Pour Jean-François Loiseau président de l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA), "c'est aussi un travail du gouvernement et de l'État de baisser la pression sur les entreprises, quelles qu'elles soient."
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00:00Bonjour Jean-François Loiseau, vous êtes président de l'Association Nationale des Industries Alimentaires.
00:06Double actualité pour vous, les négociations en cours avec la grande distribution.
00:09Vous allez nous dire comment ça se passe, mais avant bien sûr, ce dont on parlait à l'instant avec Isabelle,
00:15l'arrivée de Donald Trump, est-ce bon ou pas pour le business ?
00:19On rappelle que l'alimentaire c'est entre 15 et 20% de la richesse produite en France,
00:23industrie qui exporte aux Etats-Unis. Est-ce que vous êtes inquiet ce matin ?
00:28Alors, le signal donné par Donald Trump, il est très fort.
00:31Certes, il veut mettre des taxes et il va en mettre,
00:35mais nous devons nous poser nous-mêmes la question de la performance et de la compétitivité
00:40de nos filières agricoles et agroalimentaires.
00:43Parce que bien avant l'arrivée de Donald Trump, l'agroalimentaire français a perdu de sa valeur,
00:48et a perdu de sa performance. Depuis la fin des années 2000,
00:52nous sommes passés de la 3ème place à la 6ème place en termes d'exportateurs.
00:56Et vous anticipez une baisse des exportations agroalimentaires vers les Etats-Unis ?
01:00Mais oui, alors, il y a le sujet des taxes, mais je le rappelle encore une fois,
01:05nous devons prendre quand même une partie de notre destin en main,
01:07et réaffirmer et donc remettre de la compétitivité dans l'économie agroalimentaire.
01:12D'ailleurs, dans l'économie en général, qu'elle soit européenne et encore beaucoup plus française.
01:17Donc ça passe par des décisions françaises pour les entreprises françaises.
01:21On va parler maintenant de ces négociations commerciales entre industriels et distributeurs
01:24qui se déroulent en ce moment, c'est très important pour nous les consommateurs,
01:27parce qu'elles conditionnent le prix qu'on va payer dans les supermarchés dans les prochains mois.
01:31L'un de vos interlocuteurs, le patron du réseau intermarché Thierry Cotillard,
01:36a donné le ton, c'était la semaine dernière sur France Info.
01:38On a des industriels que je qualifierais presque d'irresponsables, les très grandes marques,
01:42qui sont venus avec des hausses de tarifs de l'ordre de 6 à 7 voire 8%.
01:48C'est énorme, et c'est totalement décorrélé de la réalité économique.
01:51Les industriels irresponsables, c'est vous. Qu'est-ce que vous répondez Jean-François Loiseau ?
01:56Nous avons besoin de filières agricoles et agroalimentaires.
01:59Nous avons besoin de la grande distribution.
02:01Mais nous n'avons pas besoin des propos tels que ceux tenus par M. Cotillard.
02:05Lui-même, dans le cadre de l'intermarché, il est industriel.
02:08Et l'intermarché ferme des lignes de production, ferme des unités industrielles,
02:14par manque de compétitivité, parce que justement, il ne peut pas répercuter tous les coups.
02:19Alors il y a les noms d'oiseaux que vous pouvez vous enlever, mais ce sont aussi des positions de négociation.
02:23Mais sur le fond, ces hausses de tarifs de l'ordre de 6 à 7 voire 8% parfois,
02:28c'est bien votre position dans la négociation ?
02:30Alors, il y a des produits agricoles pour lesquels il y a eu des hausses très importantes.
02:36Je pense au beurre, au cacao, au café, au jus d'orange,
02:40où il est nécessaire de répercuter de très fortes hausses dues aux marchés internationaux.
02:45Et puis il y a aussi des hausses nécessaires à passer, et toutes les entreprises le savent très bien.
02:50Ce sont les hausses à transmettre, parce qu'il y a eu, et c'est normal,
02:54augmentation des salaires, augmentation des transports, augmentation des carburants,
02:58des sujets liés autour des investissements liés à la décarbonation.
03:02L'industrie agroalimentaire subit de la déflation depuis 15 ans.
03:07Donc depuis 15 ans, c'est sans arrêt une baisse qui est enregistrée.
03:11Comment voulez-vous que nous puissions, parce que l'ANIA, ce sont 20 000 entreprises,
03:15alors il y a des grands, il y a des internationaux,
03:17puis il y a plein de petites boîtes sur le territoire, dans tous les départements.
