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Lundi 13 janvier 2025, SMART TECH reçoit Capitaine de Vaiseau Xavier (Officier de cohérence du numérique et chef du bureau numérique, Marine nationale) , Jean-Pierre Maulny (directeur adjoint, IRIS) , Hervé Le Jouan (fondateur, Advisory) et Thierry de Vulpillières (directeur général et cofondateur, EvidenceB)

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00:00Bonjour à tous. Surveiller des mouvements ennemis, larguer des explosifs à distance, l'usage de l'IA dans la guerre, ce sera notre sujet aujourd'hui à la Une de Smartech.
00:17On verra comment cela se développe, quelles sont ces nouvelles technologies de défense intelligente et d'armes autonomes.
00:23On aura aussi rendez-vous dans un second temps avec un sujet autour de la protection des données personnelles, sachant que 2025 est considéré par certains comme une année importante de transition.
00:33Mais d'abord, je vous propose trois questions sur l'IA, les maths et le français. C'est tout de suite dans Smartech.
00:38Bonne année à tout le monde, bonjour à tous. Je reçois aujourd'hui pour ouvrir le bal 2025 Thierry De Vulpillère. Bonjour Thierry, vous êtes connecté à distance avec nous. Vous nous entendez bien ?
00:53Bonjour, oui. Merci de l'invitation et bonne année à tout le monde.
00:56Merci beaucoup. Alors vous êtes expert depuis de nombreuses années dans le monde de l'éducation et de tous ces outils numériques pédagogiques.
01:03Vous êtes le directeur général cofondateur d'Evidence B, qui est une EdTech dont on a beaucoup entendu parler au moment où Gabriel Attal a annoncé en 2023 que l'un de vos outils allait servir à aider les élèves de manière plus personnalisée dans leurs apprentissages en seconde, donc avec MIA seconde en maths et en français.
01:25C'est vraiment sur votre savoir-faire que l'éducation nationale a misé avec ce déploiement. Je voulais savoir où on en était justement aujourd'hui du nombre d'élèves qui utilisent MIA ou MIA seconde ?
01:39Oui, donc l'IA peut aussi servir. J'ai vu que vos sujets étaient variés, mais l'éducation, donc le bien commun et aider les élèves, c'était une solution qui a été développée suite aux derniers résultats de PISA où la France avait à nouveau baissé de plus de 15 points en mathématiques.
01:53Et le principe, c'est de l'IA adaptative, donc ce n'est pas de l'IA générative qu'on utilise par ailleurs. Et donc le principe, c'est d'aider exercice par exercice au plus proche du besoin de chaque élève les décrocheurs, ceux qui sont en difficulté.
02:11Il y avait le résultat de PISA et il y a une enquête qui est le test de positionnement à l'entrée de seconde sur lequel près de 30% des élèves français étaient en difficulté. Donc la séquence a été une annonce le 5 décembre comme vous l'avez évoqué lié au résultat de PISA. En février, il y a eu un déploiement sur 8 académies, donc qui était une sorte de pré-test à grande échelle.
02:29Il y avait plus de 95% des élèves de ces 8 académies qui étaient actifs sur PISA. Et puisque vous m'avez posé la question de où on en est aujourd'hui, c'est vrai que le sujet autant sur la langue française, l'approche de la langue française qui est amenée par les sciences cognitives et l'IA qui est le propre d'évidence B et de mi à seconde, il n'y a pas débat.
02:51Autant les résultats en mathématiques font débat sur quelle est la meilleure manière de résoudre ce problème pour la France. Et on a donc enclenché pour essayer de d'objectiver ce débat une étude d'impact avec une association qui s'appelle idée.org qui est liée à l'école d'économie de Paris ou à.
03:09Et donc là, c'est une énorme étude d'impact qui a été décidé en fin d'année scolaire dernière. Et depuis la rentrée, il y a 500 établissements et plus de 20 000 élèves qui sont surmi à seconde dans une étude d'impact qui va courir sur tout l'ensemble de l'année pour bien mesurer l'efficacité au-delà des transferts de recherche qui ont déjà une sorte de preuve préalable.
03:32Donc voilà un peu la situation. Et là, l'idée, c'est d'ouvrir maintenant à tout le monde avec une observation néanmoins scientifique et stricte de ces 500 établissements pilotes qui couvrent l'ensemble du territoire.
