Dernier général des armées blanches combattant les bolcheviques, fusillé à 35 ans, le baron Ungern est un personnage exceptionnel qui vécut une vie d'aventures. Héros de la Première Guerre mondiale, il parcourra la Mandchourie, la Chine, et se mariera avec une princesse chinoise. Sa Division Asiatique de Cavalerie sera la dernière armée à se battre contre les troupes communistes. Il rêvait de créer une Asie unifiée qui serait en mesure de lutter contre une Europe qu'il jugeait décadente. Il libéra la Mongolie occupée par les troupes chinoises en 1921 et s'empressa de remettre sur le trône le Koutouktou, l'équivalent mongol du Dalaï-Lama. Cependant, en ce qui concerne la personnalité du baron Ungern, la légende a souvent remplacé la vérité historique. On a affirmé qu'il était un être cruel, un fou paranoïaque et sanglant, on lui a attribué une pensée proche du paganisme. En fait, ce n'était pas le baron Ungern qui était fou et sanglant, mais l'époque dans laquelle il vivait. Le baron apparaît, au contraire, comme un individu d'une rare droiture, dénué d'ambitions personnelles, sincère, modéré dans ses actions, cultivé et beaucoup plus humain qu'il ne semble.
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ÉducationTranscription
00:31Générique
00:52Bonjour à tous.
00:54Le baron fou, le baron sanglant, le dieu de la guerre, le baron Ungern Sternberg,
01:00l'un des derniers chefs russes de la contre-révolution blanche,
01:03fut déjà de son vivant une légende.
01:06Un destin fulgurant, tragique et épique qui le mena des plaines blanches de la Sibérie,
01:11luttant contre les bolcheviques, aux stades de la Mongolie,
01:14à la tête d'une mythique division de cavalerie asiatique
01:17pour replacer sur le trône l'empereur mongol Bogdokan.
01:21Une folle histoire dans laquelle la légende a souvent remplacé la vérité historique.
01:26Vérité historique que nous allons essayer de retrouver,
01:29d'approcher avec notre invité Laurent Chang.
01:32Laurent Chang, bonjour.
01:34Bonjour.
01:35Alors vous êtes éditeur, fondateur des éditions Le Polémarque,
01:39écrivain, chroniqueur, journaliste.
01:42Vous tenez chez nos amis du magazine Elements la rubrique champ de bataille.
01:47Et vous êtes également l'auteur d'une très remarquée biographie de Von Rundstedt,
01:52Le maréchal oublié, parue aux éditions Perrin.
01:56Mais aussi d'un Charles Temer et les Suisses, lui paru en 2022 chez Infolio.
02:02Je vous avais d'ailleurs reçu à ce sujet.
02:05Et si je vous ai demandé de venir aujourd'hui, c'est que vous signez la préface d'un ouvrage
02:10paru aux éditions du Verbeux.
02:14C'est un témoignage intitulé Baron Ungern, un officier témoigne.
02:21Et je dois dire que c'est un livre assez étonnant que nous allons aborder.
02:26Alors je vous propose de faire cette émission en trois parties.
02:29Un, on va parler de ce livre.
02:31Après, vous allez nous dire plutôt la réalité, la vérité sur Ungern.
02:35Parce que nous allons voir, le livre ne la reflète pas forcément.
02:38Et puis, la vraie vie du Baron Ungern.
02:42Et puis ensuite, mythe et réalité, la légende.
02:45On va expliquer tout cela.
02:47Déjà ce livre, que j'ai lu d'une traite.
02:53Comme on disait, en préparant l'émission, c'est quasiment Salaud, les envahisseurs de Sodome,
02:57de, comment dire, le film de Dick Pasolini.
03:01Alors, ce livre, comment est-il arrivé entre les mains de l'éditeur ?
03:07Par qui a-t-il été écrit ? Quelle est son histoire ?
03:10– Ce témoignage, d'abord, a été écrit par un officier,
03:15qui s'appelait Ernest Noudatov,
03:20qui était un jeune officier russe, blanc,
03:25qui a été versé dans un régiment sibérien à la toute fin de la Première Guerre mondiale.
03:31Et qui s'est engagé, avec son régiment, dans les troupes du Baron von Ungern
03:39quand la révolution bolchevique a commencé.
03:43Pour commencer, c'est le témoignage d'un ancien officier,
03:49donc d'un proche d'Ungern.
03:52Pour peu qu'on pouvait être proche d'un personnage comme lui.
03:55Comment il est arrivé jusqu'à nous ?
03:57C'est Paul Serret, qui est un écrivain voyageur,
04:02grand connaisseur de l'Asie centrale et des confins orientaux de la Russie,
04:07qui passe peut-être plus de temps en Daourie ou en Transbaïkalique en France,
04:12qui a mis la main sur ce tapuscri chez un antiquaire, un brocanteur,
04:20un vendeur de vieux papiers, en Daourie justement.
04:24– C'est où la Daourie ?
04:26– C'est à la frontière de la Russie et de la Mongolie extérieure.
04:31– D'accord, c'est au sud-est du lac Baïkal.
04:35– C'est à l'est effectivement du lac Baïkal.
04:37Il l'a monnayé, il le raconte dans son avoue en propos,
04:41il l'a monnayé assez difficilement, il l'a rapporté, il l'a fait traduire.
04:45Et il l'a proposé aux éditions du Verbe.
04:47– Et donc le tapuscri date des années 1920 ?
04:51Il a été authentifié des années 1920 ?
04:53– Il date des années 1920.
04:55Pour vous dire qu'il a été authentifié, il n'est pas daté.
05:00Nous ne savons pas grand-chose en fait de nous, d'Atof.
05:03C'est-à-dire que…
05:05– Il existait au moins.
05:07– Ah oui, ça, il est authentifié dans la mesure où,
05:11pour avoir la certitude justement que nous n'avions pas affaire à un faux,
05:14parce qu'il y a des faux qui ont circulé,
05:16il y en a au moins un connu qui a été publié il y a quelques années,
05:21où on a l'impression que Ungern est une préfiguration d'Adolf Hitler.
05:27Là, dans ce cas précis, nous avons demandé l'aide de Nicolas Ross,
05:32un historien spécialiste des Russes blancs français,
05:36qui a fait des recherches gracieusement, très généreusement,
05:40et qui nous a donc sorti la fiche signalétique de cet officier,
05:45qui est très succincte, puisque, outre ce que je vous ai déjà dit,
05:50lorsqu'il est fait prisonnier,
05:52on ne sait pas trop où est-ce qu'il se rend, est-ce qu'il est fait prisonnier,
05:57il est gracié moyennant l'écriture d'un témoignage.
06:04C'est là que, justement, intervient toutes les questions
06:08sur l'authenticité de son témoignage.
06:10Et après, il disparaît.
06:12Le fait est que, est-ce qu'il a réellement été gracié,
06:15est-ce qu'il a été gracié le temps d'écrire son manuscrit
06:19pour qu'ensuite, on lui réserve malgré tout une balle
06:23et une place dans une fosse commune, on l'ignore.
06:25Noudatov disparaît complètement de la circulation,
06:27une fois qu'il a écrit ce texte.
06:30– Donc, ce texte aurait été écrit après l'exécution de…
06:33– De toute façon, oui.
06:35De toute façon, c'est un texte qui date de quelques mois
06:40à quelques années après l'exécution du baron en septembre 1921.
06:46– Pourquoi est-ce qu'il aurait été nécessaire d'écrire un tel… ?
06:51– Ça, c'était une volonté directe de Lénine.
06:55– De Lénine ?
06:56– Oui, qui craignait réellement que se crée autour d'Ungern un martyr.
