C’est un succès devenu un cas d'école. Le 19 mai 1978, les légionnaires du 2e régiment étranger de parachutistes étaient largués sur la ville de Kolwezi, au sud-est du Zaïre (dans l’ex-Congo belge et devenu depuis la République démocratique du Congo). Cette opération fut décidée en urgence par le président de la République Valéry Giscard d'Estaing et fit suite à une demande d'aide du président zaïrois Mobutu. Elle avait pour objectif de sécuriser la ville – aux mains des rebelles katangais du FLNC (Front de libération nationale du Congo d’obédience marxiste), et de libérer les Européens piégés sur place. Le général Bruno Dary, alors jeune lieutenant, chef de section, a participé à cette opération à haut risque. Il témoigne aujourd'hui sur TVL.
La Revue d'Histoire européenne : https://bit.ly/3MJpT57
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00:00:20Bonjour à tous. C'est un succès devenu un cas d'école.
00:00:24Le 19 mai 1978, les légionnaires du 2e Régiment étranger de parachutistes
00:00:30étaient largués sur la ville de Colvésie, au sud-est du Zahir,
00:00:34dont l'ex-Congo belge est devenu depuis la République démocratique du Congo.
00:00:38Cette opération fut décidée en urgence par le président de la République,
00:00:41Valéry Giscard d'Estaing,
00:00:42et fit suite à une demande d'aide du président zaïro-roi Mobutu.
00:00:46Elle avait pour objectif de sécuriser la ville,
00:00:49aux mains des rebelles katangais du FLNC,
00:00:51le Front de Libération Nationale du Congo d'obédience marxiste,
00:00:55et de libérer les Européens piégés sur place.
00:00:58Pour nous raconter cette opération à haut risque,
00:01:00j'ai demandé à l'un de ses acteurs,
00:01:02il était jeune lieutenant à l'époque, de venir témoigner.
00:01:06Bruno Dari, mon général, bonjour.
00:01:08Merci d'avoir répondu à notre invitation.
00:01:11Donc je viens de dire qu'en 1978, à Colvésie,
00:01:14vous étiez jeune lieutenant au 2e REP,
00:01:17mais vous avez conduit par la suite une belle carrière
00:01:19puisque vous avez commandé ce même 2e REP entre 1994 et 1996,
00:01:27avec lequel vous avez été en opérations extérieures
00:01:29en République sud-africaine, puis en ex-…
00:01:31– République centrafricaine.
00:01:32– République centrafricaine, RCA, je me suis trompé, pardon,
00:01:36puis en ex-Yougoslavie.
00:01:38Général de brigade, en 2002, vous avez pris le commandement
00:01:42de la 6e brigade légère blindée à Nîmes,
00:01:45puis en 2004, celui de la Légion étrangère,
00:01:49avant d'être nommé gouverneur militaire de Paris en 2007
00:01:52et de quitter le service actif en 2012,
00:01:55avec vos 5 étoiles de général d'armée.
00:01:59Alors, pourquoi parler de Colvésie aujourd'hui ?
00:02:02C'est que vient de sortir aux éditions Pierre de Taillac
00:02:06un livre intitulé
00:02:07L'honneur d'un colonel, signé Arnaud Hérulain,
00:02:11l'un des fils du colonel Hérulain,
00:02:14qui était le chef de corps du 2e REP,
00:02:16lors de cette opération, l'opération Bonnides,
00:02:19donc à laquelle vous avez participé.
00:02:21Alors, je voudrais, très rapidement,
00:02:24avant de rentrer dans le vif du sujet,
00:02:27que vous décriviez quelle était la situation politique
00:02:31dans cette région de l'Afrique au milieu des années 70.
00:02:36– La situation…
00:02:38Le Zaïre, parce que c'était appelé pas l'ère d'essai maintenant,
00:02:42le Zaïre, c'est pas une grande…
00:02:44Ouais, ça appartenait à la Belgique pendant longtemps,
00:02:47donc rappelez-vous l'opération sur Stanleville en 76,
00:02:52ou 76, peu importe, conduite par des Belges,
00:02:57donc on n'avait pas une grande tradition,
00:02:58un peu comme contemporainement au Gabon,
00:03:01contemporainement à la Côte d'Ivoire,
00:03:02où là, heureusement, on a des forces qui sont présentes,
00:03:04avec des exercices réguliers, l'information militaire, etc.
00:03:08Donc, assez peu,
00:03:10mais le président Gilles Cardestin y avait été, je crois, en 75,
00:03:13avant d'une visite à Mobutu, donc on avait des liens suivis.
00:03:21En revanche, les liens qu'on avait, c'était surtout économique,
00:03:24puisque Colvésie était une ville minière,
00:03:29et puis avec des minerais très importants,
00:03:33comme ils fournissaient, je crois,
00:03:34vraiment 30% du cuivre dans le monde,
00:03:38le manganèse, etc., le lithium.
00:03:40Donc, il y avait une communauté européenne,
00:03:44il y avait à peu près, je ne sais pas, 4 000 Belges,
00:03:49presque 2 000 Français, etc.,
00:03:51donc il y avait une communauté importante
00:03:53qui travaillait à une grande entreprise qui s'appelait la Gécamine.
00:03:56Et toutes ces carrières du cuivre étaient à ciel ouvert,
00:04:00tellement il y en avait, pour vous dire,
00:04:02et tous ces matériaux, après, traversaient l'Afrique du Sud
00:04:09et embarquaient sur le port de Luanda, ou je ne sais pas lequel,
00:04:12mais tout ça pour dire que c'était quand même
00:04:15une richesse minière extraordinaire.
00:04:18– Qui attise, effectivement, les combattants.
00:04:21Il y a également eu l'influence, il y a eu beaucoup de guérilla dans la région.
00:04:24– À l'époque, rappelez-vous, l'Europe était divisée en deux,
00:04:28l'Europe de l'Est sous obéissance communiste, de l'URSS,
00:04:34non pas de la Russie, de l'URSS, et la France appartenait,
00:04:38était dans le camp occidental, même si elle n'appartenait pas à l'OTAN,
00:04:42elle était dans le bloc de l'Ouest.
00:04:45Et donc, je crois que c'est Lénine qui a dit
00:04:47que le chemin de l'Europe passe par l'Afrique,
00:04:50et donc que c'était vraiment une action soviétique,
00:04:53il faut l'appeler par son nom,
00:04:54mais les Russes, les Soviétiques, agissaient par pays
00:04:59ou par contingents interposés, c'est-à-dire qu'ils s'appuyaient
00:05:03sur l'Angola, sur les Cubains, etc., en soulevant des moments de contestation.
00:05:09Et le but, c'était un peu de couper l'Afrique en deux,
00:05:11avec une attaque à partir de l'Angola, et de l'Est,
00:05:15c'était le Mozambique et l'Éthiopie qui, à l'époque, étaient marxistes,
00:05:19ne l'oublions pas.
00:05:20Donc, il y a quand même, on voit que cette guerre froide,
00:05:23en fin de compte, c'était délocalisé, où il y avait toujours le bloc,
00:05:28rappelez-vous l'image de Berlin, coupée en deux.
00:05:33C'était délocalisé en Afrique, et on le faisait par contingents interposés.
00:05:38Voilà, donc cette rivalité.
00:05:40Alors, l'affrontement avait commencé l'année avant, en 77,
00:05:46puisque les Angolais avaient commencé à attaquer,
00:05:51mais ils avaient fait une progression classique.
00:05:54La France était interminable, directement, en fournissant des avions.
00:05:57Moi, je me rappelle, j'étais en stage à Pau,
00:05:59et un jour, on nous a dit, il n'y a plus d'avions, ils partent tous, etc.
00:06:03Et ces avions ont servi à aérotransporter l'armée aéroise,
00:06:07qui s'est bloquée, et ça suffit à stopper.
00:06:10Là, en 78, les Angolais, fort de leur…
00:06:14ils ont pris, dans le cadre du rétex,
00:06:17le retour d'expérience, ils ont fait une attaque par surprise.
00:06:21Ils sont arrivés discrètement, toujours à la même époque.
00:06:24Pourquoi ? Parce que c'est la fin de la saison des pluies et le début de la saison sèche.
00:06:27On est en hémisphère sud, donc il pleut d'octobre à mars, avril, mai, à peu près.
00:06:35Et donc, c'est le début de la saison sèche,
00:06:37donc ils en profitent pour utiliser les routes, elles sont exploitables.
00:06:42Donc c'est ce qui explique, un, leur attaque, leur attaque par surprise,
00:06:45parce qu'ils arrivent à Colvésie, personne ne les a vu venir.
00:06:49– Ils sont combien à peu près, leurs effectifs ?
00:06:51– On dit 3 000, 4 000, je ne sais pas.
00:06:53Là, je répète ce que l'on m'a dit, parce que nous, on a vu…
00:06:58Mais encadrés par Cubains, quelques Allemands de l'Est,
00:07:02moi, personnellement, je n'en ai pas vu,
00:07:04mais on en a vu quelques Blancs, etc., on ne sait pas trop,
00:07:07mais on sait de toute façon qu'ils n'étaient pas loin.
00:07:09– Et tout de suite, lorsque les rebelles, début mai, attaquent Colvésie,
00:07:14ils agressent les Européens ?
00:07:16– Ils agressent, vous savez…
00:07:18– Un, de prendre les mines, deux, de prendre la ville.
00:07:20– Oui, un, prendre la ville, aller plus loin,
00:07:22et puis après, ce n'est quand même pas des forces très disciplinées,
00:07:26et puis, ils ont tellement de richesses devant eux,
00:07:28c'est qu'ils en usent et ils en abusent.
00:07:32Dès que vous avez une arme, la population civile, elle est désarmée,
00:07:35et donc, elle est complètement abandonnée.
00:07:38L'armée aéroise a disparu,
00:07:41donc, ici, ce sont les seuls métros de Colvésie.
00:07:46– Et là, tout de suite, il y a les premiers massacres d'Européens ?
00:07:49– Et là, tout de suite, il y a les premiers massacres d'Européens et d'Aérois,
00:07:51parce que la population aéroise a aussi payé un tribut.
00:07:55Mais alors, voilà, Belges et Français pour la plupart.
00:08:00– Donc, la situation remonte à Paris très rapidement ?
00:08:05– Très rapidement, oui.
00:08:06– Il y a une période de sida, enfin de latence ?
00:08:08– De confirmation, parce que, bon, comment vient l'information ?
00:08:13Il n'y a pas de satellites à l'époque,
00:08:16ce n'est pas couvert par les médias, etc.