03:44Toutes les académies sont partenaires de cette phase d'études d'impact. J'imagine que vous avez quand même déjà des premiers retours quand même du côté des enseignants, peut-être même des parents, des élèves.
03:53– Alors c'était un marché passé par Papendia et c'est des marchés publics du ministère de l'éducation. C'est à disposition des enseignants et des établissements.
04:01On sait que sur l'IA, il y a toutes sortes de magie qu'on croit ou pas sur l'intelligence artificielle jusqu'à son appellation.
04:09C'est des outils au service des humains, l'intelligence artificielle. Et donc c'est des outils pour éclairer la décision des enseignants.
04:16Et donc c'est destiné aux enseignants, à aider les élèves à progresser et les enseignants à mieux voir.
04:21Donc on a des retours qui sont quotidiens sans arrêt sur l'efficacité du dispositif et on a des premières statistiques, si je puis dire, à côté de l'étude d'impact.
04:30Une des difficultés, notamment en mathématiques, pour la France, c'est le découragement des élèves, l'anxiété mathématique et qui touche plus particulièrement les filles,
04:40ce qui est très dommageable pour toutes les études scientifiques, etc. Et on a une étude qui montre pour le moment qu'il y a plusieurs centaines de milliers d'exercices qui sont faits,
04:50y compris pendant les vacances. Là, on a des statistiques qui sont énormes. C'est 80 %. Enfin, les élèves ont en moyenne 80 % de réussite aux exercices qu'on leur propose.
05:02Le principal algorithme qu'on utilise est défini sur une progression autour de ce qu'on appelle la zone proximale de développement.
05:12Pour ne pas décourager un élève, il faut lui proposer des exercices à chaque fois un peu plus difficiles pour le faire progresser, mais pas trop pour ne pas le décourager,
05:20et pas trop simple pour ne pas l'ennuyer. Et donc ça, cette première partie, le fait que les élèves ont toujours 16, j'ai envie de dire, entre 14 et 18,
05:29et c'est comme ça qu'ils vont progresser dans la ressource, dans les exercices que l'on leur propose à seconde, c'est une première data qu'on a, une première preuve de réussite d'une certaine manière
05:38et un gage de confiance, encore une fois, les élèves ne décrochent pas. On a une autre statistique sur un autre logiciel qui s'appelle Adaptive Math,
05:44qui a été acheté par le ministère dans les plans qui s'appellent P2IA, pour toutes les classes de primaire du cycle 2. Et là, on voit que les élèves,
05:52quand ils commencent une ressource chez Evidence B, donc que ce soit Adaptive Math ou Mise à seconde, il y a un petit test de positionnement.
05:58Il y a une dizaine, une quinzaine de questions pour essayer de comprendre où en est l'élève dans la maîtrise de la notion qu'on cherche à lui transmettre.
06:04Et quand on prend les 15% des élèves qui sont le plus en difficulté dans ces tests préalables, on va les suivre et on voit s'ils décrochent,
06:12qui est normalement le risque majeur pour ces élèves qui sont en difficulté dès le départ. Et on voit que ces 15% d'élèves les plus en difficulté au début
06:20de Mise à seconde ou d'Adaptive Math progressent presque plus vite que la moyenne. Donc on a deux indices qui montrent vraiment déjà une efficacité forte
06:29de ces types d'applications d'IA à l'éducation.
06:32Et ce taux que vous donnez de 80% à cette zone dans laquelle on essaye de maintenir l'élève pour qu'il ne soit ni dans un ennui ni dans un échec,
06:43c'est justement ce qu'il y a derrière ce moteur d'IA adaptatif, si j'ai bien compris.
06:48Exactement. On a six algorithmes qu'on utilise, mais le principal qui a été fait avec l'INRIA de Bordeaux, l'équipe du professeur Pierre-Yves Oudeiller,
06:55qui s'appelle Flowers, et bien c'est dans le machine learning, donc pas les large language model façon GPT, mais dans le machine learning,
07:04c'est ce qu'on appelle l'apprentissage par renforcement, et bien c'est cet algorithme qui vérifie sans arrêt qu'on propose à l'élève un exercice
07:12qui soit bien dimensionné pour le faire progresser.