07:04Parce qu'il ne faut pas oublier, pour ceux qui le savent,
07:09que Ungern a réellement été considéré comme le dieu de la guerre
07:13par les mongols.
07:14– Effectivement, on va en parler.
07:15– Donc, une figure quasiment surnaturelle.
07:18Et ce que craignait Lénine, c'était qu'un culte se crée autour d'Ungern
07:24et que, morts, ils soient encore plus dangereux qu'ils ne l'étaient réellement vivants.
07:28On l'a déjà vu historiquement dans d'autres cas.
07:31Et donc, Lénine a insisté pour que des anciens d'Ungern témoignent,
07:39racontent son équipé, et bien évidemment, en la réécrivant ou la co-écrivant.
07:45– Oui, alors, ce qui est difficile dans ce livre,
07:47la lecture peut aussi choquer quelques âmes sensibles.
07:52– Oui, parce qu'on peut encore se choquer de quelque chose aujourd'hui.
07:56– Voilà, je voulais dire.
07:58Ce qui est intéressant, c'est qu'effectivement, il y a des faits historiques,
08:01des chiffres qui sont donnés, des dates qui sont données,
08:03qui sont vérifiables.
08:05Donc ça, ça sous-tend tout le témoignage.
08:08Mais il y a également qu'Ungern est décrit véritablement comme un psychopathe.
08:12C'est le silence des agneaux.
08:14– Oui, on peut dire ça. On pourrait dire que c'est Hannibal Ungern.
08:18Justement, vous parlez de chiffres.
08:21Ce qui est facile à retrouver dans cette lecture, c'est, à mon sens,
08:26ce qui appartient réellement à l'auteur, à Noudatov,
08:29et ce qui est rajouté par la propagande.
08:33C'est très évident.
08:35C'est ce qui fait qu'on peut distinguer la part de vérité du témoignage du faux.
08:41Donc c'est un témoignage authentique, mais qui est brodé.
08:44– Il y a un travail de couture qui a été fait.
08:46Et on le sent au niveau du style.
08:48– Je trouve, parce qu'il y a certains passages, notamment,
08:50où on se demande vraiment pourquoi, tout d'un coup,
08:53Noudatov viendrait nous citer des chiffres, effectivement,
08:55qu'il ne pouvait pas connaître.
08:57Des chiffres en rapport avec la démographie mongole,
09:01ou comment il peut, tout d'un coup, s'enthousiasmer
09:03pour l'arrivée des troupes rouges, qu'il est censé quand même combattre,
09:06et dont il sait très bien qu'il ne peut pas attendre une grande mensuétude.
09:11Et puis, il y a, comme vous le dites, cette litanie,
09:14ce véritable catalogue dantesque de tortures
09:18toutes plus infâmes les unes que les autres.
09:21– Oui, puis au bout d'un moment, ça s'enchaîne.
09:24– C'est-à-dire que ça vire au ridicule, même.
09:26C'est-à-dire que Kungern n'ait pas été un saint, c'est une certitude.
09:29On reviendra dessus, certainement, dans la troisième partie,
09:32ou la deuxième, comme vous voulez.
09:34Mais à force d'accumuler, comme ça, des anecdotes
09:39toutes plus, effectivement, sanguinaires les unes que les autres,
09:42ça devient grotesque.
09:43Quand on voit, par exemple, qu'il écrit que Kungern avait institué
09:48le viol systématique des femmes de ses officiers, en public,
09:52pour mieux se faire respecter d'eux, on ne peut pas prendre ça au sérieux.
09:58Quand il écrit, par exemple, que Kungern avait une détestation
10:02toute particulière pour les porteurs de lunettes, parce que…
10:05– Oui, et qu'il leur faisait manger les verres des lunettes.
10:08– Voilà, parce que forcément, les porteurs de lunettes étaient égaux,
10:11les intellectuels étaient égaux à Bolchevique.
10:14C'est risible.
10:16Certaines scènes aussi, il aime insister là-dessus,
10:19ou plus exactement, les personnes qui l'ont assisté dans la co-écriture
10:24ou la réécriture aiment insister sur ce point.
10:27Kungern avait plusieurs, mais surtout un séide qui, d'après Noudatov,
10:34à chaque fois que ce séide sentait que Kungern allait perdre pied,
10:38allait entrer dans une crise d'hystérie, se jetait à ses pieds,
10:42baissait sa culotte et se laissait bastonner à l'aide de son tachour,
10:46qui est une sorte…
10:47– Il parle aussi d'un de ces bourreaux étrangleurs redoutables
10:50qui découpaient la gorge de ses victimes avec les dents.
10:52– Voilà, c'est ça.
10:53– Il parle de Sipaylov qui effectivement, c'est pareil, c'est documenté,
10:57Sipaylov c'était l'homme des bases-œuvres de Kungern,
11:00comme il y en a toujours dans ces cas-là,
11:03mais effectivement, que Sipaylov ait été un pur sadique,
11:07c'est une certitude, y compris un psychopathe et un sadique sexuel,
11:13mais de là à arracher la gorge avec ses dents,
11:17on voit ça que dans les films.
11:19Et puis pareil, il y a d'autres scènes où…
11:23on est presque dans le lexique bolchevique,
11:27c'est-à-dire que la description physique d'Ungern,
11:31qu'on sait par ailleurs avoir été un bel homme,
11:35il se transforme là, en un être laid, repoussant,
11:38et même à un moment, il dit, typique de sa race.
11:41– Oui, son physique provoquait une forte réaction de répugnance.
11:45– Voilà.
11:47– De son akabie, exactement, pas de sa race, mais de son akabie.
11:49– Toujours mal propre.
11:50– Voilà.
11:51– C'est possible, mais…
11:52– Qu'il ait été mal propre, pourquoi pas,
11:54mais de là à dire qu'il était la personnification
11:57de ce qu'il y a de pire des gens de sa classe, de sa race, de sa caste,
12:02qui étaient donc les germanobaltes, l'aristocratie.
12:05C'est de la dialectique, c'est de la propagande littéralement.
12:10Ou alors des scènes où il parle d'Ungern qui ne peut pas commander
12:14parce qu'il est pris d'une subite colique.
12:17– Il y a quand même une chose qui m'a étonné dans le quatrième de couverture,
12:20il est écrit, voici un livre qui ravira les inconditionnels,
12:23et nous le savons nombreux, du baron.
12:26– J'en fais partie.
12:27– Oui, alors, vous nous expliquerez pourquoi à la fin de l'émission,
12:30mais en quoi ce livre peut ravir les inconditionnels du baron ?
12:34– Parce que les inconditionnels sont, comme moi,
12:38toujours à la recherche de nouvelles informations sur le baron.
12:41Ceux qui sont tombés dedans quand ils étaient jeunes ne s'en sont jamais remis.
12:46– Oui.
12:47– D'où l'importance qu'a eue le livre de Jean Mabir.
12:50On en parlera, bien entendu.
12:53Et il les ravira aussi parce qu'il faut se fier à leur intelligence.
12:59Et puis je pense que s'il se donne la peine de lire ma préface
13:02avant de lire le témoignage lui-même,
13:06bon, ils sauront faire la part des choses.
13:08Et bon, ce n'est pas un livre qu'il faut lire quand on ne connaît rien sur le baron Ungern,
13:11ce qui était mon cas.
13:12Je le confesse, désolé Laurent.
13:14– C'est mal.
13:16– Je vais m'en enseigner.
13:18– On se fait fouetter.
13:19– Je me suis documenté quand même un petit peu.
13:23Effectivement, on se dit, mais bon, c'est un fou furieux.
