Il arrive en trombe dans la course des géants de l'énergie. Gâce à des prix compétitifs et un impact positif pour l'environnement, le renouvelable incite des clients à repenser leur consommation énergétique. Ce, malgré la popularité des marques leaders. Julien Tchiernia, cofondateur et président d'Ekwateur mène une bataille pour démocratiser davantage les sources d'énergies à base de biométhane et de bois d'origine française. Il est l'invité de ce Prêt pour l'impact.
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00:00Prêt pour l'impact ? C'est la question que je pose chaque semaine à un ou une chef d'entreprise, à une personnalité qui compte dans l'économie française.
00:13Aujourd'hui, je reçois Julien Tchernia. Bonjour. Bonjour. Bienvenue. Vous êtes le cofondateur, le président d'Équateur, fournisseur d'énergie renouvelable, du gaz, d'électricité, du bois.
00:22Vous dites, c'est un peu votre crédo, pour changer d'air, il faut changer d'énergie. Expliquez-moi. En fait, nous, chez Équateur, ce qu'on constate, c'est que tout n'est
00:29qu'énergie. Finalement, là, aujourd'hui, nous, on discute, mais ça n'est possible que grâce à l'énergie. Tout ce qu'on voit, là, à cette table, c'est finalement des matières premières qui ont été
00:37prises à la terre et sur lesquelles on a rajouté de l'énergie pour les extraire, les transporter, les transformer. Donc tout devient simple parce que pour changer le monde,
00:44il suffit de changer l'énergie. Et donc l'objectif d'Équateur, c'est de travailler sur la demande et de donner envie aux gens d'acheter de l'énergie renouvelable pour justement
00:53Et alors, effectivement, si on détaille un peu, quelles énergies renouvelables ? Alors aujourd'hui, nous, ce qu'on vend principalement, c'est de l'électricité renouvelable et du biomethane.
01:01On vend aussi un petit peu de bois parce que comme Équateur n'est pas producteur, pour nous, vendre l'une ou l'autre, c'est la même chose. Donc il faut que le bois, par contre, soit éco-géré.
01:08Donc on prend du bois français, éco-géré. Ce sont des déchets, en fait, de fabricants de meubles. Cela dit, on en vend très peu en pourcentage encore. Notre crédo, c'est électricité et biométhane.
01:18Comment vous garantissez que votre énergie, elle est 100% renouvelable ? Alors c'est ça qui est un peu spécifique dans notre métier. On ne peut pas garantir que physiquement, c'est bien l'électron renouvelable qui a été produit, qui va arriver chez vous et pas un électron qui vient de Pologne.
01:29Parce qu'ils sont tous dans le même tuyau. Tout est dans le même tuyau. Tout est interconnecté, que ce soit en gaz ou en électricité. Donc l'Europe a mis en place un système de certification, de traçabilité, qui s'appelle les garanties d'origine et qui assure en fait une traçabilité financière.
01:44C'est-à-dire que quand un client vient chez nous, il est sûr qu'il y a un producteur qui a produit autant d'énergie renouvelable que lui n'en a consommé. Il est sûr qu'il l'a surrémunéré. Par contre, ce n'est pas nécessairement cette énergie-là, à ce moment-là, qu'il va consommer, lui.
01:57Est-ce que ce virage vers les énergies... Question très générale. Ce virage vers les énergies renouvelables, comment vous l'évaluez ? Est-ce qu'il est trop lent ? Est-ce qu'il est à la hauteur des enjeux environnementaux ?
02:08Alors il est toujours trop lent. On va toujours se plaindre. Moi, il y a quelque chose que je trouve très beau. C'est que pour moi, il est pris et qu'il est gagné. C'est-à-dire que quand j'ai démarré dans le secteur de l'énergie en 2007, pour vous donner un ordre de grandeur, on produisait de l'énergie solaire à 500 € du MWh.
02:26Aujourd'hui, en Espagne, on produit de l'énergie solaire à 20 € du MWh. L'éolien s'est passé de 500 aussi à 60. Vous avez donc finalement une technologie qui a tenu ses promesses et qui fait qu'aujourd'hui, le renouvelable, c'est le plus facile à déployer et le moins cher.
02:43— Donc c'est compétitif. C'est un atout majeur pour sa longévité, d'une certaine façon. — À part tous les nouveaux parcs, bien sûr. Et quand vous avez des producteurs... Puisque nous, on achète auprès des producteurs comme Total, qui sont historiquement des sociétés qui sont dans le fossile. Tout le monde le sait.