07:14Merci beaucoup Thierry Deville-Pillière d'avoir été avec nous pour ce Smart Tech, cette ouverture, et puis on souhaite plein de progrès aux élèves en mathématiques
07:22et en français avec beaucoup de plaisir via ces applications. Je rappelle que vous êtes le directeur général d'Evidence B, merci beaucoup.
07:29On enchaîne nous avec notre débat sur l'usage de l'IA dans la guerre.
07:37Dans le monde militaire, on parle de plus en plus de défense intelligente, d'armes autonomes, mais qu'en est-il exactement de l'usage de l'IA et des nouvelles technologies
07:45dans le domaine militaire ? On en parle aujourd'hui avec le capitaine de vaisseau Xavier, bonjour.
07:50Bonjour.
07:51Vous êtes officier de cohérence du numérique et chef du bureau numérique de la marine, particulièrement en charge du déploiement des architectures numériques
07:58et de l'intelligence artificielle au sein de la marine dans le cadre du projet structurant baptisé Signal. Vous pouvez nous en dire un mot rapidement, Signal ?
08:05Oui, Signal, c'est la supériorité informationnelle pour la guerre navale, donc c'est tout le projet de la marine pour structurer nos systèmes autour de la donnée.
08:14Et donc qui est la matière première pour l'intelligence artificielle. Beaucoup de défis dans ce domaine.
08:19Bienvenue, commandant. Avec vous sur ce débat, Jean-Pierre Molny, bonjour.
08:23Bonjour.
08:24Vous êtes directeur adjoint de l'Institut de relations internationales et stratégiques, autrement connu sous le terme IRIS, responsable des études liées aux questions de la défense,
08:33à l'Europe de la défense, à l'OTAN, l'industrie de l'armement, aux ventes d'armes. Vous dirigez aussi ARES Group, qui est un réseau de chercheurs européens spécialisés sur les questions d'industrie.
08:44Ma première question va être sur la conscience politique de l'importance de l'IA aujourd'hui dans ce domaine militaire, puisqu'on a la France qui a inscrit dans la loi de programmation militaire 2024-2030
08:57cette nécessité de maîtriser cette technologie aux côtés de systèmes autonomes et de calculs quantiques.
09:03Vous diriez quoi, Jean-Pierre Molny, qu'il y a une conscience qui a été rapide, précoce, progressive, lente ?
09:11Comment vous la qualifieriez au niveau politique ?
09:13La conscience, elle est quand même relativement récente de manière générale dans la société et dans le domaine militaire.
09:21Quand je dis récente, c'est une dizaine d'années, disons. Une dizaine d'années, c'est au moment où il y a eu le rapport Cédric Villani sur l'intelligence artificielle.
09:29Alors c'est 2018 son rapport, oui.
09:32Et à ce moment-là, il y a véritablement une prise de conscience de la société.
09:37Maintenant, un militaire, si je puis dire, il y a longtemps qui sait à peu près ce que c'est que l'intelligence artificielle.
09:46Je vous dirais un joueur de jeux vidéo aussi, parce que l'IA, c'est un peu la base dans les jeux vidéo, donc on sait quand même ce que c'est.
09:55Simplement, ça a été vraiment pris en charge au niveau politique depuis, on va dire, entre 5 et 10 ans.
10:05Ça correspond aussi au moment au ministère des Armées où il y a la création de l'agence d'innovation de défense.
10:09Parce qu'on dit tout de suite, on va mettre 100 millions d'euros sur l'IA.
10:13Alors c'est ce que j'allais dire. Comment ça se concrétise dans les faits ?
10:16Donc ça veut dire des budgets, de l'investissement, la création d'une agence et des projets peut-être spécifiques aussi, commandant ?
10:24Alors déjà en termes d'organisation, il y a effectivement l'agence de l'innovation de défense qui a été créée.
10:30Et puis plus récemment, l'année dernière, le ministre a créé l'agence ministérielle pour l'IA de défense.
10:36Amiad.
10:37Voilà, l'Amiad, qui est basée à Rennes. Et donc ça, c'est la partie structurante.
10:43Après, dans les projets, effectivement, ça fait quelques années déjà qu'on explore un certain nombre de choses dans les forces,
10:50que ce soit sur les bateaux, dans les avions de chasse, sur les théâtres terrestres.