13:26Alors, on va parler maintenant de…
13:28Donc, c'est un livre à prendre avec des passettes,
13:30il faut faire la part du vrai et du faux.
13:35Mais sinon, ça se lit bien.
13:36C'est un style sec, resserré.
13:38– C'est ça, ce n'est pas de la littérature.
13:39– Ce n'est pas de la grande littérature.
13:40Mais même, oui, il y a quand même un petit style.
13:43Alors, le livre commence par le premier chapitre.
13:46Alors, je voulais savoir si c'était l'éditeur ou c'était l'auteur.
13:49Là, on parle du nid d'aigle.
13:52Nid d'aigle, ça nous renvoie à d'autres références.
13:56– Certes.
13:57– Est-ce que c'est l'auteur ou est-ce que c'est l'éditeur,
13:58le nid d'aigle du baron Ungern ?
13:59– Non, non, non, c'était le titre.
14:01– C'était le titre ?
14:02– C'était le titre.
14:03Nid d'aigle n'est pas une expression née après Hitler.
14:08Cette expression existait déjà avant lui.
14:10– Ce nid d'aigle se situe à Dauria.
14:12Donc, c'est en Daurie.
14:14Maintenant, je voudrais remonter le fil.
14:17Parce que là, nous sommes en 1920 à peu près.
14:21Donc, vous nous expliquerez ce que c'est que ce nid d'aigle.
14:23Mais remontez donc le fil à la naissance de Rom.
14:27Donc, son nom complet, qu'est-ce que c'est ?
14:29– Alors, il a un nom allemand.
14:32Mais il est surtout connu sous son nom russe
14:34puisqu'il est issu d'une millénaire famille d'aristocrates germanobaltes.
14:39Donc, son nom russe, celui sous lequel d'ailleurs il se présentait,
14:42c'était Roman Fyodorovitch von Ungern-Sternberg.
14:46– Il est né en 1886.
14:50Et donc, d'où vient-il ?
14:52Quelle est l'origine de sa famille ?
14:54– Eh bien, il est l'héritier
14:56d'une des quatre principales familles d'origine allemande
15:02apparentées aux teutoniques installées en Livonie et Courlande,
15:07c'est-à-dire les Pays-Baltes actuels, l'Estonie dans ce cas précis.
15:12Et donc, il est le rejeton d'un grand seigneur,
15:18d'ailleurs d'une aristocrate, tous les deux allemands,
15:21mais vivant au sein, à l'intérieur de l'Empire russe,
15:25ce qui explique d'ailleurs qu'il va combattre dans l'armée russe.
15:29Il fait ses classes, il est cadet à Saint-Pétersbourg, etc.
15:34Il devient officier et, à sa demande, il est tout de suite envoyé,
15:39avant-guerre donc, dans les années 1910, 11, 12, 13,
15:43il est envoyé aux frontières orientales de la Russie,
15:48en Sibérie et précisément en Transbaïkali, autour du lac Baïkal,
15:53puisque c'est une région pour laquelle il a un goût, un appétit personnel.
15:57– Oui, là on a une première rencontre avec Kazi qui le marque.
16:00– Oui, il va à Côte d'Eau, il entre dans la garde du consulat russe de Côte d'Eau
16:08et il va en profiter, puisque c'est un service où il n'a pas grand-chose à faire,
16:13il va en profiter pour sillonner la région, pour se fondre dans la population,
16:17pour apprendre les mœurs et il va courir beaucoup à cheval dans la steppe
16:24et il va passer plus de temps finalement à gambader, à chevaucher dans la steppe
16:32qu'à tenir son rôle d'officier, un rôle en fait qui est très subalterne.
16:37– Quel genre d'homme est-il déjà ? Est-ce qu'il y a des premiers rapports de ses chefs ?
16:43– Les premiers vrais rapports, c'est plutôt lors de la première guerre mondiale.
16:48À ce moment-là, avant-guerre, il passe déjà pour quelqu'un d'assez singulier, un original,
16:55plus un guerrier qu'un militaire et ça va s'accentuer.
16:59Assez indiscipliné, assez farouche, extrêmement ascétique,
17:04extrêmement dur avec lui-même et donc dur aussi avec les autres,
17:09dénué de toute attache matérielle, excessivement fier de ses origines,
17:16qui ne sont donc pas russes, mais très tourné vers la spiritualité surnaturelle.
17:25C'est également ce qui lui plaît beaucoup dans ces régions de chamanisme, de bouddhisme.
17:30– On dit qu'il est bouddhiste ?
17:32– Oui, là justement, mais ça on pourra revenir dessus,
17:35les gens qui ne connaîtraient pas, vraiment, qui ne connaîtraient pas Ungern,
17:38peuvent aussi aller, c'est devenu un réflexe pour tout le monde,
17:41sur sa fiche Wikipédia et ils auront une squelette d'informations,
17:47mais il y a à peu près 80% de ce qui est écrit sur cette fiche est à rejeter.
17:52C'est-à-dire qu'ils en font vraiment un initié au tantrisme,
17:56un gradé du bouddhisme tibéto-mongol, etc.
18:02Il aurait même créé sa propre armée, déjà avant la première guerre mondiale,
18:07lorsqu'il était à la frontière mongole, une armée censée régénérer la Russie.
18:12Tout ce mélange, la littérature qui va naître après ça ne va rien arranger,
18:19y compris chez ceux qui finalement le respectent et l'admirent,
18:23comme Sedovski ou Guénon.
18:25On va beaucoup broder, parce que finalement,
18:28pendant longtemps, on aura assez peu d'informations,
18:30les informations les plus solides qu'on ait.
18:32– Mais il a quand même un côté mystique.
18:34– Mais bien sûr, ça c'est une certitude.
18:36– Mais au niveau religion, il est quoi ? Il est orthodoxe ?
18:40– Il est quand même orthodoxe, et on a beaucoup aussi exagéré.
18:45On disait toujours que c'était plus un général jaune qu'un général blanc,
18:49parce qu'effectivement, il a essayé de soulever les populations bourriates,
18:52mongoles, kirghizes, kazakhs, etc. lors de la révolution russe,
18:56pour marcher vers Moscou.
18:59Mais on a beaucoup exagéré son propre bouddhisme.
19:04Il était fasciné par cela, il était très intéressé.
19:06Il avait compris aussi l'intérêt qu'il avait à se présenter
19:11comme un envoyé divin du Bouddha,
19:20pour pouvoir agglomérer les populations autour de lui.
19:24Mais c'était malgré tout un orthodoxe, c'était un chrétien.
19:28– Première guerre mondiale, il combat encore…
19:31– Très honorablement, sur le front ouest, en Galicie en particulier.
19:36Donc il se couvre de médailles.
19:39Il est décoré de l'ordre de Saint-Georges, Saint-Stanislas, Saint-Vladimir.
19:44L'ordre de Saint-Georges, c'est celui dont il est le plus fier.
19:47D'ailleurs, sa photo, la photo que les bolchics prendront
19:51juste avant son exécution, le montrent avec encore sa décoration.
19:56– Qui lui ont laissé.
19:57– Ils ne l'ont pas à retirer.
19:58Alors on peut se poser la question, est-ce que c'est par respect,
20:00est-ce que c'est parce que c'est le symbole, justement,
20:02d'un régime honni et vaincu ?
20:04On peut se poser la question.
20:06Donc il va se couvrir, là, vraiment de… pas de gloire,
20:11mais il va se couvrir de médailles et de cicatrices.
20:14Et là, c'est Wrangel, le futur chef des Blancs,
20:20qui va écrire le premier rapport, vraiment connu qu'on ait de lui,
20:23qui dit, remarquable guerrier, mais totalement incontrôlable.
20:28Donc ne peut pas monter dans les échelons.