02:58— Et qui y sont encore beaucoup. Si on prend le chiffre d'affaires de Total, c'est encore 95%, 96%, 97%. C'est beaucoup. — Et de la marge aussi, oui. Par contre, là où ils investissent, c'est dans le renouvelable.
03:08— Ils investissent dans le renouvelable probablement pour des tas d'engagements RSE. On va pas leur enlever ça. Mais surtout parce que c'est ce qui permet de produire le moins cher après le fossile, parce que malheureusement, le fossile est toujours un peu plus compétitif.
03:19Donc ça va dans le très bon sens. Il reste la problématique du stockage, où là aussi, ça progresse, puisqu'on voit les voitures vont de plus en plus loin, les voitures électriques. Par contre, ça reste encore un peu cher. Et là-dessus, on espère que le travail des ingénieurs va aboutir.
03:34— Oui. D'où viennent les freins, les hésitations ? Là, je me mets côté client. Passer à Équateur, c'est quoi, la peur de quitter le géant du marché ou les géants du marché ?
03:45— C'est ça. C'est bien sûr. On vend tous le même produit. Donc la différence va se faire sur la marque, puisque les prix sont à peu près les mêmes, à part en 2024, où les tarifs réglementés de vente étaient très chers.
03:54Et donc les clients ont choisi des offres de marché qui sont pour la plupart renouvelables. Aujourd'hui, ce qui fait la différence, c'est la marque. Quand on achète de l'énergie, c'est quand même quelque chose de très important chez soi.
04:03Et donc on va faire confiance à une marque qu'on connaît, comme dans n'importe quel secteur, en fait. Et évidemment, en France, EDF a une très belle marque.
04:12Ça reste une entreprise qui est très aimée des Français, qui représente quelque chose historiquement dans la République. Et donc c'est à nous de montrer qu'il y a une très belle marque EDF.
04:20Et on est capables de faire des très belles marques à côté. Et c'est ça, la bataille. — Oui. Alors c'est une bataille. Ce frein, il est toujours aussi puissant.
04:27J'imagine qu'il est un peu moins puissant que quand vous avez créé Equateur. Mais il est toujours aussi puissant. Moi, ça m'étonne un peu, de toute façon.
04:34— Oui. Bah écoutez, il est toujours aussi puissant. Chacun a ses avantages. EDF, historiquement, est très présent dans les territoires. EDF est quand même à l'État qui est actionnaire.
04:44Et les tarifs réglementés de vente sont présentés par les politiques comme protecteurs, même si en 2024, ils étaient 25% plus chers que toutes les offres de marché.
04:52Donc ils n'étaient pas protecteurs. Ils étaient prédateurs. Mais vous avez des débats en France qui sont très centrés sur le monopole.
04:59Souvenez-vous de la campagne électorale, où vous aviez des batailles entre le parti 1 et le parti 2, qui disaient « Moi, je vais faire baisser les prix de 20% et moi, je le ferai de 10% en février ».
05:09Et vous allez voir... Non. Il vous suffisait de dire « Allez chercher les offres de marché, y compris celles d'EDF, et vous ferez immédiatement 20% de réduction ».
05:17Donc vous avez une mise en avant par le pouvoir politique d'une offre spécifique, les tarifs réglementés de vente, qui n'est qu'une formule parmi une autre et qui est passablement peu compétitive en ce moment.
05:28Donc on a ça contre nous. Et on a avec nous le fait que les coûts de production d'une voie de lave sont moins chers et que donc, petit à petit, ça va rattraper.
05:37— Oui. On va parler de notre mix énergétique. Et je m'appuie pour cela sur une citation, un extrait d'une interview que vous avez donnée à Forbes en février dernier.
05:47Est-ce que vous disiez « Plutôt que de tout miser sur le nucléaire, la France devrait accélérer sur le renouvelable pour garantir son indépendance » ?
05:54Le nucléaire nous garantit quand même aussi notre indépendance énergétique.
05:58— Alors le nucléaire garantit l'indépendance énergétique par rapport aux fossiles. Il faut quand même de l'uranium. Et n'oublions pas qu'on n'en a plus.
06:04— C'est vrai. — Il y a des problèmes au Niger. Ils sont pas complètement hors de la géopolitique, ces problèmes-là.
06:10C'est pas complètement par hasard qu'aujourd'hui, la Russie a fait récupérer l'influence africaine pour en fait nous couper des sources d'uranium.
