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Regardez L'invité de Yves Calvi du 17 janvier 2025.

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00:00RTL soir, Yves Calvi et Agnès Bonfillon.
00:04RTL 18h17, bonsoir François Oliven.
00:08Merci de nous rejoindre sur RTL, vous êtes gynécologue obstétricien, spécialiste des traitements de la fertilité.
00:14Il y a 50 ans, Simone Veil marquait l'histoire en défendant sa loi pour les femmes, leur liberté et leur dignité.
00:19L'interruption volontaire de grossesse en fait devenait légale en France.
00:22Des générations de femmes n'auraient plus à aller se faire avorter dans des conditions parfois épouvantables.
00:27A l'étranger, François Oliven, nous avons reçu beaucoup d'appels d'auditrices, des témoignages simples et émouvants.
00:32Je vous propose d'en écouter deux, ceux de Nadine et de Joëlle.
00:36Je suis partie en Hollande, oui, après avoir lu l'adresse du planning familial qui à l'époque se trouvait rue Vivienne.
00:42Un gynécologue m'a donné la marche à suivre.
00:46C'est-à-dire que le planning familial, organisme officiel, vous donnait un moyen à l'époque de contourner la loi ?
00:53Tout à fait contre 1000 francs à l'époque.
00:55On donnait une enveloppe au chauffeur de bus qui lui après se permettait de la remettre là-bas.
01:02Au chauffeur de bus ? C'est-à-dire que c'était un réseau qui était organisé ?
01:07Tout à fait, tout à fait.
01:09Par exemple, il y avait des départs tous les vendredis soir.
01:13On se rendait à la gare du Nord au terminus, c'était une brasserie qui normalement doit toujours exister.
01:20Et si vous voulez, il fallait qu'on ait un sous le bras, il fallait qu'on ait un magazine.
01:25C'était un signe de reconnaissance ?
01:27Tout à fait.
01:28On voyait une jeune femme avec un magazine sous le bras et à ce moment-là, quelqu'un venait vous voir ?
01:33Tout à fait. Et après, on partait discrètement les unes derrière les autres ou un bus nous attendait.
01:40Donc, on arrivait en Hollande le lendemain matin.
01:43Et là, vous donniez l'enveloppe de 1000 francs au chauffeur de bus ?
01:46Au chauffeur de bus, quand on arrivait, je me souviens très bien, je revois un immeuble en briques rouges.
01:53C'était fait en sous-sol.
01:56On nous demandait déjà si on voulait être anesthésié ou pas.
02:01Si on était anesthésié, on pouvait repartir en fin d'après-midi, même pas en début d'après-midi.
02:07Sinon, les autres étaient obligés de rester la nuit quand même.
02:12Avec une dame que j'avais rencontrée qui était venue avec moi, il fallait qu'elle rentre le soir sur Paris parce qu'elle était enceinte de son amant.
02:22Donc, on a décidé de passer les premières, mais sans anesthésie.
02:27Je peux vous assurer que c'était une aspiration.
02:31On est restés là-bas une heure, le temps de prendre un café.
02:36Ensuite, nous sommes partis.
02:38On a repris un train et on est rentrés sur Paris.
02:40On est toujours en ligne avec Joël.
02:42Bonjour Joël.
02:43Bonjour.
02:44Vous aussi, vous avez subi une IVG clandestine avant la loi Veil.
02:50Oui, exactement.
02:51Et puis avec aiguille à tricoter.
02:53On y est allés.
02:54Je me souviens que c'était à la station Bastille.
02:56On est montés dans un immeuble.
02:57Ça paraît que c'est glauque, un tout petit escalier.
03:00J'ai vu cette femme, je ne me souviens plus de son visage.
03:02Ma mère était à côté.
03:04Je suis restée debout.
03:06Elle a enfoncé un style tuyau d'arrosage.
03:09Est-ce que c'en était un que ça lui ressemblait ?
03:11Ensuite, une aiguille à tricoter.
03:13Et ensuite, je sais qu'elle a injecté de l'eau savonneuse.
03:16Ça, je m'en souviens.
