut aussi avoir en tête ces éléments financiers. Et puis revenir à une autre réalité
05:09qui est qu'en France, et Tatiana l'a largement rappelé, une entreprise sur quatre travaille
05:18sur ces produits technologiques avec seulement des hommes. Aujourd'hui on a tous dans nos
05:23téléphones portables des applications Blabla Car, Lydia, Back Market etc. qui n'ont été
05:31développées que par des hommes. Donc concrètement on a aujourd'hui une réalité, une vie
05:39quotidienne qui a été menée par des hommes. Donc le sujet n'est pas de se demander s'il
05:44va y avoir des biais sexistes dans les arts, s'il va y avoir des biais sexistes dans la
05:47tech. En fait les biais existent maintenant. Et donc le sujet c'est de savoir comment on
05:53va à la fois à travers le droit mais également à travers nos pratiques et bien agir en prenant
06:00le taureau par les cornes et en revoyant un certain nombre de ces codes. Face à la pression
06:06de tradition millénaire, nous devons chaque jour faire preuve d'entêtement, de ténacité,
06:10de patience pour changer les comportements et mener à terme les réformes qui vont progressivement
06:15changer les rôles de chacun. C'est une déclaration d'Olaf Palmeux, Premier ministre suédois
06:20dans les années 70 à Washington, juste avant qu'il prenne les différentes dispositions
06:26qui ont été au cœur des changements sociétaux suédois à travers les politiques publiques
06:30qui ont été mises en place en Suède et qui ont permis justement, notamment à cette
06:34économie, de pouvoir aussi surmonter les difficultés démographiques qui étaient
06:38les siennes. Donc un certain nombre de blocages constitutifs de notre organisation contraint
06:42encore la marge de manœuvre économique des femmes avec des cascades, avec des conséquences
06:47en cascade, nous en avons parlé tout à l'heure. Et donc il y a toute une citoyenneté économique,
06:54puisque nous sommes à l'Assemblée nationale, qu'il faut développer et qu'il faut cranter.
06:58Il y a une multitude de droits économiques qui n'étaient pas, et qui n'étaient pas en tout
07:04cas pensés et même mis au cœur en tout cas du dispositif législatif, que effectivement
07:12moi j'ai choisi de mettre au cœur de notre législation à travers un continuum considérant
07:20que le pouvoir économique des femmes, que la place des femmes dans l'économie, c'est un
07:26continuum qui va à la fois de la place des femmes, notamment de celles qui reculent sur
07:33le marché du travail, qui veulent revenir sur le marché du travail, sur l'accompagnement des
07:37violences économiques, sur la parité dans les filières d'orientation, je crois qu'on en a
07:41suffisamment parlé ce matin, sur des quotas en effet dans les COMEX et les CODIR, sur également
07:46les principes d'égal conditionnalité appliqués à BPI France, sur des quotas dans les comités
07:53d'investissement y compris sur les fonds d'investissement, sur l'impôt comme étant un
07:57levier d'égalité économique, sur les inégalités économiques liées au divorce, et on pourrait
08:02parler de patrimoine et on pourrait développer encore un certain nombre de ces dispositions.
08:07Donc tout ça pour vous dire que les femmes sont des sujets économiques évidemment, que l'entité,
08:14que l'entièreté des femmes comme du statut économique des femmes a jusqu'à présent été
08:19passée sous silence et qu'il faut aujourd'hui le mettre au coeur du débat. Et dire aussi que la
08:28place des femmes dans les métiers d'avenir, c'est aussi une force de changement également sur des
08:35enjeux qui sont au coeur de nos problématiques actuelles. Par exemple la protection de
08:39l'environnement. Donc l'idée n'étant pas d'essentialiser les femmes, en se disant qu'elles
08:44ont une attention portée davantage à la protection de la
08:49planète, mais de se dire qu'en fait les entreprises qui véritablement mettent au coeur de leurs
08:53problématiques la place des femmes dans leurs instants de direction ou dans la chaîne de
08:58direction des entreprises, ce sont des entreprises qui doivent revoir un certain nombre de codes
09:03de manière très approfondie. Cela a été dit, c'est difficile, ce n'est pas un chemin simple.
09:11Et donc les entreprises qui sont bien plus performantes sur la féminisation de leurs
09:16instants de direction sont également plus performantes en matière d'émissions carbone.