00:08:19Même après ces discussions,
00:08:22heureusement, il y avait quelqu'un qui a joué un grand rôle,
00:08:25dont on n'a pas parlé, c'est le chef de la mission militaire,
00:08:29on le connaît, le GRAS, qui faisait des rapports très précis,
00:08:31qui connaissait bien le pays, et puis avec l'ambassadeur,
00:08:35M. Ross, qui faisait des rapports très précis,
00:08:38et c'est eux qui ont tiré sa haile d'alarme en disant,
00:08:40attendez, on est en train de se faire massacrer,
00:08:44parce que les premiers massacres ont commencé.
00:08:48C'est le problème, c'est valable encore aujourd'hui,
00:08:52dès qu'une force armée, plus ou moins disciplinée,
00:08:56plus ou moins cadrée, s'empare d'une ville,
00:08:58les premières victimes, c'est la population civile,
00:09:00ils ne sont pas armés, ils sont là, ils ne peuvent pas se défendre,
00:09:04et donc, après, c'est le vol, le viol, le pillage, etc.
00:09:07– Donc, le pouvoir politique, à l'époque, c'est Valéry Justin qui est président de la République,
00:09:13en combien de temps vont-ils décider d'intervenir ?
00:09:15Je suppose qu'ils discutent également avec les Belges ?
00:09:18– Oui, alors c'était ambigüe avec les Belges,
00:09:20parce que les Belges, c'était un peu leur fief,
00:09:23mais ils mettent du temps,
00:09:26je crois qu'il y a eu des problèmes à l'époque du gouvernement belge,
00:09:29ils mettent du temps à se décider,
00:09:31résultat, ils arriveront à une opération complètement différente de nous,
00:09:36et différente dans ses finalités, dans ses modalités,
00:09:40dans ses finalités, parce qu'eux, ils prennent les ressortissants belges et européens,
00:09:46ils les évacuent, terminé, ils ne veulent pas chercher à s'habiller,
00:09:48alors que nous, on y va pour nous emparer de Colvésie,
00:09:52stabiliser la situation, évacuer bien sûr ceux qui veulent,
00:09:55et remettre après les clés de la vie, si je puis dire, à Mobutu,
00:09:59vous voyez, il y a deux approches différentes,
00:10:02donc là, moi je n'en ai pas vu,
00:10:06je ne les ai pas vu de loin, c'est tout, donc on en a très peu vu,
00:10:09il n'y a pas eu une grande coordination,
00:10:10je pense qu'ils ont été un peu vexés,
00:10:13dans la France, leur dame Lepion, en faisant une belle opération aéroportée,
00:10:17eux, ils ont fait un truc très classique, on en reviendra dessus,
00:10:20c'était le choix du collier roulin et un choix magistral,
00:10:24c'est-à-dire larguer sur la ville et au nord de la ville,
00:10:27eux, c'est l'opération classique, l'aéroport est plus ou moins tenu,
00:10:31on pose des avions et puis on va de l'aéroport à la ville,
00:10:35s'emparer de la ville et puis on recoupe tout le monde et on évacue,
00:10:38moi je me rappelle l'image que j'ai,
00:10:40une des dernières images que j'ai eue de l'aéroport de Colvilly,
00:10:42je ne sais pas quoi, il y avait un millier de voitures,
00:10:44civiles abandonnées, abandonnées en parfait état,
00:10:48avec les clés sur le vol, les gens, ils avaient eu la mort de près,
00:10:51elles ressortissant, ils partaient.
00:10:53– Donc les choses se décident à Paris, au niveau de l'État…
00:10:57– Avec, entre l'Élysée et le château major des armées,
00:11:00dans la mairie, alors ça se passe le 13-14-15 mai à peu près,
00:11:06ou 14-15-16 mai, vers là,
00:11:08et puis nous, on est mis en alerte le 17 mai,
00:11:16c'est ça, le 17 mai, mais on n'était pas du tout alerte,
00:11:21c'est une anecdote, mais qui est significative,
00:11:24moi j'avais organisé une correspondantation avec ma section,
00:11:27et puis un camarade, un camarade de promo,
00:11:29qui commande une section dans la compagnie à côté, la Bourgain,
00:11:33donc on était dans le désert des agriates,
00:11:34aller poinçonner des balises, etc.
00:11:37C'est intéressant pour dire qu'on menait,
00:11:40un, une instruction habituelle…
00:11:42– Vous étiez basé en Corse à l'époque ?
00:11:43– Oui, oui, mais une instruction de bon niveau, de haut niveau,
00:11:46c'est-à-dire que la correspondantation,
00:11:48c'est-à-dire que chaque légionnaire, il a sa carte, il doit se débrouiller,
00:11:51donc chaque légionnaire doit être capable de lire une carte,
00:11:53de s'orienter, etc.
00:11:55Donc on voit qu'on mettait la barre très haute,
00:11:57alors c'est qu'un détail, mais ça veut dire qu'on était quand même entraînés,
00:12:00et souvent entraînés, on commençait l'instruction le lundi à 7h,
00:12:04on terminait le samedi à midi,
00:12:06donc on était vraiment, toutes les compagnies étaient là,
00:12:12et quelques mois avant, c'était en février 1978,
00:12:16l'inspecteur d'infanterie, Jean-Marc Henry,
00:12:18qui était un vieux d'État-Borg, très humain,
00:12:22plus qu'il voyait bien le fond des choses, il est venu en inspection,
00:12:25ce qui était normal, un régiment est inspecté tous les deux ans
00:12:28par l'inspecteur d'infanterie, il était venu,
00:12:30et il avait assisté à la démonstration,
00:12:32et moi j'étais venu au chantier du régiment, à la Punta Bianca,
00:12:36et le tireur des lignes avait fait une démonstration,
00:12:39et on voyait, quand il voyait les tirs, les sites tombés, etc.,
00:12:42les gens se déplaçant, etc., il était subjugué,
00:12:45il nous l'a dit, il a dit vraiment,
00:12:47j'étais étonné par la qualité, etc.
00:12:50Et puis, à la fin, donc, il s'adresse au régiment,
00:12:53bon, il voyait que nous, on était dans les starting blocks,
00:12:57il y avait une petite partie du régiment qui était partie à Taco, au Tchad,
00:13:01on avait des frères d'armes, alors frères d'armes,
00:13:04je ne sais pas si c'est le 3 ou le 8e IRPIMA ou le 3,
00:13:08qui étaient au Liban à l'époque, avec les premiers casques bleus,
00:13:10et il dit, oui, vous êtes le régiment des tempêtes.
00:13:13Alors, on dit, d'accord, régiment des tempêtes,
00:13:15mais on est toujours à 4 billes, je disais.
00:13:17– Et donc, c'est ça, cette excellence qui a présidé,
00:13:20vous croyez, au choix du 2e REP pour l'option ?
00:13:22– Alors, est-ce que c'est lui ?
00:13:24Moi, j'ai revu après, j'ai même présidé ce obsèque
00:13:26quand j'étais gouverneur de Paris,
00:13:28il m'a dit, moi, quand je suis rentré en inspection,
00:13:31parce qu'il avait quand même été impressionné par la qualité,
00:13:33ce n'est pas du cinéma, vraiment,
00:13:35vous voyez qu'un régiment entraîné, un vrai soldat,
00:13:38il avait dit au chef d'état-major particulier du président,
00:13:41écoute, si t'as un jour, t'as un coup dur à faire,
00:13:43j'ai un régiment, tu peux y aller, tu peux compter sur lui.
00:13:46Il y a eu ça, il y a eu le fait que, bon, le régiment était complet, etc.
00:13:52Et puis, je suis sûr aussi,
00:13:55le fait que c'était une troupe formée d'étrangers,
00:13:59des gens étrangers, si un avion s'était fait descendre,
00:14:03un avion qui s'était fait descendre, c'est 80 morts.
00:14:06Bon, on l'a vu avec la quantité du Drakkar quelques années plus tard,
00:14:11quand vous avez 58 cercueils dans la cour d'ordre invalide,
00:14:14c'est quand même beaucoup à porter sur le plan humain, militaire et politique.
00:14:20Donc, c'est plus facile que…
00:14:22Donc voilà, moi je pense, après j'ai pas été dans le secret des lieux,
00:14:28mais je pense que c'est des raisons qui ont prévalu en disant,
00:14:30bon, on envoie le REP et puis on minimise le risque,
00:14:33parce que c'était quand même, il faut quand même reconnaître
00:14:35un jugé cardestin quand il prend la décision, c'est un pari politique,
00:14:39qu'il a gagné magistralement,
00:14:43mais il le dit dans ses mémoires, que la nuit, quand on intervient,
00:14:51il y a eu beaucoup de go, no go, etc.,
00:14:54et quand il intervient, la première nuit, il n'en revoit beaucoup,
00:14:57en plus à l'époque, il n'y a pas de liaison, il n'y a pas de Marsat,
00:15:01il n'y a rien, c'est les BLU.
00:15:05– Et donc là, on demande au colonel Hérulin de préparer l'opération,
00:15:08comment ça se passe concrètement ?
00:15:11– D'abord, on est mis en alerte.
00:15:12– Donc l'objectif, la mission, c'est de sauver les Européens,
00:15:14de prendre la ville, donc qu'est-ce qu'on lui dit au colonel Hérulin ?
00:15:17– Alors moi, je ne suis pas témoin, je sais que nous, on arrive,
00:15:21on embarque dans les avions, des avions qui vont en vol direct,
00:15:25des avions d'UTA, comme je l'ai dit.
00:15:26– Et voilà, parce que quels sont les moyens dont vous disposiez
00:15:29pour rejoindre d'abord l'Afrique ?
00:15:31– D'abord l'Afrique, c'était des avions de la gamme civile,
00:15:34la gamme commerciale, UTA à l'époque, des avions de ligne,
00:15:37et donc déjà, entre ceux qui vont en vol direct,
00:15:40ceux qui passaient par Dakar ou par Abidjan, Ravitaille, etc.,
00:15:43entre l'ordre de départ de Calvi et l'ordre d'arrivée à Kinshasa,
00:15:51n'est pas le même, donc il a fallu s'adapter jusqu'au dernier moment,
00:15:54et puis après, c'est là où il prend contact avec Coelgra,
00:15:56qui lui explique la situation,
00:15:59et lui, heureusement, il était dans le premier avion,
00:16:02donc il a toute la journée et toute la nuit pour préparer l'opération,
00:16:06parce qu'avec les avions qui arrivent au compte-goût,
00:16:09dans un ordre dispersé, l'adaptation est importante.
00:16:13– D'accord, donc finalement, la manœuvre,
00:16:16toutes les opérations vont se décider pendant le transport, parce que…
00:16:20– Pendant le transport, puis à l'arrivée,
00:16:21puis pendant les 12 heures où on reste à…
00:16:23– Alors justement, quelle va être la manœuvre opérative, le plan opératif,
00:16:30je ne sais pas comment on dit ?
