Le procès du réalisateur Christophe Ruggia s'est ouvert aujourd'hui. Il est accusé d'agression sexuelle sur la comédienne Adèle Haenel quand elle avait 12 ans. Le réalisateur est aujourd'hui âgé de 59 ans et conteste ces accusations. On en parle avec Caroline Rogard, vice-présidente de l'association "Pour les femmes dans les médias".
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 09 décembre 2024.
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00:00RTL Soir. Yves Calvi et Agnès Bonfillon.
00:04Bonsoir Caroline Rogard, merci d'être avec nous sur RTL.
00:06Vous êtes vice-présidente de l'association pour les femmes dans les médias
00:09et directrice de la communication du groupe de Mutuelle Audience.
00:12Merci de nous rejoindre sur notre antenne.
00:14Le procès du réalisateur Christophe Roggia s'est donc ouvert aujourd'hui.
00:17Il est accusé d'agression sexuelle sur la comédienne Adèle Haenel
00:21quand elle avait 12 ans.
00:22Le réalisateur est aujourd'hui âgé de 59 ans et il conteste ses accusations.
00:26Quelle est la portée de ce procès ?
00:29La portée de ce procès est énorme parce que c'est vraiment un procès symbolique.
00:34En effet, l'affaire Roggia a commencé en novembre 2019 et au même moment,
00:38juste une semaine après, les partenaires sociaux et le Centre national du cinéma
00:43annonçaient un grand plan de lutte contre les violences sexistes et sexuelles.
00:46Donc vraiment symboliquement, ce procès est l'aboutissement de 5 ans de travail
00:50de la profession, des syndicats, des partenaires sociaux
00:54pour prévenir ces violences sexistes et sexuelles
00:56et faire en sorte que les choses changent.
00:58C'est l'un des premiers face-à-face dans la continuité de MeToo,
01:02de la prise de parole des femmes.
01:04On peut dire qu'Adèle Haenel a ouvert la voie dans le cinéma ?
01:07Tout à fait, elle a ouvert la voie puisque juste après sa dénonciation
01:11de ses agressions sexuelles, le secteur s'est mobilisé en annonçant
01:16la création notamment d'une cellule d'écoute, la cellule audience.
01:19Une cellule d'écoute à destination des victimes et des témoins professionnels
01:23de la culture, notamment du cinéma et de l'audiovisuel,
01:26qui sont orientés vers des psychologues ou des avocats
01:30qui peuvent les accompagner justement pour porter plainte
01:32et pour être entendus en tant que victime et en tant que témoin
01:36dans ces affaires.
01:37Et aussi l'organisation de la profession pour mieux prévenir,
01:40justement là on est dans une affaire qui concernait une mineure à l'époque,
01:43pour mieux prévenir, encadrer le travail des enfants
01:46qui est vraiment très fréquent dans le cinéma et l'audiovisuel.
01:49Et par exemple à Cannes l'année dernière, les partenaires sociaux,
01:52notamment en présence aussi de la CGT spectacle et de Sophie Binet,
01:55ont annoncé renforcer l'encadrement du travail des mineurs
01:58avec des référents obligatoires, que ce soit sur les tournages
02:01ou sur les castings, et puis la présence de coordinateurs d'intimité
02:05quasiment obligatoire désormais quand il y a des scènes de sexe,
02:09notamment pour les mineurs de moins de 16 ans.
02:10Ça veut dire qu'il y aura des présences, si je puis dire,
02:14pour surveiller ce qui se passe tout simplement sur les plateaux de cinéma ?
02:18Tout à fait, et c'est vraiment important parce qu'on voit que...
02:21C'est une révolution ?
02:23C'est une révolution, oui.
02:25Ça fait un moment qu'il y a des référents sur les tournages.
02:29C'est le CNC et la profession qui se sont organisés pour ça,
02:33mais maintenant ça devient obligatoire.
02:35Et donc c'est vraiment en effet une révolution.
02:38Et on espère que les habitudes vont changer
02:43et qu'on ne va plus laisser des situations d'emprise se mettre en place.
02:47Parce que là, ce qu'elle dénonce, Adèle Haenel,
02:49c'est vraiment une situation d'emprise.