10:55Alors ça va être des choses qu'on arrive assez bien à comprendre quand on utilise des outils civils type de la reconnaissance d'image.
11:05Simplement après, il y a des spécificités liées au milieu militaire.
11:08Ce n'est pas la même chose de repérer un chat dans une photo ou une voiture que de repérer un drone ou un avion de chasse.
11:16Quelle est la spécificité ? Parce qu'on a l'impression qu'en fait, c'est juste une question de données entrantes.
11:21Qu'est-ce qu'on va apprendre au logiciel à reconnaître ? Ce n'est pas uniquement ça le problème ?
11:25Oui, c'est essentiellement ça la difficulté. C'est la capacité à avoir des jeux de données représentatifs.
11:29Donc, avoir suffisamment de données, finalement, disponibles.
11:32Vous avez des millions de photos de chats. Vous n'avez pas des millions de photos de chats ou de drones iraniens ou chinois ou russes.
11:40Donc, arriver à maîtriser ces données fiables, bien annotées et d'être capable d'éduquer, d'entraîner les IA avec ces données-là.
11:47C'est ça aujourd'hui la difficulté essentielle pour l'IA militaire.
11:50J'imagine que les armées françaises travaillent sur l'intelligence artificielle pratiquement au quotidien.
11:59Est-ce que c'est un outil qui est encore en expérimentation et dont on attend encore les preuves ?
12:05Ou est-ce que vous diriez que c'est vraiment opérationnel ?
12:08Non, c'est déjà opérationnel dans certaines petites briques.
12:12Après, il y a encore beaucoup de projets en expérimentation et en devenir.
12:16Mais il y a déjà des petites briques d'IA qui sont intégrées dans les systèmes.
12:20Après, une autre particularité, c'est que quand on engage des armes qui peuvent conduire à détruire des adversaires, on doit être certain de ce qu'on utilise.
12:35Quelle est la dose d'autonomie qu'on donne au système ?
12:38A quel moment l'homme confie et reprend la main ?
12:41C'est ça aussi un des aspects de l'IA militaire.
12:45On a le sentiment que le domaine militaire permet de faire progresser souvent l'innovation, les technologies,
12:53parce qu'on met de l'investissement aussi important.
12:55Ce sont des domaines régaliens.
12:58Mais j'imagine que c'est aussi un domaine où on fait encore plus attention à l'usage de ces technologies.
13:05Il y a énormément d'inquiétudes.
13:07Quelles sont les limites que vous verriez sur l'utilisation de l'IA dans le domaine militaire ?
13:13Qu'est-ce qu'on n'ira pas faire ? Qu'est-ce qu'on ne peut pas faire ?
13:16Les limites, c'est le résultat.
13:18Il ne faut pas se tromper de cible, il ne faut pas se tromper de reconnaissance.
13:24Il y a une exigence en termes de certification qui est bien plus forte que dans le domaine civil.
13:31Après, la techno, c'est la même techno de base que dans le domaine civil, puisque c'est des données et des algorithmes.
13:38L'autre chose, c'est que ça progresse avec le temps.
13:41C'est une techno qui progresse petit à petit.
13:43Plus on a de données, plus on progresse sur les algorithmes, plus on progresse sur les supercalculateurs.
13:50Avant de venir à la différence entre le monde civil et le monde militaire, j'ai écouté France Culture.
13:57L'IPhone 16, visiblement, il y a eu de grosses erreurs, puisqu'il disait que Rafael Nadal avait fait son coming out.
14:05Donc là, l'IA, c'est...
14:07Alors là, c'est le problème des IA génératives ?
14:09Voilà, c'est ça.
14:10Ce ne sont que des statistiques, finalement.
14:13Effectivement. Donc, ce qui est sûr, c'est que, vous le confirmerez, c'est qu'on reste sur un système, en France,
14:22où on a toujours l'homme dans la boucle au dernier moment pour prendre la décision.
14:27Ce qui ne veut pas dire que l'IA ne va pas faire du traitement avant de prendre cette décision.
14:33Je vais donner un exemple.
14:35Au début des années 2000, pour le rafale, l'avion de combat, on s'est aperçu que le pilote,
14:42quand on est passé au rafale avec des capacités air-sol, que le pilote ne pouvait plus tout faire.
