Depuis juillet 2024, les témoignages s'accumulent à l'encontre de l'abbé Pierre. Le fondateur d'Emmaüs est aujourd'hui accusé d'avoir agressé des femmes de tous âges, et même des enfants. Rachel avait 8 ans à l'époque, elle est l'invitée de RTL Soir.
Regardez L'invité de Yves Calvi du 04 février 2025.
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00:00Il est 18h19, aucune enquête pénale ne sera ouverte contre l'abbé Pierre, le parquet de Paris l'annonce ce soir.
00:09La prescription des faits empêche l'action publique de poursuivre le prêtre, au moment où nous parlons 33 témoignages pourtant accusent l'abbé Pierre de viols et d'agressions sexuelles.
00:18Bonsoir Rachel, merci beaucoup de prendre la parole sur RTL, vous êtes l'une des victimes de l'abbé Pierre que vous accusez d'agressions sexuelles, les faits se seraient déroulés en 1973,
00:27vous aviez alors 8 ans, l'abbé Pierre, 61, comment réagissez-vous à la fin officielle des poursuites ce soir ?
00:34Écoutez, je suis atterrée par ce que j'entends ce soir, je parle en mon nom bien évidemment, vous imaginez bien que je me sens une fois de plus salie,
00:51c'est une enquête quand même qui date depuis le mois de juillet, on a énormément témoigné, on a ressorti énormément de douleurs, de souvenirs, et d'entendre ça c'est inacceptable.
01:08Avez-vous été informée officiellement de cette décision ?
01:12Absolument pas, j'étais en direct avec l'une de vos conseillères au téléphone et puis je vois ça sur la télé et je tombe des nuits.
01:25Revenons maintenant sur ce que vous avez subi si vous le voulez bien Rachel, comment et pourquoi l'avez-vous rencontré ? Comment l'abbé Pierre est-il apparu dans votre vie ?
01:34C'est très complexe, contrairement aux autres victimes, au moment des faits je n'avais que 8 ans et j'avais un beau-père qui était un ancien missionnaire d'Afrique et qui était un ami proche de l'abbé Pierre.
01:50Il faut savoir que ce beau-père était en voie d'être réduit à l'état laïque parce qu'il avait commis en Afrique des faits similaires d'agression sexuelle sur enfant.
02:04Il est à Charenton à ce moment-là, il habite dans la communauté d'Emmaüs, il y a une petite chambre et je sais que l'abbé Pierre habite juste à côté, mon beau-père étant très proche de lui,
02:20il me dit tiens on va voir quelqu'un, c'est en fait celui qui s'occupe de tout ce que tu vois là et sur le chemin il me dit par contre on va le voir mais c'est une dame qui va nous ouvrir, il faudra lui dire bonjour mademoiselle.
02:38Je m'exécute bien évidemment, ça se produit comme ça et elle nous fait rentrer dans le bureau et à ce moment-là je vois un petit monsieur, la barbe grisonnante, des lunettes, il est plutôt jovial, souriant, il tutoie mon beau-père, ils se connaissent bien, ils se font une accolade et puis le temps monte pour une histoire qui se passe dans la communauté et que mon beau-père doit régler.
03:08Il demande à René de retourner faire une course pour lui et on le fait asseoir sur une petite chaise en bois qui se trouve tout de suite à l'entrée du bureau, l'abbé Pierre retourne derrière son bureau, il va à ses occupations pendant quelques secondes et il se lève, la porte étant ouverte, il va la fermer, il se rassoit derrière son bureau et à ce moment-là,
03:37il me parle de banalité et puis très rapidement, il tape sur son genou et il me demande de venir s'asseoir. Alors je ne sais pas si je peux continuer le récit parce que c'est assez cru après mais...
03:53Si, si, dites-nous ce qui s'est passé, ce que vous avez subi.
03:56Déjà, je veux m'excuser auprès des auditeurs de ce que je vais devoir dire mais donc je m'assois sur les genoux de l'abbé Pierre, il me serre très fortement contre lui, sur une petite poitrine que je n'ai pas, il écrase sa main sur ma petite poitrine et là, il me dit, il me chuchote dans l'oreille avec un souffle que je n'oublierai jamais.
04:26Il me dit, je suis sûre que ta petite culotte est de la même couleur que ta robe et à ce moment-là, il engouffre sa main droite entre mes cuisses et il appuie très fortement sur mes parties intimes et comme ça ne suffit pas puisque je tourne la tête, d'un coup, c'est violent, il me prend la mâchoire, il la retourne vers lui et il m'enfourne sa langue de manière très violente.
04:56À tel point que ça me fait très mal et là, d'un coup, comme il voit que je me débat, il me repousse comme une poupée de chiffon et d'un geste de la main, il me dit, allez, allez, retourne t'asseoir là-bas.
05:11Les faits et gestes que vous nous révélez ce soir, pardonnez-moi de vous interrompre, se sont-ils reproduits par la suite ?
05:18Alors ça ne s'est pas reproduit de manière aussi violente mais la deuxième fois que je l'ai rencontré, je suis à peine rentrée dans le bureau, il me saute dessus, il s'agrippe au niveau de mes seins, je ne peux même pas dire des seins parce que je n'en avais pas mais...
05:37Oui, on parle d'une enfant de 8 ans, je le rappelle.