00:16:32– L'ordre d'opération, mais de toute façon,
00:16:34il est imposé par l'ordre d'arrivée des avions,
00:16:36parce que tout ce qui est soutien, soutien médical, soutien santé, etc.,
00:16:41arrive avec nous dans les derniers avions,
00:16:44et donc le Col des Rulins, il saute avec trois compagnies de combat,
00:16:50parce que c'est tout ce qu'il a sur la main,
00:16:53en plus l'opération est avancée de 24 heures, comme le dit dans le livre,
00:16:58et donc à ce moment-là, ça bouscule tout, il n'y a plus le choix,
00:17:04il prend les trois compagnies qui sont arrivées,
00:17:06la première, la deuxième compagnie, la troisième compagnie, les quatre…
00:17:09– Mais avant le saut, ce qui m'intéresse, c'est que va décider Erulin,
00:17:15quelle va être sa manœuvre ?
00:17:18Alors j'en crois peut-être pas les bons termes militaires, mais…
00:17:21– Si, si, c'est sa manœuvre, alors il fait la manœuvre,
00:17:24bon c'est un, qu'on va sauter, deux, bon les avions,
00:17:28il y a deux Transall et quatre Hercules, je crois.
00:17:34– Alors qui sont français, qui sont sur place déjà, ils sont annoncés ?
00:17:37– Un français et puis le reste, c'est Zahiroua,
00:17:39il y en a deux qui ont tombé en panne au moment du départ,
00:17:42donc il va être encore à l'adaptation, etc.
00:17:45Donc le choix qu'il fait, c'est un saut en parachute,
00:17:48parce que le choix qu'il fait,
00:17:50c'est tout de suite coiffer le centre de la ville,
00:17:52et ça c'est vraiment un choix essentiel,
00:17:56non seulement parce qu'il saute sur l'objectif,
00:18:01et puis en plus, il choisit des zones de saut au nord de la ville,
00:18:04alors que les Katangues, qui ne sont pas idiots,
00:18:06étaient emparés de la ville,
00:18:08ils savaient que le point faible c'était l'aéroport,
00:18:10où il restait encore quelques aérois,
00:18:11donc leur dispositif était quand même orienté vers le sud,
00:18:14en disant, s'il y a des renforts extérieurs,
00:18:17ils vont arriver par l'aéroport et monter,
00:18:18alors que nous, on les prend par derrière.
00:18:21Donc, et tout de suite, dès le saut effectué,
00:18:26en début d'après-midi, les trois compagnies,
00:18:29la première, la deux, la trois,
00:18:31vont coiffer des points essentiels au centre de la ville,
00:18:34comme ça, ils gènent le dispositif, et ils contrôlent la ville.
00:18:38Moi, j'étais dans la deuxième vague, pourquoi ?
00:18:41Parce que l'avion était passé par Dakar,
00:18:43il fallait le réinviter, etc.
00:18:44Donc, on est à la deuxième rotation,
00:18:48et quand on arrive, le 19 soir, à tomber de la nuit,
00:18:54là, pareil, une décision magistrale du collier des ruelains,
00:18:57qui contrôle la situation, quand même,
00:18:59il y a très peu de pertes, etc.
00:19:02Et il décide, non, non, vous ne larguez pas,
00:19:03parce que larguer dans les hautes aires,
00:19:05dans un terrain qu'on ne connaît pas, de nuit, etc.
00:19:09Moi, je contrôle la situation, allez vous poser,
00:19:11on va se poser à 200 km, à une ville qui s'appelle Kamina, l'aéroport,
00:19:16et on est largué le lendemain matin, très tôt.
00:19:18Donc, c'était quand même des décisions importantes qu'il a prises,
00:19:23ce rôle de coiffer l'objectif,
00:19:26dans un devoir, je ne veux pas être un peu méchant avec l'école de guerre,
00:19:28mais dans un devoir d'école de guerre, on dira,
00:19:29on s'empare de l'aéroport,
00:19:32premier temps, on contrôle un point d'appui sur l'aéroport,
00:19:34on amène les renforts, et après, peu à peu, on va…
00:19:37Mais dans le temps de faire ça,
00:19:38il se passe 24 heures ou 48 heures avant de rentrer en ville,
00:19:41et ces 48 heures, c'est la population qui est massacrée,
00:19:44ou emportée en otage, etc.
00:19:46Donc, le fait de coiffer la ville, il déstabilise le dispositif Katangé.
00:19:50– D'accord, donc on saute au plus près de la ville,
00:19:55donc effet de surprise ?
00:19:57– Effet de surprise, alors effet de surprise,
00:20:00parce que bon, les avions, ils font un premier passage,
00:20:02les aéroirs, etc., ils ont oublié de faire un deuxième passage,
00:20:05il y a quand même un effet de surprise,
00:20:06RFI, on avait parlé aussi à la radio,
00:20:08mais ils ne sont pas tous penchés sur RFI, etc.
00:20:11Il y a quand même un effet de surprise, là,
00:20:13et sur le choix de la zone de saut,
00:20:17et puis tout de suite, quand on est au ras de la ville,
00:20:21on est tout de suite, on va coiffer les points importants de la ville.
00:20:26– Quels étaient les risques d'une telle opération ?
00:20:30– Le risque essentiel, c'est qu'une opération aéroportée,
00:20:39c'est la phase de mise à terre est fragile,
00:20:42parce qu'un avion, il est vulnérable,
00:20:45quand un avion de transport qui vole à 250-300 mètres d'altitude,
00:20:50vous pouvez lui tirer dessus, c'est pas l'horreur.
00:20:53– C'est vite en plus.
00:20:54– À l'époque, il n'y avait pas beaucoup de missiles,
00:20:56mais il y en avait quand même quelques-uns,
00:20:58et puis une fois que tout le monde a été largué,
00:21:01il est le temps de se regrouper dans des hautes herbes, etc.,
00:21:04retrouver…
00:21:06Et d'ailleurs, quand vous faites l'histoire des parachutistes,
00:21:11il y a autant de succès que de défaites.
00:21:15Les premiers à avoir utilisé l'aéroportée,
00:21:18c'est les Allemands pour conquérir la Belgique en 1940,
00:21:22le fort des Bénémarrais, etc., qui sont des sujets…
00:21:26des petites OAP, mais comme ça, ils s'en parlent.
00:21:28Mais un an plus tard, ils vont en Crète,
00:21:31et la Crète, c'était le tombeau des para-Belges, des para-Allemands.
00:21:35Pourquoi ? Parce que les Anglais les attendaient,
00:21:39et puis ils ont largué leurs soldats sur un dispositif britannique
00:21:44qui était au courant, donc ils se sont fait massacrer.
00:21:46Et puis, un pont trop loin, à Arnhem,
00:21:48ça a été un échec aussi, parce que…
00:21:51ou une semi-réussite, parce que les Anglais sont tombés
00:21:55sur un dispositif allemand qu'ils attendaient.
00:21:57– D'autant que là, vous n'aviez pas d'appui…
00:22:00– Aucun appui. – Air-sol.
00:22:01– On n'a aucun appui, le seul appui, c'est notre section de mortier,
00:22:08qui a été commandé par un camarade, l'étudiant Verna,
00:22:11mais c'était un appui sol-sol, il n'y a eu aucun appui aérien, rien du tout.
00:22:16Donc c'est vrai que la phase…
00:22:18c'est un peu comme une opération amphibie,
00:22:20cette phase de changement de milieu, c'est une phase très sensible,
00:22:24parce qu'on est vulnérable.
00:22:26Le soir du débarquement, on annonce à Eisenhower, il y a eu 11 000 morts.
00:22:30Bon, quand vous voyez la première partie du soldat Ryan,
00:22:35c'est ce qui retrace le mieux ce débarquement,
00:22:37les gens débarquent, les Allemands sont dans leur bunker,
00:22:40et nous, on est poitrine nue, et puis il faut monter à l'assaut.
00:22:44Bon, l'OAP, c'est ça.
00:22:45Alors là, on a été la chance, on a joué sur la fête surprise,
00:22:48on s'est tout de suite regroupés,
00:22:50dans le nord de la ville, là où vous n'attendez pas les 4 tanguets,
00:22:53on s'est tout de suite regroupés, et une fois qu'on est regroupés,
00:22:56après c'est le… je ne vais pas dire le rouleau compresseur,
00:22:58mais après vous vous sentez fort,
00:23:01quand vous êtes en unité constituée, vous manœuvrez.
00:23:04– Alors justement, vous êtes en unité constituée,
00:23:08lorsqu'on a préparé l'émission, on en a parlé,
00:23:12finalement, nous sommes en 78,
00:23:16ce sont des hommes qui n'ont jamais combattu.
00:23:19– À jamais, dans la compagnie,
00:23:20l'adjoint de compagnie avait été Haut-de-Châte,
00:23:22parce qu'il y a eu une opération d'aide à l'armée tchadienne à l'époque,
00:23:26à l'époque du gérant de la case,
00:23:27mais comme on disait chez nous,
00:23:29pas de décoration, mais la place pour en mettre.
00:23:33Aucun, le seul qui avait vraiment connu le combat,
00:23:36c'était Colère-les-Ruins, qui avait été en Algérie, c'est tout,
00:23:40donc c'était… et la première fois,
00:23:43moi je l'ai vu après, une fois qu'on a été au combat,
00:23:46on sait ce que c'est, alors c'est pas…
00:23:48et c'est… il y a quand même le stress du premier affrontement,
00:23:55donc on avait…
00:23:57mais comme je vous l'ai dit tout à l'heure,
00:23:59on était quand même super entraînés,
00:24:01et ça c'était quand même techniquement, tactiquement, physiquement,
00:24:05parce qu'on était quand même costauds,
00:24:07les gens avaient entraînement, ça n'arrêtait pas,
00:24:10et c'était quand même des gages de succès,
00:24:13parce que le… moi je me rappellerai toujours,
00:24:14c'est un souvenir que j'ai, que j'étais dans l'avion,
00:24:16donc j'étais au début de l'avion,
00:24:19auprès de la porte pour sauter en premier,
00:24:21et je me retourne et vous voyez toutes les têtes de vos légionnaires là,
00:24:24vous leur faites un clin d'œil, ils vous font un clin d'œil,
00:24:26ils sourient, ils vous font confiance,
00:24:28il y a un problème de confiance,
00:24:30et c'est là où vous vous dites,
00:24:31je ne sais pas où on va,
00:24:32mais avant qu'il y ait un rouleau compresseur qui nous écrase,
00:24:34ils vont laisser les pieds.
00:24:35– Et puis on y va ensemble surtout.
00:24:36– On y va ensemble et on se sent fort quoi.
00:24:40– Et quel moyen vous aviez, vous avez parlé de mortier,
00:24:42donc c'est la seule petite artillerie que vous aviez, pas de véhicule ?