14:48Donc à ce moment-là, on a dit qu'il y aura deux hommes dans le rafale.
14:52On a commencé à construire des rafales avec deux pilotes.
14:58Maintenant, on peut passer à un.
15:00On peut passer à un parce que l'IA va justement suppléer le pilote
15:07et pouvoir traiter les informations qu'on avait déléguées au copilote.
15:14Donc on est bien dans un système où on progresse petit à petit.
15:17Comme avec les voitures autonomes, finalement.
15:19Exactement.
15:21Comment aujourd'hui on s'empare de cette technologie ? Très concrètement, de manière opérationnelle.
15:27Sur quoi vous travaillez ? C'est un outil pour l'information ? Pour la maintenance ?
15:31Un peu de tout.
15:33Si on prend le domaine opérationnel du combat, vous allez utiliser de l'IA avec de la reconnaissance d'image.
15:40On en parlait tout à l'heure.
15:42Mais ça va être aussi de l'aide à la décision dans des environnements complexes.
15:46J'ai quitté un commandement de frégate l'été dernier.
15:49J'étais en mer Rouge au printemps dernier, dans l'environnement d'attaque,
15:54du trafic commercial par les drones et les missiles outils.
15:57Là, vous avez une quantité d'informations qui arrive au niveau des opérateurs sur le bateau,
16:01qui est juste colossale.
16:03Pour arriver à ne pas se tromper, on utilise de l'IA pour essayer d'aider l'opérateur,
16:10le décharger d'une certaine charge cognitive,
16:12pour qu'il concentre son attention et son expertise sur les tâches à haute valeur ajoutée.
16:18C'est-à-dire, est-ce que j'engage ou pas ?
16:20Est-ce que je confirme un engagement ?
16:23Les Américains, c'était dans la presse il n'y a pas si longtemps,
16:27ont abattu un de leurs propres avions de chasse qui décollait dans un porte-avions.
16:32On voit bien que, dans des environnements extrêmement complexes comme ça,
16:35avoir de l'aide à la décision, c'est fondamental.
16:37Et pour ça, l'IA est très utile.
16:39Donc, reconnaissance d'image.
16:41Dans un autre domaine, vous allez pouvoir utiliser de la reconnaissance acoustique.
16:45Vous avez sans doute vu le film « Le chant du loup » avec les oreilles d'or.
16:48Donc, analyser des sons dans l'eau.
16:50Vous avez énormément de bruit par l'activité biologique,
16:53le bruit ambiant de toute l'activité maritime.
16:55Faire le tri là-dedans.
16:57Vous pouvez utiliser de l'IA pour faire un premier tri, un premier filtre.
17:00Ensuite, l'oreille d'or va concentrer son énergie et son expertise sur la reconnaissance fine.
17:05Il va se décharger de toute la partie de tâche un petit peu moins noble.
17:09Donc, vous avez ce genre d'usage.
17:11Et après, dans des domaines plus logistiques, maintenance, etc.
17:16Mais là, ce n'est pas spécifique aux militaires.
17:18Mais la maintenance prédictive, évidemment, sur des avions de chasse, des rafales, sur des bateaux.
17:23C'est extrêmement précis et utile de pouvoir avoir des petits signaux faibles d'un moteur qui commence à dérailler.
17:29Avoir des petites difficultés.
17:30Et d'anticiper pour ne pas avoir une avarie et retirer un bateau ou un avion de ligne.
17:35Et toute la partie, j'ai envie de dire, guerre de l'information.
17:39Parce que j'avais reçu François Bernard Wisch de l'IRIS qui nous disait, avec le numérique et les réseaux sociaux,
17:45finalement, la guerre en Ukraine, c'est la première racontée par les bombardés.
17:49Il avait dit ça dans une de mes émissions Smartech.
17:51C'est aussi un enjeu aujourd'hui d'utiliser l'IA pour écouter l'information et peut-être aussi la fabriquer.
17:59Alors oui, dans le domaine de l'influence, c'est comme ça qu'on l'appelle dans les armées.
18:05Il y a évidemment, là aussi, l'équilibre entre le glaive et le bouclier.
18:13Donc, à la fois, utiliser de l'IA pour aller saturer l'adversaire avec des informations qui peuvent être fausses
18:20et donc perturber sa perception du théâtre.
