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Emmaüs va retirer de son logo la mention faisant référence à l'aAbé Pierre. Le prêtre, mort en 2007, est aujourd'hui visé par 33 accusations de violences sexuelles. Écoutez l'interview de Tarek Daher, délégué général de Emmaüs France.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot du 22 janvier 2025.

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Transcription
00:00RTL Matin
00:03Avec Amandine Bégaud et Thomas Soto
00:05Il est 8h16, l'interview d'Amandine Bégaud.
00:07Alors que les accusations se succèdent et sont de plus en plus accablantes contre l'abbé Pierre,
00:11Emmaüs France a décidé de sortir de son silence ce matin.
00:14Et c'est à votre micro, Amandine, puisque vous recevez tout de suite le délégué général de l'organisation.
00:19Il s'appelle Tarek Daher. Bonjour et bienvenue à vous.
00:22Bonjour et merci d'être là ce matin.
00:23Le mouvement Emmaüs réuni hier en Assemblée Générale Extraordinaire
00:27a donc décidé de retirer la mention abbé Pierre de son logo.
00:31Décision qui a été approuvée par une très large majorité.
00:34C'était inconcevable pour vous de garder le nom de l'abbé Pierre ?
00:38Depuis le début des révélations en juillet dernier,
00:42ce sont 33 témoignages de victimes que nous avons recueillis.
00:47Et ce sont des rapports dont je pense que tout le pays a pris connaissance
00:52qui montrent des faits d'une gravité innommable, d'une sérialité évidente.
00:58Et donc c'est vrai que par rapport à la figure tutélaire qu'était l'abbé Pierre,
01:03par rapport à l'image que nous faisions de cet homme,
01:06et même par rapport à la place qu'il occupait dans notre organisation,
01:09celui d'un guide, celui d'un phare, celui d'un repère, en fait, pour nos militants, nos bénévoles.
01:15Oui, c'était absolument inenvisageable.
01:17Et même cette décision, elle a été prise assez rapidement.
01:20Notre premier rapport, il est sorti en juillet dernier.
01:22Le second est sorti en septembre.
01:24Et dès septembre, le conseil d'administration d'Emmaüs France
01:27a proposé de soumettre à l'Assemblée Générale de ses adhérents,
01:30c'est-à-dire à l'ensemble des structures qui composent notre mouvement,
01:32le fait de retirer cette mention-là.
01:34Est venu ensuite le temps, évidemment, de la discussion, du débat,
01:37et le temps de la démocratie associative.
01:39Vous évoquiez ces 33 accusations de violences sexuelles.
01:42A chaque révélation, on a l'impression qu'on franchit un pas de plus dans l'horreur,
01:47puisque je le rappelle, désormais on parle d'inceste, de viols sur mineurs.
01:51Vous disiez, pendant des années, l'abbé Pierre a été un guide, un repère.
01:55Aujourd'hui, que diriez-vous ? C'était un monstre ?
01:58Aujourd'hui, c'est une personne que nous essayons de remettre à sa juste place, en tout cas.
02:04Qu'est-ce que ça veut dire quand on dit ça ?
02:06Ça veut dire que c'est une personne qui reste très importante dans l'histoire de notre mouvement.
02:10Nous avons été parfois un peu accusés de vouloir réécrire l'histoire, effacer le fondateur.
02:16Ce n'est pas du tout l'objet ici.
02:18Si vous regardez, nous continuons dans nos textes à expliquer ce que nous lui devons.
02:22Personne ne nie l'impact qu'il a eu sur l'appel d'Olivier R.54,
02:26sur cet élan de générosité, sur l'initiative, bien entendu.
02:30Mais l'homme était un monstre, vous le diriez comme ça ou pas ?
02:32L'homme était un prédateur sexuel.
02:34L'homme a commis des crimes, en tout cas, qui sont aujourd'hui absolument incontestables.
02:39Et donc oui, cette part de mal, elle nous a sauté à la figure.
02:42Et c'est bien toute la difficulté de cet exercice-là.
02:45C'est comment est-ce que vous essayez de reconnaître une personne dans toute sa complexité,
02:50dans ce qu'elle a d'absolument odieux et ignoble,
02:52et en même temps, vous ne voulez pas non plus complètement trahir ce qu'a été votre histoire.