06:17Cela dit, on a quand même pas mal de stocks. Mais c'est pas une indépendance parfaite. Le deuxième sujet, c'est le coût.
06:24C'est-à-dire qu'historiquement, le nucléaire a très très bien marché. Et tant mieux. Et heureusement qu'on en a.
06:28On est tous d'accord – j'imagine en tous les cas, moi – qu'il vaut beaucoup mieux du nucléaire que du charbon.
06:34— Même si malheureusement, quand la crise énergétique a commencé, nos centrales étaient un peu mal en point, quoi.
06:40— Ah, très mal en point. On a produit moitié mieux que les bonnes années. Et là, aujourd'hui, on reproduit plus. Mais on est encore très très loin des bonnes années.
06:48Et puis surtout, le nouveau nucléaire, l'EPR, aujourd'hui, ne tient pas ses promesses. Je vous parlais des promesses du renouvelable quand je compare 2007 à maintenant.
06:57À l'époque, en 2007, moi, quand j'ai fait ma formation dans l'énergie aux mines de Paris, le nucléaire, c'était la solution.
07:03C'était l'époque Areva, Anne Lauvergeon, Star Absolu. Et moi-même, j'étais convaincu de ça. Sauf que les réalités techniques de l'époque n'ont pas été prouvées,
07:16n'ont pas été mises en œuvre, et qu'aujourd'hui, l'EPR est enfin connectée mais qui produit presque rien. Donc ça fait 18 ans.
07:23Donc les gens passent le bac. Ceux qui sont nés l'année où le chantier de l'EPR a démarré, les gens passent le bac. Donc se dire « Je vais tout miser sur la construction de 6 nouveaux moyens de production »,
07:32dont les productions sont... En plus, je finis, mais sur la cour des comptes vient de dire. — Oui. C'est ce que j'allais dire. La cour des comptes alerte sur les coûts de production,
07:42la rentabilité inconnue, l'accumulation des risques. Voilà les termes employés sur ces nouveaux réacteurs EPR. — On produit aujourd'hui à 110 € du MWh dans les calculs,
07:51alors que le solaire, si vous le mettez sur votre toit, vous êtes à 70. Sur votre toit, à 3 petits panneaux, vous êtes à 70. Vous avez produit à 110. Donc c'est pas compétitif.
07:58C'est pas très grave. Après, moi, ce que je vois, c'est qu'à la fin, il y a un choix technologique qui est fait par une entreprise. Normalement, si Équateur fait un choix...
08:07Par exemple, nous, on va décider de déployer des panneaux solaires sur les toits. Il faut de l'argent. Faut investir. Et donc on va aller voir nos actionnaires,
08:14qui vont soit dire « J'ai pas d'argent, donc tu le fais pas », soit dire « J'ai de l'argent et je prends le risque ». Et c'est pas mes clients qui vont payer ce risque.
08:20C'est mes actionnaires qui payent ce risque ou qui refusent de le payer. Et donc après, si les actionnaires ont eu raison, ils gagnent. Si ils ont eu tort, tant pis pour eux, ils prennent leur perte.
08:30Là, comme c'est l'État qui est actionnaire et que l'État n'a plus d'argent, on est en train d'organiser un système – puisque vous savez qu'il y a la fin de la redistribution de la rente nucléaire en 2026 –
08:39qui va faire que ce sont les Français qui vont payer ce choix de l'actionnariat qui est l'État. Et donc ça, c'est quand même assez bizarre, surtout que les prix,
08:49continuant à monter en France, le gros avantage compétitif qu'on avait est en train de faire qu'on consomme de moins en moins, ce qui est un problème pour les investissements fixes très lourds
08:59comme les centrales, et qu'il y a des délocalisations. C'est-à-dire que d'un point de vue pro, on a de plus en plus de pros qui disent « Moi, je suis gros consommateur d'énergie,
09:08je vais partir en Espagne, je vais partir en Italie, je vais partir en Allemagne ».
09:12– Quelques chiffres clés sur Équateur, les derniers qu'on a eus, plus de 600 millions d'euros de chiffre d'affaires, plus de 100 collaborateurs, 235 000 compteurs installés en France.
09:23Équateur qui est reconnue comme une future licorne à impact par le mouvement Impact France. Alors, ça fait plaisir, mais ça met la pression d'une certaine façon.
09:30Comment vous le vivez, ça ?
09:31– Ça fait très plaisir, donc Impact 40, on est Next 40 aussi. On ne s'y attendait pas, donc ça c'est plutôt une histoire personnelle, mais avec mon associé,
09:39quand on a créé Équateur, c'est parce qu'on avait envie de le faire, on s'est mis dans une chambre de bonne à Paris, avec un papier, un crayon, et on a bossé.