00:24:46– Aucun véhicule au départ, donc on est à pied,
00:24:49et puis comme les français, les français et les belges parlent de tous les côtés,
00:24:53nous c'était le cas, on a récupéré des véhicules,
00:24:58j'avais un groupe de combat qui était dans un croc mort,
00:25:01bon ça roulait, ça transportait 10 personnes, peu importe,
00:25:04donc les 3, 4 ou 4, 5 premiers jours,
00:25:07on était dans des véhicules de récupération.
00:25:10– Et au niveau médical, vous aviez une assistance ?
00:25:12– Ben non, on avait notre médecin-chef.
00:25:15– Qui a sauté avec vous ?
00:25:16– Qui a sauté avec nous, alors lui avec le chef de corps,
00:25:18et puis après il y avait quelques personnes,
00:25:20une petite antenne chirurgicale,
00:25:21quand même chirurgicale, en cas de médical,
00:25:23il n'y a pas de… pour pareil, les premiers blessés, grave.
00:25:28– Ce que j'ai lu, et ce qui est assez surprenant,
00:25:31c'est que finalement ce qui compte c'est la rapidité, la vitesse d'exécution,
00:25:34et que fait-on des blessés ?
00:25:37– Les blessés, on leur fait les premiers soins,
00:25:39puis on va prendre les blessés sur place,
00:25:41puis on va les récupérer après,
00:25:43et puis après, très rapidement on a contrôlé l'hôpital de Colvésie,
00:25:48et puis on s'en est servi pour regrouper tous les blessés sur l'hôpital de Colvésie.
00:25:54– Donc vous, vous avez fait partie de la 2ème vague, on va en parler,
00:25:57mais est-ce que la progression de la 1ère vague a été difficile, on a connu…
00:26:01– Non, c'est fulgurant, c'est-à-dire qu'il y a eu la surprise,
00:26:04ils se sont regroupés, puis après une compagnie qui a regroupé,
00:26:07c'est un compresseur.
00:26:08– Une compagnie pour des blessés ? 150 hommes ?
00:26:11– 120 hommes à peu près,
00:26:12les conducteurs étaient restés à Calvésie à assurer l'aérotransport des véhicules,
00:26:19après c'est… quand on tire, c'est des tirs précis,
00:26:24quand on manœuvre, etc., donc il y a quelques adversaires,
00:26:27puis on les prend par derrière en plus,
00:26:29eux, ils sont tout de suite dépassés par les vénéments en plus.
00:26:32– Et pourtant, quel est le rapport de force ?
00:26:34Ils sont beaucoup plus nombreux que vous, vous dites quoi ?
00:26:36400 à la 1ère vague ?
00:26:38– Oui, la 1ère vague, oui, 300 à la 1ère vague, 400 à la 2ème vague,
00:26:44oui, mais ces rapports de force, comme ils sont déstabilisés,
00:26:50parce qu'on va tout de suite conquérir le centre de la ville,
00:26:54et qu'eux, ils ne s'y attendaient pas, ils sont tout de suite déstabilisés,
00:26:58donc ils ne peuvent pas, dès qu'il y a des éléments de résistance,
00:27:00ils sont neutralisés, donc très rapidement, au bout de 2 jours,
00:27:04ils fuient le centre-ville et puis ils se replient.
00:27:08On voit qu'ils ne cherchent pas à s'accrocher à Calvésie,
00:27:12ils se replient, alors ils emmènent quelques otages avec eux,
00:27:15il y avait 6 militaires français
00:27:18qui étaient en assistance militaire technique,
00:27:21qu'on n'a jamais retrouvés, on sait qu'ils ont été tués,
00:27:24qu'ils ont été embarqués, puis ils ont dû être tués.
00:27:29– Mais nous connaissons des pertes dès le 1er jour ?
00:27:34– Alors nous, dès le 1er jour, ou le 1er ou le 2ème jour,
00:27:38il y a eu 3 ou 4 tués à la 1ère compagnie,
00:27:42et moi j'ai perdu mon adjoint, parce que, toujours pareil,
00:27:46on arrive, le lendemain, on récupère de l'armement,
00:27:51on laissait tomber des munitions, mais l'armement,
00:27:54quand chaque soldat a 3 armes sur le dos, on n'arrivait plus qu'à avancer,
00:27:58et puis à un moment, il y a un français qui nous dit, ou un belge qui nous dit,
00:28:01ah ben tenez, moi je vous passe ma voiture, moi je pars,
00:28:04et il nous laisse la clé de sa voiture,
00:28:06et donc je dis au capitaine que dès que j'ai une voiture,
00:28:08on va mettre mon adjoint, et puis tout l'armement récupéré,
00:28:11on le met dedans, pour soulager,
00:28:14et puis voilà, et dans l'après-midi,
00:28:17on est chargé d'aller contrôler une ville qui s'appelle Métal-Chabat,
00:28:21et on en prend la voie ferrée,
00:28:22et mon adjoint prend la route qui est parallèle à peu près,
00:28:25et puis il conduisait, avec les postes qu'on avait,
00:28:27il n'était pas à la radio, puis à un moment,
00:28:30sur les hauteurs, on voit que c'est tenu,
00:28:32je lui dis de s'arrêter, il n'a pas entendu, il a continué,
00:28:34il est tombé sur eux, il s'est fait tuer,
00:28:36on l'a récupéré après, avec tout l'armement à bord,
00:28:39qu'il n'avait pas à toucher, parce qu'il n'avait pas de quoi faire de l'armement,
00:28:42et voilà, il a eu des moyens modernes de transmettre,
00:28:46il a mis ça dans l'oreille.
00:28:46– J'imagine que c'était un moment terrible pour un chef de section.
00:28:50– Oui, c'était Norbert Daniel, c'était plus qu'un adjoint,
00:28:54c'était un ami, on est toujours en contact avec son frère d'ailleurs,
00:28:59qui est présent au sein de l'Amicale,
00:29:03voilà, et puis après il y a eu un tué au GCP, je crois,
00:29:09il a fait l'affaire de nuit.
00:29:10– Donc comme je disais, vous vous êtes parachuté le lendemain,
00:29:13vous avez quitté le bruit de l'avion, vous êtes dans le silence du saut,
00:29:21quelle est votre première impression quand vous arrivez au sol ?
00:29:25– Ma première impression c'est d'abord de chercher à regrouper sa section,
00:29:29parce que dans les hautes herbes, c'est quand même pas simple,
00:29:33donc il faut chercher à regrouper sa section,
00:29:36et puis après, là j'étais surpris, une petite anecdote,
00:29:39mais qui est révélatrice, et après, une fois la section est remplie,
00:29:43j'appelle mon capitaine, il me dit, attendez, pour vous, mission,
00:29:45nous c'est une nouvelle zone de saut, on est un peu à l'est de la ville,
00:29:50il faut nous emparer de la ville européenne,
00:29:52il y a la vieille ville européenne, il y a la nouvelle ville européenne,
00:29:55parce qu'un jour il y a eu des massacres etc. et j'ai reçu la mission,
00:29:58bon il paraît que dans une ville là, il y a eu un regroupement d'Européens,
00:30:02il y a eu un charnier, il faut retrouver le charnier.
00:30:05Bon, je reçois la mission,
00:30:06bon, moi j'avais, en échelle de section à l'époque,
00:30:10on se dit, t'es parachuté 24 heures après le camarade, ou 12 heures,
00:30:15nous on va aller à la riflette,
00:30:16– Vous aviez 25 ans à l'époque, on l'appelle.
00:30:18– Oui, je me suis dit, on n'est pas venu pour aller laisser les morts,
00:30:20compter les morts, comme c'est écrit dans l'évangile,
00:30:23bon je cherche un peu, je dis, j'ai rien trouvé,
00:30:25mais je reprends la mission,
00:30:26et puis mon capitaine me dit, vous reprenez la mission
00:30:29quand vous aurez trouvé le charnier, blam !
00:30:32Bon, donc là, je fais ratisser, je me renseigne,
00:30:36et puis on me dit, dans cette ville-là, il y a eu des massacres, on y va,
00:30:39et c'est là où on tombe sur le charnier d'une pièce,
00:30:42qui est grande, à peu près comme ce studio,
00:30:44avec, je ne sais pas, trentaines de cadavres.
00:30:47– C'est insoutenable, j'imagine, c'est insoutenable, j'imagine.
00:30:52– Donc, bon, je dis que j'ai découvert le charnier,
00:30:55et tout de suite, on m'envoie les 2-3 premiers journalistes qui étaient là,
00:30:59donc je les accueille, je les emmène là, ils prennent les photos,
00:31:03et c'est ces photos qu'on fait la couverture de Paris Match.
00:31:05– De Paris Match, oui.
00:31:06– Voilà, donc, non, je dis ça parce que c'est un peu le système
00:31:09de commande du rep, vous faites ça, on ne vous donne pas…
00:31:12on m'aurait dit, attendez, pour juster faire des interventions,
00:31:15il faut trouver ce charnier, et on vous envoie les médias,
00:31:17j'aurais compris le sens de la mission.
00:31:19Donc, trouver un charnier, bon, je n'ai pas bien compris.
00:31:22Donc, c'est bon, c'est une petite anecdote.
00:31:23– Et donc, c'était effectivement une photo qui a fait l'élu de Paris Match ?
00:31:26– Oui, la mission que j'avais, avait un rôle stratégique et même politique.
00:31:33– Bien sûr.
00:31:34– Bon, voilà, c'était tout, mais bon, ça a commencé à puer,
00:31:38puis bon, les cadavres partout…
00:31:39– Voilà, donc, parmi vos impressions, enfin, dans le livre d'un de nos érulins,
00:31:44on va en parler tout à l'heure, il y a beaucoup de témoignages,
00:31:46dont le vôtre, vous parlez effectivement de l'odeur.
00:31:49– Oui, dans toute la ville, parce qu'il y avait des cadavres partout,
00:31:53des cadavres qui remontaient à 2, 3, 4 jours.
00:31:56Nous, on est le 19, on est le 20, le 21 mai,
00:32:04donc il y a des cadavres qui remontent à 4, 5 jours,
00:32:07avec la chaleur et l'humidité, puis tous les services municipaux
00:32:12sont complètement arrêtés.
00:32:16Donc, on voit des cadavres au milieu de la route,
00:32:18quand on en lit du… et tout ça, ça…
00:32:21C'est une surprise, c'était un, l'odeur, et deux, le silence.
00:32:24Quand on se rend compte que ça ne tirait pas partout,
00:32:25on entend des rafales, mais il n'y a pas un bruit,
00:32:28il n'y a pas une voiture qui roule, il n'y a rien,
00:32:30il y a un grand silence, puis la désolation,
00:32:35que les quelques Européens qui n'ont pas rejoint l'aéroport,
00:32:39ou pas encore, ou qui ne savent pas quoi faire,
00:32:41ils sont terrés chez eux,
00:32:44serrent beaucoup dans les faux plafonds, etc.,
00:32:45pour éviter de descendre par les catangues.
