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Jean-Marie Le Pen, cofondateur du Front national et figure de l'extrême droite en France, est mort mardi 7 janvier à l'âge de 96 ans. Robert Ménard a publié un ouvrage en 2011, intitulé "Vive Le Pen", et en a préparé un autre qui n'est jamais sorti. Il est l'invité de RTL Soir.
Regardez L'invité de Yves Calvi du 07 janvier 2025.

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Transcription
00:00Yves Galvy, Aude Vernuccio, RTL Soir, jusqu'à 20h.
00:04Il est 18h18, bonsoir Robert Ménard, merci beaucoup d'être avec nous.
00:07Bonsoir.
00:08Vous êtes co-fondateur de Reporters sans Frontières, je le rappelle, le maire de Béziers,
00:11et merci de prendre la parole en direct ce soir sur RTL.
00:14Jean-Marie Le Pen est donc décédée à l'âge de 96 ans, ce que l'on sait peu,
00:17c'est que vous l'avez interviewée une fois par mois pendant un an, expliquez-nous.
00:21Écoutez, on avait un projet de livre avec Emmanuel, mon épouse,
00:26qui était journaliste également comme moi,
00:29et on a passé un an à l'interviewer, finalement, après je suis passé à autre chose,
00:34vous savez, vous l'avez dit, j'étais candidat et j'ai gagné les élections à la mairie de Béziers,
00:38donc je suis passé à tout à fait autre chose,
00:40mais pendant un an, je l'ai entendu raconter toute sa vie,
00:44et c'était fascinant, parce qu'il était d'une culture incroyable,
00:49il avait côtoyé absolument tout le monde,
00:51y compris il avait côtoyé des gens qui refusaient d'expliquer qu'il l'avait rencontré,
00:55c'était ça aussi qui était intéressant.
00:58Ce n'était pas le diable, mais quand on avait besoin de ses voix,
01:00on était quand même capable d'aller le voir.
01:03Et en même temps, il n'avait pas seulement des dérapages,
01:05il avait une face, un côté sombre avec des choses terribles,
01:10on le sait, les mots terribles, le point de détail, la fournée, du rafo-crématoire,
01:15et tout ça, il l'assumait complètement, ces mots d'épouvante, je dirais,
01:19il les assumait absolument.
01:21Et donc c'est ça qui était scintillant, à la fois sa culture et ses sordides obsessions.
01:29Que savez-vous de lui que nous ne connaissons pas ?
01:33Il m'a raconté un certain nombre de choses sur ce qu'il pensait,
01:38sur la Deuxième Guerre mondiale et tout,
01:40un jour je les publierai peut-être, je ne suis pas sûr.
01:44Et il a vraiment pensé, pardonnez-moi,
01:46que la disparition dans les camps de concentration
01:53de près de 6 millions de juifs était un point de détail ?
01:56Je pense que ce n'est pas des dérapages,
01:59ce n'est pas seulement un goût de la provocation,
02:02souvent les gens disent qu'il fait de la provocation,
02:05c'est plus que ça, c'était des convictions,
02:07moi je l'ai entendu dire sur des choses sur les juifs,
02:10sur l'occupation allemande et tout,
02:12qui me retournaient le ventre, évidemment,
02:15et ça, on ne peut pas l'oublier, c'est pour ça.
02:17Moi je n'ai jamais voté pour lui,
02:19alors que j'ai voté sans état d'âme pour Marine Le Pen,
02:21parce que ce n'est pas la même chose.
02:23Et en plus il y avait un autre truc qui m'exaspérait,
02:25c'est aussi pour ça qu'on faisait ce livre,
02:27parce que vous savez, juste avant,
02:28j'avais sorti toujours avec Emmanuel, avec ma femme,
02:30« Vive Le Pen ».
02:32Ce n'était pas du tout un livre d'apologie de Jean-Marie Le Pen.
02:35Oui, c'était quand même un peu un défi.
02:37Attendez, vous l'avez lu ? Non.
02:39Non.
02:41Je vous parle du titre, et vous le savez très bien.
02:44Pourquoi on avait choisi ce titre-là ?
02:46Parce qu'un certain nombre de gens qui recevaient,
02:49genre deux journalistes qui recevaient Jean-Marie Le Pen
02:52comme si c'était un type qu'il fallait abattre,
02:54trouvaient absolument monstrueux de dire « Vive Le Pen »,
02:58mais eux-mêmes avaient dit sans état d'âme « Vive Staline » ou « Vive Mao »,
03:02vous voyez à qui je peux penser ?
03:04Toute une génération de gens de mon âge.
