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00:00M. le Président, M. le Premier ministre, mes chers collègues, j'aimerais beaucoup, M. le Premier ministre, commencer par vous souhaiter une bonne année 2025,
00:08mais j'ai peur que les défis qui vous attendent, que vous avez qualifiés vous-même d'himalayesques, ne vous fassent prendre ces vœux pour de l'ironie.
00:16Personne ne me contredira si je dis que les Français sont inquiets, parce que l'année s'annonce comme celle de tous les dangers,
00:23et d'abord celui du risque de crise financière, économique et sociale en cas de nouvelle censure ou de vote d'un budget sans boussole qui n'inspirerait confiance
00:32ni à nos concitoyens, ni aux agences de notation, ni à nos partenaires européens. Année de tous les dangers aussi, parce que la situation internationale
00:42n'a jamais été aussi alarmante, entre l'alliance des dictatures, la multiplication des régimes libéraux, les menaces sur les démocraties,
00:50les rivalités des grandes puissances et les guerres jusque sur notre continent. À ces inquiétudes s'ajoutent deux questions menaçantes à plus ou moins long terme.
01:01La France risque-t-elle de voir un jour les populistes arriver au pouvoir ? Et l'Europe va-t-elle, poursuivant son insouciant déclin,
01:10laisser s'effacer peu à peu sa place dans le monde, comme à la lisière de la mer un visage de sable ? C'est dire à quel point le succès de votre gouvernement
01:20devait être souhaité par tous. Mais ce n'est pas le cas. Certains souhaitent son échec, et c'est même leur stratégie, parce que la France est prise
01:30dans la tenaille de son double extrémisme. À l'extrême-gauche, le matamor des estrades et des plateaux télé, le chien-chien à son Poutine,
01:39après avoir imposé sa cour des miracles à l'Assemblée, s'est arrogé le droit illimité d'affirmer de manière catégorique des âneries.
01:48La sous-intelligentsia des ragots sociaux se charge de les faire tourner en boucle, contribuant de façon décisive au degré zéro atteint aujourd'hui par le débat politique.
01:58À l'extrême-droite, le communiqué glaçant à l'occasion de la mort du fondateur du Front national, où Freud aurait vu l'un des meilleurs exemples de retour du refoulé,
02:08vient rappeler que la dédiabolisation n'était qu'un bobard pour les gogos, que les principes tracés par le patriarche et son cortège d'anciens collabos n'ont pas changé,
02:19et que Bardella préside désormais le groupe illibéral, pro-russe et anti-Europe d'Orban au Parlement européen. Les stratégies des deux extrêmes sont les mêmes,
02:29la crise de régime et la présidentielle anticipée, mais leur tactique est différente. Elle effie censure en rafale, à la Kalachnikov. Un texte, une censure.
02:40Neuf fois sur dix, ça ne marche pas, mais ça donne une tribune permanente pour agonier le gouvernement. Le RN n'a plus qu'à décider du moment opportun pour s'y associer.
02:51On lui offre la censure sur étagère. C'est ce qui s'est passé le 4 décembre dernier, juste après les réquisitions du procureur dans le procès des députés européens.
03:01Il fallait détourner la tension. Mais le total des voix extrêmes à l'Assemblée ne suffit pas à une motion de censure. S'il y a eu censure, c'est parce qu'en 2024,
03:12un parti social-démocrate de gouvernement a uni ses voix à l'extrême-droite et à l'extrême-gauche pour renverser un Premier ministre républicain.
03:22— Applaudissements du public —
03:30C'était une faute politique, et c'était surtout une faute morale. Je ne crois pas et surtout je n'espère pas qu'elle se reproduira.
03:39D'abord parce que les Français prennent conscience jour après jour que la censure, dont ses prometteurs avaient juré qu'elle n'était qu'une péripétie,
03:47a des effets désastreux sur l'économie, la société et l'image du pays, qu'elle l'a mis en pause, qu'une nouvelle censure le plongerait dans le chaos
03:57et qu'il est peu probable que nos concitoyens pardonnent à ceux qui s'aviseraient de recommencer. Depuis 2022 et plus encore depuis la dissolution,
04:06un nouveau monde politique est né, dont ni les électeurs ni les élus ne maîtrisent les règles, et notamment la première d'entre elles, comment gouverner sans majorité.