02:56Et donc c'est dans cet équilibre-là que nous essayons d'avancer aujourd'hui.
02:59Vous évoquiez ce travail, confié à un audit, avec ces trois premiers rapports.
03:05Est-ce qu'il faut s'attendre à découvrir d'autres victimes d'un règle d'air ?
03:09Alors, nous l'avons dit, le mouvement Emmaüs, nous nous étions engagés à faire notre part sur ces révélations-là,
03:17c'est-à-dire à ouvrir un dispositif de recueil de témoignages jusqu'au 31 décembre.
03:21A cause du dernier rapport, nous l'avons prolongé pour quelques semaines,
03:24mais ce travail de notre côté, il se terminera.
03:27Quand, vous le savez ? Dans les prochaines semaines ?
03:30Dans les prochaines semaines, à la fin du mois de janvier,
03:32nous aurons toujours un espace sur nos sites internet pour que les victimes puissent témoigner,
03:36mais ce ne sera plus le même dispositif.
03:38Et sans doute que nous ne prendrons plus la parole pour communiquer autour de ce recueil de témoignages,
03:44ce sera un autre temps qui s'ouvrira demain.
03:46Après, ce que nous avons dit assez rapidement, et nous en sommes intimement convaincus,
03:50c'est que rien n'est exhaustif dans ce que nous avons montré.
03:53Nous avons travaillé à base de coups de téléphone, d'abord dans un premier temps, puis à base d'un appel public,
03:58et on sait que jusqu'au 31 décembre, nous avons reçu des témoignages.
04:01Et on sait que là, depuis...
04:02Donc en plus des 33 ?
04:04La 31 décembre, ça inclut ces 33 là, mais que depuis que nous avons publié ce dernier recueil,
04:08nous continuons d'en recevoir.
04:10Alors je ne peux pas vous doubler de chiffres, ce n'est pas moi qui gère ce dispositif là,
04:12mais ça continue à arriver.
04:14Et ce cheminement, parfois long, pour certaines victimes,
04:17il est indispensable, donc oui, il y a d'autres victimes.
04:20Oui, il faut s'attendre...
04:21Quand vous dites des appels, c'est 5, 10, 20 ?
04:23Je ne peux pas vous donner aujourd'hui, ce n'est pas nous qui gérons ce dispositif.
04:26Nous avons eu l'information que oui, la ligne a recommencé à sonner.
04:29Et Tarek, vous disiez, un autre temps s'ouvrira.
04:32Le président de la conférence des évêques de France, qui représente l'église catholique,
04:35a demandé la semaine dernière à la justice d'ouvrir une enquête.
04:38Y êtes-vous favorable ?
04:39Alors nous avons appris cette demande de la conférence des évêques de France.
04:44Peut-être ce qui est important de rappeler, c'est que l'abbé Pierre, tout au long de sa vie,
04:47était un homme d'église.
04:49Et donc l'église, aujourd'hui, fait ce choix là, que nous comprenons,
04:52et que nous soutenons totalement.
04:54Un peu tardivement ?
04:55C'est l'église à son cheminement propre.
05:00Et étant donné la figure, je pense que tous les processus de décision sont un petit peu longs.
05:05Ne serait-ce que parce qu'il faut gérer cette sidération,
05:08et que ce sont des décisions compliquées dans des organisations comme les nôtres,
05:11et il faut aussi derrière, après, avoir le temps du débat interne.
05:14Donc nous comprenons cette décision, nous la soutenons,
05:17et nous espérons qu'elle va aider à éclairer des mécanismes
05:21qui sont d'une complexité et d'une longévité,
05:25qui nécessitent qu'en fait tous les moyens soient mis sur la table.
05:28Et vous souhaitez donc que la justice ouvre une enquête ?
05:30Est-ce que vous savez si la justice va ouvrir une enquête ?
05:32Nous n'avons aucune information à ce titre-là.
05:34Nous-mêmes, depuis le début, parce que nous avons fait oeuvre de transparence,
05:38tous nos rapports sont publics depuis le premier jour,
05:40et le cabinet est à disposition si jamais la justice souhaite s'en saisir.