18:23Et à l'inverse, nous, mettre en place des outils, et notamment avec de l'IA,
18:27pour faire le tri, essayer de détecter les fausses informations, faire le tri dans la masse d'informations
18:32pour avoir une meilleure perception, là aussi, de ce qui se passe.
18:34Donc, ça fait partie des choses sur lesquelles vous travaillez ?
18:36Ça demande des budgets colossaux, j'imagine, tous ces investissements.
18:41Ça demande des budgets, et on en parlait avant d'entrer sur le plateau.
18:46Ça demande aussi de l'information, sur la question des informations.
18:53Parce qu'effectivement, on peut faire du traitement.
18:56Le traitement, ça va permettre d'alerter, notamment sur les mauvaises informations ou sur la désinformation.
19:04Mais c'est quelque chose dont il faudrait que tous les citoyens s'emparent.
19:08Véritablement, les former, justement, à...
19:12Sur le sujet de l'esprit critique ?
19:14Oui, tout à fait.
19:15Enfin, là, on en parle vraiment comme d'une arme de guerre.
19:18Je vous pose la question des budgets, c'est aussi savoir quel est notre niveau d'autonomie stratégique sur ces nouvelles technologies.
19:24Moi, quand je parle du numérique, clairement, le niveau d'autonomie que je vois, il est proche de zéro.
19:31C'est-à-dire que les données, massivement, viennent quand même des grands centres d'entraînement qui sont tenus par des entreprises américaines.
19:39Les hébergements, eux-mêmes, sont tenus par des Américains.
19:43Les IA qu'on utilise au quotidien, eux-mêmes.
19:46Qu'est-ce qu'il en est dans le domaine militaire ?
19:48En matière de souveraineté, c'est un sujet majeur.
19:52Alors, pour ce qui est des données, il est évident que quand on entraîne...
19:57Enfin, quand on utilise sur un système d'armes une intelligence artificielle, on doit absolument maîtriser les données qu'on met dedans.
20:05Donc, on ne va pas utiliser un modèle qui a été entraîné dans une grande ferme de données aux États-Unis ou ailleurs.
20:13On va, justement... Et c'est un des intérêts de l'AMIAD qui a été créé, mais de tous les efforts qu'on fait depuis quelques années dans ce domaine.
20:20C'est de générer des jeux de données qui sont fiables, annotés par des experts et avec lesquels on va pouvoir entraîner les IA.
20:28Sur nos supercalculateurs.
20:30Sur nos calculateurs et dans nos bases de données.
20:32Oui.
20:33Et donc, la technologie en elle-même, elle peut être civile.
20:38Mais en revanche, ce qu'on en fait et les données qu'on met dedans et la maîtrise qu'on a de ces jeux de données pour les utiliser, ça, on doit le maîtriser absolument.
20:46Il y a une prise de conscience sur le sujet, que ce soit au niveau français ou au niveau européen.
20:51Oui.
20:52Quand on regarde notamment les projets qui sont financés au niveau européen par le Fonds européen de défense, vous avez un certain nombre qui concernent l'intelligence artificielle.
21:01Donc, il y a véritablement un effort qui est fait pour, effectivement, arriver à plus d'autonomie stratégique, parce qu'il est évident que c'est un domaine clé à ce niveau-là.
21:13Et pour le coup, je pense que la prise de conscience est globale au niveau européen et elle est partagée.
21:19Au salon Euronaval, j'ai vu que la DGA avait présenté un prototype de drone de combat sous-marin de 10 tonnes.
21:27Et j'ai noté le terme qui avait été employé, qu'un des enjeux, c'est d'avoir finalement des drones à l'autonomie décisionnelle contrôlées.
21:36C'est ça, aujourd'hui, la limite qu'on laisse à la technologie et à l'IA dans le domaine militaire ?
21:41Aujourd'hui, dans les armées françaises, dans d'autres pays, la réalité peut être différente, mais dans les armées françaises,
21:47la limite qu'on se fixe, c'est qu'il y a toujours un homme à la fin pour la décision d'engagement de l'arme.
21:52Il peut y avoir une autonomie dans plein de domaines, dans la recherche, dans le renseignement, dans l'analyse, de plein de choses.
21:58En revanche, dès lors qu'il y a un engagement d'arme, il y a un homme qui reste présent.
