• il y a 9 mois
La brigade des mineurs a ouvert une enquête sur les réalisateurs Benoit Jacquot et Jacques Doillon. Ces derniers jours, Judith Godrèche a porté plainte pour viols contre ces deux cinéastes. L'actrice de 51 ans a raconté la relation sous emprise quand elle était adolescente avec Benoit Jacquot - de 25 ans son ainé. Elle a aussi raconté une scène traumatisante sur un tournage de Jacques Doillon. Comment se sent-elle ? A-t-elle reçu beaucoup de messages de soutien ? Écoutez son interview.
Regardez L'invité de RTL Soir du 13 février 2024 avec Julien Sellier et Stéphane Boudsocq.

Category

🗞
News
Transcription
00:00 vous êtes sur RTL.
00:04 Julien Celié. RTL bonsoir jusqu'à 20 heures. Allez RTL bonsoir, votre émission continue et nous accueillons maintenant notre invité événement aujourd'hui. Bonsoir Judith Gaudrech.
00:14 Bonsoir. Merci d'être avec nous. La brigade des mineurs a ouvert une enquête sur les réalisateurs Benoît Jacot et Jacques Douayon. Ces derniers jours, vous aviez porté plainte pour viol contre ces deux cinéastes.
00:25 Vous avez raconté la relation sous emprise quand vous étiez adolescente avec Benoît Jacot de 25 ans, votre aîné. Vous avez aussi raconté une scène traumatisante sur un tournage de Jacques Douayon.
00:35 Votre parole, elle fait la une de l'actualité Judith Gaudrech. Elle a été beaucoup commentée. Avant toute chose, nous souhaitions déjà vous demander comment vous vous sentez après ces journées de tsunami médiatique.
00:49 Écoutez, des hauts et des bas, mais ça va. Le fait de parler, c'est aussi un soulagement, ça aide aussi ? Le fait de parler, je ne sais pas si ça aide, ce qui aide ou en tout cas ce qui me motive à continuer de parler, c'est de faire en sorte que les choses changent,
01:09 de d'espérer que le soufflé ne va pas retomber, que ça ait des répercussions utiles et qui sont pour moi primordiales et nécessaires. Donc en fait, c'est un peu, je parlerai tant qu'il ne se passe rien, entre guillemets.
01:24 En tout cas, voilà, j'espère que je vais bientôt pouvoir arrêter de parler. Pas définitivement, mais voilà.
01:30 On a lu des témoignages de soutien d'acteurs, d'actrices. Est-ce que vous en avez-vous reçu directement ? Est-ce que les gens vous ont appelé ?
01:37 Pas beaucoup, non. Pas beaucoup.
01:41 C'est un regret ? C'est un constat ?
01:44 Écoutez, je pense que chaque personne a besoin de temps, que c'est un coup de pied donné dans une porte qui va s'ouvrir petit à petit, de plus en plus grande, et que c'est difficile pour chacun.
01:59 Je pense qu'il y a des personnes, des acteurs et des actrices qui doivent aussi se poser toutes sortes de questions sur leur propre vécu.
02:05 Peut-être que ce n'est pas aussi facile pour eux de réaliser des choses qu'ils ont vécues eux-mêmes.
02:10 Ça renvoie peut-être à des choses douloureuses. Je pense que l'histoire de chacun est vraiment différente.
02:15 Donc moi, je ne porte pas de jugement. Je ne suis pas là dans l'espoir et dans l'attente que tous les acteurs et actrices de France m'envoient des messages.
02:24 Ce n'est pas du tout le but, en plus, de ma prise de parole.
02:29 Elle est vraiment plutôt, d'abord évidemment, personnelle, mais également, justement, pour tous les anonymes, ceux qui ne sont pas acteurs et actrices.
02:41 Vous avez eu, d'ailleurs, vous, je crois personnellement, un déclic en lisant "Le consentement", le livre de Vanessa Springora,
02:47 qui raconte sa relation sous emprise avec l'écrivain pédophile Gabriel Masneff.