02:51Et nous, la cellule d'écoute, on a voulu insister sur cette notion d'emprise
02:54et dire aux victimes qu'elles pouvaient appeler la cellule
02:57dès qu'elles se sentaient dans une emprise psychologique
03:00qui se caractérise en fait par différentes étapes
03:02qui mènent progressivement à une dépendance affective
03:05et à la prise de pouvoir du manipulateur sur sa victime.
03:07Et donc ça peut se faire sans force.
03:09Et c'est souvent impréalable finalement aux violences sexuelles
03:12qui pourront ensuite être considérées comme consenties.
03:14C'est bien ça le problème.
03:16Comment expliquer qu'Adèle Haenel ait quasiment quitté le monde du cinéma ?
03:21Pourquoi ce retrait ?
03:23On sait que le monde du cinéma, c'est un monde tout petit
03:25où tout se sait, où il y a une certaine omerta et une cooptation très forte.
03:28Et on se rend compte que beaucoup d'actrices
03:30qui ont dénoncé des faits de violences sexuelles
03:33ne tournent plus aujourd'hui.
03:34Mais aussi parce qu'elles ne peuvent plus tourner.
03:36Parce qu'en fait, elles sont blacklistées.
03:38Et il faut que la honte change de camp.
03:39C'est en train de se passer.
03:41On voit bien que depuis quelques années, la honte change de camp
03:43parce que certains acteurs très puissants
03:45ou certains réalisateurs
03:47qui n'ont même pas encore été condamnés
03:49sont blacklistés à leur tour.
03:51Mais c'est vraiment la honte qui change de camp.
03:52C'est la double peine pour elles finalement.
03:54Tout à fait, c'est la double peine.
03:56Et c'est une double peine aussi économique
03:58parce qu'il faut savoir que les procédures judiciaires sont très longues
04:00et sont très coûteuses.
04:02Et beaucoup de victimes,
04:03on a des chiffres de la cellule,
04:0570% des faits sont liés à des supérieurs hiérarchiques.
04:08C'est-à-dire sur des personnes en situation de vulnérabilité financière
04:12et donc qui n'ont pas les moyens en général d'être accompagnés juridiquement.
04:15C'est pourquoi la cellule d'écoute aide ces personnes
04:18à obtenir soit l'aide juridictionnelle,
04:20soit on les aide à solliciter les fonds sociaux,
04:22notamment d'audience,
04:24pour pouvoir se payer un avocat tout simplement.
04:26Adèle Haenel a décidé de participer au procès.
04:29Elle est présente.
04:30Tous ceux qui sont sur place ont été frappés
04:32notamment par cette forme de présence.
04:34Un droit de communisme, un regard posé sur Christophe Ruggia.
04:37Des associations sont venues la soutenir devant le tribunal.
04:40On peut lire des pancartes sur lesquelles est écrit
04:42« Merci Adèle, tu n'es pas seule, la honte doit changer de camp ».
04:45Je vous pose la question.
04:46La honte a-t-elle changé de camp ?
04:48Est-elle en train de changer de camp dans notre pays ?
04:50Oui, c'est ce que je disais auparavant.
04:53Effectivement, on se rend compte que maintenant
04:55ces associations qui sont très soutenantes
04:58et vraiment nous on veut les encourager
05:01parce qu'on se rend compte que leur rôle est fondamental.
05:04Je pense notamment au Collectif 50-50
05:06ou à l'association des acteuristes LADA
05:09ou à MeToo Media.
05:10Ce sont vraiment des associations qui, elles aussi,
05:12accompagnent les victimes, les aident
05:14que ce soit psychologiquement ou juridiquement
05:16et elles les soutiennent.
05:17Ce soutien, notamment sur les réseaux sociaux,
05:19est fondamental parce qu'il permet aux victimes de tenir.
05:23Cette force d'Adèle Haenel, je pense qu'elle est aussi due
05:25à ce soutien des associations.
05:27Caroline Rogard, que dites-vous à ces comédiennes
05:30qui ont encore peur de témoigner et tout simplement
05:33vous l'expliquiez très bien, d'être rejetées par le métier ?