00:32:50– Donc là, vous avez quadrillé la ville, rentré maison par maison.
00:32:53– Oui, et puis après, dès qu'ils ont vu les Français, ils sont sortis.
00:32:58Quadriller, maison par maison, on l'a fait dans un deuxième temps,
00:33:01lorsque le centre-ville a été contrôlé,
00:33:04et qu'on a donné la possibilité à ceux qui voulaient être évacués
00:33:08de rejoindre l'aéroport et de partir,
00:33:10et après, on a été dans les petites villes autour,
00:33:12les petits villages autour, pour agrandir la zone contrôlée.
00:33:18Et donc, c'est là où là, on partait trot tout le matin,
00:33:22une compagnie de chaque côté, les trois compagnies,
00:33:25et puis on resserrait, et là, on fouillait les maisons une par une.
00:33:30– À partir de ce moment-là, vous avez eu de nouveaux moyens logistiques,
00:33:33parce que vous vous récupérez aussi, vous sautez avec un sac à dos,
00:33:37je ne sais pas, il pèse combien ?
00:33:38– Je ne sais pas, 15 kilos.
00:33:40– 15 kilos, mais ça devient vite très lourd,
00:33:42sauf que vous récupérez des armes, ça vous l'avez expliqué.
00:33:45Donc vous récupérez d'autres moyens logistiques ?
00:33:47– On récupère nos véhicules,
00:33:49il y a un pont aérien conduit par les Américains, remarquablement,
00:33:53et on récupère nos véhicules de Calvi.
00:33:55Les camions nous avaient amenés de Calvi à Swenzara,
00:33:59bon, c'est cinq heures de route,
00:34:01il fallait passer par le col de San Colombo, en bref.
00:34:04On avait laissé tous les véhicules avec des conducteurs à Swenzara,
00:34:09et là, il y a eu un pont aérien avec ses cinq galaxies, etc.,
00:34:12de Swenzara à Lubumbashi.
00:34:17Et tu me ramènes tous nos véhicules, c'était des GMC,
00:34:20de la Deuxième Guerre mondiale à l'époque.
00:34:22Un GMC, ça consomme un litre à la minute.
00:34:25– D'accord, et ça tombe en panne souvent ?
00:34:27– Souvent, quand ça tombe en panne, on s'est réparé, on se débrouillait.
00:34:31Donc les véhicules arrivent, on récupère nos véhicules,
00:34:34on est motorisés, et là le col aérien décide d'agrandir le contrôle de la zone,
00:34:41de ne pas se limiter uniquement à Colvésie,
00:34:43mais dans toutes les villes autour.
00:34:45On irait même faire un raid un jour à 20 km ou 50 km de Colvésie.
00:34:51Mais on se rend compte que tous les cadaviers sont partis
00:34:53et sont retournés dans leur pays d'origine, à Sangar.
00:34:57– D'accord, donc c'est une…
00:34:59Et alors, avant d'arriver aux conséquences,
00:35:01vous êtes désengagé, vous restez combien de temps ?
00:35:04– Alors, on reste une semaine à peu près à Colvésie,
00:35:07et puis à partir du 27 ou 28 mai, je ne sais plus, peu importe,
00:35:15là on reprend nos véhicules et on rejoint Lubumbashi.
00:35:19On laisse une compagnie derrière nous, c'est la première compagnie,
00:35:23et tout le reste du régiment va à Lubumbashi,
00:35:26où pendant une petite dizaine de jours,
00:35:29on va crapahuter un peu à droite à gauche pour occuper les jeunères.
00:35:33– Et comme il ne faut pas s'ennuyer.
00:35:35– Oui, non mais c'était garder une présence française,
00:35:41et sur Colvésie, une petite présence française,
00:35:43et sur Lubumbashi, pour montrer d'abord aux pouvoirs politiques aérois
00:35:47qu'on a fait le boulot et qu'on va leur transférer la charge.
00:35:52Ensuite, il y a une force inter-africaine avec des Marocains
00:35:55qui va se mettre en place et qui va venir pour aider les aérois,
00:35:59et puis l'armée aéroise qui va revenir contrôler la ville.
00:36:03Et donc, nos vieux GMC, on va les transférer aux Marocains,
00:36:10qu'on va être surpris, et puis de retour à Calvier,
00:36:13on va repercevoir des GMC, parce qu'il y a quand même des stocks immenses.
00:36:16– Pas beaucoup plus neufs. – Pas beaucoup plus neufs.
00:36:19– Donc on peut dire que l'opération a été un fond succès,
00:36:22vous parliez tout à l'heure de paris politiques réussis,
00:36:27c'est aussi un pari stratégique et tactique,
00:36:30un vrai succès du colonel Erunin.
00:36:31– Oui, il faut reconnaître que le fait de sauter sur la ville,
00:36:37au nord de la ville, alors que les rebelles attendaient plutôt au sud,
00:36:42on les surprend, on les prend à contre-pied.
00:36:46Donc ça, c'est vraiment le succès, je dirais opératif ou stratégique,
00:36:51peu importe, mais c'est un succès majeur.
00:36:54Et surtout, ça a stoppé les massacres.
00:36:58C'était quand même le but, c'était de contrôler la ville
00:37:00pour arrêter les massacres.
00:37:01Donc dès lors que… parce que tous ces rebelles qui viennent,
00:37:05dès lors que leur vie est en cause avec l'intervention française,
00:37:09ils pensent d'abord à sauver la vie avant de massacrer la population,
00:37:12après ils changent de…
00:37:14– Vous pensez que c'est un message aussi qui a été envoyé aux différents rebelles ?
00:37:18– Ah oui, et puis, comme le dit très justement Arnaud Erunin,
00:37:23ça a marqué un stop dans la volonté ou dans la politique de l'URSS
00:37:29de… d'essayer…
00:37:31– Ça va être l'objet, effectivement, de la dernière partie de l'émission.
00:37:35– Oui, oui.
00:37:36– Mais avant ça, quels enseignements ont tiré de cette opération au niveau militaire ?
00:37:41Est-ce que, je disais dans mon introduction que c'était un cas d'école,
00:37:44c'est étudié aujourd'hui, qu'est-ce qu'on en a tiré comme enseignement ?
00:37:47– Je crois que actuellement…
00:37:49– Vous qui avez fait l'école de guerre, on en parle encore à l'école de guerre ?
00:37:51– Oui, on parle pas que ça parce que c'est quand même une opération très ponctuelle.
00:37:56Mais, même dans 4 ans, dans 3 ans, on va plus expliquer, dans les cinquantenaires,
00:38:06mais c'est une opération qui n'a pas pris une ride,
00:38:09qui n'a pas pris une ride et qu'on pourrait très bien refaire en partant de France,
00:38:15une opération avec ce point sensible, on le voit avec la guerre en Ukraine, etc.
00:38:19c'est qu'avec le développement des missiles solaires,
00:38:22il faudrait jouer encore plus sur l'effet de surprise,
00:38:25et je ne sais pas s'il y a un… il faut jouer à fond sur l'effet de surprise,
00:38:30j'étais dans les troupes aéroportées, on travaillait là-dessus,
00:38:35pour larguer, on fait des vols à basse altitude,
00:38:39mais basse altitude c'est 25-30 mètres,
00:38:41on monte au dernier moment pour larguer et après l'avion repique,
00:38:44comme ça, il n'y a pas quelqu'un qui voit arriver l'avion,
00:38:47il n'a pas le temps d'épauler avec un missile.
00:38:49Donc, mis à part l'affaire des missiles solaires,
00:38:53c'est une opération exceptionnelle parce qu'elle n'a pas pris une ride.
00:38:57– On a tiré des enseignements d'ailleurs pour l'OAP qui a eu lieu à Tambouctou ?
00:39:02– Je pense, oui, oui, certainement, je pense,
00:39:06parce que bon, là c'était… il y avait déjà l'impréhense française,
00:39:11donc il fallait mettre un gap, mais c'est évident que…
00:39:17Les enseignements qu'on a tirés, c'est quand même savoir que,
00:39:20on le savait déjà, mais qu'une opération aéroportée
00:39:24c'est sensible au moment de la mise à terre,
00:39:26parce que les avions sont vulnérables,
00:39:28et puis la première heure qui suit parce qu'on n'est pas encore…
00:39:32les gens qui ont été largués, les soldats qui ont été largués
00:39:35n'ont pas un dispositif tactique cohérent.
00:39:37Dès qu'ils sont regroupés avec un dispositif cohérent,
00:39:39après c'est la machine de guerre qui se met en route.
00:39:45– Alors donc, nous parlions des conséquences politiques,
00:39:48effectivement, comme vous le disiez,
00:39:49c'est un échec à l'expansion soviétique en Afrique,
00:39:53donc bien évidemment les soviétiques ne sont pas très contents,
00:39:57et vont utiliser la presse communiste et la presse de gauche qui va se déchaîner.
00:40:07Donc je voudrais revenir sur le livre d'Arnaud Hérulin
00:40:10qui s'appelle « L'honneur d'un colonel »,
00:40:13qui nous décrit, c'est très minutieux,
00:40:16c'est quasiment heure par heure, minute par minute, l'opération Colvésie,
00:40:20mais il y a toute une dernière partie qui est intitulée
00:40:24« Le maelstrom du retour en France »,
00:40:27parce qu'il va y avoir trois vagues d'attaques,
00:40:32donc déjà on va commencer par nier le caractère humanitaire.
00:40:37– Oui mais ça, c'est un tel succès, puis une telle aura,
00:40:39puis avec un tel rapport, ça c'est bon, c'est des combats.
00:40:44Nous, tout le monde parlait, tous les journalistes après venaient à Calvi,
00:40:48voir le REP et tout ça, on était vraiment sur un pied d'estale pendant longtemps.
00:40:52Bon après le colonel Hérulin est parti, le colonel Hérulin a pris,
00:40:55il dit bon allez maintenant on se remet au travail.
00:40:57– Parce qu'il faut dire quand même qu'en 78 on n'est pas l'armée,
00:41:00on n'est pas dans une ambiance d'homme fou entre l'armée en général.
00:41:05– En 78, j'ai fait ainsi en 72-74, c'était quelques années après 1908,
00:41:12donc un, beaucoup d'antilimitarisme, dans les rues de Paris,
00:41:18d'abord on ne se promenait pas en tenue dans le métro,
00:41:20et dans les rues de Paris l'armée ça pue, ça rend con, ça pollue,
00:41:23l'armée est une grande poubelle dans laquelle les pourris font carrière,
00:41:27et puis peu à peu ça va changer, mais en 78 c'était encore…
00:41:33l'antilimitarisme avait été à bonne presse.