05:43Le cabinet est gaé.
05:44Nous, nous sommes à la disposition de la justice si elle décidait d'ouvrir une enquête.
05:48Ouvrir une enquête, ça permettrait aussi sans doute peut-être d'y voir plus clair sur ceux qui savaient.
05:54On est d'accord ? Il y a forcément des gens qui savaient et qui n'ont pas parlé.
05:57De la même manière, nous l'avons dit dès juillet,
05:59c'est évident que des personnes, à titre individuel, savaient.
06:03Chez Emmaüs ?
06:04Partout.
06:05Chez Emmaüs ?
06:06Chez Emmaüs, dans la société, au sein de l'église,
06:08des proches de l'abbé Pierre, c'est évident qu'ils savaient de tels faits.
06:13Autant de faits et aussi graves n'auraient pas pu être commis sans que personne n'en ait connaissance.
06:17Il faut que ces gens-là soient poursuivis ou pas ?
06:19Alors ça, c'est à la justice de le dire.
06:21L'ancienneté des faits montre que ce sera quelque chose sans doute judiciairement compliqué.
06:27Nous, il nous semble que le travail que nous essayons de faire, c'est aussi d'éclairer ça au niveau de notre organisation.
06:32C'est pour ça que nous avons installé une commission d'historiennes et d'historiens,
06:36qui est présidée par une chercheuse de l'école des hautes études en sciences sociales, Céline Béraud,
06:40qui commence ses travaux en février prochain,
06:42et qui doit justement nous aider à comprendre qui savait,
06:45et quels mécanismes ont fait que pendant 50 ans,
06:47soit cette personne a pu agir, des personnes ont pu le savoir,
06:50sans que rien ne se déclenche,
06:52sans qu'aucun bouclier ne soit mis en place pour que ces faits s'arrêtent.
06:56Les victimes identifiées n'auront jamais le droit à un procès,
06:59et pour cause, l'abbé Pierre est mort, il ne pourra donc pas être jugé ni condamné.
07:03Faut-il malgré tout qu'elles obtiennent réparation ?
07:08Dans le processus d'accompagnement et de reconstruction des victimes,
07:12il y a souvent un élément qui permet d'avancer pour les personnes qui ont subi des violences sexuelles.
07:19Cette question, nous la sommes posée assez rapidement,
07:22elle est aujourd'hui sur la table, au sein du mouvement Emmaüs,
07:25c'est-à-dire qu'elle sera discutée et nous trancherons définitivement sur ce sujet-là en juin prochain.
07:30Mais vous souhaitez qu'elle soit indemnisée, par exemple, ces victimes,
07:33comme l'ont été les victimes de violences sexuelles commises par des membres de l'institution religieuse,
07:38il y a d'ailleurs une commission qui a été mise en place,
07:40est-ce que cette commission, par exemple, pourrait indemniser ces victimes-là ?
07:44À notre avis, il n'y a pas de raison qu'elle ne le soit pas.
07:47Vous le souhaitez ?
07:48Nous, nous sommes plutôt favorables à cette décision,
07:50moi je ne peux pas m'engager au nom du mouvement Emmaüs qui n'a pas pris cette position officiellement encore,
07:54mais nous sommes plutôt favorables en tant qu'héritiers et en tant que porteurs d'une certaine responsabilité morale,
07:59par rapport à tout ça, mais il nous semble aussi que l'abbé Pierre n'était pas qu'un homme Emmausien,
08:04c'était un homme d'église, l'église a aussi, sans doute, sa part de responsabilité,
08:08mais aussi a une vraie expertise dans cette question-là,
08:11a des moyens aussi à mettre sur la table potentiellement,
08:13et c'est un dialogue conjoint qu'il faut qu'on ait,
08:16parce que oui, sans doute que la réparation financière est un élément important
08:19pour permettre aux victimes de tourner la page.
08:21L'église a un rôle à jouer, c'est ce que vous nous dites ce matin.
08:23Il nous semble que l'église a un rôle à jouer là-dedans.
08:25Merci beaucoup Tarek Daher d'être venu sur RTL, donc prendre la parole après.

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