09:46Et aujourd'hui, voilà, on a 180 salariés, on fait des centaines de millions d'euros de chiffre d'affaires, ça dépasse, et tant mieux, on est très contents.
09:54– Donc, objectif 1 milliard, parce que c'est ça, une licorne à impact.
09:58– Allons-y, objectif 1 milliard. On est à la fois très contents et très humbles par rapport à ça. Nous, on continue à faire notre boulot.
10:05C'est beaucoup de travail, entre 500 millions et 1 milliard, il y a aussi beaucoup d'étapes, donc bon voilà, on est très fiers,
10:15et ça nous oblige dans le sens, pas plus qu'avant, mais ça nous montre qu'à l'extérieur, les gens croient en nous.
10:21– Oui, alors, c'est marrant parce que, moi je suis spontanément parti sur l'objectif du chiffre d'affaires 1 milliard,
10:27mais la logique du mouvement Impact 40, c'est justement de sortir de cette seule valorisation financière, ça, ça vous intéresse aussi ?
10:35– Oui, c'est-à-dire qu'il y a deux choses, d'abord, le chiffre d'affaires chez nous, ça dépend beaucoup du prix de l'énergie.
10:39Par exemple, vous avez cité 600 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2023, en 2024, on a plus de clients,
10:44mais moins de chiffre d'affaires parce que le prix de l'énergie a baissé, donc ça compte qu'à moitié.
10:48Sur la valorisation, nous, on a deux choses, on est Impact by Design, comme on dit dans la Startup Nation, ça veut dire quoi ?
10:57Ça veut dire que plus on a de clients, plus on aide. Par contre, évidemment, plus on a de clients, plus on grandit,
11:02donc plus notre impact à nous est élevé. Et donc, il y a tout ce calcul qu'on est en train de mettre en place dans la société
11:09sur comment faire attention à ce que les nouveaux investissements qu'on fait, même s'ils impactent positivement,
11:15ne soient pas contrebalancés par une explosion des coûts carbone de la société équateur elle-même, et donc, bon, on fait ces calculs.
11:21– Le label Bicorp, vous êtes labellisé Bicorp, ça vous aide à faire ça ?
11:25– Le label Bicorp, ça nous a imposé un certain nombre de processus qui étaient plus sur des aspects qui sont moins les nôtres,
11:34qui sont vérification des fournisseurs, c'est-à-dire qu'on était tranquille sur nos produits, et d'un coup, on nous a dit
11:41mais t'achètes à qui ton logiciel, t'achètes à qui tes bureaux, t'achètes à qui... Et donc ça, on regardait moins,
11:48et ça, ça nous a imposé d'y faire attention et de s'assurer sur l'ensemble de la chaîne de la cohérence de notre discours et de nos réalisations.
11:57– Oui, ça vous permet de répondre oui à la question, on est prêt pour l'impact, c'est ce que vous disiez, on l'est par essence.
12:04– Bien sûr, oui, mais ce n'est pas pour autant que, vous voyez, je m'impose...
12:08– Parce que ça pose la question, je pourrais poser la question différemment, de la progression,
12:12c'est aussi à ça que sert le label Bicorp, de se voir progresser sur un certain nombre de critères.
12:17– Oui, tout à fait, nous par exemple, une chose qu'on a mis en place, c'est toujours sur le bilan carbone interne,
12:23c'est que, historiquement, les gens qui chez Equator ont des responsabilités de budget,
12:28ils vont faire leur choix de fournisseur entre le coût et l'efficacité,
12:32la responsable marketing va se dire, faire de la pub sur Google ou sur Bing,
12:35combien ça me coûte, combien ça me rapporte, et là on rajoute quelque chose sur l'impact carbone,
12:40et donc avec une partie de leurs primes qui dépend de ça,
12:43et donc il faut maintenant prendre en compte aussi l'impact carbone de la solution que tu choisis,
12:48et je prends un autre exemple qui est plus emblématique et un peu plus anecdotique,
12:52donc j'ai mis cette prime-là, et j'ai le responsable B2B qui me dit,
12:56ah Julien, je suis vachement embêté, il y a les courtiers,
12:59on travaille beaucoup avec des courtiers dans le petit B2B,
13:01qui font une espèce de grand événement annuel à Marrakech, j'ai bien envie d'y aller,
13:05mais ça va détruire ma prime, je lui dis, ben ouais, il me dit, mais il faut que j'y aille,
13:10j'ai dit, ben tu fais ton calcul, si on y allant, ça va te permettre de gagner plus
13:14sur une augmentation des ventes ou je ne sais quoi, que ce que tu vas perdre sur l'impact carbone,
13:19ben il est resté à Paris, voilà, c'est rigolo.