00:41:36– Alors après il y a eu des accusations de bavure,
00:41:38on vous a accusé d'avoir tué des Européens ou d'autres Africains, non rebelles,
00:41:47et puis enfin, donc là c'est le sujet du livre et on va terminer là-dessus,
00:41:50ce sont les attaques coloniales contre le colonel Hérulin,
00:41:57donc là je vous laisse en parler, qui va commencer par un article dans l'Humanité.
00:42:00– Oui, alors le colonel Hérulin, quand les attaques ont été ciblées sur lui,
00:42:10il avait quitté le régiment, je ne sais plus, fin juillet,
00:42:15en 78, deux mois après l'opération,
00:42:18et donc il était affecté à l'état-major d'armée de terre,
00:42:21donc nous le régiment, on a été relativement protégé,
00:42:24on a été beaucoup moins concerné, mais lui aussi,
00:42:29alors la faille de l'angle d'attaque, c'était qu'il était au premier CP en Algérie,
00:42:37il était Saint-Cyrien, promotion Union Française,
00:42:40Union Française ça doit être 54-56 à peu près,
00:42:46ensuite il arrive, il a choisi le premier CP,
00:42:50et donc il va passer 4 ans en Algérie, à mener les combats du premier CP,
00:42:55dont la bataille d'Alger, donc il sera impliqué dans la bataille d'Alger,
00:42:59comme tous ses camarades, les clochers de section,
00:43:02commandants d'unités, parachutistes, légionnaires,
00:43:05il y avait 4 régiments dans la bataille d'Alger, dont Bigère d'ailleurs,
00:43:10voilà, et lui, l'angle d'attaque c'était que lui, il a participé,
00:43:18et c'est lui qui a arrêté Odin, parce qu'Odin, il aidait les gens du FLN,
00:43:29il faut pas oublier qu'ils étaient des terroristes et des assassins,
00:43:32la bataille d'Alger, il faut pas oublier qu'ils s'en prenaient à la population algérienne,
00:43:38aux habitants d'Alger, qui étaient soit français, soit algériens, autochtones,
00:43:43et donc, quand on lance la bataille d'Alger, il faut un système de renseignement, etc,
00:43:49et puis il faut casser les filières qui servent à armer et à abriter tous les gens du FLN,
00:43:59voilà, donc il l'arrête, alors après ce qui se passe, c'est une zone d'ombre,
00:44:05une zone d'ombre qu'on impute à lui parce qu'il l'a arrêté mais qui n'est pas imputable à lui,
00:44:10c'est qu'Odin va être torturé par Ossarès et puis il va mourir,
00:44:16et ça sera une zone d'ombre de l'armée française, mais bon, c'est difficile à parler,
00:44:23parce que d'un côté, c'est inhumain et maintenant illégal de torturer quelqu'un,
00:44:35mais de l'autre côté, c'est pour voir la réalité,
00:44:38c'est combien de vies on a sauvées en obtenant des informations essentielles,
00:44:44voilà donc, pour l'ensemble, alors si c'était à refaire, on ne le referait pas,
00:44:49c'est évident puisque maintenant la torture heureusement est illégale,
00:44:53mais comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est la population qui paye la facture,
00:44:58parce qu'on n'a pas les informations qu'on veut, les gens ne parlent pas,
00:45:02donc on n'a pas les moyens de faire parler, on met plus de temps,
00:45:05et pendant ce temps-là, les attentats continuent,
00:45:07à l'époque où on arrête Audun, il y a 2 ou 3 attentats par semaine dans Alger,
00:45:14et à chaque fois, c'est la population civile qui pèse l'attentat,
00:45:17c'est dans les écoles, dans les bistrots, dans les transports en commun, etc.,
00:45:21ce n'est pas contre l'armée les attentats.
00:45:23– Quoi qu'il en soit, c'est l'humanité, ça commence très tôt, le 23 mai,
00:45:28donc vous êtes encore là-bas ?
00:45:32– Oui, nous, on n'est pas tellement concernés.
00:45:34– Non, bien sûr, mais il faut savoir que l'humanité va titrer,
00:45:38va publier un article le 24 mai,
00:45:40le héros de Calvésie torturé en Algérie, donc là, vous avez une réaction, vous ?
00:45:47– Non, parce que nous, on n'est pas concernés par ça,
00:45:49d'abord, on n'était pas au courant, à l'époque, on ne savait pas les médias,
00:45:54on avait autre chose à faire, et puis au retour,
00:45:58le souvenir que j'ai surtout, c'est le nombre de journalistes
00:46:01qui venaient à Calvi pour voir le régiment, les héros de Calvésie,
00:46:07c'est ça, surtout, qui nous a marqués,
00:46:09puis bon, après, le collègue Roué qui est arrivé là,
00:46:10bon, maintenant, on tourne la page, on se remet au travail et en avant,
00:46:14parce que les attaques étaient quand même très ciblées sur le collègue des Ruins,
00:46:18donc quand il quitte les régions, malheureusement,
00:46:20il part avec le pactage d'avoir à faire face aux attaques contre lui.
00:46:28– Alors, quelle a été la réaction, en revanche, de la hiérarchie ?
00:46:32– La hiérarchie était souvent, bon, lui, il a eu le devoir de se taire,
00:46:37de ne pas agir pour ne pas remettre encore le sujet de la torture et de la bataille d'Alger,
00:46:49et puis l'État-major a choisi de rester silencieux,
00:46:51c'est-à-dire, bon, on n'en parle pas pour ne pas relancer la polémique,
00:46:57et chaque fois que, moi, je suis président de la CRCN,
00:47:01et président de la CRCN, j'ai eu le président du Comité national d'entente,
00:47:06qui regroupe une soixantaine d'assaisants d'anciens combattants,
00:47:09bon, régulièrement, il m'arrive de prendre la plume au nom de mes camarades,
00:47:14quand, récemment, le 1er novembre, il a communiqué à l'Élysée
00:47:19sur le 70e anniversaire des attentats de la Toussaint 54,
00:47:29bon, il a dit au président, tu sais, alors, je ne me rappelle plus le nom de celui qui a été arrêté,
00:47:44et puis, à ce moment-là, il m'a dit, tu sais, il ne faut pas oublier
00:47:47que c'était, un, un assassin, deux, un révolutionnaire, et trois, un terroriste,
00:47:51donc, et ça faisait au moment où le procès de Samuel Paty commençait,
00:47:58donc, je lui ai dit, attendez, il ne faut quand même pas se tromper de combat,
00:48:02alors, ok, il a été arrêté dans les conditions normales,
00:48:07et après, il a pris les armes à la main.
00:48:10– Est-ce que vous avez le sentiment qu'Hérulin a été défendu par le pouvoir politique
00:48:16et par l'autorité militaire comme il le fallait ?
00:48:21Ou est-ce qu'on l'a un peu lâché, finalement ?
00:48:23– Pas lâché, mais on a dit, restez silencieux, et puis, voilà, alors qu'il n'était pour rien,
00:48:31mais c'était, vous savez, moi, je le vois après, l'affaire algérienne avec la bataille d'Alger,
00:48:40et puis les conséquences et l'aura qu'a dû avoir,
00:48:46pas l'aura, mais les conséquences de la torture,
00:48:50c'est quand même quelque chose qui a été lourd à porter, long à porter,
00:48:54regardez, quand le Président de la République a été voir l'épouse de Odin,
00:48:59à chaque fois, on remet le couvert et on a le droit à une douche,
00:49:03alors que c'était quand même, bon, je ne dis pas que c'est bien,
00:49:05mais je dis, quand vous voyez ça, il faut voir tout à calme,
00:49:12de façon apaisée, l'ensemble de la question de cette bataille d'Alger dans son ensemble.
00:49:19La bataille d'Alger, il ne faut pas l'oublier, a été gagnée quand même,
00:49:23l'armée française a gagné la bataille d'Alger,
00:49:25l'Alger était vivée en paix après, alors après, on peut dire, mais à quel prix ?
00:49:32– Alors, c'est vrai que le collègue d'Hérulin, alors, perd son âme,
00:49:36– Il n'a pas pu se défendre trop, puisqu'il est décédé en septembre 1979,
00:49:41donc un an et demi après, j'aurais quand même lu un extrait d'un article
00:49:47qui est paru dans Libération, le lendemain de la mort d'Hérulin,
00:49:51un article ignoble, signé Jean-Michel Karadèque, dans Libération,
00:49:57où il raconte qu'Hérulin est amené à l'hôpital du Val-de-Grâce,
00:50:00il a fait effectivement un arrêt cardiaque,
00:50:02dit les médecins disposent pourtant d'une manœuvre ultime dans un cas semblable,
00:50:05ils branchent deux électrodes sur la poitrine du malade
00:50:08et font passer une forte décharge électrique,
00:50:10une technique que connaissait bien Hérulin lorsqu'il était jeune,
00:50:12lieutenant pendant la guerre d'Algérie,
00:50:14pas comme officier médecin, mais comme tortionnaire.
00:50:16Donc là, c'est-à-dire qu'on touche le fond de l'ignominie.
00:50:21– En plus, c'est faux, puis à ce moment-là, ça montre des gens,
00:50:26mais en plus, c'est le problème du paradoxe.
00:50:31Aujourd'hui, en plus, on fête le 10ème anniversaire de l'attentat de Charlie,
00:50:35et ça pose la question fondamentale,
00:50:39c'est pas parce qu'on écrit des articles dans les médias
00:50:44qu'on peut tout dire, tout faire, tout caricaturer.
00:50:47Dans la liberté d'expression, il y a des limites,
00:50:49donc il faut reconnaître ses limites.
00:50:52Et le fait qu'il n'y ait pas de limite, ça augmente un cran à la violence.
00:50:57C'est de la violence écrite, c'est de la violence verbale,
00:51:00et puis après, quelquefois, c'est de la violence armée.
00:51:02– Alors, je vais finir avec encore une citation d'Hérulin.
00:51:06Lui, d'Hérulin, cette fois-ci,
00:51:07« Mes types ont été splendides, comme à la manœuvre.
00:51:09Je me félicite d'avoir été si exigeant pour leurs instructions
00:51:12et leur entraînement depuis que j'ai le REP.
00:51:14Sans cela, nous aurions eu des pertes élevées,
00:51:16alors que nous n'avions eu qu'un minimum, à peine inimaginable,
00:51:19compte tenu de ce que nous avons fait.
00:51:21» Donc ça, c'est une lettre qu'il a écrite à son épouse.
00:51:24Donc, Général, vous, est-ce que Colvésie, dans toute votre carrière,
00:51:31est-ce que c'est quelque chose auquel vous pensez ?