20:30C'est un homme fait pour, effectivement, combattre en première ligne.
20:34Il aurait été chef de troupe d'assaut s'il avait été dans l'autre camp,
20:39qu'il était Allemand ou Autrichien.
20:41C'est sûr, il aurait été Sturmtruppen, mais là, en l'occurrence,
20:45c'est un guerrier de fond de tranchée.
20:49– Donc la révolution arrive, donc naturellement,
20:54il prend le côté… il s'engage du côté des Blancs.
20:57– C'est sûr, c'est sûr.
20:59Il repart à ce moment-là.
21:02Entre février 17 et été septembre 18,
21:07il y a des trous dans cette biographie.
21:09Mais ce qui est sûr, c'est qu'il s'en va,
21:12il reprend la route de la Russie de l'Est,
21:16puisqu'il va retrouver Lataman Semenov,
21:19qui est aussi une figure de cette période
21:25et qui lui a installé son quartier général à Chita,
21:29qui est une ville au nord de la Mongolie.
21:33Il est envoyé là-bas justement pour maintenir l'ordre Blanc
21:39dans cette région, très éloignée de Moscou.
21:43Mais rapidement, il va se détourner des officiers Blancs
21:48pour mener sa propre guerre.
21:50– Ces propogands, qui sont les soldats qui l'entourent ?
21:53Il les recrute comment, d'où viennent-ils ?
21:55– Il les recrute à la fois dans les populations locales…
21:58– Là, on est toujours en Russie, on est d'accord.
22:00– Alors, on est en Russie au départ, jusqu'à l'été 1920.
22:06On reste en Russie.
22:08– Et donc, il combat les troupes bolchéviques ?
22:10– Les troupes bolchéviques, il maintient l'ordre.
22:13Il devient chef de la ville de Tauria,
22:16qui est un nœud de communication très important pour Semenov.
22:20– Le fameux Nidegl.
22:21– Voilà, parce que Lataman Semenov,
22:24c'est lui aussi très rapidement détourné de ses chefs
22:27qui se trouvent à l'ouest de la Russie,
22:29puisque lui-même étant russo-bourriat,
22:32les bourriats étant une ethnie très importante de cette région,
22:37à la croisée de la Russie, de la Mongolie et de la Chine,
22:42il ambitionne tout simplement de créer son propre État.
22:45– Mais ça, il n'y a pas d'action coordonnée dans cette région ?
22:47– Pas du tout, ils n'en veulent pas.
22:48De toute façon, ils refusent de se soumettre à Kolchak.
22:52Ungern comme Semenov, en réalité, et surtout Ungern, reprochent…
22:56– Donc l'amiral Kolchak, lui, dirige les troupes blanches.
23:00– Blanches, exactement.
23:02Donc, ils vont à la fois refuser d'obéir à Kolchak
23:05et par la suite à Denikin,
23:07et ils vont mener leur propre guerre, en réalité.
23:09Ils vont mener leur propre croisade anti-bolchévique entre Russie
23:14et Mongolie, et ils refusent de toute façon d'obéir aux Blancs
23:21parce que, déjà, ils ont leur propre idée, surtout Ungern,
23:24puisque Semenov veut, lui, comme je vous le disais,
23:26créer son propre État, à sa botte,
23:28en recrutant dans toutes les populations locales,
23:32parce que c'est là aussi un vivier d'ethnies, d'accord, eurasiatiques,
23:39et puis ils reprochent de toute façon aux généraux blancs
23:43d'avoir laissé faire en février 1917.
23:45Pour Ungern, pour un aristocrate comme Ungern,
23:48c'est dès février 1917 qu'il fallait tuer la vipère dans l'œuf.
23:54Donc, ils décident de ne pas avoir de compte à rendre.
23:57Et pour ce qui est de Semenov,
23:59cette fameuse voie dont je vous parle, d'Aurya,
24:02c'était un chemin de fer transsibérien,
24:05et Semenov pompait allègrement dans tout le matériel
24:11qui, depuis Vladivostok, allait vers Erbin,
24:15allait vers les Blancs.
24:18Et où, en fait, il prenait son droit de passage
24:22sur les trains qui acheminaient, les convois qui acheminaient
24:26des moyens vers les autres armées blanches.
24:28– Et Ungern faisait la même chose ?
24:30– Alors, Ungern le faisait pour le compte de Semenov.
24:34Il y a aussi un aspect pirate dans l'histoire.
24:36Et c'est là qu'il va devenir général,
24:38parce qu'en réalité, Ungern termine la guerre,
24:42et Saoul, c'est-à-dire capitaine de Kozak,
24:44il n'était pas du tout formé, en réalité,
24:46pour devenir un officier supérieur.
24:48On verra d'ailleurs ses limites par la suite, en 1921.
24:53– Donc ensuite, les armées blanches tombent,
24:57défaite des Blancs, et là, il passe en Mongolie avec ses troupes.
25:03Et qui combat-t-il en Mongolie ?
25:05– Il passe en Mongolie parce que, en fait, ça le libère.
25:09Très rapidement, en réalité, Ungern se lasse de la tutelle de Semenov.
25:15Semenov est un vrai satrape.
25:17Il faut lire le très joli petit roman qui s'appelle,
25:19très joli, joli comme ce livre l'est aussi,
25:22Les temps sauvages de Joseph Kessel, qui raconte bien, justement,
25:26comment ça se passait dans les trains blindés de Semenov.
25:32Cheetah est occupé par les Rouges à l'été 1920.
25:40Et Semenov prend la fuite, il se sauve en Manchurie.
25:43Il va rester chez les Jaunes jusqu'en 1946.
25:46C'est Staline qui le fera pendre.
25:48Pendant encore 25 ans, il va protéger des Japonais, Semenov.
25:52Parce que les Japonais sont derrière tout ça.
25:55Même si on a grossi l'aide, l'apport matériel financier des Japonais,
25:59les Japonais sont bien présents dans la région.
26:01Et derrière, Ungern.
26:03Même s'il ne le commande pas.
26:05Et donc là, Ungern, effectivement, va ouvrir ses ailes.
26:09Et il va descendre, effectivement, en Mongolie.
26:11Il va occuper Urga.
26:12– La Mongolie, à l'époque, est occupée par les Chinois.
26:14– Vous avez deux Mongolies.
26:15La Mongolie extérieure, la Mongolie extérieure.
26:17La Mongolie extérieure, c'est la Mongolie actuelle.
26:19Et effectivement, elle est sous domination de la République chinoise.
26:25Et là, Ungern va, assez difficilement d'ailleurs, prendre Urga.
26:33– Urga qui est la capitale.
26:35– Oui, aujourd'hui, c'est Ulan Bator.
26:37Elle s'appelle Ulan Bator parce que Bator, c'est Suke Bator
26:40qui est en quelque sorte, on ne va pas dire le Lénine mongol,
26:46mais c'est le grand général en chef mongol.
26:49Rouge, bien sûr.
26:51Et donc, Ungern va prendre Urga et il va replacer sur son trône,
26:56le Bokdo Gegen qui est très, très haut placé
27:00dans la hiérarchie bouddhiste tibéto-mongole.
27:03– Oui, j'ai dit empereur dans ma introduction.
27:05Pour simplifier, j'ai cherché comment le qualifier.
27:08– En fait, c'est l'équivalent du Dalai Lama, si vous voulez,
27:12mais chez les Mongols.
27:14Donc, c'est à la fois puissance politique et religieuse.
27:19Et là, Ungern va, là aussi, favoriser par son aura grandissante
27:28puisqu'il devient le dieu de la guerre
27:30et qu'il connaît une prophétie bouddhiste
27:32qui annonce qu'un baron Ivan va venir libérer la Mongolie.
