Ils vivaient en ville et ils ont décidé de tout plaquer pour la campagne.
Pour Brut, Camille Reporter est partie dans la Drôme à la rencontre d'anciens urbains qui ont décidé de changer de vie.
Pour Brut, Camille Reporter est partie dans la Drôme à la rencontre d'anciens urbains qui ont décidé de changer de vie.
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00:00C'est aussi peut-être un temps pour dire qu'est-ce que je veux vraiment faire de ma vie parce qu'en fait là on est face à la mort au quotidien quoi.
00:05Donc bon, si je ne crève pas demain, qu'est-ce que je fais après-demain ?
00:08Moi je me dis ça.
00:09Si je ne crève pas demain, qu'est-ce que je fais après-demain ?
00:12J'utilise vraiment du sang.
00:14Pour Brut, je vous emmène dans la Drôme à la rencontre d'anciens urbains comme Marine
00:17qui n'étaient pas épanouis dans leur boulot en ville et qui ont décidé de changer de vie.
00:21J'ai fait un rêve.
00:23On va changer le monde.
00:25Je veux bien le rêver avec toi celui-là.
00:27C'était un bel rêve.
00:28Ces néo-ruraux croient en une vie plus lente mais aussi en un autre rapport au travail,
00:32plus manuel, plus concret où chacun apprend à faire par soi-même.
00:37On se fait souvent une montagne de ces gros outils-là, de ces gros engins et une fois
00:40que ça a les bonnes explications, ça se fait quoi.
00:42Donc c'est cool.
00:43Depuis les années 70, la Drôme s'est devenue le département laboratoire pour toutes celles
00:48et ceux qui remettent en cause la société de consommation.
00:50Marine a 29 ans et elle fait partie de cette nouvelle génération de décroissants.
00:58Ça rend des pollens mais de toutes les couleurs.
01:01Vraiment là, ça va du marron au orange pétard.
01:08Donc voilà.
01:10Une ruche vide.
01:13Là je suis en train de nettoyer.
01:15J'ai eu plus de 50% de mortalité de mes ruches.
01:18J'avais 21 ruches l'année dernière.
01:20Et là il m'en reste 10.
01:22Et comment tu vis la crise qu'il y a en ce moment en France ?
01:26Plutôt bien.
01:28Plutôt bien dans le sens où je crois, j'espère qu'il va y avoir un exode urbain et une prise
01:33de conscience qui fait que les gens vont avoir envie de se reconnecter à ce qui est vivant.
01:38Parce qu'en fait le virus, là pour le moment on croit qu'il n'amène que de la mort mais
01:43moi je me dis qu'il va amener de la vie.
01:45Il y a 7 ans j'étais en fac de sociologie, j'étais bien dans ma tête et puis un jour
01:49j'ai eu un coup de foudre pour l'abeille et je me suis dit en fait c'est ça que j'ai
01:53envie de faire.
01:54Puis je suis partie en stop, j'ai complètement changé de vie à cette époque-là.
01:58Je suis partie dans les Cévennes, puis je suis arrivée dans la Drôme.
02:02Le confinement, ma première réaction c'était la jubilation.
02:06C'est un peu bizarre de dire ça mais je pense que ça fait depuis que j'ai changé de vie
02:10que j'ai des moments avec des gros doutes.
02:12Et puis là c'est comme si j'avais une sorte de validation de pourquoi j'ai souhaité
02:16une vie plus autonome, plus respirante, plus lente.
02:24Je la mets ? Oui, vas-y.
02:28Il est propre, t'inquiète pas.
02:31Non, c'est pas pour moi.
02:33Il sera désinfecté après ton passage.
02:38Je vais filer un coup de main à l'épicerie pendant deux heures en bénévole parce qu'on
02:41a mis en place des mesures d'hygiène et du coup on a besoin de quelqu'un qui accueille
02:44les gens à l'entrée, qui leur explique les mesures.
02:46Puis à l'intérieur c'est une personne qui sert tout le monde pour pas que les gens
02:50touchent les objets en fait.
02:52On se lave bien les mains en arrivant, on met notre masque et après on sert les gens.