09:21Il suffit par exemple de regarder le low carbon 100 qui est un indice opéré par Euronext qui
09:27agrège les 100 sociétés européennes les plus vertueuses en matière d'émissions carbone. Lorsqu'on
09:32regarde leur taux de féminisation, celles qui sont les plus performantes en matière d'émissions
09:36carbone sont également les plus vertueuses en matière de féminisation. Donc il y a
09:42évidemment un lien. Et évidemment l'autonomie économique est intrinsèque à l'émancipation des
09:48individus. Il y a une continuité, un continuum comme je le disais tout à l'heure. Or pendant
09:54des siècles, les femmes ont été tenues à l'écart de la sphère financière et évidemment nous en
09:59payons le tribut aujourd'hui. L'argent des femmes ne doit plus être un tabou, il suffit de reprendre
10:04y compris l'iconographie de l'art du 15e, du 16e, du 17e siècle. On voit à quel point sur certains
10:14tableaux qui parlent d'argent, les femmes en sont exclues. Or les violences économiques sont
10:21évidemment aussi au cœur de ces mécanismes d'invisibilité de l'argent des femmes. Les
10:33violences économiques, vous le savez, sont une forme de violence conjugale qui sont à la fois
10:37des manifestations quotidiennes, visibles, sourdes et il faut bien le dire, des phénomènes encore
10:44trop peu étudiés. Quelles que soient les formes, les nuances, la gradation, la gravité de ces
10:49violences, elles sont toutes en commun d'être révélatrices évidemment d'une emprise économique
10:55exercée par un conjoint sur son ou sa partenaire. Il peut s'agir de remarques sur la nature ou le
11:02montant des dépenses effectuées, jusqu'à des choix d'orientation professionnelle, jusqu'au refus
11:07d'accès à des moyens de paiement. Ces violences visent à réduire voire à annuler l'autonomie des
11:13femmes pour mener évidemment jusqu'à des situations le plus souvent tragiques et elles visent
11:19précisément cette indépendance économique. Et je parle ici devant des entreprises qui
11:25évidemment ont un rôle crucial dans la préservation de ces violences économiques parce que je le dis
11:29souvent, votre rôle aussi en tant qu'employeur, c'est de vous assurer que ces femmes qui sont
11:34victimes de violences ne perdent pas pied sur un plan économique parce que précisément c'est
11:39ce que veulent leurs agresseurs. Alors nous le savons, ces violences sont évidemment le
11:45résultat de, comme je le disais, de siècles d'infériorisation des femmes dans le domaine
11:50économique, des femmes qui étaient souvent cantonnées à leur foyer, à l'éducation des
11:55enfants et évidemment nous sommes en 2025 et donc il y a 40 ans a été voté ici à l'Assemblée
12:02nationale une loi qui est majeure en France et la France d'ailleurs a été plus en avance
12:09notamment sur les pays anglo-saxons et je pense aux Etats-Unis. La loi donc du 13 juillet 1965
12:15qui permet donc aux femmes notamment de pouvoir travailler sans l'autorisation de leur mari et de
12:20pouvoir ouvrir un compte en banque sans l'autorisation de leur mari. Sauf que moi je
12:25me suis rendu compte en travaillant sur mon texte que eh bien c'était une faculté, c'est-à-dire qu'on
12:30pouvait verser à une femme son salaire sur un compte en effet pour lequel elle n'avait pas
12:36demandé l'autorisation de son conjoint mais que ce n'était pas une obligation, que ce
12:41salaire pouvait être encore versé sur un compte en banque d'un tiers et que même les allocations
12:49sociales individuelles pouvaient être versées sur un compte tiers donc évidemment avec des
12:54captations de revenus notamment lorsqu'il y a des violences économiques. Donc la loi du 24 décembre
12:592021 effectivement renforce le dispositif qui vise à accompagner les victimes de
13:04violences économiques donc elle affirme notamment un droit nouveau pour les victimes de violences
13:09économiques qui peuvent désormais se prévaloir de ce droit devant le juge. Il y a donc en effet
13:15maintenant l'obligation de verser le salaire et les allocations sociales individuelles sur un compte
13:20dont la personne est titulaire ou co-titulaire et il y a également la possibilité d'avoir un droit
13:27au compte. C'est une disposition sur laquelle j'ai travaillé avec la Banque de France qui permet à
13:33des femmes malgré le fait d'avoir un conjoint de pouvoir ouvrir un compte individuel et donc
13:38de pouvoir être protégées lorsqu'il y a des violences économiques. Ce que je souhaiterais
13:45également vous dire c'est que en fait l'entité, l'entièreté de ces violences conjugales ce sont
13:53des petits cailloux cela a été dit notamment par Aurore Berger tout à l'heure et c'est important
13:57de se dire que chacune et chacun a un rôle à jouer. Encore une fois les entreprises, évidemment
14:02les associations jouent leur rôle, j'en vois là évidemment de fondamentale. Je pense évidemment aux
14:08maisons des femmes qui ont été développées par Ada Athene qui est là et qui nous entend et qui
14:13travaille évidemment aussi sur l'émancipation économique. Donc on a toutes et tous un rôle à
14:18jouer. Aujourd'hui les droits économiques des femmes nous ne sommes qu'au début de l'histoire.
14:23Je pense que nous avons malheureusement encore beaucoup de droits à construire qu'il s'agisse
14:28sur un plan fiscal, sur un plan patrimonial, sur un plan économique mais il est en tête que
14:33ce qui a été franchi en 2020 et 2021 peut très vite être redéconstruit et que sans
14:42l'investissement de chacune et chacun pour faire en sorte que cette loi elle soit mise en
14:46oeuvre et bien c'est autant de pas en arrière que nous pouvons malheureusement faire et qui peuvent
14:54nous amener à un certain nombre d'heures sombres notamment pour les femmes qu'il s'agit des métiers
15:00d'avenir mais également dans le cas de protection de droits plus plus globaux. Donc
15:07merci à toutes et à tous, merci au think-tank Marie-Claire et agir pour l'égalité c'est
15:12maintenant et ne nous disons pas que le plus dur a été fait. Je crois que le plus dur
15:17malheureusement risque d'être devant nous. Bonne fin de soirée.