22:01Donc, la notion de munitions rodeuses, on commence à travailler sur ces questions-là.
22:05Donc, ça permet d'amener une munition proche de la zone où on veut produire un effet militaire.
22:10En revanche, la décision d'engager cette munition, il y aura, en tout cas, c'est notre doctrine actuelle, toujours un homme qui appuiera sur le bouton.
22:17Vous êtes d'accord pour dire que l'IA va révolutionner la manière dont on va faire la guerre demain, ou l'éviter, d'ailleurs ?
22:24Oui, parce que les phénomènes de dronisation, les phénomènes de données de masse qui saturent les théâtres, etc., sans l'IA, on n'y arrivera pas.
22:34Et pour nous, l'IA, c'est conserver cette autonomie de décision, déjà, et ce préavis.
22:39Donc, garder un préavis de perception, de compréhension de la situation pour avoir ce petit préavis sur l'adversaire.
22:46Et ça, sans l'IA, il est probable qu'on n'y arrivera pas.
22:49Je pense qu'il y a un autre élément sur l'IA qui est important.
22:53C'est que, comme vous avez toute cette préparation, j'ai envie de dire, de digestion des données, tout ça se fait très rapidement avec l'IA.
23:02Donc, vous pouvez avoir une accélération du rythme des opérations.
23:05Or, accélérer le rythme des opérations, c'est aussi avoir la supériorité sur l'adversaire.
23:10Et comme tout le monde accélère, il ne faut pas être les derniers dans la course. Merci.
23:14Une particularité sur l'IA dans le domaine de défense, c'est que, contrairement aux véhicules autonomes, on n'est pas dans un environnement de réseau civil complètement maillé.
23:27On peut se retrouver dans des endroits où il n'y a plus de réseau, il n'y a plus rien.
23:30Et donc, vous pouvez être amené à avoir un outil qui n'est connecté à plus rien.
23:36Donc, il faut être capable aussi de travailler sans réseau.
23:38C'est d'abord capable aussi de maîtriser la low-tech.
23:42C'est ce qu'on appelle le « back to the 80s ».
23:44Être capable de travailler avec de l'IA complètement connectée et, en même temps, d'être capable de tout couper pour le faire sans ces réseaux.
23:51Merci beaucoup, commandant. Capitaine de vaisseau Xavier, officier de cohérence du numérique et chef du bureau numérique de la Marine.
23:57Et merci, Jean-Pierre Molny, directeur adjoint à l'IRIS.
24:07On termine cette édition avec Hervé Lejouan, advisor. Bonjour, Hervé.
24:11Bonjour, Delphine.
24:12J'ai envie de vous dire « meilleur vœu », mais c'est surtout le moment pour vous de formuler vos vœux pour 2025.
24:18Tout à fait.
24:19Je voulais un peu faire des constats et puis être optimiste après.
24:25Le monde est secoué par de nombreux conflits qui nous touchent de près ou de loin.
24:29Les BRICS, aussi, dans ces deux dernières années, se sont étendus, ont clairement défini de nouvelles règles et élargi leurs accords,
24:35en dehors de celles qui prévalaient auparavant, à commencer par le fait de ne plus payer l'énergie exclusivement en dollars
24:41ou de ne plus utiliser le réseau SWIFT pour les transactions bancaires.
24:45Les États, certainement occidentaux, ainsi que leurs dirigeants, sont sous pression des peuples qui souhaitent du changement.
24:50Ils font savoir dans les urnes, ce qui crée une forte instabilité.
24:53Et donc, tout cela ressemble à une période de transition vers un monde différent de celui que nous avons connu les 40 dernières années.
24:59Mais à côté de tout cela, en fait, de ces événements géopolitiques, les avancées technologiques se multiplient à coups de dizaines,
25:06voire de centaines de milliards de dollars.
25:08Le nombre et la capacité des LLM croissent sans répit.
25:11L'intelligence artificielle s'immisce dans tous les produits.
25:14Les investissements dans les puces semi-conducteurs, batteries, centres de données
25:19et dans les infrastructures énergétiques nécessaires à subvenir à ces besoins croissants explosent.
25:24Les premières voitures autonomes arrivent sur le marché.
25:27Les fusées capables de nous emmener demain sur la Lune et au-delà sont presque opérationnelles.