27:35Il était au courant de cela.
27:37Donc, justement, il sait qu'il peut en profiter.
27:40Et ça marche parce qu'effectivement,
27:43vous avez beaucoup de Mongols qui vont le rejoindre.
27:45Vous avez, comme je disais tout à l'heure, des Bouryats, des Kyrgyz.
27:47Vous avez aussi des Japonais qui viennent en soutien.
27:49Une petite centaine d'hommes peut-être, pas plus que ça.
27:52Et beaucoup de Russes blancs qui refluent.
27:54– D'accord. Donc, il réussit à chasser les Chinois ?
27:56– Oui, il chasse les Chinois.
27:58Et il va tenir la ville, en réalité, pendant 3 mois,
28:00de février 1921 à mai 1921.
28:04– Alors, quelle vie mène-t-il pendant ces temps ?
28:07– Il ne dirige pas vraiment la ville.
28:08Ça ne l'intéresse pas, la politique.
28:10Lui, ce qu'il fait, c'est qu'il prépare la suite.
28:12Parce que lui, il pense vraiment repartir en Russie.
28:16Son projet, à lui, ce n'est pas de rester…
28:18– Ce n'est pas s'installer en Mongolie.
28:19– Non, non.
28:20C'est de reprendre la direction de Chita, de la Transbaïkali,
28:23et véritablement de marcher jusqu'à Moscou.
28:26C'est dans ça qu'on peut dire que son projet est fou.
28:28Mais avec le peu de moyens qu'il avait.
28:30Parce qu'au maximum, la division asiatique ou la division sauvage
28:34que lui avaient concédé Semenov a dû faire au maximum 2000 hommes,
28:402000 cavaliers.
28:42– Avec un armement…
28:44– Très hétéroclite pour beaucoup pris sur l'ennemi.
28:46On a beaucoup dit que c'était les Japonais qui lui avaient fourni leur matériel.
28:50C'est faux.
28:51Il avait quelques pièces d'artillerie dont, en plus,
28:52il n'a pas su servir correctement.
28:54Quelques mitrailleuses.
28:55Mais c'était surtout de la cavalerie.
28:58C'était des charges au sabre et après des fusillades au mousquet.
29:03Donc, ce qu'il pensait, c'était de nouveau reprendre la route de la Russie.
29:09Peut-être rallier Semenov.
29:12Sauf qu'il comprend vite que Semenov, finalement,
29:15il est très bien là où il est.
29:17Il continue à mener sa vie de sa trappe.
29:19Et quand il part d'Urga, Urga est tenu.
29:27Mais dès qu'il s'en va, les Chinois reviennent.
29:33Et surtout les Rouges arrivent.
29:37Les Rouges, à la fois mongols et russes.
29:40Puisque Lénine a bien compris son intérêt également dans l'opération.
29:43C'est-à-dire que s'il vient pour libérer la Mongolie,
29:46dirigée en tout cas par un parti communiste révolutionnaire mongol,
29:52la géopolitique reste la même.
29:55C'est-à-dire qu'il se dit, si on ne prend pas possession de la Mongolie,
29:59autant en faire un allié ou un auxiliaire.
30:03Donc là, qu'on soit tsariste ou qu'on soit bolchevique,
30:07les cartes restent les mêmes.
30:09Et donc Urga va très rapidement, au bout d'un mois et demi, deux mois,
30:13Urga retombe dans les mains des Rouges.
30:19Enfin tombe plutôt dans les mains des Rouges.
30:21Là, pour le coup, mongols.
30:23Et sa dernière grande équipée va commencer là.
30:26Donc il retourne en Russie.
30:28Il retourne en Russie.
30:30Il ambitionne de repartir à l'offensive.
30:34Mais comme vous dites, c'est un chef de bande plus qu'un...
30:36Oui, ce n'est pas un général.
30:38Ce n'est pas un tacticien, ce n'est pas un stratège.
30:40D'autant moins qu'il n'a pas les moyens de ça.
30:42Il avait un téléphone aussi dont il ne voulait pas se servir
30:46parce qu'il estimait que c'était trop compliqué.
30:52Et que, comme de toute façon, il voulait toujours être à l'avant,
30:55il n'en avait pas besoin.
30:57Donc c'était trop facile à rompre, un fil de téléphone.
31:00Ce n'est pas faux d'ailleurs.
31:01Surtout quand on est dans une guerre comme lui,
31:03qui est de mouvement permanent.
31:04Donc il fallait tendre les fils, il fallait poser les piquets.
31:07C'était trop compliqué, trop long.
31:09Donc il va essayer, il va repartir à l'offensive.
31:12Mais les Soviétiques, la 5e armée soviétique,
31:14c'est au minimum 15 000 hommes avec des automitrailleuses,
31:17des chars, de l'aviation.
31:21La guerre à l'Ouest est quasi terminée.
31:23Donc là, les Russes peuvent mettre…
31:25les Soviétiques peuvent mettre le paquet.
31:27Et donc, en fait, ce qu'il va faire, c'est qu'il va essayer…
31:33Au départ, il va attaquer, il va devoir refluer,
31:36plus ou moins en désordre.
31:38Et puis il va errer entre la Transbaïkalie.
31:41Et de temps en temps, il revient un peu en Mongolie.
31:43Et il repart.
31:44Il va errer comme ça de mai à août.
31:48Puisque le 22 août 1921, il est fait prisonnier.
31:52On ne sait pas exactement, d'ailleurs, dans quelles conditions.
31:55Est-ce qu'il a été fait prisonnier par…
31:57Est-ce qu'il a été vendu par ses officiers blancs ?
32:01Est-ce qu'il a été lâché par des Mongols de sa division ?
32:05Ou alors, est-ce qu'il a été attrapé par des Mongols rouges,
32:08mais qui, tous rouges qu'ils étaient, se sont dit
32:11on ne tue pas le dieu de la guerre ?
32:13Et il est finalement retrouvé ligoté au milieu de la steppe,
32:18sous un arbre, par une patrouille soviétique.
32:22Et il est envoyé à Novosibirsk,
32:24qui s'appelait à l'époque Novo-Nikolaïevsk,
32:26pour être jugé.
32:28Et là, l'affaire est pliée dès le départ.
32:32Oui, bien sûr, mais de toute façon,
32:34c'est le dernier général blanc aussi.
32:37N'oublions pas, c'est le dernier à avoir combattu les rouges
32:43dans cette guerre civile 1721.
32:45D'ailleurs, dans le livre, fin du livre, dans les annexes,
32:48il y a un petit compte-rendu.
32:51Oui, c'est intéressant ça.
32:52Ce ne sont pas les minutes complètes, j'imagine ?
32:54Non, mais c'est ce qui avait été publié à l'époque.
32:56Et c'est ce qu'on a pu retrouver dans les archives.
32:58Donc effectivement, son procès, il est couru d'avance.
33:01Il va durer 6 heures, mais pour la forme.
33:03Lénine avait envoyé un télégramme disant bien, jugez-le.
33:07Organisez un procès public, l'instruire le plus vite possible et fusillez.
33:10Voilà, donc c'est clair qu'il n'y avait pas de discussion possible.
33:14Et Ungern le savait très bien.
33:15Et d'ailleurs, Ungern s'y attendait,
33:19puisque Ungern aurait fait pareil s'il avait eu Lénine entre ses mains.
33:23Et encore, il ne l'aurait même pas fait juger.
33:25Il aurait été bien plus expéditif que ça encore.
33:29Alors, que sait-on réellement de l'homme, Ungern, de son caractère ?