03:06Et c'est ce deux points de mesure qui me semblaient insupportables.
03:09Et puis cette espèce d'antifatichisme, d'opérette,
03:13comme dirait Jospin, parce que c'est Jospin qui parlait de ça,
03:17où on se jouait les héros, les résistants,
03:20parce qu'on recevait mal Jean-Marie Le Pen sur un plateau de télévision ou de radio.
03:24Que vous a-t-il dit de ces provocations, de ces dérapages ?
03:28Ils étaient prémédités, préparés, ils improvisaient ?
03:32Je pense que c'est ce qu'ils pensaient.
03:34Juste, c'est ce qu'ils pensaient.
03:36C'est aussi bête que ça.
03:37Il faut le prendre au premier degré.
03:39Il faut prendre Jean-Marie Le Pen, même dans ses dérapages, au premier degré.
03:43Les gens qui vous disent aujourd'hui, non, ils ne le pensaient pas vraiment.
03:48D'abord, je vous signale qu'il ne l'a pas fait une fois,
03:51mais il l'a fait plusieurs fois sur le détail de l'histoire.
03:54Il l'a dit là, il l'a dit à la télévision, comme vous le savez,
03:57mais il l'a dit aussi au Parlement européen.
04:00Quand il parle du rafo crématoire,
04:03ce n'est pas un jeu de mots qui lui vient comme ça.
04:06À propos de Patrick Bruel, vous savez, il dit on en fera une fournée.
04:10Il avait des amitiés, je dirais, lugubres avec d'authentiques collabos.
04:15Oui, il y avait une partie de Jean-Marie Le Pen qui était la nausée,
04:18qui provoquait la nausée.
04:19Mais en même temps, je n'ai jamais pensé qu'il était le diable
04:22et qu'il menaçait la démocratie.
04:24Il n'y a que sur les plateaux de télévision ou de radio
04:27et à l'Assemblée nationale,
04:29la part d'un certain nombre de ses opposants politiques
04:31pour croire que c'était un facho
04:33qui allait installer le fascisme en France.
04:36J'espère que vous n'y avez pas pensé une seconde.
04:38Ce n'était évidemment pas vrai.
04:40Ça amène des questions parce que
04:42quand on joue avec les idées qui font mal
04:44et en ayant l'air d'en rire, c'est encore pire.
04:46Son engagement politique était-il vraiment sérieux ?
04:49Et est-ce que vous avez réussi à comprendre qui il était finalement,
04:52son idéologie et s'il avait un vrai projet politique ?
04:55Écoutez, il avait un vrai projet politique.
04:58Il était à la fois, comment vous dire,
05:01le fait de son histoire,
05:04mais en même temps, ça l'amenait à des contradictions.
05:07Je me rappelle, on avait parlé de ça.
05:09Vous savez, il s'est battu,
05:11en plus le pied noir que j'étais, écoutez ça avec attention,
05:14il s'est battu pour l'Algérie française.
05:16Et à ce moment-là, il a expliqué qu'il fallait,
05:19il y avait 9 millions de Français,
05:219 millions de musulmans,
05:23qu'il fallait qu'ils deviennent français, vous savez ça.
05:25Et quelques années plus tard,
05:27je lui posais la question, je lui disais
05:29mais attendez, s'ils étaient devenus français à part entière,
05:34vous qui aujourd'hui vous battez contre l'immigration massive et tout,
05:40comment vous vous sortez de ça ?
05:42C'est ça Jean-Marie Le Pen, c'est ça Jean-Marie Le Pen.
05:45Quelle place occupe-t-il dans la vie politique française finalement selon vous ?
05:48Il était le punching ball idéal.
05:51Vous aviez tout un tas de gens qui existaient face à lui.
05:54C'était une espèce de fascisme, encore une fois,
05:58d'opérette, on était résistant à bon compte.
06:02Il a servi à tout un tas de gens.
06:05Il était à la fois tout ça et à la fois le porte-parole.
06:09Et c'est là où c'est aussi intéressant,
06:11parce que les gens ne sont jamais d'un seul ton, ça n'existe pas.
06:15Il était en même temps le porte-parole d'une France qui était méprisée.
06:19Dès que vous parliez de l'immigration à son époque,
06:22vous étiez un facho, je vous rappelle ça.
06:24C'était vrai, vous le savez,
06:26vous n'êtes pas un perdreau de l'année,
06:28vous avez connu cette période-là.
06:31Dès que tu parlais d'insécurité,
06:34tu étais un sentiment d'insécurité, ce n'est pas la même chose.