13:22Oui, effectivement, et c'est pas seulement anecdotique, je trouve que c'est assez révélateur.
13:26Alors chaque semaine dans cette rubrique Prêt pour l'impact,
13:29l'invité de l'émission précédent pose une question,
13:32c'était donc Thierry Blandinière, le président d'Invivo, qui a une question pour vous.
13:38Je suis vraiment conscient des enjeux qui sont devant nous,
13:41de comment financer la transition, les grandes transitions énergétiques notamment,
13:45l'agriculture fait partie aussi du sujet de la question,
13:49comment vous, vous allez pouvoir régler l'équation de pouvoir changer les transitions à un coût compétitif ?
13:56Alors ça ouvre, on a commencé à en parler, mais la question du coût,
14:00comment proposer de l'énergie renouvelable à des prix compétitifs,
14:03vous nous disiez finalement, c'est de plus en plus compétitif.
14:07Sur l'électricité Paris-Gagné, sur le biomethane, il y a encore beaucoup de travail,
14:12et donc si on regarde le prix de production du biomethane par rapport au prix du gaz naturel sur les marchés,
14:19on est à x2 aujourd'hui, donc c'est quand même beaucoup plus cher.
14:24Il y a une chose que moi je remarque, c'est qu'on ne fait pas payer les externalités,
14:29donc les conséquences de l'utilisation du fossile aux usagers,
14:34et on décorelle complètement, donc moi quand je fais le plein,
14:37enfin je n'ai plus de voiture, mais quand je faisais le plein,
14:40je ne faisais pas le lien entre ce plein et les inondations derrière à Barcelone ou à Valence,
14:46et donc je ne suis pas prêt à payer pour assumer ça.
14:51Mais il y a une bonne partie des consommateurs qui ne le sont toujours pas.
14:56Et qui ne le sont toujours pas.
14:57La succession des catastrophes climatiques
15:02ne fait pas réduire le climato-scepticisme, malheureusement.
15:07Malheureusement, et ça fait partie de notre travail, et c'est aussi pour ça que je vous remercie de nous inviter aujourd'hui.
15:12Le lien entre mon action individuelle et le changement global ne se fait pas.
15:17Par contre, malheureusement, le lien entre je voyais un beau paysage et maintenant j'ai un méthaniseur et ça sent mauvais chez moi,
15:24ou maintenant j'ai une éolienne et je trouve que ce n'est pas joli parce que moi je n'aime pas les éoliennes,
15:27là il se fait.
15:29Et donc on a, c'est toute la complexité et donc la question sur le prix, en électricité on gagne,
15:34sur le biomethane, j'étais encore hier, puisque maintenant aussi je suis président de l'ANODE,
15:37qui est l'association des fournisseurs indépendants d'énergie,
15:40j'étais encore hier au ministère,
15:43à discuter sur comment on finance la transition du gaz classique vers le biomethane.
15:48Et ce n'est pas simple parce qu'il faut éviter d'aller trop vite et de créer un rejet.
15:53Par contre, il faut quand même trouver un moyen de financer cette filière.
15:57Donc...
15:59– La régulation du marché de l'électricité, le rôle de l'Europe,
16:04comment vous vous situez par rapport à ça ?
16:06Parce que, alors là on est, moi je vous avoue, comme consommateur parfois je suis totalement perdu.
16:12– Bien sûr, il y a eu beaucoup de choses qui ont été dites pendant la crise,
16:15la crise c'était le troisième choc pétrolier, c'est de ce niveau-là.
16:19On a eu des prix qui étaient autour de 1000 euros du mégawatt-heure,
16:22aujourd'hui on est à 70, 1070, ça fait des différences énormes.
16:27Le marché européen a organisé, entre guillemets, de manière,
16:33c'est comme ça qu'il est fait, automatiquement les prix sont montés,
16:36en France en particulier, puisqu'on avait cette crise du gaz,
16:39une sécheresse, selon nous les barrages étaient vides,
16:42et une crise du nucléaire qui a produit deux fois moins que d'habitude.
16:46Donc ça, ça veut dire que soit on organise un rationnement,
16:49ça veut dire qu'il n'y a pas assez d'énergie pour tout le monde.