04:17Soit les partis de l'arc républicain sont assez intelligents et assez courageux pour trouver les compromis qui leur permettront de conduire le pays,
04:26soit, après la décomposition, la recomposition se fera au profit d'un des extrêmes, et il n'est pas difficile de deviner lequel.
04:36Nous avons donc tous une grande responsabilité, tous des efforts à faire et tous de graves difficultés à surmonter pour y parvenir.
04:45C'est sans doute pour la gauche républicaine que ces difficultés sont les plus fortes. Il va falloir qu'elle trouve le courage de s'arracher des griffes d'une alliance
04:54qui, depuis deux ans et encore plus depuis le 7 octobre 2023, l'entraîne à la remorque d'une secte lancée dans un naufrage moral et politique.
05:04Et ce divorce sera d'autant plus dur que le gourou de la secte ne manquera pas de clouer au pilori ce qu'il qualifiera de traître avec toute la meute de ses affidés et de leurs réseaux sociaux.
05:16Mais si cette gauche modérée devait s'éter une fois de plus au chantage électoral et s'associer à nouveau à la chute d'un gouvernement,
05:24les populistes des deux bords sauraient qu'ils ont gagné et qu'il ne faudra plus longtemps avant que s'installe en France, comme dans tant d'autres démocraties, un régime illibéral.
05:35Ce ne sera pas facile pour nous non plus. Il y a deux acquis de l'action des gouvernements depuis 2017 qui ont permis – qui me paraissent peu – qu'on s'aide stable.
05:44Les mesures fiscales qui ont permis à la France de retrouver attractivité et baisse du chômage et le retour à l'équilibre précaire, impopulaire mais indispensable du système des retraites.
05:58« Sur la réforme des retraites, tout est sur la table », dites-vous, M. le Premier ministre.
06:02Sur les impôts, la phrase parue dans Le Parisien « pas de hausse d'impôt pour les classes moyennes » suggère qu'il pourrait y en avoir pour d'autres.
06:10Nous comprenons que l'enjeu majeur de la stabilité de nos institutions impose des choix douloureux. Et nous sommes prêts à faire les compromis nécessaires.
06:20Mais nous ne devons pas faire de compromis avec la réalité, comme vous le proposent certains des membres de cette Assemblée. Cette réalité, pour nous, elle s'appelle
06:29l'ordre dans les comptes et l'ordre dans la rue. Lors du budget précédent, celui de Michel Barnier, l'Assemblée nationale a voté dans un accouplement incestueux
06:38des deux populismes 60 milliards de dépenses supplémentaires et supprimé toutes les économies avant de voter une motion de censure irresponsable.
06:48C'est dans ce paysage surréaliste, M. le Premier ministre, que vous allez devoir gouverner face à des députés extrémistes ayant perdu toute mesure
06:57et grisé par leur nouveau pouvoir de faire tomber les gouvernements. Et ce sera difficile, car il reste une dernière question qui n'est pas la moins angoissante.
07:07Nous sommes proches du point de non-retour au-delà duquel trop de gens dépendent de l'État et où l'on ne peut plus rien changer car trop d'intérêts sont touchés,
07:17trop de clients au sens romain du terme. Si nous n'inversons pas à temps cette trajectoire, inéluctablement, c'est une crise qui s'en chargera.
07:27Si nous devions en arriver là – et c'est le dernier enjeu du débat –, si la France devait refuser de faire les efforts qu'elle a exigés en leur temps de l'Italie, de l'Espagne,
07:36du Portugal et de la Grèce et qui ont réussi, elle ferait peser un risque énorme sur l'unité européenne. Et ce ne sont pas seulement les Français qui, très rapidement,
07:46nous en tiendraient rigueur. Ce sont tous les Européens dont j'ai indiqué en introduction à mon intervention à quel point, dans le monde d'aujourd'hui, leur avenir est en suspens.
07:57J'espère et je crois pour toutes les raisons que j'ai évoquées que toutes les forces de l'arc républicain seront au rendez-vous pour vous aider, car il faudra qu'aucune voix ne manque.
08:08En ce qui nous concerne, nous y prendrons bien sûr notre part. Je vous remercie.
08:12Merci, M. le Président.

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