33:36Je le rappelle, dans le témoignage, il est montré comme un psychopathe cruel.
33:43Quand on lit le rapport du procès, quand on lit son Loukaz,
33:48un annexe aussi, quand on lit votre préface,
33:52et puis quand on lit Loukaz numéro 15,
33:54bon, c'est a priori quelque chose de cohérent.
33:57Ce n'est pas l'œuvre d'un fou furieux.
34:00Non, du tout, du tout.
34:02On a beaucoup brodé sur le personnage.
34:07Donc les bolcheviks l'ont fait dans un premier temps.
34:10Ils ont insisté sur son aspect vraiment sanguinaire,
34:13parce que c'était dans leur intérêt, comme je vous l'ai expliqué tout à l'heure,
34:17de détruire un mythe possiblement naissant.
34:21Et puis ensuite, le mythe s'est accru presque paradoxalement dans la littérature
34:29par des gens qui l'ont approché,
34:33qui étaient plutôt de son côté, historiquement, politiquement,
34:38et qui, parce qu'ils ont voulu faire sensation,
34:41ont également ajouté une couche à sa mystique.
34:45– Donc la réalité… – Le vrai, ce qu'on a, c'est qu'on a…
34:48– D'abord, est-ce que c'est un bon chef ?
34:49Parce qu'un bon chef, il ne bat pas ses hommes, il ne viole pas leur femme.
34:52– Non, c'était certainement un bon chef dans les conditions
34:54dans lesquelles il a été amené à commander.
34:57Il faut se remettre dans le contexte quand même de la révolution russe,
35:03d'une période de trouble où tout s'effondre
35:07et où les hommes ne suivent que celui qui leur inspire confiance,
35:13où on revient à un système limite féodal,
35:16où on ne respecte plus un État, on ne respecte plus des lois,
35:22on respecte une figure.
35:25Donc, de ce point de vue-là, Lugarne a été efficace.
35:28– On peut dire qu'il a un certain charisme.
35:29– Absolument. Ah non, son charisme est indéniable.
35:31D'ailleurs, j'invite les lecteurs à aller aussi sur Internet
35:34voir les photos existantes de lui, puisqu'on en a.
35:37Il est magnétique.
35:38– Oui, il ne ressemble pas à grand-chose, il n'est pas grand, il n'est pas balèze.
35:41– Il est magnétique, il n'est pas spécialement grand,
35:42mais il a un visage, il a un regard, il a un front.
35:45Il y a une volonté qui perce dans son regard.
35:48Moi, ça m'a stupéfié la première fois que j'ai ouvert un livre sur lui
35:52et qu'il continue aujourd'hui encore à m'interroger.
35:54Donc, comme je disais, c'était un homme profondément religieux,
35:59profondément décalé par rapport à son époque.
36:03Il détestait l'époque moderne, il détestait le monde moderne.
36:07C'était un misanthrope.
36:08C'était quelqu'un qui était très dur avec lui-même.
36:11Donc, pourquoi ne pas être dur avec les autres
36:13quand on montre l'exemple sur soi-même ?
36:18C'était un illuminé dans le sens où il avait…
36:21S'il était illuminé, c'est parce que c'était son projet qui était illuminé.
36:24Croire qu'il était… Est-ce qu'il l'a cru ?
36:27Est-ce qu'il s'est chuté dans ce projet de repartir
36:31à la conquête de la Russie ?
36:33Il pensait qu'il allait faire boule de neige.
36:35Donc, ce n'était pas si fou.
36:37Par contre, il s'illusionnait sur les populations.
36:41Il rêvait encore Algerdjian.
36:43Les Mongols, en 1920, ce n'était plus la horde.
36:47C'étaient des patres, des bergers, des gens apaisés par le bouddhisme,
36:53précisément ce qui n'était pas le cas du temps d'Algerdjian.
36:55Donc, ce n'étaient plus les mêmes Mongols.
36:57Donc là, il s'est illusionné.
36:59C'était un homme qui… C'était un rêveur éveillé.
37:03Et c'est ce qui a causé sa perte.
37:07Et la prétendue cruauté ?
37:09Elle est réelle.
37:11On sait qu'elle est réelle.
37:13Comme elle est réelle dans toutes les guerres civiles,
37:17dans toutes les révolutions.
37:19Les Rouges n'avaient rien à envier à Ungern.
37:23Par contre, c'est très exagéré.
37:25Il n'a pas une cruauté gratuite.
37:27Ce n'est pas une cruauté gratuite.
37:29Et surtout, il est le chef.
37:31Il était le chef, notamment à Urga.
37:33Donc, c'était normal qu'on se tourne vers lui pour lui demander les comptes.
37:37Mais la réalité, c'est qu'il était totalement si désintéressé
37:41par ce qui se passait réellement autour de lui,
37:43que d'autres en ont profité.
37:45Il avait sa police.
37:47Et sa police, elle, par contre,
37:49elle aurait pu passer sans problème au tribunal de Nuremberg.
37:53Mais le juge est pendu.
37:55D'ailleurs, la majorité d'entre eux ont mal fini.
37:57Ils ont tous mal terminé.
37:59– Est-ce qu'il lui a laissé des écrits, des mémoires ?
38:01– Non, à part Lucas.
38:03Non, non, Ungern n'écrivait pas.
38:05Ungern ne lisait pas beaucoup non plus.
38:07On peut toujours se poser la question,
38:09était-il suprêmement intelligent ou au contraire, était-il un rustre ?
38:11– Oui, d'ailleurs, il me fait penser à un film de Verhoeven,
38:15de Cher et de Sang, avec Drüger, Auer.
38:17Donc, cette bande de raîtres au Moyen-Âge
38:19qui va de château en château.
38:21Est-ce qu'il y a ce qu'il y a ?
38:23– Il y avait un projet politique quand même chez Ungern.
38:25Il y avait un projet politique.
38:27Il y avait un fort substrat religieux.
38:29On le voit sur son drapeau.
38:31Son drapeau, c'est quand même Dieu avec nous.
38:33C'est le monogramme de Michel, l'archiduc,
38:37qui avait déjà été assassiné à cette époque-là,
38:39mais Ungern ne le savait pas.
38:41Ce qui montre bien le décalage aussi de l'épopée ungernienne
38:43avec ce qui se passait, la situation réelle, à l'ouest de la Russie.
38:47Ungern était totalement décroché des faits.
38:51Donc, on ne sait pas.
38:53On ne sait pas vraiment.
38:55Je pense quand même que la littérature
38:59ne lui a pas donné un beau rôle.
39:03– Un beau rôle, mais non.
39:05D'où vient cette fascination ?
39:07C'est un personnage de roman qu'on pourrait retrouver
39:09chez Hasbaï ou d'autres.
39:11Pourquoi cette fascination ?
39:13– Je pense que c'est la trajectoire.
39:15C'est un homme qui est fusillé à 35 ans.
39:19Vous vous rendez compte ?
39:2135 ans.
39:23– Pas le seul, mais…
39:25– Non, mais avec un tel parcours, il n'y en a pas beaucoup.
39:29Un général à 35 ans qui a essayé, tout simplement.
39:33Je pense que ce qui nous fascine, c'est que c'est un pirate d'estepes.
39:37Il a mené sa vie comme bon lui semblait.
39:41Il y a ce mélange de guerrier et de chaman,
39:47ou de moine, de moine guerrier qui fascine toujours.
39:51Il y a ses racines qui, forcément, ont aussi une influence,
39:55qui peuvent fasciner.
39:57Il y a simplement son visage.
40:01Et il y a l'aura.
40:03– C'est un personnage démesuré.
40:05– Complètement.
40:07Même si, finalement, il n'a jamais mené qu'une toute petite troupe.