05:37Je leur dis d'abord qu'elles n'hésitent pas
05:39à appeler la cellule parce qu'elle est anonyme
05:41et on compte beaucoup sur cette anonymat,
05:42c'est-à-dire qu'elles peuvent dénoncer des faits
05:44et ne pas tout de suite être identifiées.
05:47On peut demander au ministère de la Culture, par exemple,
05:50de saisir le procureur de la République
05:52sans que les victimes soient publiques.
05:55Donc c'est très important de distinguer
05:57le fait de pouvoir dénoncer des faits
05:59et le fait de rendre la victime,
06:02de prendre la parole publiquement.
06:04Ensuite, on peut prendre son temps,
06:06on peut réfléchir aussi en conséquence
06:08parce que parfois, c'est vraiment très difficile
06:11dans ces métiers-là,
06:14c'est une situation qui se...
06:16Le fait de prendre la parole,
06:18le fait de dénoncer des faits, ça doit être réfléchi,
06:20il ne faut pas le faire sur le coup de l'émotion
06:22parce que c'est vraiment une longue route
06:24qui est psychologique et juridique.
06:27Par contre, il y a des soutiens aujourd'hui,
06:29il y a des structures et la honte est vraiment
06:31en train de changer de camp.
06:32J'ai été frappé de voir qu'Adèle Hanel disait
06:34qu'en fait, estiment aujourd'hui
06:36que c'est l'univers cinématographique
06:38qui est lui-même responsable des abus
06:40qui ont pu avoir lieu.
06:42Le monde du cinéma est un univers malsain selon vous ?
06:44Alors, non, non, pas du tout.
06:46Ce que je veux dire, c'est que c'est un univers
06:48comme tous les autres univers en fait.
06:50C'est un univers professionnel
06:52dans lequel il y a aussi des non-dits
06:54et il faut que les choses bougent
06:56mais on sent quand même qu'effectivement,
06:58il y a une mobilisation de la profession,
07:00notamment via les partenaires sociaux,
07:02la situation change et on voit aujourd'hui
07:04la commission d'enquête, notamment
07:06contre les violences sexistes et sexuelles
07:08de l'Assemblée nationale qui auditionne
07:10tous les acteurs de la profession
07:12et on voit qu'il y a une forte évolution.
07:14Après, tout n'est pas parfait bien sûr
07:16mais quand même, on sent qu'en 5 ans,
07:18les choses ont énormément bougé.
07:20Je vois notamment à travers
07:22nos campagnes de prévention
07:24pour la cellule d'écoute
07:26qu'il y a 5 ans, on n'était pas du tout
07:28au même niveau
07:30et que les choses évoluent plutôt dans le bon sens.
07:32Après, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir.
07:34Cette cellule d'écoute, justement,
07:36vous recevez beaucoup d'appels, de plus en plus ?
07:38Ah oui, on a reçu
07:40plus de 3 000 appels depuis sa création
07:42en 2020, donc c'est quand même
07:44assez important pour le secteur.
07:46C'est énorme !
07:48C'est énorme. Après, tous les appels
07:50ne sont pas qualifiés et ne concernent pas
07:52directement la cellule, mais effectivement
07:543 000 appels, c'est énorme,
07:56sachant que la moitié des appels ont été reçus
07:58depuis 2 ans. C'est-à-dire, suite aux affaires
08:00assez retentissantes,
08:02aux affaires de Pardieu, aux affaires Godrech,
08:04c'est vrai qu'à chaque fois
08:06qu'il y a une affaire médiatique, on sent qu'il y a
08:08un pic d'appels et que ça motive
08:10le fait qu'il y ait des prises de paroles
08:12publiques et des prises de paroles emblématiques.
08:14C'est vrai que ça incite
08:16des personnes plus anonymes à prendre
08:18la parole et à dénoncer des faits.
08:20Merci beaucoup Caroline Regard d'avoir pris la parole
08:22ce soir sur notre antenne, vice-présidente
08:24de l'Association pour les femmes dans les médias
08:26et directrice de la communication du groupe de Mutuelle
08:28Audience. Dans un instant,
08:30la bonne humeur de Marc-Antoine Lebray,
08:32il est très en forme, c'est le Breaking News.