02:51 Est-ce que vous avez l'impression que cette libération d'une parole est de nature à créer un cercle en quelque sorte vertueux ?
02:58 Peut-être que d'autres femmes qui, peut-être, nous écoutent ce soir se diront aussi "Tiens, moi aussi j'ai un déclic en entendant Judith Godrej ce soir".
03:05 Moi aussi, j'ai vécu ça.
03:06 Oui, peut-être. Mais aussi, je pense qu'on a toutes et tous besoin d'une armure ou de quelqu'un qui serve d'armure.
03:15 Quand on m'avait demandé de parler dans le New York Times, dans l'affaire Weinstein, quand Jodie Cantor, la journaliste du New York Times, m'avait contactée,
03:22 j'ai résisté, je voulais pas, j'avais peur et toutes sortes de raisons.
03:26 Et c'est vrai que c'est grâce aussi beaucoup à des e-mails que j'ai reçus de Lina Dunham, de Jonathan Safran Fowler,
03:35 d'écrivains, actrices, réalisatrices, qui étaient une forme de force, une forme de garde du corps,
03:45 derrière lesquelles je pouvais m'abriter intellectuellement. Je pouvais me dire "Ah, mais si eux, ils me disent qu'ils seront là pour moi, peut-être que ça va être possible".
03:54 Et j'espère que c'est à ça que je sers aujourd'hui, justement, dans cette idée de pouvoir oser parler,
04:00 que une femme ou un homme puisse se dire "Mais attends, elle, elle est là, donc moi je peux y aller".
04:05 Moi, c'est grâce aux anonymes qui m'ont envoyé des messages aussi sur Instagram que je me suis sentie faite de milliers de femmes.
04:13 Vous voyez, j'ai l'impression d'être constituée d'une certaine manière.
04:16 - Vous vous dites à ces femmes d'ailleurs "Écrivez-moi".
04:18 - Oui, parce que je suis le pied dans la porte.
04:22 J'imagine que, j'espère plutôt qu'une femme ou un homme qui a été abusé puisse se dire "Elle, il n'y a aucun risque qu'elle me mette en danger, qu'elle me vire de mon boulot".
04:38 Et donc cette première phrase, moi aussi, que ces femmes et ces hommes m'envoient, ou que s'ils veulent dire plus ou pas,
04:47 cette première phrase, c'est le début de la parole.
04:50 Mais pour pouvoir parler, il faut trouver un endroit où parler dont on sait qu'il n'y a pas de danger, on ne risque rien.
04:58 - Vous en recevez beaucoup, des messages anonymes ? Ils vous bouleversent j'imagine ?
05:02 - Ils ne sont pas anonymes d'ailleurs.
05:03 - Ils ne sont pas anonymes ?
05:04 - Bah ouais, c'est là qu'est le courage, parce que vous vous rendez compte, il faut avoir du courage pour même écrire un mot.
05:12 Je veux dire, moi je suis bouleversée par le fait que des gens dont je vois l'adresse email m'écrivent.
05:19 C'est incroyable, incroyable comme courage.
05:23 - On l'a dit, Judith Godrech, des enquêtes sont ouvertes.
05:26 Benoît Jacot a saisi une avocate, il devait être entendu.
05:29 Pour Lauryl Nyi, je cite "toute violence physique et psychologique".
05:33 Est-ce que vous attendez aujourd'hui qu'il s'explique, qu'il s'excuse ? Ou est-ce que vous n'attendez rien de lui ?
05:39 - Non, j'attends, j'attends. Je n'attends rien moi de lui, non. J'attends que la justice fasse son travail.
05:45 - Il y aura peut-être une confrontation dans cette enquête ? Est-ce que ce sont des rendez-vous potentiels que vous redoutez ?
05:52 Ou au contraire que vous souhaitez pour faire avancer la vérité ?
05:56 - Euh non, je ne le souhaite pas. Je ferai ce qu'il faut, ce qui est important pour que la justice fasse son travail.
06:05 Mais non, je ne le souhaite pas, non.
06:07 - Est-ce que vous avez des souvenirs de cette époque où vous étiez adolescente, des souvenirs de ce milieu du cinéma ?
