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Regardez L'invité de RTL Matin Week-end avec Antoine Cavaillé-Roux du 04 janvier 2025.

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00:009h-10, c'est l'un des titres de l'actualité ce matin, le choc toujours à la prison d'Arles.
00:08Pendant 5 heures hier, un détenu a pris en otage 5 personnes, il a fini par se rendre.
00:12Aucun blessé a déploré, mais forcément, de nombreuses questions se posent, d'autant
00:17que le détenu en question est considéré comme instable.
00:20Bonjour Bruno Clément-Petreman, vous êtes le directeur de la prison de la santé à Paris.
00:27D'abord, est-ce que ça vous surprend une telle prise d'otage ? Est-ce que ça peut
00:32arriver dans n'importe quel établissement ?
00:34Alors, avant de me surprendre, ça m'inquiète, puisqu'il y a des vies humaines qui sont
00:39concernées, il y a des traumatismes qui vont suivre.
00:43Moi, je n'ai jamais personnellement connu, en tant qu'otage, des prises d'otages,
00:48mais j'ai eu à en gérer beaucoup, notamment lorsque j'étais en poste à l'administration
00:54centrale, dans les cellules de crise, et c'est toujours des moments qui sont extrêmement
00:58compliqués.
00:59Comment on réagit quand on est à votre niveau de décision ?
01:03À mon niveau de décision, déjà, on garde son sang-froid, on s'organise, on fait appel
01:09à tous les services de l'État qui vont être concernés par la gestion de cet événement,
01:13on essaye de prendre le maximum de renseignements sur l'établissement qui est concerné, sur
01:19le profil, et vous l'avez évoqué dans vos propos introductifs, sur le profil du
01:24détenu, puisqu'effectivement, si c'est un détenu qui est instable psychologiquement,
01:28on passe à une importance considérable sur la façon dont le dispositif va être géré,
01:33et puis après, on s'organise, on s'organise aussi en considérant qu'on va sans doute
01:39être dans la durée, et dans une durée qui va être longue, et puis on s'organise surtout
01:43pour, à la fois, notamment et d'abord pour les otages, et ensuite aussi pour le
01:48preneur d'otages, essayer de trouver la solution qui sera la moins dramatique possible.
01:54Ce détenu à Arles, il est présenté comme un détenu au profil instable, dangereux,
01:59depuis hier, des syndicalistes le disent sur RTL, sa place n'était pas en prison.
02:04Est-ce qu'on a un chiffre, une idée du nombre de détenus qui souffrent de problèmes
02:08psychologiques, psychiatriques ?
02:10Alors, c'est très complexe.
02:12Le chiffre qui aujourd'hui est communément avancé, il est à peu près à hauteur entre
02:1830 et 40%.
02:19On dit 30 à 40% de détenus qui souffrent de, alors on va les appeler troubles psychologiques,
02:26troubles du comportement, un peu tout ce qu'on veut.
02:28Les psychiatres avec lesquels on travaille nous disent, attention, c'est peut-être
02:33un chiffre qui est un peu surévalué si on s'en tient à la simple maladie psychiatrique,
02:38ce qui n'est pas la même chose.
02:39Vous pouvez avoir un trouble du comportement, et on a effectivement une très grande proportion
02:44de détenus qui ont des troubles du comportement ou des troubles psychologiques, sans pour
02:49autant relever d'un traitement et d'une maladie psychiatrique, et donc ne pas être
02:52pris en charge par la psychiatrie.
02:54La première observation que je ferai, notamment par rapport à ce que vous dites du discours
02:59syndical qu'on a entendu hier, c'est qu'effectivement, nous, on va avoir l'impression d'avoir
03:03en face de nous un malade psychiatrique, mais il n'empêche que les magistrats l'ont
03:08condamné et l'ont incarcéré, et non pas à ce moment-là considéré que sa personnalité
03:14psychiatrique était un obstacle au fait qu'il soit placé en détention.
03:18Il n'empêche, le chiffre, même s'il peut être quelque peu surévalué, le chiffre
03:24est à peine croyable.
03:25Bruno Clément-Petromane, comment on fait au quotidien quand on est directeur de prison,
03:30comment vous faites pour gérer ces détenus ?