16:51Donc soit on organise un rationnement, soit on augmente les prix.
16:54Le marché réagit sur ces problématiques-là en augmentant les prix,
16:58les prix ont flambé, les Français aujourd'hui consomment 12% moins qu'en 2021.
17:02– Oui, alors ça c'est l'effet positif.
17:03– Ça a marché, ça a marché et maintenant les prix ont rebaissé
17:06parce qu'il y a à nouveau des moyens de production.
17:08Donc ce n'était pas une crise du marché, ce n'était pas une crise de l'organisation,
17:12c'était une crise de la production.
17:14Si vous achetez quelque chose et qu'il n'est pas produit, son prix augmente.
17:17Et j'ai beaucoup regretté que tout soit mis sur…
17:21il y a sûrement des sales traders qui se font de l'argent.
17:23Non, les gens qui ont fait beaucoup d'argent à ce moment-là.
17:25– Ce qui a existé aussi, mais bon…
17:27– C'est surtout les producteurs qui ont fait beaucoup d'argent.
17:29À part EDF qui malheureusement à cette période avait son outil de production en panne,
17:34dans le reste de l'Europe, l'augmentation du prix de l'énergie a profité aux producteurs
17:39comme l'augmentation du prix du pétrole profite aux pays producteurs de pétrole.
17:43Et donc le sujet c'est ça.
17:45L'Europe a fini par essayer de mettre une taxe pour aller récupérer cette rente indue,
17:49qu'on appelle en jargon technocratique la rente inframarginale.
17:53Ça n'a pas bien marché, donc ils cherchent des nouveaux systèmes.
17:57– Là il y a annoncé une baisse de 14% des tarifs réglementés,
18:02est-ce qu'on reste quand même à des tarifs élevés ?
18:05C'est-à-dire est-ce que la crise est totalement digérée ?
18:07– Les tarifs restent élevés, la crise n'est pas complètement digérée.
18:10Ce qui est intéressant c'est que les prix de marché justement,
18:12ce marché dont on parlait qui était tant décrié,
18:15devraient permettre de faire baisser les tarifs réglementés de 30%.
18:20Mais l'État en profite pour augmenter ses taxes,
18:23augmenter le coût du réseau, de la distribution, et donc ça fait 14%.
18:2714% de baisse, tant mieux pour les gens qui sont aux tarifs réglementés,
18:31ceux qui sont dans les offres de marché avaient déjà ces réductions depuis un an.
18:35Et ça reste quand même 40% plus cher que le prix moyen qu'il y avait en 2021.
18:41– 40% plus cher encore ?
18:43– Vous avez une augmentation du prix du transport qui était d'environ 15% depuis 2021,
18:47vous avez des taxes qui sont revenues au niveau classique,
18:50et vous avez un prix de l'énergie qui reste plus élevé que ce que je voyais en 2021.
18:54– Mais alors on pourrait poser la question aussi,
18:56par exemple vous parliez de toutes celles et ceux qui font le plein de leur voiture,
19:00le levier du prix c'est aussi un moyen, on l'a vu, pour changer sa consommation.
19:05Donc on peut aussi se dire, si l'électricité est chère,
19:09on va commencer à regarder d'autres sources, aller vers les sources renouvelables,
19:15voir si c'est moins cher que les autres, etc.
19:16Ça peut être un levier positif aussi.
19:18– C'est un levier positif, après il ne faut pas qu'il soit destructeur,
19:21c'est-à-dire qu'il ne faut pas que les gens en souffrent,
19:24nous on est pour une écologie qui garde le niveau de confort.
19:26Il y a quelque chose qui est devenu très positif,
19:28aujourd'hui si vous avez la chance d'avoir une maison individuelle,
19:32mettez des panneaux solaires sur votre toit,
19:33c'est deux fois moins cher que l'énergie que vous achetez à l'extérieur,
19:37sur les 20 ans, vous payez 50% de moins, la rentabilité est immédiate.
19:41Parce que vu de l'extérieur,
19:44vous êtes sur une baisse de consommation et vous avez mis en place.
19:46Donc effectivement, ce prix-là pousse à mettre des nouveaux moyens de production
19:51et nous on mise beaucoup là-dessus.
19:53– Vous parliez de l'enrichissement des fournisseurs, des producteurs d'énergie,
19:59vous, quelle marge vous prenez ?
20:01C'est quoi votre modèle et peut-être le modèle du secteur ?