06:13 Parce qu'il y avait d'autres acteurs, il y avait des techniciens, il y avait des équipes de cinéma à l'époque de cette relation avec Benoît Jacot.
06:20 Personne n'a jamais tenté de vous mettre en garde à l'époque ?
06:23 - Non, non.
06:25 - Ça veut dire que, en quelque sorte, l'époque permettait à des cinéastes, sous couvert d'une certaine liberté, les héritiers de la nouvelle vague de...
06:35 - Oui, c'était un passe-droit, il y avait une sacralisation de leurs paroles.
06:44 Tout ça, ça fait partie d'une société qui a fermé les yeux, mais qui savait, évidemment, que tout le monde savait.
06:55 - Alors, il y a autre chose. En 2011, la télévision publique a diffusé un documentaire de Gérard Miller qui s'appelle "Les Russes du désir, l'interdit"
07:02 dans lequel Benoît Jacot explique qu'il utilise le cinéma pour attirer des jeunes filles, que c'est hors-la-loi, qu'il le sait très bien.
07:09 On se demande, avec un petit peu de recul aujourd'hui, c'est pas si loin 2011, comment de tels propos ont pu être tournés, validés, diffusés.
07:17 Est-ce que vous les aviez vus et entendus à l'époque ? Parce que, bizarrement, c'est aujourd'hui qu'ils font scandale.
07:22 - Moi, je ne les avais pas vus ni entendus, et je pense que d'ailleurs, je ne suis pas sûre que quelqu'un serait venu m'en parler,
07:29 puisque déjà à l'époque, c'est un sujet qui n'a jamais été un sujet.
07:34 Enfin, vous voyez, personne n'est jamais venu me poser de questions jusqu'au livre de Vanessa.
07:42 - Oui, mais c'est vrai que c'est assez hallucinant que ça ait pu être diffusé.
07:46 Alors, ce n'était pas une heure de grande écoute, mais quand même, ça a été diffusé sur une chaîne publique.
07:49 - Hallucinant que ça ait été diffusé, mais hallucinant que le parquet ne se soit pas saisi d'une enquête,
07:54 hallucinant qu'aucun article n'ait été écrit, comment ça se fait que les journaux de cinéma, la presse,
08:02 qui peut porter au nu ce réalisateur et ses films, que ce soit un film dans lequel Isile de Besco se fait violer dans les bois,
08:13 que ce soit un film dans lequel je me fais violer par un homme de 80 ans.
08:18 Dans le fond, le problème n'est pas de dire du mal des films ou de l'oeuvre, de l'objet en tant que tel,
08:27 mais c'est de porter un regard sur l'oeuvre et de se poser des questions.
08:31 Paris est une petite ville, on se connaît tous, tout le monde se connaît dans le milieu du cinéma, tout le monde savait.
08:38 Donc, quand on connaît Benoît Jacot et qu'on sait ce qu'on sait de lui, et qu'on connaît sa vie sentimentale,
08:46 et qu'on sait qu'il est avec moi et qu'ensuite avec qui il a été, et toutes les autres jeunes actrices, etc.
08:51 Comment est-ce qu'on peut regarder son oeuvre cinématographique quand on est journaliste de cinéma,
08:56 ou quand on travaille au CNC, et se dire "mais il y a peut-être un problème, il se passe peut-être quelque chose".
09:02 Voilà, c'est ces questions-là qui m'interrogent et qui me font parler.
09:07 Moi, si je parle, ce n'est pas pour taper sur les gens, c'est pour dire "remettez-vous en cause".
09:12 Tous ces journaux-là, toutes les administrations, la région Île-de-France qui a donné de l'argent à son dernier film,
09:25 alors que c'est tellement difficile d'obtenir de l'argent de la région Île-de-France pour financer des projets.
09:30 Comment est-ce que ça se fait que des questions ne se sont pas posées en 2023 sur Benoît Jacot ?