00:51:33– Non, je ne pense pas tous les jours, mais comme vous l'avez fait,
00:51:37quand on vous présente, le Général Dari, bon, saint syrien,
00:51:40vous êtes à Légion Étrangère, vous êtes à Colvésie,
00:51:43vous commandez la Légion et vous êtes gouverneur d'arbitraire de Paris.
00:51:46Vous voyez que c'est des focus, le fait que vous étiez en État-major,
00:51:51à gérer des crises en Afrique, etc.
00:51:53– Oui, oui, ça c'est le moins spectaculaire, tout aussi important.
00:51:56– Mais bon, c'est vrai, un, vous êtes saint syrien,
00:51:57donc Saint-Cyr, c'est quand même un nom qui accroche,
00:52:00étant le président de la Saint-Cyr, j'en sais quelque chose,
00:52:03dès qu'il y a un pas de travers, on a le droit à la une d'une certaine presse.
00:52:09Donc, le saint syrien, Colvésie, commander la Légion
00:52:13et puis gouverneur d'arbitraire de Paris, c'est des phares.
00:52:15– Et vous, personnellement, est-ce que Colvésie, dans votre carrière, est-ce que c'est…
00:52:19– Non, non, si, c'est un bon moment, on ne voit pas non plus,
00:52:21il ne faut pas non plus, etc.
00:52:22Et puis ça crée des liens entre nous, l'ancienne Colvésie,
00:52:26mais ce n'est pas une opération qui a duré très longtemps,
00:52:29donc bon, on se revoit avec Benoît Pugat,
00:52:31avec les anciens chefs de section qu'on unitait,
00:52:34on sait qu'on y était ensemble,
00:52:35mais on ne va pas faire un club fermé, non, non, non.
00:52:40Je dis ça en comparaison aux anciens de la guerre de 14
00:52:43qui ont passé 4 ans dans les tranchées à attendre la mort ou à attendre la libération,
00:52:48bref, ça n'a rien à voir, on est arrivés, on a cogné l'effort,
00:52:52c'est juste, et puis 3 semaines après, on était rentrés à la maison.
00:52:56– Écoutez, pour tout savoir sur Colvésie, comme je disais,
00:52:59c'est remarquablement bien documenté, surtout avec des documents inédits,
00:53:03beaucoup de lettres du colonel Hérulin sont déposées, c'est assez étonnant,
00:53:06on a l'impression qu'il les écrive 2 fois par jour,
00:53:08mais bon, voilà, c'est vraiment minute par minute,
00:53:13c'est un bel hommage à un homme, à un soldat,
00:53:15et puis un hommage à la Légion étrangère,
00:53:18c'est l'honneur d'un colonel paru aux éditions Pierre de Taillac,
00:53:22merci mon général, merci infiniment.
00:53:25C'était Passer présent, l'émission historique de TVL,
00:53:29réalisée en partenariat avec la revue d'histoire européenne.
00:53:33Vous allez maintenant retrouver Christophe Orlan et La Petite Histoire,
00:53:36mais avant de nous quitter, n'oubliez pas bien sûr de cliquer sur le pouce levé sous la vidéo
00:53:41et de vous abonner à notre chaîne YouTube.
00:53:44Merci et à très bientôt.
00:54:00On nous dit souvent que sans les Américains, on ne serait pas là,
00:54:03et que les Américains sont quand même venus nous sauver les miches en 17 et en 44.
00:54:08Mais ce qu'on dit moins, c'est que sans la France,
00:54:11les Américains, ils n'existeraient pas.
00:54:15Enfin, peut-être qu'ils auraient existé, mais en tout cas pas dans ces conditions, pas comme ça.
00:54:19C'est parti pour une petite histoire de l'intervention française dans la guerre d'indépendance américaine.
00:54:33Pour remettre les choses dans le contexte, disons que la guerre d'indépendance américaine
00:54:36intervient quelques années après, plusieurs années après la guerre de Sept Ans,
00:54:40qui a été une catastrophe pour la France.
00:54:43Ça a été une catastrophe pour la France, et ça a été une victoire pour la Grande-Bretagne,
00:54:47mais une victoire tout de même très coûteuse.
00:54:49Pour compenser cette victoire, on a besoin d'un peu d'argent.
00:54:52Et pour le faire, on a besoin d'un peu d'argent.
00:54:55Et pour le faire, on a besoin d'un peu d'argent.
00:54:57Et pour le faire, on a besoin d'un peu d'argent.
00:55:00Mais une victoire tout de même très coûteuse.
00:55:02Pour compenser ce coût, la couronne britannique va alors augmenter les impôts,
00:55:06et particulièrement dans ses colonies, les 13 colonies américaines.
00:55:10Et ces colonies, il est important de le rappeler, ne sont pas représentées au Parlement britannique.
00:55:16Ça va déjà créer quelques tensions qui existaient déjà par ailleurs.
00:55:19Ensuite, il y a ce fameux épisode du Boston Tea Party,
00:55:23c'est-à-dire que lorsque la couronne britannique décide de ne plus taxer la Compagnie des Indes pour la sauver de la faillite,
00:55:29eh bien on voit ça comme une concurrence déloyale,
00:55:31et alors on se met à jeter ces cargaisons de thé dans la baie de Boston par-dessus bord.
00:55:36Suite à cet épisode, la couronne britannique va encore un peu plus serrer la vis,
00:55:40en occupant littéralement le Massachusetts,
00:55:42et en y imposant un régime militaire très strict.
00:55:45On ne va pas revenir sur tous les événements du déclenchement de la guerre d'indépendance américaine,
00:55:51mais bon, le 4 juillet, ce qui devait arriver arriva.
00:55:55Le 4 juillet 1776,
00:55:58c'est la proclamation d'indépendance des Etats-Unis.
00:56:01S'en suivra une guerre entre les insurgents américains qui désirent se libérer de l'emprise de l'Angleterre
00:56:09et les troupes de sa majesté britannique,
00:56:12mais qu'est-ce qu'on peut dire là-dessus ?
00:56:14C'est que, tout d'abord, ces insurgents américains n'avaient pas les moyens de faire face seuls à l'Angleterre.
00:56:28George Washington, il a tout au mieux 20 000 hommes qui ne sont pas toujours là,
00:56:33et il est obligé de mener des opérations de guérilla.
00:56:36A l'époque, les Etats-Unis, c'est 2,5 millions d'habitants,
00:56:40pas de flotte, pas d'armée, pas trop d'argent,
00:56:43et tout le monde est obligé de se libérer de l'Angleterre.
00:56:46Et c'est ce qu'on appelle la guerre de l'indépendance américaine.
00:56:49Et c'est ce qu'on appelle la guerre de l'indépendance américaine.
00:56:52Et c'est ce qu'on appelle la guerre de l'indépendance américaine.
00:56:545 millions d'habitants, pas de flotte, pas d'armée, pas trop d'argent,
00:56:59mais néanmoins, ce sont des colonies dynamiques économiquement
00:57:02et qui s'auto-administrent déjà depuis un certain temps.
00:57:06La France, de son côté, va être aussitôt favorable à cette révolution américaine.
00:57:11Dans la noblesse, même le roi, et dans l'opinion publique,
00:57:15on est favorable d'entrée de jeu à cette révolution,
00:57:18mais on ne soutient pas encore officiellement cette déclaration d'indépendance.
00:57:23L'intervention de la France va être très progressive.
00:57:26On commence par recevoir les ambassadeurs des États-Unis,
00:57:29on leur prête de l'argent, on leur envoie des armes de manière détournée.
00:57:33D'ailleurs, c'est Beaumarchais qui a envoyé des armes en douce,
00:57:35c'était un trafiquant clandestin.
00:57:37Et puis il y a Lafayette.
00:57:39Lafayette qui, en 77, avec d'autres nobles,
00:57:42s'embarque pour les États-Unis pour soutenir Washington.
00:57:45Et ils seront beaucoup, dans l'élite française,
00:57:48à se prendre de passion pour cette révolution américaine.
00:57:51Du côté des États-Unis, je l'ai dit, on cherche un soutien,
00:57:54et celui de la France n'est pas des moindres.
00:57:56C'est le pays le plus puissant d'Europe, à l'époque,
00:57:58au plus puissant du monde, avec la Grande-Bretagne.
00:58:01Il faut donc le soutien de la France,
00:58:03on envoie des ambassadeurs à Paris,
00:58:05notamment Benjamin Franklin,
00:58:07qui d'ailleurs était lui-même assez anti-français à la base.
00:58:10Il détestait les Français parce qu'il a fait la guerre de 7 ans
00:58:13sous l'uniforme britannique,
00:58:14comme d'ailleurs beaucoup de miliciens américains
00:58:17qui se battent pour l'indépendance.
00:58:19Ils ont tous fait la guerre de 7 ans contre la France,
00:58:22donc ils ont une image négative de la France.
00:58:24Mais bon, qu'est-ce que vous voulez ?
00:58:25Maintenant, il faut du soutien, alors on vient à la gamelle.
00:58:27En octobre 77, pour la première fois,
00:58:30les insurgents américains remportent leur première grande victoire à Saratoga.
00:58:35Ça va décider définitivement la France à intervenir,
00:58:38et c'est ainsi que, 3 mois plus tard,
00:58:40l'UIS-16 signe, en février 78,
00:58:43un traité d'alliance en reconnaissant les États-Unis,
00:58:46et en engageant à ses côtés l'Espagne dans cette guerre.
00:58:50Quels sont les intérêts français à soutenir les Américains ?
00:58:53Eh bien d'abord, il faut satisfaire l'opinion publique,
00:58:55qui, je l'ai dit, est prise de passion pour cette guerre,
00:58:58mais aussi, surtout, il est question de prendre sa revanche
00:59:01sur ces maudits Anglois
00:59:03qui nous ont tant humiliés pendant la guerre de 7 ans.
00:59:06Et quoi de mieux pour prendre sa revanche sur l'Angleterre
00:59:08que de l'attaquer sur son propre terrain,
00:59:11donc dans ses colonies, mais surtout sur les mers.
00:59:13Il va donc y avoir un grand plan de redressement de la marine,
00:59:16mené par Choiseul, et qui va finalement aboutir.
00:59:19Parce que, dès le début du conflit, la marine française est prête.
00:59:23Elle va commencer, dès le début, à remporter des victoires,
00:59:26à mettre en déroute les flottes britanniques,
00:59:29aux 4 coins du monde,
00:59:30à la grande stupéfaction des Britanniques, d'ailleurs.
00:59:33Eh, les cocos, la fête est finie, maintenant.
00:59:35On est là, on a l'intention de s'installer dans le game,
00:59:37et on va pas vous lâcher.
00:59:38Au début, l'engagement français est assez parpillé,
00:59:41un peu partout dans les colonies,
00:59:43un petit peu sur les côtes américaines, avec Destin,
00:59:46un nom qui sera d'ailleurs emprunté plus tard
00:59:48par le président Valéry Giscard Destin,
00:59:50mais il n'y a pas vraiment d'intervention massive et décisive.