20:05– Le modèle du secteur, c'est qu'en tous les cas pour les fournisseurs purs,
20:08c'est que notre métier c'est de l'abonnement.
20:10Notre métier c'est de répondre au téléphone,
20:12c'est d'envoyer une facture et c'est d'expliquer aux gens.
20:15Donc que la personne consomme ou qu'elle ne consomme pas,
20:18finalement ça nous coûte pareil.
20:20Donc en tous les cas chez Equateur,
20:21la majorité de notre marge est mise sur l'abonnement.
20:24Et pour vous donner une échelle de valeur,
20:25le client qui va payer autour de 180 euros son mégawatt-heure
20:30ou 18 cents son kilowatt-heure,
20:32nous on va gagner là-dessus seulement 1 euro ou 2 euros, très très peu.
20:36Parce qu'on n'est pas là pour vendre très cher quelque chose
20:38que nous n'avons pas produit.
20:39Nous on est là pour fournir un service
20:41et donc la majorité de la marge est mise sur l'abonnement.
20:43Et surtout que si vous n'êtes pas producteur, ce qui est notre cas,
20:46et que vous n'avez pas prévu de gagner beaucoup d'argent
20:48sur le mégawatt-heure que vous vendez,
20:49ça vous permet de trouver très rentable de vendre des économies d'énergie.
20:54Parce que vous perdez assez peu d'argent
20:56et par contre vous gagnez sur le service et le client aussi.
20:58– C'est pour ça que vous faites des campagnes de sensibilisation
21:01sur les économies d'énergie, il y en a eu une là cet automne, c'est ça ?
21:05– Et c'est pour ça qu'on propose des thermostats intelligents,
21:07et c'est pour ça qu'on propose des panneaux solaires,
21:09et c'est pour ça qu'on propose des bandes de recharge.
21:10Tout est dans cet esprit-là.
21:12Finalement ça fait gagner de l'argent au client et ça nous en fait gagner plus.
21:15Alors c'est embêtant pour les producteurs centralisés
21:17mais ils ont encore de beaux jours de vendre.
21:19– À quel point vous faites bouger les lignes ?
21:21C'est-à-dire que quand Equateur s'installe dans une ville,
21:23qu'est-ce qui se passe ?
21:24Il y a plusieurs exemples que j'ai lus en préparant l'émission,
21:27je crois Grenoble, Strasbourg, ça m'intéresse que vous nous racontiez ça.
21:30– C'est rigolo ça, c'est la force de la concurrence.
21:33On est arrivé à Grenoble, on était tout petit en 2017,
21:36on avait un an d'existence, et on a dit on va se lancer à Grenoble.
21:40On s'est lancé à Grenoble, on a mis je crois une affiche sur un bus
21:44et on est passé à Télé-Grenoble.
21:45Voilà, super, on était tout contents,
21:48on a fait je ne sais pas 40 ou 50 clients, donc très très peu.
21:53Par contre, Grenoble n'avait comme offre, les grenoblois,
21:56une seule offre depuis 1947, c'était les tarifs réglementés de vente.
22:00– Là on parle d'électricité ?
22:02– On parle d'électricité, c'est de l'électricité.
22:04On est arrivé en juillet et en septembre,
22:07Gaz et Électricité de Grenoble, qui a changé de nom depuis,
22:10a d'un coup fait sortir une offre online moins chère,
22:1310% moins chère, une offre 100% renouvelable.
22:16Donc le fait juste que nous on arrive,
22:18ça a poussé le concurrent historiquement monopole
22:22à changer et à faire d'innovation.
22:24Alors commercialement, ce n'est pas nous qui en avons profité à Grenoble,
22:27par contre tous les grenoblois en ont profité.
22:29C'est à dire notre arrivée a poussé le concurrent à innover.
22:34Eh bien tant mieux, c'est bien, ça c'est le jeu.
22:36Après si nous on n'a pas fait assez de croissance, c'est notre problème.
22:38– Oui, c'est votre boulot.
22:39Même chose à Strasbourg, c'est un peu le même schéma ?
22:40– Oui, à Strasbourg c'était encore plus drôle.
22:42À Strasbourg, il y a eu le bouclier tarifaire, Gaz, au moment de la crise.
22:47Et nous, pour des tas de raisons, on ne l'avait pas mis en œuvre en France.
22:50Et les gens le trouvaient chez d'autres fournisseurs.
22:52Et à Strasbourg, le concurrent principal aussi,
22:56donc Électrice Strasbourg qui est une filiale d'EDF,
22:58non plus n'avait pas mis le bouclier tarifaire.