40:11– On pourrait le comparer à qui d'autre,
40:15comme personnage ayant été…
40:17Ou voir de romans, mais surtout ayant existé.
40:19– Il a un côté Aguirre.
40:21Il a un côté Aguirre.
40:23Vous savez, le film avec…
40:25– Oui, de Bernard Herzog.
40:27– C'est une sorte de conquistador russo-mongol, ungern.
40:31Il y a vraiment de ça.
40:35– Et puis, en plus, descendant des chevaliers teutoniques.
40:39On en rajoute une couche.
40:41– Il y a toute une mythologie ungernienne qui ne peut pas laisser indifférent.
40:45Des gens épris d'aventures, d'exotisme,
40:49et même pas de l'exotisme facile.
40:51C'est fascinant.
40:53– À part ce livre, qu'est-ce qu'il faut lire ?
40:55Qui ou quoi ?
40:57– Jean Mabir, clairement.
40:59Que vous lisiez sous son titre,
41:01Le Dieu de la guerre ou le baron fou.
41:03Titre qu'il détestait, d'ailleurs, que Mabir n'avait pas choisi.
41:05– Ça, c'est toujours les éditeurs.
41:07– Pour moi, c'est son plus beau livre, d'ailleurs.
41:09Ce livre m'a fait d'une gifle.
41:11Ça reste, pour moi, son plus beau livre.
41:13Son plus grand livre, aussi.
41:15Même si, là aussi, il est très romancé.
41:17Il est très sourcé.
41:19Mais Mabir en fait vraiment un général jaune.
41:23C'est-à-dire, il en fait vraiment un général bouddhiste.
41:25Même si, donc, le bouddhisme tibéto-mongol est beaucoup plus sanguinaire
41:29que le bouddhisme tel qu'il nous arrive aujourd'hui.
41:33– Oui, oui.
41:35– Avec des prêtres européens.
41:37– Ce n'est pas le bouddhisme de Mathieu Ricard.
41:39– Voilà, c'est ça.
41:41Mathieu Ricard, c'était son nom que j'ai cherché.
41:43Donc, il y a Jean Mabir.
41:45Après, bien sûr, on peut lire la bande dessinée d'Hugo Pratt,
41:49qui est directement inspirée de la lecture qu'avait faite Hugo Pratt
41:51du roman de Jean Mabir.
41:53Il y a une biographie qui est celle d'un Russe,
41:57ex-officier soviétique, Leonid Yousefovitch.
42:01C'est donc le Cannes des steppes,
42:03qui est intéressant parce que là, c'est une tentative,
42:07justement, à partir des recherches dans les archives.
42:09Yousefovitch avait été officier, d'ailleurs, à la frontière mongole.
42:11C'est comme ça qu'il avait connu Ungern.
42:13Une tentative, vraiment, de rétablir l'équilibre,
42:17de montrer le vrai et le faux.
42:19Vous avez aussi un autre témoignage, celui de Dmitri Pershin,
42:23qui, lui, est un témoignage très favorable à Ungern,
42:27qui démystifie, justement, le côté éberlué
42:31qu'avait pu donner de lui un autre auteur polonais,
42:35celui-là, qui s'appelait Ossendowski,
42:37que Ungern a en plus sauvé,
42:39et qui a écrit un livre qui s'appelait
42:41« Bêtes, hommes et dieux ».
42:43C'est un très, très beau livre,
42:45qui raconte sa traversée, justement, de l'Asie
42:47pour fuir les bolcheviques.
42:49Mais si le meilleur chapitre du livre,
42:53c'est bien sa rencontre avec Ungern
42:55et le portrait qu'il en fait,
42:57c'est justement un portrait qui va
42:59beaucoup nuire au personnage Ungern,
43:01parce qu'il en fait un homme qui parle aux esprits,
43:05qui se couvre d'amulettes,
43:07qui ne prend pas de décision
43:09sans aller voir une sorcière ou un chaman,
43:13qui, la nuit, au lieu de dormir,
43:15parle aux fantômes,
43:17invoque là aussi les esprits.
43:19Il se trouve que Ungern, par exemple,
43:21ne buvait pas une goutte d'alcool,
43:23c'est parfaitement sobre,
43:25et lui, il en fait un consommateur
43:27de hachiches, bref,
43:29c'est pas le seul, d'ailleurs, à le faire,
43:33on a beaucoup brodé aussi sur ça,
43:35sur les excès.
43:37Il en fait un personnage complètement déréglé.
43:39Donc, c'est le livre qui va permettre,
43:43paradoxalement, celui qui va faire connaître
43:45Ungern au monde,
43:47mais c'est aussi le livre qui va réduire Ungern
43:49à cette seule dimension de dingue
43:53à la Klaus Kinski, justement.
43:55– Klaus Kinski dans Aguirre ou la colère de Dieu.
43:57– Dans Aguirre, comme je disais,
43:59ou même dans Cobra Verde, si vous voulez.
44:01Voilà, ça, c'est vraiment les principaux,
44:03il y a quand même une bibliographie qui existe.
44:07– Et en biographie ?
44:09– Biographie pure et dure.
44:11– Une chépardesse ?
44:13– Ah, j'oubliais, effectivement, vous avez Eric Sablé,
44:15merci de me le rappeler, ça aurait été dommage.
44:17Eric Sablé a publié également il y a quelques années
44:21une biographie d'Ungern,
44:23qui a pour but de rétablir,
44:27pas forcément de rétablir la vérité,
44:29mais de dire ce qu'on sait véritablement d'Ungern,
44:33en enlevant les scories.
44:35Donc vous avez Youssefovitch et Sablé,
44:37et avec ça, vous avez deux biographies.
44:39– Alors, on disait que c'était un personnage de roman,
44:41c'était également un personnage de cinéma,
44:43mais il n'y a pas de film.
44:45– Non, il n'en existe, à ma connaissance, que deux.
44:47Un court-métrage que je n'ai jamais pu voir,
44:49qui s'appelle Titan, mais je n'en sais pas plus.
44:51Et il existe, et ça je l'ai découvert seulement
44:53après la publication de ce livre,
44:55un film russe, qu'on peut trouver d'ailleurs
44:59gratuitement sur Youtube,
45:01mais alors son nom m'échappe complètement
45:03au moment où je vous parle, c'est dommage.
45:05Mais vous tapez Ungern et vous devriez le trouver.
45:07Film russe, mais sous-titré en anglais.
45:11C'est passionnant parce que c'est un reportage,
45:15qui doit avoir une dizaine ou une quinzaine d'années, je dirais.
45:17C'est une équipe de reporters qui est allée,
45:19qui a refait le chemin, et qui est allée jusqu'à Urga,
45:25pour voir ce qu'il reste.
45:27Essayer de comprendre…
45:29– Qu'est-ce qu'il reste ?
45:31– Essayer de comprendre qui était Ungern,
45:33en suivant sa route,
45:35mais aussi voir ce qu'il reste de lui.
45:37Et ce qui est très émouvant, c'est qu'à Novosibirsk,
45:41c'était Novosibirsk à l'époque,
45:43à Novosibirsk aujourd'hui, vous avez encore,
45:45sur un mur qu'on suppose être celui
45:47devant lequel il a été planté avant d'être exécuté,
45:51un peintre a dessiné son portrait,
45:55un très beau portrait d'Ungern.
45:57Il y a un autre endroit,
45:59où on suppose qu'il aurait pu être fusillé,
46:01on ne sait pas en réalité,
46:03puisque même son corps n'a jamais été retrouvé,
46:05on ne sait pas où il a été enterré,
46:07ni dans quelles conditions.