03:08Quand l'épicerie du village a fermé, on était plusieurs habitants à se dire c'est
03:13un service de proximité, c'est trop important pour la vie du village et du coup est-ce qu'on
03:19peut pas faire quelque chose sans être des professionnels, est-ce qu'on peut pas recréer
03:23un service de ce type mais plus résilient, associatif.
03:27On est au maximum en bio mais on voulait vraiment que ça soit une épicerie avec des
03:32prix justes et accessibles pour la population du village et pas créer de clivage entre
03:37les nouveaux qui mangent bio bio et puis les anciens qui vont acheter tout à intermarché
03:43pour faire une grosse caricature, c'est très caricatural.
03:47Mais l'idée c'était que ça soit une épicerie pour tous, du coup on a fait des
03:51prix, certains produits on a ciblé, on a fait à bas prix.
03:56C'est bon, c'est tout bon.
03:58Merci et bonne soirée à tous.
03:59A toi aussi.
04:08On est à la pépinière des alvéoles.
04:10Ici on se réapproprie notre alimentation en fait, on apprend à faire nous-mêmes,
04:15à faire à plusieurs et ça à mon avis c'est la clé pour la suite.
04:20A chaque fois qu'on fait quelque chose, on note où, qu'est-ce qu'on a fait et puis
04:24qu'est-ce qu'il reste à faire.
04:27Il y a les oignons à terminer de planter, en T4.
04:30On garde une petite décale.
04:32Oui mais Marine elle est là.
04:34Moi ça fait 5 ans que je suis parti de la ville et que j'ai atterri ici.
04:42J'ai fait une fac de sport pour rentrer en école de kiné, ça n'a pas marché.
04:47Et puis ça c'était en 2009, il y a eu une crise financière qui est passée par là
04:51et du coup ça a été un gros remue-méninge dans ma tête.
04:54J'ai fait un peu de la dépression d'ailleurs.
04:56Et assez rapidement j'ai découvert la permaculture et depuis ce moment-là c'est
05:00ça que je veux faire dans ma vie.
05:05Qu'est-ce que vous faites ?
05:08On reçoit une citerne de soupe de 100 mètres cubes.
05:13Parce qu'on s'est rendu compte qu'on n'était pas suffisamment résilients
05:17sur la question de l'eau.
05:20C'est un petit peu la sonnette d'alarme qui a été tirée par le début de la crise
05:25en se disant que si on doit vraiment produire de la nourriture,
05:29il va nous falloir plus d'eau.
05:32Et pourquoi ça, ça a plus de sens qu'une carrière en ville ?
05:37C'est un peu la question que je me pose depuis 7 ans.
05:40Depuis que je me suis dit que je ne ferais pas ma carrière en ville,
05:43j'ai envie de partir de cette planète en me disant
05:48que j'ai tout fait pour qu'elle soit plus accueillante.
05:55Et c'est ça qui me motive dans mes choix quotidiens.
06:01L'usine Vivante
06:12L'usine Vivante, c'est un groupe d'habitants qui a en premier lieu
06:16voulu sauvegarder cette usine qui a 120 ans
06:21et qui a voulu garder ce lieu vivant,
06:24c'est-à-dire passer d'une friche industrielle à quelque chose
06:26qui puisse servir la vie citoyenne
06:28et avec l'envie d'avoir un espace de travail
06:31où il y a des professions libérales et des artisans
06:33et aussi un lieu de partage.
06:36Moi, je suis paysagiste-concepteur.
06:38En ce moment, je travaille sur la transformation du parking de la friche
06:43en parc urbain écologique.
06:46Il y a juste l'inconnu de l'épaisseur.
06:50Je ne sais pas ce que ça va être.
06:52Ça va être marrant.
06:53Je suis trop hâte de voir comment est la terre en dessous.
06:56Tu fais quoi aujourd'hui ?
06:57Je fais les découpes pour la frange du bas de la toile de ma flexion.
07:05C'est une petite yourte légère qui se replie sur elle-même en fagot
07:09que je peux trimballer partout pour mes ateliers.
07:13Ce qui est bien, c'est que là, c'est tout droit.
