Jean-Marie Le Pen, cofondateur du “Front national”, est mort ce mardi 7 janvier à l’âge de 96 ans. Il est devenu une figure historique de l’extrême droite tant par ses dérapages que sa relation avec sa fille cadette, Marine Le Pen. BFMTV diffuse trois extraits de la dernière interview de Jean-Marie Le Pen, diffusée en 2018, et issue du Ligne Rouge “Le Pen: secrets, pardons et trahisons”. Un document que vous pouvez retrouver ici: https://www.youtube.com/watch?v=HGnDS_QLlkU
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00:00Est-ce qu'il y a des expressions que vous regrettez ? Par exemple, on vous a reproché des provocations, des dérapages ?
00:15Non mais ce sont mes adversaires qui les qualifient ainsi.
00:19Vous, vous ne regrettez rien ?
00:20J'ai dérapé par rapport à quoi ? Par rapport à quelle ligne ? À la ligne que mes adversaires tracent ?
00:25Je ne suis pas tenu de respecter les lignes qui sont établies par mes ennemis.
00:30Bon, j'ai exprimé ce que je pensais tout simplement, tout naturellement.
00:35On s'est servi d'un certain nombre de mes déclarations pour me combattre et éventuellement même me sanctionner pénalement, financièrement, etc.
00:46Ce que j'ai dit correspondait à ma pensée que les chambres à grâces c'est un détail de l'histoire de la guerre, à moins d'admettre qu'elle soit la guerre qui soit un détail des chambres à grâces.
00:59Vous maintenez ces propos ?
01:00Oui absolument, je les maintiens parce que je crois que c'est la vérité.
01:04Jean-Marie Le Pen a été condamnée à trois mois de prison avec sursis.
01:10Une amende, c'est bien de voir qu'il est condamné pour contestation de crime contre l'humanité.
01:16J'ai été, c'est vrai, l'objet d'une persécution constante de la part de la classe politique, on peut dire unanime, avec des nuances, certes pour les uns et pour les autres,
01:27mais unanimement le phénomène national en France a été considéré comme un phénomène dangereux, dangereux pour ceux qui y avaient les places bien sûr.
01:37Et moi j'estimais qu'il était salvateur et que si nous ne prenions pas cette voie-là, nous serions amenés à être submergés par l'immigration massive,
01:48que je dénonçais il y a déjà plusieurs décennies, avec un certain réalisme, la preuve.
01:59Est-ce que vous avez aimé ce rôle de diable de la République qu'on vous a donné ? C'est une étiquette qu'on vous donne souvent.
02:04Non, on m'a acculé à l'être parce que je refusais de me plier à un certain nombre de directives, de directions, de mots d'ordre.
02:18Là j'étais chez un homme libre, je me suis battu librement pour ma patrie en faisant le plus clairement possible connaître ma position.
02:30Bon, j'ai pu être réputé avoir le dos raide, mais c'est comme ça.
02:50Est-ce qu'il y a quelque chose que vous referiez différemment ?
02:52Je n'ai pas l'âme portée beaucoup pour remords, mais j'ai un regret, je dirais technique.
03:00J'ai le regret de ne pas m'être présenté moi-même à l'élection présidentielle de 1965, parce que je pense que ça aurait pu changer beaucoup de choses.
03:13Mais bon, la vie s'est déroulée avec ses avatars, ses aventures, ses hauts et ses bas. Et puis vous savez, au niveau des galaxies...
03:33Quelle relation vous aviez avec Marine quand elle était petite ? On dit que c'était votre chouchou, est-ce que c'est vrai ?
03:39Oui, c'était le chouchou, c'était la plus jeune. Tout à fait naturellement, comme je vous dis, elle avait 8 ans et 4 ans de différence avec ses soeurs.
03:47Et par conséquent, aussi bien de sa maman que de ma part, et de l'environnement familial, c'est le bébé le plus jeune qui généralement reçoit le plus de témoignages d'affection.
04:01Elle avait quoi comme caractère ?
04:03Très gay, elle était très gay. Un peu comme ma femme qu'on appelait Risette quand elle était petite, Marine était un enfant très gay, très joyeux, très...
04:18Pierre, elle dit que c'est votre clone.
04:19Oh je crois, on ne peut pas dire un clone, parce que d'abord c'est une dame, et moi je suis un monsieur, et qu'il y a entre nous des différences structurelles si j'ose dire.
04:28Mais c'est vrai que comme elle a suivi la même voie, les mêmes responsabilités, et qu'elle a les mêmes soucis, les mêmes espoirs, dont elle est comme je l'ai été l'incarnation,
04:44et bien évidemment on peut faire des rapprochements, et puis sans doute avons-nous par hérédité des tempéraments qui sont proches.
04:56À Marine, vous donnez tout, vous lui donnez le parti, contre Bruno Gollnisch qui avait été le dauphin attitré, vous la préférez à Bruno Gollnisch ?
05:05Non, il y a un concours naturel au congrès, entre deux candidats tout à fait valables, très différents, mais avec des qualités très importantes pour l'un et pour l'autre,
05:22et là je fais un choix, je pense que Marine n'aura plus de chance d'être suivie par nos électeurs et nos amis, parce qu'entre autres elle s'appelle Le Pen, c'est un atout pour elle d'identification si vous voulez.
05:39Vous avez toujours voté pour Marine Le Pen à la présidentielle ?