03:17La douleur, vous vous en souvenez, Joël ?
03:19Alors, 24 heures après, parce que je suis rentrée quand même en banlieue, en métro.
03:24Donc, visiblement, ça devait quand même aller.
03:26Et c'est le lendemain, 24 heures après, oui, des violentes douleurs.
03:31Et après, comme j'ai eu des enfants, on peut se souvenir de ce que c'étaient ces contractions.
03:36Et comme j'étais enceinte de trois mois, j'ai pu expulser chez moi, enfin chez mes parents, le fétis.
03:42Donc, ça, c'était traumatisant de voir cette chose.
03:46Vous avez avorté à trois mois de grossesse ?
03:48Oui.
03:49Des témoignages recueillis par Céline Landreau et Vincent Paréseau dans les auditeurs.
03:53On a la parole sur RTL.
03:54Quelle est votre réaction, François Oliven ?
03:58De me réjouir qu'aujourd'hui, on n'ait pas à faire ce genre de pratiques.
04:05C'est tout à fait, j'imagine, traumatisant et atroce pour ces femmes, que ça soit légal.
04:10Et quand même, je le dis, une petite inquiétude, parce que vous le savez,
04:15l'accès à l'IVG reste un peu compliqué en France.
04:18Mais justement, je vais y revenir.
04:20Ce sont les mères de vos patientes qui ont connu cet abandon, non ?
04:24Oui, tout à fait.
04:25Je pense que c'est des femmes qui doivent avoir aujourd'hui, je ne sais pas,
04:30des femmes d'un peu plus de 60 ans.
04:34C'est drôle.
04:35Ce n'est pas drôle, mais il y avait même un problème pour diagnostiquer la grossesse.
04:39Parce que je me souviens que mes parents, qui sont médecins, m'avaient raconté
04:43qu'on allait acheter dans les animaleries des quais de la Seine,
04:47des lapins à qui on devait injecter de l'urine de la femme pour savoir si elle était enceinte.
04:52On n'avait même pas les tests de grossesse qu'on a aujourd'hui.
04:54Vos prédécesseurs, on vient d'entendre que c'était votre famille,
04:57vous ont-ils parlé de cette période ?
04:59Et si oui, en quels termes ?
05:02Surtout mon patron.
05:05J'allais dire mon patron chéri, ce n'est pas comme ça que je vais le dire.
05:08René Friedman, qui m'a tout appris, a fait partie des grands militants de l'IVG.
05:15Il se trouve que dans son service de Beclerc, il y avait une autre femme admirable,
05:19Joëlle Brunerie Kaufmann, que tout le monde connaît puisque c'est la femme de Kaufmann,
05:24l'otage qui s'est tellement battue pour lui,
05:26et qui dirigeait le centre de planning de Beclerc.
05:30Ces deux personnes qui étaient toutes les deux très impliquées dans les mouvements militants
05:37et même qui ont fait des avortements clandestins,
05:39m'ont beaucoup parlé de cette période assez terrible.
05:44Il semble que beaucoup de femmes ayant procédé à des IVG avant la loi Veil
05:48aient été blessées et soient devenues dans la continuité éventuellement infertiles.
05:54C'est possible dans de telles proportions ?
05:56Oui, c'est possible.
05:57Quand vous entendez une IVG aujourd'hui, ça se fait dans un bloc opératoire
06:02parce que l'intérieur de l'utérus est stérile au sens où il n'y a pas de germes dedans.
06:08Et quand vous introduisez quelque chose dans l'utérus,
06:10si ce n'est pas fait dans de bonnes conditions,
06:12vous pouvez inoculer des germes et générer des infections.
06:15Quand la dame vous raconte qu'elle monte dans un immeuble de Bastille
06:19pour faire une IVG avec une aiguille à tricoter,
06:21vous vous doutez que ce sont quand même des conditions qui sont en tout cas à risque.
06:25C'est ça le problème, c'est surtout les infections et les hémorragies.
06:28On a bien compris que c'est un soulagement pour un médecin comme vous
06:31de ne pas avoir eu à affronter cette époque.