05:39Voilà, il appuie fortement et puis là, il me dit, poète, poète, alors ça pousse, voilà, ça a été une des deux expériences vraiment très traumatisantes à ce moment-là au niveau de l'abbé Pierre.
05:52Rachel, avez-vous essayé de raconter ce que vous subissiez à l'époque à des adultes, à vos parents, peut-être des professeurs, je ne sais pas, des adultes ?
06:01Alors, jamais sur l'abbé Pierre parce que, en fait, j'étais petite et il faut savoir que je subissais déjà de la part de mon beau-père des viols, donc je n'en ai parlé que plus tard, mais je n'ai même pas parlé de l'abbé Pierre, j'ai parlé de mon beau-père parce que j'ai été putie de la daste à l'âge de 9 ans.
06:30Donc, j'en ai parlé à la psychologue de la daste qui venait nous rendre visite une fois tous les 15 jours et elle m'a rigolé au nez en me disant que j'avais un esprit vif et que, et voilà, elle ne m'a pas crue, elle en a parlé à la directrice et j'ai pris une gifle comme je n'en avais jamais eu de ma vie.
06:54Et donc, ces deux hommes étaient complices, nous sommes bien d'accord, l'abbé Pierre et votre beau-père, d'une façon ou d'une autre.
07:04Voilà, sur le moment, je suis enfant, donc ça ne m'effleure pas l'esprit parce que, voilà, c'est au fil du temps et c'est encore plus maintenant, depuis juillet parce que j'ai fait moi-même quelques investigations et je me rends compte à quel point, effectivement, il pouvait y avoir une complicité entre ces hommes, bien évidemment, oui.
07:30– Pendant près de 50 ans, vous vous êtes donc tue, tout en voyant l'abbé Pierre, j'imagine, à la une de l'actualité, loué pour son action en faveur des plus pauvres, comment l'avez-vous vécu, quel était votre sentiment ?
07:43– Alors, je veux vous reprendre juste, si vous le permettez, sur une chose, c'est que je ne me suis pas tue, c'est qu'on ne m'a pas écoutée.
07:51J'ai dit ce que je subissais, peut-être pas avec l'abbé Pierre, mais je l'ai dit, mais quoi qu'il en soit, je ne me suis pas tue, en fait.
08:01– Les adultes qui vous entouraient ne vous ont pas cru, en fait ?
08:04– Voilà, les adultes ne m'ont pas cru, c'est à l'âge de 12 ans, où j'ai eu une permission exceptionnelle de mon pensionnat d'aller passer les grandes vacances à ma mère, on est là en 1977.
08:21J'ai 12 ans et demi, à peu près, et la veille du 16 août, se produit un drame terrible, j'explique à ma mère tout ce que je subis.
08:33Et le lendemain matin, j'entre dans la chambre de ma mère parce que j'entends un bruit suspect, je la vois au bord de la fenêtre,
08:46et elle se laisse tomber, j'essaie de la retenir, j'ai juste eu le temps de l'attraper au vol, elle a vu une petite jupe, je jure, je crie au secours, je pleure,
08:56et malheureusement, ma mère se suicide à ce moment-là et je la vois, quand je me penche, elle est disloquée, et le crâne est complètement fondu sur le sol.
09:13– Avez-vous peur de porter plainte ? Estimez-vous aujourd'hui que vous devez absolument le faire,
09:19et est-ce que vous craignez que des suites ne soient pas données à votre plainte, étant donné que les faits sont par définition prescrits ?
09:28– Il faut savoir que j'ai porté plainte, j'ai porté plainte au mois d'octobre, il y a d'ailleurs deux plaintes qui sont quelque part au parquet, certainement, du Val-de-Marne,
09:41qui, ça n'a pas été transféré à Paris, j'ai porté plainte dans un premier temps, bien évidemment, contre l'abbé Pierre et contre mon beau-père,
09:50tout en sachant que les faits étaient prescrits, mais je pense que j'avais besoin, quand même, de le faire et de raconter ce qui m'était arrivé, notamment à la justice.
10:01Et lorsque les médias ont commencé à faire leur devoir, leur travail d'investigation, et que j'ai entendu qu'il y avait de plus en plus de victimes,
10:10je me suis dit, mais je ne peux pas m'arrêter là, d'autant plus qu'il y avait quand même des faits qui étaient révélés sur le fait que l'église savait,
10:17que Emmaüs savait aussi, et je me suis dit, non, je ne m'arrête pas là, donc je suis retournée au commissariat, et là, j'ai poursuivi ma première plainte,
10:28et j'ai fait une plainte contre X pour non-dénonciation de crime.
10:35– Elle est suivie, on vous tient au courant ?
10:38Même s'il y a un aspect symbolique dans tout cela ?
10:41– Voilà, j'ai eu quelques suivis avec, justement, la brigadière qui est en charge de ma plainte,
10:49qui est une femme extraordinaire et qui, je pense, a fait tout son possible.
10:54Malheureusement, à l'heure d'aujourd'hui, j'apprends que tout est enterré,
11:01que la justice du Parc-et-Paris, du moins, décide de ne pas poursuivre au niveau de la justice, du moins, et voilà, c'est catastrophique.
11:16– Merci en tout cas infiniment, Rachel, d'avoir pris ce soir la parole sur RTL.
11:20Merci de ce témoignage. Dans un instant, les toutes dernières informations sur RTL.