25:32Et j'en oublie.
25:33Mais malheureusement, le nombre de ces avancées technologiques vient des États-Unis ou de la Chine et demain de l'Inde.
25:38Alors, parlons de l'Europe, justement.
25:40Alors, l'Europe, dans tout ça, nous avons en Europe et plus particulièrement en France,
25:46les meilleurs ingénieurs et chercheurs, certainement.
25:49Mais aussi dans d'autres domaines comme les biotechnologies, le spatial, les transports, l'énergie, la médecine, l'agriculture,
25:57les télécoms, pour ne citer que ces domaines.
25:59Mais malheureusement, nombre d'entre eux travaillent pour des sociétés américaines, voire autres,
26:04et sont courtisés, utilisés et chouchoutés pour innover et développer des nouveaux produits pour ces pays différents.
26:11Mais ne nous leurrons pas.
26:13Ce niveau d'excellence que nous avons, il n'est pas éternel et nous ne sommes pas les seuls.
26:16Les Chinois et Indiens ont largement élevé leur niveau dans tous ces domaines pointus et ne nous en vit plus.
26:22Ils se sont formés dans nos meilleures universités et écoles et déploient leurs connaissances chez eux.
26:27Dès lors, l'Europe, si elle veut exister demain, elle doit massivement investir et innover.
26:32Et ce, dès 2025, comme le rapport Draghi d'ailleurs l'a mentionné, sous peine d'oublier toute forme de souveraineté
26:38et de devenir entièrement dépendante de ces géants sur des technologies critiques qui bouleversent nos vies personnelles et professionnelles.
26:45Vous avez dit que vous restiez optimiste, Hervé.
26:47Oui, il faut l'être, tout en étant lucide et reconnaître ses points forts, ses points faibles et ses erreurs.
26:52Il faut aussi revenir en arrière et réanalyser les conditions qui ont permis à l'Europe ou à tel ou tel pays européen
26:57d'être leader dans de nombreux domaines stratégiques.
27:00Nous avons le meilleur avionneur mondial, les meilleures voitures thermiques au monde,
27:04des trains à grande vitesse éprouvée, une aérospatiale pointue,
27:07des infrastructures modernes, une agriculture à la pointe et respectueuse de l'environnement
27:11et un goût pour la qualité manufacturière reconnu.
27:14Et bien entendu, une industrie nucléaire, encore une fois innovante et décarbonée,
27:18qui a permis à toutes ces industries de se développer et déployer avec un coût énergétique raisonnable et propre.
27:23Aussi, si on regarde bien, les Américains sont en train d'investir massivement dans des centrales nucléaires
27:28dédiées uniquement à des centres de données pour abaisser leur empreinte carbone et réduire les coûts énergétiques.
27:34J'y vois là une opportunité significative pour l'Europe et la France d'offrir ces infrastructures nucléaires
27:39pour développer et déployer des centres de données qui seront critiques pour les besoins liés à l'intelligence artificielle,
27:44au LLM, à la blockchain et à l'informatique quantique de demain.
27:48Il faut savoir que nous avons mis en place un mécanisme de débrayage des centrales nucléaires
27:53lorsque les autres énergies renouvelables prennent le relais.
27:56Utilisons ces temps morts non exploités pour alimenter des centres de données à coût réduit.
28:01Et donc, par son histoire, l'Europe a été leader dans la protection des données aussi,
28:05par son aide, via des régulations qui ont été copiées de par le monde.
28:08Mais cela ne suffit pas. Il faut s'appuyer sur cette culture pour investir dans le développement
28:13et le déploiement de nouvelles technologies et applications sécurisées, éthiques,
28:17protectrices des plus jeunes, respectueuses de la vie privée des individus et citoyens,
28:21certainement autour de l'intelligence artificielle.
28:24Technologie que nous devons financer sur le long terme et ne pas céder,
28:28au bout de quelques années, à des sociétés américaines ou chinoises.
28:31Protégeons nos pépites et aidons-les à devenir des géants, c'est maintenant.
28:34Merci beaucoup Hervé. Merci à tous d'avoir suivi ce Smartech.
28:38Je vous souhaite une excellente année à nouveau.
28:40A très bientôt sur la chaîne Bismarck for Change pour de nouvelles histoires sur la tech.

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