06:33Le droit à l'interruption volontaire de grossesse est aujourd'hui inscrit dans notre constitution.
06:37Est-ce que c'est une bonne chose ?
06:39Je crois que c'est une bonne chose quand vous voyez par exemple les États-Unis
06:45où on a l'impression que probablement dans les semaines qui viennent,
06:49la situation du droit à l'avortement va être clairement remise en cause
06:54par l'accès de Donald Trump à la présidence.
06:57Il y a des États où c'est déjà interdit.
07:00On se dit que c'est peut-être une protection
07:03pour qu'un jour n'arrive pas en France un gouvernement qui décide de l'arrêter.
07:08Maintenant j'imagine que comme on l'a fait, on peut le défaire.
07:11Mais je pense que c'est une bonne chose.
07:13Aujourd'hui, une Française sur trois se fait pourtant encore avorter dans sa vie.
07:17Ce chiffre m'a paru incroyable.
07:19Moi aussi, chaque année, ça me paraît incroyable.
07:22Il n'y a pas si longtemps, j'ai été dans une émission avec un petit reportage
07:26où ce chiffre était mentionné.
07:28C'est vrai que ça m'étonne.
07:29Je pense qu'il y a sûrement un problème d'éducation à la contraception des jeunes filles
07:35et peut-être un désintérêt des garçons.
07:38Ces deux choses-là devraient être sûrement améliorées.
07:41Ça amène la question que vous avez suggérée tout à l'heure.
07:44C'est l'accès à l'IVG.
07:45Est-il vraiment aujourd'hui facile dans notre pays et dans l'ensemble du territoire ?
07:50Bien sûr que non.
07:52Il y a clairement des zones où il n'y a pas vraiment d'accès à cause d'un problème très important
08:00qui est le fait que beaucoup de médecins refusent la fameuse clause de conscience de faire des IVG.
08:06Si on se trouve dans une zone où les centres d'IVG n'ont plus de médecins qui font les IVG,
08:12les patientes sont obligées de se déplacer, d'aller dans d'autres départements,
08:16du coup des délais plus longs.
08:18C'est quand même un problème que l'État devrait essayer de résoudre, mais ce n'est pas simple.
08:25Mais ils sont nombreux ces médecins ?
08:27Apparemment, ils sont nombreux et surtout de plus en plus nombreux.
08:33J'avais fait une tribune un jour.
08:36Je trouve qu'il n'est pas normal qu'un médecin soit recruté dans un hôpital avec un centre d'IVG
08:44et le droit à la clause de conscience.
08:46Un médecin peut s'installer dans plein d'endroits.
08:48Il peut travailler dans une clinique, il peut travailler dans plein d'hôpitaux.
08:51S'il va demander un poste plein temps dans un hôpital qui fait des IVG,
08:56pour moi il ne peut pas être contre l'IVG, sinon il va se faire embaucher ailleurs,
09:02j'allais dire un peu vulgairement, et surtout il ne doit pas pouvoir changer d'avis.
09:05Après, il faudra trouver des gens qui sont favorables.
09:10Il faut peut-être sensibiliser les médecins,
09:13re-sensibiliser les médecins à la détresse de ces femmes.
09:17J'aime beaucoup l'expression, je ne me souviens plus de la phrase exacte de Simone Veil,
09:21mais en deux mots, une IVG, on ne le fait jamais de gaieté de cœur.
09:25Moi j'en ai fait beaucoup aussi.
09:28On voit bien que c'est toujours une souffrance, toujours.
09:32Mais effectivement, il y a sûrement un défaut de contraception, je pense.
09:36Merci infiniment, François-Olivier Nginekono, obstétricien spécialiste des traitements de l'infertilité.
09:43Dans un instant, les toutes dernières informations avec notre journal de 18h30,
09:46puis à 18h40, nous reviendrons avec l'avocat Didier Seman,
09:49sur les grandes affaires criminelles du pôle Cold Case.
09:52Ces affaires non élucidées, ils existent depuis trois ans,
09:55et il vient de rouvrir le dossier du fameux François Verof, dit le grelé.
09:59À tout de suite sur RTL.

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