03:21Comment voulez-vous qu'elles résistent si elles ne peuvent pas passer des hausses tout à fait normales ?
03:25Vous dites déflation dans l'alimentaire depuis 20 ans,
03:27mais on a tous en tête quand même la très forte inflation, 20-30% par mois ces 4 dernières années.
03:33Parce qu'il y a eu la guerre en Ukraine, il y a eu le Covid d'abord,
03:36et l'agroalimentaire est au rendez-vous, tous les magasins ont été alimentés, il ne faut pas l'oublier.
03:41Et puis il y a eu la guerre en Ukraine, et cette guerre elle a malheureusement impacté le prix,
03:45particulièrement des céréales, qui ont été multipliées par 1,5 à 2.
03:49Donc il a bien fallu répercuter.
03:51Et je ne pense pas que ce soit l'alimentaire qui doive être la variable d'ajustement du pouvoir d'achat des Français.
03:57Il n'y a pas que ça.
03:58Mais ce choc aujourd'hui, il est derrière nous, non ?
04:01Oui, mais il y a encore des impacts.
04:03Prenez le sujet de l'énergie.
04:04Alors l'énergie a augmenté, j'ai bien entendu votre reportage tout à l'heure
04:09où maintenant c'est l'énergie décarbonée qui fait la majorité égratignée.
04:15En février, on a une baisse de 15%, ça va avoir un impact aussi sur les coûts des entreprises et de l'industrie agroalimentaire.
04:21Mais les contrats électriques, ils sont passés sur des périodes de 2 à 3 ans, ils sont lissés,
04:27donc ils prennent en considération un petit peu du passé.
04:30Nous ce que nous souhaitons, ce n'est pas une hausse pour une hausse,
04:32c'est de répercuter normalement.
04:33On parle beaucoup de la construction, du prix en marche avant.
04:37Ça c'est la demande des agriculteurs et du prix en marche avant.
04:40Ça veut dire quoi ?
04:41Ça veut dire que s'il y a des hausses enregistrées en termes de coûts d'exploitation par les agriculteurs,
04:46ces hausses doivent être transmises au maillon suivant.
04:49Et bien moi je dis la même chose, s'il y a des hausses pour les entreprises,
04:53ces hausses doivent être transmises au maillon de la distribution.
04:56Mais je me répète, si vous permettez, on a demandé à la grande distribution de régler le sujet du pouvoir d'achat depuis 15 ans.
05:04Ça fait 15 ans, c'est pour ça qu'il y a la déflation.
05:07Moi je me permets de dire et de répéter que c'est aussi un travail du gouvernement et de l'Etat
05:13de baisser la pression sur les entreprises, quelles qu'elles soient,
05:16de baisser les charges patronales, de baisser les charges sociales.
05:19Moi je préfère augmenter les salaires pour que les salariés aient plus de pouvoir d'achat
05:24plutôt que d'avoir de la pression sociale et fiscale beaucoup plus importante que dans n'importe quel pied d'Europe.
05:30Je me mets à la place de nos auditeurs qui vont faire leur course tout à l'heure
05:32et puis dans les prochaines semaines, les prochains mois,
05:34l'inflation alimentaire, ce n'est donc pas terminé en 2025.
05:39Sur 2024, l'inflation est quasiment à zéro en alimentaire.
05:42Nous avons, mis à part quelques exceptions...
05:44Mais quand on parle des oranges, plus 44% du café, plus 85%, les oeufs, plus 4%, le beurre, plus 35%.
05:52Mais parce qu'il y a eu des événements climatiques majeurs qui nécessitent malheureusement une répercussion
05:58parce que raréfaction des produits, augmentation du coût des transports, etc.
06:03Et puis il ne faut pas oublier qu'en France, il y a une pression réglementaire qui est très forte.
06:06Quand vous pensez que la grande distribution négocie nos contrats dans des pays autres que la France,
06:12c'est-à-dire qu'on utilise des pays comme l'Espagne, l'Autriche, l'Allemagne ou l'Italie
06:17pour aller négocier avec des entreprises françaises qui achètent de l'agriculture française,
06:21qui a de la réglementation française et on va négocier ailleurs. Pourquoi ?
06:24Parce que les conditions de négociation sont plus avantageuses dans un autre pays de l'Union Européenne.
06:30Ce qui est produit en France, réglementé en France, doit être traité en matière de négo en France et pas ailleurs.