09:36 Comment ça se fait qu'on se dit "on va financer un film de Benoît Jacot" quand il y a 500 jeunes réalisatrices et teurs
09:45 qui sont là en train d'essayer de faire financer leurs projets ?
09:48 Pourquoi encore valider, investir avec ces cinéastes-là, quand on sait tout ce qu'on sait d'eux ?
09:59 Par ailleurs, il y a des cinéastes dans le monde qui risquent leur vie pour arriver à raconter ce qui se passe dans leur pays,
10:07 pour arriver à amener un film au Festival de Cannes.
10:10 Il y a des cinéastes dont la seule manière de s'exprimer, de prendre la parole et de défendre leurs idéologies est de faire du cinéma.
10:18 Mais c'est à ces gens-là qu'il faut donner de l'argent, c'est ces gens-là qu'il faut aider.
10:22 Ce ne sont pas des types qui utilisent le cinéma, comme il le dit, je le cite, pour coucher avec des mineurs.
10:29 Ce n'est pas pour faire un trafic illicite de jeunes filles, je le cite.
10:34 Les subventions ne doivent pas aller à ces gens-là. C'est quand même insensé.
10:40 C'est un métier que vous connaissez depuis des années, Judith, ou vous êtes connue aussi.
10:45 Est-ce que votre prise de parole actuelle, de ce qu'on vous raconte, est-ce qu'il y a d'autres dossiers ?
10:51 On se dit que ça ne peut pas être non plus des cas isolés. Ce n'est pas juste une histoire de génération.
10:57 Ces gens dont on parle ont plus de 70 ans largement, mais il n'y a pas de raison que ces comportements n'aient pas continué.
11:03 Bien sûr.
11:07 Vous savez où on vous dit des choses ?
11:10 Bien sûr.
11:13 Ne me posez pas trop de questions, sinon je vais sortir dans la rue, on va apprendre demain que je suis morte.
11:20 Il y a encore des dossiers dans les plaques, c'est tout.
11:23 On a aussi lu ces derniers jours cette lettre publique où vous vous adressez à votre fille, Tess.
11:30 Vous êtes la preuve vivante que j'ai survécue, vous êtes la preuve que c'est du passé, que c'est inscrit dans un livre fermé.
11:36 De quelle manière vous avez parlé de votre démarche, et notamment judiciaire,
11:40 parce que c'est quelque chose d'aller à la brigade des mineurs avec votre fille et votre fils Noé ?
11:44 J'essaie de ne pas être un fardeau pour mes enfants, ou en tout cas plutôt de ne pas leur faire porter le poids de ce que je vis moi.
11:53 C'est très difficile pour eux, je n'ai pas du tout envie que ça devienne leur quotidien,
11:59 et je pense que notre vie est très envahie par ça en ce moment.
12:02 Ils me soutiennent extrêmement, mais j'aimerais aussi qu'ils puissent penser à autre chose, parler d'autre chose,
12:11 que le combat de leur mère ne les empêche pas de vivre leur vie de jeunes gens aujourd'hui.
12:18 Ce n'est pas du tout facile pour mes enfants, je ne veux pas leur demander d'être mes parents.
12:27 Merci beaucoup Judith Godrech, merci d'avoir témoigné ce soir dans RTL Bonsoir.
12:31 Vous étiez notre invitée à l'événement, merci beaucoup.
12:33 Merci beaucoup.
12:34 RTL Bonsoir, jusqu'à 20h.
12:38 Et votre émission continue, on est ensemble jusqu'à 20h et dans quelques secondes, on va poursuivre avec tout autre chose.
12:44 On a bien besoin de sourire maintenant autour de l'actualité.
12:47 On peut compter sur la visoconférence de notre cher Alex Vizorek.
12:51 Alex, vous revoici, le menu ce soir s'il vous plaît.
12:54 Il n'y en a pas pour tout le monde, Darmanin, Dati, Zemmour, Pannot.
12:57 Vous balayez l'art.
12:59 On ne peut pas dire que je suis un sectaire.
13:01 A tout de suite.
13:02 Sous-titrage Société Radio-Canada
13:04 [SILENCE]

Recommandations