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Lors de l’Appel Pour l’Égalité du Think & Do Tank Marie Claire, à l’Hôtel de Lassay, à l’Assemblée nationale, Angélique Cauchy, ancienne joueuse de tennis, partage son témoignage et sa réflexion sur l’importance de libérer la parole des victimes et les actions nécessaires pour les accompagner après leur prise de parole.

À travers son intervention, elle met en lumière les défis auxquels font face les victimes après avoir dénoncé des violences, les mécanismes de protection à renforcer et l’importance d’un suivi adapté pour permettre une véritable reconstruction.

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Transcription
00:00Alors depuis MeToo, la parole des femmes s'est libérée, c'est un excellent premier pas,
00:14les premiers témoignages relayés avec une ampleur médiatique sans précédent ont commencé,
00:19vous vous en souvenez toutes et tous, en octobre 2017 avec le manque du cinéma, on a assisté
00:25depuis à des révélations courageuses, des témoignages bouleversants, on a eu l'occasion
00:29d'ouvrir les yeux dans de nombreux domaines, la politique, le sport, la musique, le spectacle
00:34en général, le journalisme aussi, le monde de l'entreprise, pardon, on y reviendra dans
00:41un instant.
00:42Alors qui sont ces femmes extrêmement courageuses qui osent parler et surtout, quelle est l'apprêt,
00:48comment vont-elles, quel est l'impact réel des mots qu'elles ont osé prononcer, des
00:52vérités qu'elles ont mises en lumière quand on a tout mis à plat, quand on a bouleversé
00:57sa vie, celle de ses proches, celle de sa famille, qu'est-ce qu'on en fait ? C'est
01:02un univers malheureusement touché, lui aussi, par les violences sexuelles et sexistes, souvent
01:05sur des personnes mineures, c'est celui du sport et je vais demander à Angélique Cauchy
01:10de me rejoindre ici même.
01:14Angélique, vous êtes ancienne joueuse de tennis professionnelle, enfant précoce, extrêmement
01:24douée pour ce sport, très vite numéro 2 française chez les juniors et puis vous
01:27faites une rencontre, celle d'un entraîneur, un entraîneur qui entre vos 12 et 14 ans
01:32va vous violer des centaines de fois.
01:35Angélique, vous avez décidé de parler, de raconter ce drame, cette horreur, des années
01:44plus tard, vous allez nous expliquer comment, pourquoi, à quel moment vous avez décidé
01:48de le faire et surtout, c'est ce qu'on s'est dit, l'après, l'après, qu'est-ce qu'on en
01:52fait de positif de tout ça.
01:54Angélique Cauchy, merci de l'encourager, merci de l'applaudir encore.
01:59Angélique, comment ça a démarré, cette première volonté de se dire il va falloir
02:08que je parle, il va falloir que je dise ce que j'ai vécu, il va falloir que ça avance.
02:11Déjà, je suis tristement un enfant sur sept puisque c'est un enfant sur sept qui est victime
02:17de violences avant sa majorité dans le sport, donc 83% des violences sexuelles et 85% de
02:24ces victimes sont des filles, ça veut dire qu'elles sont finalement attaquées parce
02:28qu'elles sont filles et c'est le genre qu'on attaque peut-être plus encore que l'âge.
02:33Effectivement, le fait qu'on soit mineur est une vulnérabilité supplémentaire.
02:37J'ai été victime entre mes 12 et 14 ans et j'ai gardé le silence pendant 15 ans parce
02:42que pendant 15 ans, j'ai à la fois voulu protéger ma famille parce que mon père disait
02:45toujours cette phrase, si un jour quelqu'un te fait du mal, j'attendrai pas que justice
02:49soit faite.
02:50Je lui mettrai une balle entre les deux yeux quitte à prendre 20 ans de taule.
02:52Mon papa qui était policier, cette arme, je la voyais tous les jours et donc j'ai préféré
02:57garder le silence pour protéger ma famille quitte à me sacrifier moi.