07:15Après, il y aura les fenêtres.
07:17J'aimerais bien les faire rondes.
07:19Quand ce n'est pas droit, il faut que j'apprenne.
07:22J'aime trop faire ça parce que je trouve que ça lève plein de croyances.
07:26Je ne sais pas faire ça.
07:28Je ne suis pas douée pour ça.
07:30Si tu prends le temps et qu'il y a quelqu'un qui t'explique bien,
07:32tout est possible.
07:40On va d'abord disquer.
07:48Ça va faire un bon rectangle.
07:50C'est le bon moment.
07:52C'est parti.
07:53Qu'est-ce que vous allez faire ?
07:54On va découper un bout de goudron pour voir ce qu'il y a en dessous.
07:58Tu as déjà fait ça auparavant ?
08:00Non, je n'avoue pas du tout.
08:03Mais justement, c'est l'occasion.
08:05Regarde si comme position, ça te va comme ça.
08:08Si jamais j'ai besoin de m'arrêter alors que je suis en train de faire le trait,
08:11c'est grave ou pas ?
08:13Non, juste tu lâches et tu relèves d'abord.
08:25Comment est-ce l'expérience ?
08:27Je trouve ça drôle.
08:29On se fait souvent une montagne de ces gros outils,
08:32de ces gros engins.
08:34Ça m'amuse de tester à l'occasion
08:36et de voir qu'une fois que tu as les bonnes explications,
08:39ça se fait.
08:41C'est cool.
08:43Est-ce que ce n'est pas laborieux tous les jours
08:45d'avoir des gens qui ne sont pas spécialisés pour faire un travail ?
08:47Ça dépend de ce que c'est ta valeur au départ.
08:50Si tu as des gens qui sont pas spécialisés,
08:52c'est ta valeur au départ.
08:54Si ta valeur, c'est de faire un maximum de thunes,
08:56d'être le plus productif possible,
08:58c'est sûr que ce n'est pas la bonne méthode.
09:01Si ta valeur, c'est que les personnes puissent
09:04tester des choses, expérimenter
09:06et se dire « putain, je suis capable de faire »
09:08et être fiers d'elles
09:10et ressentir une utilité,
09:12du coup, c'est le bon moyen.
09:14C'est sûr qu'avoir des experts dans des métiers,
09:16c'est ultra important.
09:18Après, ce n'est pas une raison
09:20de pousser les autres personnes,
09:22leur faire croire qu'elles n'ont aucune compétence.
09:35Là, c'est tout l'enjeu.
09:37Ça, c'est un sol qui est stérile.
09:39Il n'y a pas de matière organique.
09:41C'est très, très pauvre.
09:43Mais le but, c'est de savoir, de ce sol stérile,
09:45comment est-ce que maintenant,
09:47on fait pour le rendre fertile ?
09:49C'est la deuxième partie, il faut revenir dans 6 mois.
09:55Le but, c'est de tout laisser en place.
09:57De ne pas envoyer ça en déchetterie
09:59et de faire ramener de la terre.
10:01Le but, c'est certes de végétaliser
10:03et de fertiliser,
10:05mais d'essayer de le faire avec ce qu'on a déjà sur place.
10:07Tu vois, tu as la terre en dessous.
10:09On la voit, un peu argileuse.
10:11Oui, plutôt de l'argile.
10:13C'est beau, hein ?
10:15C'est presque un peu émouvant.
10:17Là, on est à 50.
10:19Oui, c'est ça.
10:21On sait ce qu'il nous faut creuser.
10:25Bon, on va boire un coup.
10:29L'usine vivante, au départ,
10:31ça a créé un peu des tensions,
10:33en disant, oui, c'est quoi encore ?
10:35C'est Bobo qui vient de s'installer ?
10:37Ou c'est Hippie ?
10:39Et puis, en définitive,
10:41aujourd'hui, 4 ans après,
10:43l'usine, c'est un lieu où on vient chercher
10:45des informations sur la transition écologique,
10:47sur une autre manière de travailler.
10:49Est-ce que c'est de la politique ?
10:51Absolument. C'est de la politique non-partisane,
10:53mais c'est complètement de la politique.