05:43Ah oui, bien sûr, je vote quel que soit mes sentiments, je vote pour la ligne du mouvement, bien sûr, et il n'y avait aucune raison d'ailleurs de ne pas voter pour Marine Le Pen,
05:58ce n'est pas parce qu'on a des différences ou des divergences sur certains sujets qu'on n'est pas d'accord quand même sur le fond, c'est-à-dire l'importance qu'a la nation, même au début du 21e siècle.
06:13La direction politique du Front National a pris une décision, Jean-Marie Le Pen encore une fois était manifestement dans la provocation systématique, et probablement à mon égard, je pense qu'il y a beaucoup de raisons affectives derrière cela,
06:35mais il n'en demeure pas moins qu'il tenait des propos qui n'étaient plus admissibles, qui nuisaient à notre mouvement, aux idées que nous défendons.
06:45Vous dites que c'est unique dans l'histoire de la politique de voir un fondateur se faire exclure, c'est d'autant plus unique que c'est fait par sa propre fille ?
06:52Oui, en plus, il y avait une conjonction événementielle étonnante et qui marquera sans doute une petite ligne peut-être dans l'histoire de la politique française.
07:05Comment on appelle ça dans la mythologie ? On appelle ça un parricide, non ?
07:10C'est la presse qui l'a ainsi qualifiée.
07:14Vous, vous l'avez vécu comment ?
07:17Comment voulez-vous dire ? C'est des sentiments complexes. J'ai vécu ça avec la dignité de quelqu'un qui n'a pas le sentiment d'avoir manqué à ses devoirs,
07:30et qui est victime d'une conjonction d'intérêts ou d'une conjoncture défavorable. Et puis, le lendemain est un autre jour.
07:45Vous avez été blessé ? Vous avez été meurtri ?
07:48J'ai été blessé et meurtri. J'ai été consolé, Dieu merci, depuis. J'ai vécu relativement un certain temps. J'ai dit tout à l'heure que la vie était très courte,
08:03mais comme j'ai passé 90 ans maintenant, et donc j'ai subi un certain nombre d'épreuves dans ma vie, dans tous les domaines, et je les ai jusqu'ici surmontées.
08:15En tous les cas, j'ai survécu, comme aurait pu dire Talleyrand après la révolution.
08:21Qui aujourd'hui incarne le mieux votre héritage politique et idéologique, selon vous ? Marine ? Marion ? Quelqu'un d'autre ?
08:31C'est une question que je ne me suis pas posée. Mon souhait dans ce domaine n'aurait aucune influence, aucune incidence.
08:39La vie se déroule. Je souhaite en être le témoin et l'acteur le plus longtemps possible, et puis après, on s'en va, comme s'en iront tous mes contemporains, les uns après les autres.
08:56Est-ce que la mort vous fait peur ?
09:00Ah ! Le saut dans l'éternité, c'est une hypothèse que je n'avais, à proprement parler, dans ma vie, jamais directement envisagée.
09:11Je ne me suis pas posé la question, ni dans la paix, ni dans la guerre. Bon, j'ai vu mourir beaucoup de gens, forcément, compte tenu de mon âge et des activités que j'ai eues.
09:25Mais, bon, je ne peux pas dire que ce soit une perspective qui m'enchante. Seigneur, écartez de moi ce calice ! Bon, je ferai ce que Dieu voudra, j'ai accompli mon destin, mais je ne souhaite pas partir.
09:46Vous vous êtes préparé ? Vous avez tout prévu ?
09:50Oui, je n'ai pas de disposition particulière à prendre. La loi française prévoyant, déjà à l'avance, le partage des biens, et comme a dit Braziac, mes livres et mes images, on peut les disperser au vent. La tendresse et le courage ne sont objets des jugements.
10:10Vous avez trouvé une très jolie formule, l'âge des indulgences. Qu'est-ce que vous voulez dire ?
10:23Au bout d'un moment, on se dit qu'on n'est là que très provisoirement. Par conséquent, on sera appelé le plus tard possible, j'espère, à se séparer.
10:38Il vaut mieux le faire dans une atmosphère de chaleur familiale, amicale, amoureuse, que de le faire sur des ruptures ou des froids. Au moment où on va avoir froid, on essaie de se réchauffer le cœur.
10:59Donc chacune de votre fille héritera, et chacun aura sa part, vous avez déjà tout prévu ?
11:06Non, c'est la loi qui le prévoit, ce n'est pas moi. J'ai droit à une part réservataire, et vous me permettrez de garder la discrétion sur mes dispositions testamentaires.
11:19Vous voulez être enterré près de votre père ?
11:23Oui, c'est un souhait que j'ai exprimé, c'est d'être inhumé à la trinité sur mer, dans mon caveau familial, avec mes grands-parents, mes parents, c'est vrai.
11:36Avec une épitaphe ?
11:38J'ai lu que vous vouliez juste votre prénom. Pourquoi ?
11:42C'est un peu à l'imitation de Rossantonio. Il n'y a que son prénom sur son nom, il y a Rossantonio.
11:52C'est Rossantonio au primo de Rivera, n'est-ce pas ? Et je pense que si sur ma tombe il y avait un morceau d'arbre avec Jean-Marie, je pense qu'avec les dates, bien sûr, ça suffirait à évoquer ma présence.
12:15Vous avez eu combien de vies Jean-Marie Le Pen ?
12:19Comme les chats, je pense 8.
12:24Et là c'est la combientième ?
12:26Je ne sais pas. C'est Dieu qui est pour moi.