03:00Et je précise Angélique que ce titre a donné un livre, vous pouvez être l'auteur si jamais
03:06vous voulez le lire, si un jour quelqu'un te fait du mal.
03:08Oui, parce que finalement, c'est ce qui a provoqué le silence alors qu'il pensait faire
03:12une preuve d'amour et qu'en fait, beaucoup de parents ont cette phrase ou une autre tournure
03:16de phrase, mais en exprimant de la violence, en disant que si on touche un seul de tes
03:19cheveux, je le mettrai dans un trou, peu importe la fin de la phrase et on pense là qu'on
03:23va montrer de la protection envers notre enfant alors que la première chose que veut l'enfant,
03:27c'est protéger sa famille et donc il ne va pas parler s'il pense que ça peut nuire
03:31à sa famille.
03:32Et donc moi, je n'ai pas parlé et 15 ans plus tard, j'ai 27 ans et je me rends compte
03:37pour la première fois que je suis cet adulte que j'ai rêvé de devenir parce que je ne
03:41pensais que je ne serais jamais adulte et que je mourrais avant d'avoir mon bac parce
03:45qu'entre autres, il m'avait fait croire qu'il m'avait donné le sida et donc voilà, j'arrive
03:50à cet âge où je me dis aujourd'hui quelle femme je veux être, quel prof je veux être
03:55puisque je suis devenue professeur de PS pour être cette personne bienveillante qui aide
03:59à construire et à émanciper les enfants et non à les soumettre et à les mettre sous
04:03emprise, celle que finalement j'aurais rêvé de rencontrer étant enfant et je me dis tous
04:08les jours en voyant ces élèves de 12 ans devant moi, c'est tellement petit, c'est
04:12tellement jeune, c'est tellement facile et je me dis que voilà, c'est finalement mon
04:17devoir de citoyen que de prendre la parole pour les protéger eux et donc je parle à
04:2227 ans pour que ce qui m'est arrivé n'arrive plus, pour que les enfants d'aujourd'hui puissent
04:28se construire à travers le sport qui a d'énormes valeurs et que le sport ne les détruise plus.
04:32Comment vous avez vécu ce moment et quelles ont été les réactions ? J'imagine qu'il
04:35y a eu du positif et du négatif dans tout ça.
04:39J'ai eu déjà la chance incroyable et à la fois d'être cru par la société et par la
04:46justice et qu'ils soient condamnés à 18 ans de prison et ça aussi c'est quand même
04:51quelque chose qu'il faut rappeler parce que 3% seulement des enfants victimes de violences
04:56sexuelles voient leurs agresseurs condamnés et ma prise de parole aujourd'hui elle est
04:59aussi pour ça, pour que ces chiffres changent et donc c'était aussi un de mes devoirs parce
05:04que moi la société m'avait cru et entendu d'être finalement peut-être aussi un de
05:09ces porte-parole pour toutes celles et ceux qui parlent et qu'on n'entend pas ou qui ne
05:13parlent pas parce qu'ils n'ont pas de rôle modèle pour le faire donc ça a été difficile
05:19parce que j'ai dû, c'est une perte d'identité, j'ai dû effacer mon passé pour essayer d'avoir
05:24un avenir c'est à dire que j'ai décidé à 27 ans de ne plus jouer au tennis parce
05:30que ça me faisait trop mal parce que je me suis rendu compte à ce moment là que j'avais
05:34beaucoup de traumatismes liés à l'environnement et aux personnes que j'avais côtoyées pendant
05:3815 ans donc ça voulait dire bâtir un trait sur toute la vie que j'avais eue et qui j'avais
05:44été pour essayer d'avoir une vie future et ça a été difficile parce que mes parents
05:49n'ont pas été en capacité de me soutenir et que ça a été certainement des périodes
05:53encore plus difficiles que ces périodes de 12 à 14 ans mais qui ont été finalement
06:00extrêmement bénéfiques sur le long terme parce que ça m'a permis de me reconstruire
06:03et aujourd'hui de pouvoir me dire que cette trace qui m'a été laissée parce que j'ai
06:08vécu moi j'ai essayé de la transformer pour que je laisse une trace positive à la société
06:14et voilà c'est mon objectif au quotidien.