06:38Et en tout ça, il a été visionnaire, pardon de vous le rappeler.
06:43Aujourd'hui, une partie du discours de Jean-Marie Le Pen,
06:46c'est une partie du discours, pas seulement de la droite de la droite,
06:50mais aussi de la droite tout court et d'une partie du sens.
06:53Et même il y a des gens que je connais qui sortent de la gauche,
06:56qui sur un certain nombre de propos sur l'immigration massive et l'insécurité
06:59ne disent pas plus que Jean-Marie Le Pen, pas moins que Jean-Marie Le Pen.
07:02Sur RTL, l'ex-eurodéputé Front National Bruno Gollnisch,
07:06très proche de Jean-Marie Le Pen,
07:07estime que le RN aurait tort de récuser l'héritage de Jean-Marie Le Pen.
07:11Est-ce que la question est posée selon vous ?
07:14Non, non, il a tort.
07:17Heureusement que Marine Le Pen a fait ça.
07:19Moi, j'en voulais en partie à Jean-Marie Le Pen pour ça,
07:23parce que j'avais le sentiment qu'un certain nombre de choses
07:26qui étaient importantes dans ce qu'il disait
07:28pour toute une partie de la France,
07:31ces mots insupportables, ils entachaient ces idées-là.
07:38Il a couvert d'opprobre le patriotisme,
07:43il a rendu en partie honteuse la fierté d'être français,
07:46pas à cause de ce qu'il disait sur les questions nationales,
07:50sur les questions d'immigration, sur les questions de sécurité,
07:53mais parce que sa face cachée, son côté sombre,
07:58était insupportable et jetait l'opprobre,
08:01comme je viens de vous le dire, sur tout ça.
08:03Et ça, c'était un tort.
08:04Vous me parlez depuis le début de cette interview de sa face sombre.
08:06Je n'ai jamais réussi à vous faire dire le mot d'antisémitisme.
08:10Enfin, il était antisémite, évidemment.
08:12Ah ben voilà, je sais très bien, les choses sont claires.
08:14Vous rigolez ou quoi ?
08:15Qu'est-ce que je viens de vous dire ?
08:17J'entends bien, mais pardonnez-moi, le terme,
08:20je ne vous donne pas une leçon, vous l'avez bien compris.
08:22Le terme n'ayant pas été prononcé, je voulais que ce soit clair entre nous.
08:27Évidemment, il était authentiquement antisémite,
08:31c'est exactement ce que je voulais vous dire.
08:33Quand j'ai entendu un certain nombre de leaders du Rassemblement National
08:35dire non, non, pas bien sûr qu'il était antisémite.
08:38Moi, je vous le disais, j'ai passé un an à le voir deux, trois heures tous les mois.
08:42Évidemment, les propos antisémites, il n'y en avait pas qu'un,
08:44ça te donne envie de vomir de temps en temps.
08:47Un dernier mot sur cet homme que vous avez côtoyé
08:51et qu'on ne connaît pas avant de se séparer.
08:53Moi, il me fascinait comme journaliste, il était fascinant.
08:57Je ne sais pas si vous l'avez interviewé vous-même,
09:00je pense que vous l'avez interviewé, non ?
09:02Il était fascinant, c'était quand même l'histoire qui était en action.
09:06Une histoire insupportable par des côtés,
09:09une histoire radieuse parce qu'elle avait enfin éclairé
09:13un certain nombre de soucis, de difficultés
09:15que le petit peuple que la France délaissait,
09:18dont elle avait envie qu'on parle.
09:21Il était ça, il n'était pas d'un bloc.
09:23Ce soir, j'ai juste envie d'avoir une pensée pour Marine
09:27que je connais depuis des années.
09:29Ce n'est pas facile, vous savez, de rompre avec son père même
09:32sur le terrain politique et ça doit être dur pour elle.
09:34Et je pense à elle.
09:36Qu'est-ce que ça a été pour elle de porter le nom de Le Pen
09:39pendant toute sa jeunesse ?
09:40Il faut penser un tout petit peu à ça.
09:42Voilà, j'ai une pensée pour elle.
09:43Merci infiniment Robert Ménard, maire de Béziers,
09:45co-fondateur de Reporters sans frontières.
09:47Dans un instant, le journal de 18h30,
09:50puis direction le 11e arrondissement de Paris,
09:52dans le quartier des Anciens, locaux de Charlie Hebdo.
09:54Dix ans après l'attaque terroriste visant la rédaction
09:56d'une journée d'hommage avait lieu,
09:58notre reporter Arthur Perreira était sur place.

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