00:59:53Et c'est ce que va réclamer, aux côtés de Lafayette,
00:59:55le général George Washington,
00:59:57et il va faire entendre raison, à lui cesse,
01:00:00pour lancer une plus vaste opération, plus ambitieuse.
01:00:04On va donc lancer une intervention avec un corps expéditionnaire,
01:00:08qui sera dirigé par Rochambeau.
01:00:10Là, ce n'est plus du harcèlement naval
01:00:12ou des petites opérations ciblées,
01:00:14non, là, c'est une grande expédition avec une armée,
01:00:17dirigée par Rochambeau,
01:00:19qui va débarquer aux Etats-Unis, à Rhode Island.
01:00:21C'est donc une armée de 2500 hommes
01:00:24qui va débarquer et rejoindre Lafayette,
01:00:26déjà sur place, avec en plus des canons flambant neufs,
01:00:29les Griboval.
01:00:30Là, les américains ont une véritable aide.
01:00:33Déjà, ils ont des cadres,
01:00:34ce qu'ils n'avaient pas,
01:00:35c'était en quelque sorte une armée de paysans.
01:00:37Là, ils ont des vrais hommes, des vrais militaires,
01:00:39des cadres pour venir encadrer tout ça
01:00:41et surtout diriger l'artillerie.
01:00:44La campagne va alors consister à attaquer sans cesse
01:00:47les troupes du britannique Cornwallis,
01:00:49qui vont petit à petit se replier
01:00:51jusqu'à se retrouver à Yorktown.
01:00:53Pour l'instant, Cornwallis ne s'inquiète pas,
01:00:55il se contente de faire des fortifications
01:00:58et il sait qu'il va pouvoir être sauvé par sa marine
01:01:00et pouvoir évacuer en cas de problème.
01:01:03Il s'enferme et il attend la flotte anglaise
01:01:06pour venir à son secours,
01:01:07mais deux mauvaises nouvelles vont arriver.
01:01:09Très mauvaises nouvelles.
01:01:10La première, c'est qu'il se pensait tout d'abord
01:01:12en supériorité numérique, même sur la terre,
01:01:14donc il pensait pouvoir tenir le siège,
01:01:17mais il va apprendre que Washington a fait jonction
01:01:20avec les troupes de Rochambeau, les troupes françaises,
01:01:23et il a donc face à lui maintenant 19 000 hommes,
01:01:26dont 12 000 français,
01:01:27ce qui n'est pas une masse à faire.
01:01:28Et donc, eh bien, il reste la flotte,
01:01:30il reste encore un moyen de s'échapper.
01:01:32Eh bien non, puisque l'amiral français,
01:01:34l'amiral de Grasse, a fait des merveilles.
01:01:37Les français sont les maîtres sur terre,
01:01:40mais aussi, pour une fois,
01:01:41c'est assez rare pour être souligné,
01:01:43sur la mer.
01:01:44Car ce que Cornwallis va voir poindre
01:01:46à l'horizon sur les mers,
01:01:47ce n'est pas son amiral à lui,
01:01:50c'est l'amiral de Grasse,
01:01:51qui va non seulement bloquer Yorktown,
01:01:53mais en plus partir à la poursuite des vaisseaux anglais
01:01:56et leur infliger une cuisante défaite
01:01:59à la bataille de la baie de Chesapeake.
01:02:01Là, c'est la fessée, là, c'est la fessée.
01:02:04Cornwallis se retrouve donc littéralement enfermé,
01:02:07il a du côté de la mer la flotte française de l'amiral de Grasse,
01:02:12et sur terre, il a les forces réunies
01:02:14de Washington, Rochambeau et Lafayette.
01:02:17Malgré tout, il pense encore à s'échapper,
01:02:19il envoie un détachement de dragons britanniques
01:02:22pour aller voir s'il n'y a pas un passage,
01:02:24mais manque de chance pour les dragons britanniques,
01:02:26les terribles dragons britanniques,
01:02:27qui ont été les auteurs de nombreuses exactions d'ailleurs,
01:02:31manque de chance pour eux,
01:02:32eh bien ils tombent face à face
01:02:33avec les hussards de la Légion de Lausanne.
01:02:36Et là, c'est une charge sabre au clair,
01:02:38pas de pitié, et c'est encore une fois
01:02:41une fessée pour les anglais.
01:02:42Il n'y a donc plus moyen de s'échapper,
01:02:44et en plus, le bombardement de Yorktown
01:02:46va commencer à la fois par la mer,
01:02:48avec la flotte de l'amiral de Grasse,
01:02:50et aussi sur terre, avec les troupes franco-américaines
01:02:53et leur magnifique canon Griboval.
01:02:56S'en suivra l'attaque des fortifications,
01:02:58les franco-américains prennent de nombreuses redoutes,
01:03:01et là, Cornwallis n'aura plus le choix,
01:03:03il devra capituler,
01:03:05ce qu'il fait le 19 octobre.
01:03:07All is over, comme on dit.
01:03:09Cornwallis a la victoire mauvaise,
01:03:11il refuse d'avoir été battu par les américains,
01:03:13et il ordonnera d'ailleurs à ses hommes
01:03:15de ne tourner la tête que vers les français de Rochambeau.
01:03:18C'est une victoire éclatante,
01:03:20c'est la fin de la guerre d'indépendance américaine,
01:03:23mais ce n'est pas la fin de la guerre,
01:03:25les français et les anglais continueront
01:03:27à se battre un peu partout ailleurs.
01:03:28Et c'est bien ça le problème,
01:03:30c'est que la guerre a continué
01:03:31jusqu'au traité de Versailles en 83,
01:03:34qui marque l'arrêt définitif
01:03:35et la défaite officielle des britanniques,
01:03:38mais la guerre a continué sur mer notamment,
01:03:41et le problème c'est que les américains,
01:03:43comme ils ont eu ce qu'ils voulaient,
01:03:44ils se sont aussitôt retirés de la guerre.
01:03:46Ils n'ont pas continué à appuyer la France,
01:03:49eux ils ont eu ce qu'ils voulaient,
01:03:50leur indépendance, voilà, terminé,
01:03:52et maintenant on va se rapprocher des anglais,
01:03:54parce qu'on a toujours été plus proches
01:03:56des anglais que des français,
01:03:57de toute façon,
01:03:58on va se rapprocher d'eux
01:03:59et rétablir le commerce tranquillement.
01:04:01C'est un peu embêtant quand même,
01:04:02parce que, bon,
01:04:03tous les spécialistes s'accordent à le dire,
01:04:05s'il n'y avait pas eu d'intervention française,
01:04:08il n'y aurait pas eu d'indépendance américaine,
01:04:10c'est tout !
01:04:11Au final, la France ne retire pas grand-chose de cette guerre,
01:04:14elle récupère quelques territoires,
01:04:16comme le Sénégal ou quelques îles,
01:04:18mais c'est vraiment très mince,
01:04:20et en plus,
01:04:20ça lui a coûté très cher
01:04:231,2 milliards de livres
01:04:25et plus de 2100 hommes.
01:04:27Bon, les anglais aussi ont eu beaucoup de pertes,
01:04:29bien plus d'ailleurs,
01:04:30et puis comme ils ont commis de nombreuses exactions
01:04:33et que ça s'est su un peu partout,
01:04:35ça a fortement dégradé l'image de leur armée.
01:04:37Les espagnols, qui nous ont un peu aidés sur mer,
01:04:40ont récupéré la Floride,
01:04:41c'était aussi une bonne opération pour eux,
01:04:43et pour les français,
01:04:44comme je l'ai dit,
01:04:45eh bien, pas grand-chose,
01:04:46mais surtout un immense prestige.
01:04:49La revanche contre la perfide Albion avait été prise,
01:04:52et ça, c'était le principal,
01:04:54et aussi, eh bien,
01:04:55ce qu'on peut souligner,
01:04:56c'est que la mémoire de l'intervention française
01:04:58est restée longtemps ancrée dans l'esprit américain,
01:05:02au point qu'en 1917,
01:05:04lors de la première guerre mondiale,
01:05:05lorsque les américains débarquent en France,
01:05:07le général Pershing s'exclamera,
01:05:10Lafayette, nous voilà.
01:05:11On prête même cette phrase à Jefferson,
01:05:14Désormais, tout homme a deux patries,
01:05:16la sienne et la France.
01:05:18Aujourd'hui, eh bien,
01:05:18avec les deux guerres mondiales
01:05:20et les deux interventions des américains,
01:05:22la balle est un peu revenue dans notre camp, maintenant.
01:05:25Et puis en plus,
01:05:25quand on regarde comment est traitée
01:05:28cette guerre d'indépendance par les américains,
01:05:30c'est Washington,
01:05:31le général Washington,
01:05:33qui récupère un peu,
01:05:34qui tire la couverture de son côté.
01:05:36Alors qu'au final,
01:05:37cette guerre d'indépendance américaine,
01:05:39elle est le chef-d'oeuvre de la France,
01:05:41et particulièrement de Rochambeau.
01:05:43C'est un véritable chef-d'oeuvre stratégique.
01:05:46Il a réussi à unir les forces navales,
01:05:48les forces terrestres.
01:05:50C'est Rochambeau le vrai artisan de cette victoire.
01:05:53Au final, eh bien,
01:05:53la France et Rochambeau
01:05:55est restée un peu dans l'ombre de Washington,
01:05:57même si la mémoire persiste.
01:05:59Mais c'est pas grave,
01:06:00puisque tout ça,
01:06:01c'est très français de faire ça,
01:06:03de faire des choses,
01:06:04des grandes choses pour le prestige,
01:06:06pour la beauté du geste.
01:06:08Et d'ailleurs,
01:06:08Rochambeau illustre magnifiquement
01:06:10cet état d'esprit français,
01:06:12puisque lorsque l'un des envoyés de Cornwallis
01:06:15viendra lui remettre l'épée de la capitulation,
01:06:18il la refusera
01:06:19et il demandera aux britanniques
01:06:21de la donner à Washington.
01:06:23Et ça,
01:06:25ça, c'est la France.
01:06:27Merci, cet épisode touche à sa fin.
01:06:29S'il vous a plu,
01:06:30si vous avez ressenti de l'émotion
01:06:32que vous êtes senti fier d'être français,
01:06:34eh bien, partagez-le,
01:06:36mettez un petit pouce bleu pour le référencement
01:06:39et surtout,
01:06:39n'oubliez pas d'être au rendez-vous mardi prochain
01:06:43pour un nouvel épisode,
01:06:44comme toutes les semaines,
01:06:45de La Petite Histoire sur TV Liberté.
01:06:48A bientôt et vive la France !