06:16On comprend que c'est un cataclysme dans le premier cercle ça peut l'être en tout cas
06:21il faut avoir conscience de ça mais c'est pour que le positif soit plus étendu finalement
06:27au reste de la société et changer les chiffres comme vous le disiez une fois que la prise
06:31de parole est faite une fois qu'en plus qu'elle est médiatisée dans votre cas et que vous
06:39devenez ce rôle modèle à ce moment là vous vous dites bon ça y est c'est fait je l'ai
06:44fait maintenant j'ai pris des décisions je vais me construire une nouvelle vie c'est
06:48un peu une seconde naissance et qu'est ce que je fais de tout ça quoi qu'est ce que
06:52j'en fais comment je le transforme on est sur l'après maintenant Angélique.
06:56Oui alors l'après finalement c'est bien avant d'être médiatisé c'est le moment où j'ai
07:02créé une association qui s'appelle Rebond et qui lutte contre les violences sur mineurs
07:06dans le sport et donc c'est en 2016 et je suis à temps plein je faisais ça en parallèlement
07:13de ma carrière professionnelle de professeur de PS et depuis 2023 le moment où j'ai été
07:18médiatisé pour la première fois ici même à l'Assemblée Nationale lors de l'audition
07:22sur la commission parlementaire sur les défaillances des fédérations sportives qui a finalement
07:27donné lieu après à ce livre et à tout mon engagement maintenant un petit peu plus
07:32médiatique et connu fait que voilà à travers cette association au quotidien on a deux objectifs
07:38c'est à la fois sensibiliser et prévenir tous les publics les parents les enfants les
07:43entraîneurs les dirigeants finalement on le fait dans les clubs sportifs mais on le
07:47fait aussi dans les écoles à travers différents programmes on utilise notamment beaucoup les
07:51supports artistiques parce que je crois beaucoup en pouvoir de l'art et que ça rend les élèves
07:56beaucoup plus acteurs et que ça les transforme beaucoup plus c'est quoi leur réaction aux
08:00élèves comment ils quand ils assistent à un de vos ateliers par exemple est ce que
08:05vous les sentez captivés est ce que vous les sentez vous sentez que ça impacte vous
08:08sentez que ça marque même si même si c'est pas quelque chose qu'ils verbalisent tout
08:13le temps c'est une préoccupation essentielle qu'ils ont la protection de leurs droits c'est
08:18quelque chose qui les anime et on peut le comprendre parce que si nous ça nous anime
08:23en tant que femme ça les anime en tant qu'enfant donc ils sont toujours très très intéressés
08:30et ils s'investissent énormément dans tous les travaux et dans tous les ateliers dans
08:33après ce qu'on leur demande de créer des affiches de sensibilisation des clips de sensibilisation
08:38on propose un concours de l'éloquence pour les lycéens et les étudiants où ils doivent
08:43préparer la plaidoirie des parties civiles après avoir lu le livre et voilà et après
08:49il y a aussi finalement les quatre piliers qui font qu'une chaise est stable qui sont
08:54extrêmement importantes et c'est pour ça ça a été beaucoup beaucoup redit que c'est
08:58à la fois la société civile les associations l'état et les entreprises qui doivent faire
09:03leur part on a la chance énorme d'avoir le soutien d'entreprises aussi qui nous qui
09:09qui essaie aussi d'avoir un impact positif sur la société à travers les actions qu'elle
09:13mène notamment par exemple une de nos actions c'est d'aller sensibiliser sur les événements
09:18sportifs et donc avec comme partenaire engie sur tous les tournois open de tennis qu'ils
09:24ont en france ils ont imposé dans leur contrat de sponsoring une sensibilisation aux violences
09:28sexistes et sexuelles et donc ça c'est voilà c'est quelque chose à la fois de nommateur
09:34et qui finalement est facile à mettre en place et qui a un impact assez important en