03:34Vous avez raison, le chiffre est extrêmement fort, important et inquiétant parce qu'il
03:40semble qu'il augmente d'année en année, ce qui est aussi le signe d'une grande détresse
03:46psychologique dans l'ensemble de notre société et avec des gens qui après se retrouvent
03:49en prison.
03:50Alors, comment on fait ? D'abord, on n'est pas tout seul, puisqu'aujourd'hui, la psychiatrie
03:56intervient dans les établissements pénitentiaires, soit sous la forme de services qui sont constitués
04:01qui s'appellent des services médico-psychologiques régionales.
04:04Pour le dire très simplement, c'est un service de psychiatrie au sein de l'établissement
04:08pénitentiaire qui prend en charge sur ce plan-là tous les détenus qui nécessitent
04:14des soins, avec parfois même dans certains établissements des lits de psychiatrie qui
04:19sont réservés à ces détenus.
04:20Donc, on n'est pas seul, on travaille en équipe avec les psychiatres.
04:24Mais est-ce qu'il y a assez de place dans ces unités spécialisées ? Est-ce qu'il
04:27y a assez de psychologues dans les prisons ?
04:30C'est tout le problème.
04:31Il n'y a pas suffisamment de psychologues ou de psychiatres dans les établissements
04:34pénitentiaires.
04:35Et il y a surtout une inégalité territoriale.
04:37C'est-à-dire qu'il y a des endroits où vous avez des services qui sont assez fortement
04:42constitués et qui ont la capacité de prendre en charge l'ensemble des détenus qui présentent
04:46des troubles du comportement.
04:47Et puis, il y a des endroits où, effectivement, il est très difficile de recruter, de trouver
04:51des psychiatres.
04:52Mais ça, j'allais dire, c'est au-delà du problème des prisons et de l'administration
04:56pénitentiaire, c'est le problème de la psychiatrie en France en général.
04:59Vous entendez beaucoup les psychiatres, le milieu médical se plaindre de l'état
05:05de la psychiatrie.
05:06Et forcément, ça a un retentissement sur la prise en charge des détenus qui présentent
05:10des troubles psychiatriques.
05:11Ce qu'on entend aussi beaucoup depuis hier et cette prise d'otages à la prison d'Arles,
05:15Bruno Clément-Petremann, c'est le problème du mélange des genres.
05:19On a des détenus qui ont des longues peines et des profils difficiles, plus compliqués
05:24à gérer.
05:25Comment on fait pour assurer la sécurité de ces détenus aux profils instables des
05:30autres détenus du personnel pénitentiaire ?
05:32Évidemment, on pense également à eux.
05:34Alors, attention, il ne faut pas tout mélanger.
05:36À Arles, vous n'avez que des détenus dangereux, entre guillemets, mais en tout cas, des détenus
05:41de longues peines, puisque Arles, c'est une maison centrale.
05:44Bien sûr, mais les syndicalistes nous disent qu'ils se retrouvent aussi avec des profils
05:49compliqués à gérer.
05:51Ah bah oui, évidemment, ce type d'établissement, j'allais presque dire, n'accueille que
05:56des profils compliqués à gérer, puisque c'est un petit peu sa vocation.
05:59Mais des profils psychiatriques, on s'attend.
06:02Oui, alors aussi des profils psychiatriques, puisque ce que nous disent aussi les psychiatres,
06:08c'est que les peines de prison et les années de prison qui s'accumulent sur une personne
06:14qui a déjà à la base des troubles du comportement, forcément, ça n'arrange pas du tout son
06:19évolution psychologique.
06:20Et au final, vous allez vous retrouver avec des détenus qui, effectivement, on peut s'interroger
06:26sur le fait que leur place est en prison plutôt que dans un hôpital psychiatrique.
06:29Merci beaucoup, Bruno Clément-Petreman, évidemment, j'aimerais qu'on puisse poursuivre le dialogue,
06:35la conversation.
06:36C'est un problème, un enjeu infiniment complexe que la santé mentale dans les prisons, ces
06:44détenus aux profils parfois instables qui côtoient d'autres détenus.
06:48C'est évidemment la sécurité des surveillants pénitentiaires qui se pose également.
06:53Merci en tout cas d'avoir été avec nous ce matin sur RTL.
06:56Je rappelle que vous êtes le directeur de la prison de la santé à Paris.

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