10:55C'est s'occuper de la cité.
10:57C'est participer à la vie de la société
10:59sur le territoire dans lequel on est,
11:01avec ce qu'il y a.
11:05Tu te mets à 2 mm quand il remonte, là ?
11:07Je suis à peu près à 2 mm du bas.
11:09Et comment tu arrives à t'organiser ?
11:11Est-ce que tu as énormément d'activités ?
11:13C'est lundi, mardi, mercredi
11:15que je bosse sur le projet.
11:17La pépite, j'y vais le jeudi après.
11:19Si j'ai le temps.
11:21Et si un jour, tu n'as pas envie de travailler,
11:23qu'est-ce qu'il se passe ?
11:25Il y a un timing, il y a un agenda,
11:27mais il y a aussi
11:29beaucoup de liberté nécessaire à ce moment-là.
11:31Moi, s'il y a des moments où je ne me sens pas inspirée,
11:33ça n'a aucun intérêt
11:35que je bosse.
11:37Avant, je me jugeais vachement par rapport à ça.
11:39Maintenant, je me dis
11:41que le procrastiner, c'est juste le symptôme
11:43d'un truc que ce n'est pas le moment
11:45de faire.
11:47En fait, là, je n'arrive pas du tout à me concentrer
11:49si je ne fais pas.
11:51Désolée.
11:55Quand j'ai décidé de ne pas faire
11:57de recherche en sciences humaines,
11:59c'était vraiment ça le moteur.
12:01J'ai envie de créer le métier de mes rêves.
12:03Je prendrai le temps qu'il faut
12:05pour arriver à faire ça,
12:07quitte à ne pas gagner de sous.
12:09Mais en même temps, il y avait tout le temps des voix
12:11qui venaient, des conditionnants,
12:13des parents, des machins, des trucs
12:15qui disaient
12:17quand même, il faudrait se former,
12:19il faudrait travailler,
12:21il faudrait gagner des sous.
12:23Il faudrait, il faudrait, il faudrait.
12:25Je l'ai refait plein de fois.
12:27À des moments, j'ai rebossé.
12:29Pour d'autres, je veux dire
12:31en salarié et tout ça.
12:33Mais ça ne me plaisait jamais.
12:35Je n'ai jamais tenu bien longtemps.
12:37Est-ce difficile d'assumer cette démarche jusqu'au bout,
12:39tous les jours ?
12:41Non, pas tous les jours.
12:45Il y a forcément des périodes de doute.
12:47Moi, j'en ai eu pas mal.
12:49Qu'est-ce que tu pourrais conseiller aux gens qui hésitent
12:51quitter un job qui ne les intéresse pas,
12:53quitter une vie qui ne les intéresse pas,
12:55mais qui ont peur ?
12:57Conseiller quelque chose à quelqu'un, ça me...
12:59Mais toi, qu'est-ce qui t'a aidée ?
13:01Moi, ce qui m'a aidée, c'est
13:03me poser la question en permanence
13:05et me faire triper.
13:07C'était ma boussole.
13:09Là, j'ai de la joie à faire ça.
13:11J'ai l'impression que c'est un truc qui est partagé
13:13par notre génération, les plus jeunes.
13:17Si on ne fait pas ce qui nous fait
13:19vibrer maintenant,
13:21c'est foutu.
13:25On peut la basculer.
13:35Et voilà.
13:3732 secondes, quoi.
13:43Ce que les gens sont en train de coudre, c'est ça.
13:45La bavette qui va...
13:47En gros, ça, c'est censé s'arrêter
13:49à peu près un peu au-dessus du sol.
13:51Et la bavette, elle isole.
13:57Et ça provoque quelle sensation de créer les choses par soi-même ?
13:59Je ne sais pas.
14:01Rien ne semble impossible.
14:03Tu as l'idée d'un truc
14:05et puis après,
14:07de le réaliser,
14:09d'arriver au bout, il y a une satisfaction.
14:11Moi, c'est le fait
14:13de pouvoir le transmettre.
14:15Je pense tout de suite à ça.
14:17Tu vas pouvoir le faire toi aussi.