23:00Donc les Strasbourgeois, eux, comme il n'y a que deux sociétés
23:02qui fournissent de l'énergie et du gaz à Strasbourg,
23:04qui sont Équateur et Électrice Strasbourg,
23:06n'avaient pas droit au bouclier tarifaire.
23:08Donc ils s'en sont plaints.
23:10Électrice Strasbourg a expliqué à la commission de régulation de l'énergie
23:13qu'ils étaient désolés mais informatiquement,
23:15ils n'étaient pas en mesure de mettre en place le bouclier tarifaire,
23:18c'était beaucoup trop compliqué.
23:20Là-dessus, nous, on a appris ça.
23:22Il y a même un client strasbourgeois qui m'a appelé sur mon portable,
23:25je ne sais pas comment il a réussi, mais bravo.
23:26C'est un bon client.
23:28Il m'a dit, faites-le s'il vous plaît parce que nous, on meurt.
23:32Et donc j'ai appelé mon associé.
23:33Nous, en informatique, on est plutôt agile.
23:35C'est lui qui fait l'informatique.
23:36Je lui ai dit, est-ce qu'on peut le faire ?
23:37Il m'a dit oui, il faut 10 jours.
23:38J'ai dit super, ce sera lundi.
23:40Voilà.
23:40Et puis on a lancé le bouclier tarifaire à Strasbourg lundi.
23:44Et évidemment, le concurrent l'a fait aussi.
23:45Deux semaines après, ils ont résolu leur problème informatique.
23:47Au bout de trois semaines.
23:48C'est incroyable, incroyable.
23:49Donc en fait, c'est ce qu'on parle.
23:51Le problème du monopole, c'est qu'il est régulé très bien,
23:53mais il y a toujours une asymétrie d'informations.
23:56Le gendarme ne peut pas savoir si c'est vrai ou pas
23:59que le système d'information ne peut pas s'adapter.
24:01Et donc, il faut les deux.
24:02Il faut un régulateur et il faut aussi la concurrence qui aiguillonne.
24:06Équateur qui est aussi mobilisée pour encourager la décarbonation des transports.
24:10Je crois qu'il y a une offre qui est dédiée aux propriétaires de voitures électriques.
24:14Donc là aussi, vous leur dites quoi?
24:18Notre énergie, elle est verte?
24:20On leur dit plein de choses.
24:21D'abord, on leur installe leurs bornes et ça marche très, très bien.
24:23D'accord.
24:24Ensuite, des bornes intelligentes, je crois.
24:26Oui, c'est des bornes intelligentes qui vont s'adapter,
24:29qui vont accélérer la recharge quand la maison ne consomme pas beaucoup.
24:33Ils vont s'adapter si vous avez un panneau solaire au moment où ça produit le plus
24:36et qu'on peut évidemment gérer à distance avec des app.
24:40Et en même temps, on va vous faire une offre avec des prix qui sont moins chers
24:45au moment où la consommation française est la plus basse et donc la moins carbonée.
24:51Donc, c'est les heures super creuses.
24:53L'idée, nous, derrière, c'est de donner envie à un switch usage.
24:57Parce qu'évidemment, comme on ne vend pas d'essence,
24:59c'est mieux si les gens consomment de l'électricité quand même à la fin.
25:03Et deuxième chose, on pense qu'à terme, il y a une capacité de stockage dans les voitures,
25:09dans la batterie, qui est cinq fois supérieure à un chauffe-eau.
25:12Le chauffe-eau, en France, ça a été mis en place pour stocker l'énergie nucléaire la nuit.
25:16C'est à ça que ça a servi. Et c'est très, très bien.
25:19Une voiture, c'est cinq fois plus de capacité de stockage qu'un chauffe-eau.
25:24On a des problèmes d'intermittence avec le renouvelable, c'est une certitude.
25:28Donc, il y a un lien là.
25:29Renault, par exemple, vient de sortir sa Renault 5 où on peut injecter comme sous-tirer.
25:34Et donc, nous, on se dit qu'on se prépare pour pouvoir ensuite profiter de cette capacité de stockage.
25:39La voiture devient fournisseur d'électricité quand il y en a besoin.
25:42Exactement. Et donc, nous, on pense qu'il y a plein de choses à faire là-dessus.
25:46Et donc, il faut s'y préparer.
25:47Merci beaucoup, Julien Tchernéa, et à bientôt sur BeSmart for Change.
25:51On passe tout de suite à notre rubrique Start-up.