09:38termes à la fois de volume très belle action de la part d'engie en tout cas dans ce cas
09:42là et il y en a plein d'autres mais en tout cas c'est un super exemple qu'est ce que vous
09:46attendez de notre pays de notre société qu'est ce que vous attendez le plus angélique
09:51suite à votre à votre histoire et à votre expérience bah déjà on est en 2025 donc
09:58peut-être que le lien le plus facile ça serait dire quel va être l'héritage des jeux olympiques
10:03sur la société française qu'est ce que réellement on veut avoir que on veut que ça ait comme
10:07impact en quoi on veut que ça transforme notre société dans notre rapport au sport
10:11dans notre rapport au corps dans toutes les inégalités dans la protection des mineurs
10:15mais finalement des personnes les plus vulnérables et les femmes malheureusement en font partie
10:20parce qu'elles ne détiennent pas le pouvoir à part égale j'ai fait partie d'une mission
10:24interministérielle sur les violences sexistes et sexuelles sous relation d'autorité et
10:27finalement c'est ce qui a été beaucoup dit aujourd'hui ce qui l'en ressort c'est que
10:32le pouvoir et l'autorité étant détenus majoritairement encore par les hommes ce sont
10:35les femmes qui sont dans des situations dominées soumises et dans des situations davantage
10:41précaires et c'est pour ça que c'est des terrains favorables aux violences et ensuite
10:45la deuxième chose c'est que le sexisme est l'antichambre des violences et à partir
10:48du moment où on accepte déjà qu'il y ait des comportements sexistes et qu'on floute
10:53ces frontières et bien finalement c'est un terrain favorable à la violence plus grave
10:57donc j'attends finalement de nous adultes qu'on soit des témoins actifs et non plus
11:02des yeux aveugles parce que finalement 99,9 % de la société sont des gens très bien
11:07et c'est sur ces gens là qu'il faut s'appuyer pour que le monde change on va essayer évidemment
11:11de changer cette petite proportion de gens qui eux ne respectent pas les lois mais c'est
11:17surtout sur l'immense majorité des gens qui n'ont pas eu le courage par le passé de signaler
11:24au lieu de dénoncer parce que je préfère utiliser le mot signaler que dénoncer la
11:27sémantique est extrêmement importante parce qu'on a un passé avec la dénonciation et
11:32que les gens tout de suite quand on leur dit de dénoncer c'est quelque chose qui est difficile
11:36pour eux et je ne demande pas qu'on dénonce un potentiel coupable on ne doit pas se substituer
11:41la justice et on aura la chance après d'avoir justement la justice qui va parler mais de
11:46signaler des faits pour protéger des potentiels victimes et ce principe de précaution il
11:51doit toujours à mon sens prévaloir sur la présomption d'innocence présomption d'innocence
11:56que en passant à quoi je crois fondamentalement dans un état de droit je ne remets pas du
12:01tout en question cette présomption d'innocence donc voilà ce que j'attends finalement la
12:04société c'est que chacun individuellement et que nous tous collectivement on fasse avancer
12:10les choses sur ces sujets de violence pour qu'on soit tous dans un pays sain et sécurisé
12:17on ne se pose pas la question de comment je peux m'habiller de ce que j'ai le droit de
12:20dire de ce qu'on peut m'imposer et qu'on inculque aussi aux enfants mais aussi aux adultes cette
12:26notion de consentement qui dépasse même la notion de consentement sexuel mais le consentement
12:30tout court. Merci Angélique Cauchy, merci beaucoup. Je crois que vos mots sont partagés
12:39par beaucoup de gens ici merci je vous laisse récupérer votre livre blanc aussi et faire
12:45une petite photo des témoins actifs merci

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