46:09Il y a un autre endroit,
46:11où une sorte de petite chapelle,
46:13un petit ex-voto a été posé,
46:15où vous avez des bougies,
46:17et puis vous aviez une procession,
46:19on va dire de fans,
46:21même si le mot est assez vilain,
46:23de jeunes russes de cette région,
46:25qui, tous les ans,
46:27se retrouvent au cimetière.
46:29On sent qu'il y a quelque chose
46:31d'une influence de la tradition,
46:35voire de Douguin chez ces jeunes gens,
46:37dans le discours.
46:39On sent vraiment qu'il y a quelque chose
46:41de l'impérialisme eurasien, eurasiste, etc.
46:43Et puis à Ourga, par contre,
46:45là, ils sont allés voir
46:47le musée de la Révolution,
46:49le musée national mongol.
46:51Ungern n'apparaît nulle part,
46:53et quand vous avez des officiers,
46:55c'est après quand même la fin du communisme,
46:57donc vous avez de vieux cossacks
46:59en uniforme qui vont à Ourga,
47:01qui essayent de discuter avec le responsable du musée,
47:03et ils se défilent dès qu'il s'agit d'Ungern.
47:05Ungern, c'est toujours le Krokmiten,
47:07c'est interdit d'en parler.
47:09On n'en parle toujours pas.
47:11C'est toujours le monstre,
47:13oui, vraiment le Krokmiten,
47:15le Papa Yaga
47:17des Mongols.
47:19Donc ça, je vous invite vraiment à le voir.
47:21En plus, ils ont grimé un acteur
47:23qui, par moments,
47:25joue.
47:27C'est assez fascinant.
47:29Ils ont vraiment bien trouvé.
47:31– Sinon, pour un vrai film, on attend Laurent Chang au scénario ?
47:33– Pourquoi pas au premier rôle, tant qu'on y est ?
47:35– C'est vrai.
47:37– Chacun son métier, monsieur.
47:39– Laurent, merci infiniment.
47:41C'est très intéressant.
47:43Je rappelle, Baron Ungern, un officier témoigne.
47:45Donc un livre à lire avec précaution,
47:47il vaut mieux.
47:49Enfin, il faut le lire, mais il faut le lire aussi
47:51Mabir et puis Sablé chez Pardes
47:53et puis les autres que vous avez cités.
47:55– Mais lisez-le, bien entendu, ce livre.
47:57– Non, mais il faut le lire.
47:59– La préface est là pour ça.
48:01– Merci beaucoup. C'était Passez Présent, l'émission historique de TVL.
48:03Vous allez maintenant retrouver
48:05Christophe Erlan et La Petite Histoire.
48:07N'oubliez pas de cliquer sur le pouce levé sous la vidéo
48:09et de vous abonner
48:11à notre chaîne YouTube.
48:13Merci et à bientôt.
48:45En cette période troublée
48:47d'attentats terroristes, on parle beaucoup
48:49d'islam. Ah oui, c'est pas l'Irak
48:51qui fait péter les bombes. On parle beaucoup d'islam
48:53et aussi, parmi nos intellectuels,
48:55dans nos médias, on essaye
48:57et on se force à faire une différence entre
48:59les musulmans, entre l'islam,
49:01ce qui serait le véritable islam,
49:03et les djihadistes. Aujourd'hui,
49:05par l'intermédiaire d'un article de René Marchand
49:07dans la NRH, dans ce hors-série
49:09de la NRH consacrée au terrorisme,
49:11justement, nous allons tenter de
49:13comprendre l'islam et de savoir
49:15si, oui ou non, cette religion
49:17porte en elle le germe de
49:19la violence et du terrorisme
49:21en toute objectivité. Pour nos médias
49:23et nos intellectuels bien-pensants,
49:25ça ne fait pas de doute, les djihadistes
49:27ne sont pas des bons musulmans.
49:29En tout cas, pas des vrais musulmans.
49:31Ce sont juste des excités, des intégristes
49:33qui interprètent mal les textes.
49:35Et justement, le problème, c'est qu'ils les interprètent
49:37littéralement. Pour eux,
49:39dans leur esprit, eh bien, ils sont les vrais,
49:41les seuls bons musulmans. Ils appliquent
49:43à la lettre le texte sacré de l'islam
49:45et vivent sous la coupole
49:47de la charia, la loi islamique.
49:49Mais alors, qu'est-ce que l'islam et qu'est-ce
49:51que le droit musulman, la loi
49:53musulmane à laquelle il faudrait obéir
49:55en tant que musulman, la charia ?
49:57Les fondements de l'islam, qu'est-ce que c'est ?
49:59Ce sont le Coran, qui est
50:01un livre sacré, révélé par
50:03Dieu à Mahomet, donc
50:05incréé et incontestable,
50:07et aussi les Hadiths, qui sont des récits
50:09de la vie de Mahomet
50:11et de ses premiers disciples. Le Coran et les
50:13Hadiths, ce sont les données scripturales
50:15de l'islam, ce sont ses écritures
50:17saintes, elles sont incontestables
50:19et elles sont les seules références
50:21possibles dans la loi. Ce code génétique
50:23de l'islam est hors de portée
50:25de toute modification et
50:27malheur à celui qui voudrait en modifier
50:29la substance, il serait aussitôt
50:31accusé d'apostasie et serait
50:33en danger de mort. Toute modification
50:35est impossible, ces textes sont
50:37sacrés, sont universels, sont éternels,
50:39c'est l'islam, et l'islam est
50:41à la fois une religion, un code
50:43civil et une civilisation. C'est
50:45indissociable ces histoires d'islam
50:47de France, d'islam républicain,
50:49d'islam des Lumières, c'est du
50:51pipi de chameau tout ça. Oui, on adapte
50:53les blagues au contexte géographique.
50:55A partir du moment où le Coran et les
50:57Hadiths sont les textes sacrés de l'islam
50:59intouchables, nous allons
51:01essayer de savoir ce qu'il y a
51:03dans le Coran. Dans le Coran, on traite de
51:05la guerre dans plus de 200 versets,
51:07et il y a maintes appels à tuer
51:09les infidèles. Combattez-les pour
51:11qu'il n'y ait de culte qu'à Allah.
51:13Tuez les incroyants, où que vous les trouviez.
51:15Et ce ne sont que deux exemples
51:17parmi tant d'autres. Certes, il y a aussi
51:19de la violence dans l'Ancien Testament,
51:21mais c'est l'Ancien Testament, c'est l'Ancienne
51:23Alliance. Depuis, dans le catholicisme,
51:25il y a eu la Nouvelle Alliance,
51:27le Nouveau Testament, le message
51:29de Jésus qui prime par rapport
51:31à tout ce qui a pu se produire avant.
51:33Dans l'islam, cette prise en compte
51:35chronologique n'est absolument
51:37pas autorisée. Tout ce qui a eu
51:39lieu, tout ce qui a été dit, est
51:41intemporel.
52:03Musique
52:05Musique
52:07Musique
52:09Musique
52:11Un autre problème,
52:13ce n'est pas un problème, pour nous,
52:15occidentaux, c'est un problème, puisque
52:17l'islam s'étend en Occident
52:19avec des revendications, des attentats,
52:21etc. Mais ce n'est pas
52:23un problème en soi. Si l'islam est ci
52:25ou ça, ça les regarde.
52:27Là, on parle de ce qu'est l'islam.
52:29L'autre problème, on va dire, pour nos
52:31connaissances et nos journalistes, c'est que
52:33dans l'islam, Mahomet, le prophète,
52:35est le beau modèle,
52:37le modèle absolu à suivre pour tout
52:39musulman. Et là, les hadiths et
52:41les premières biographies du prophète
52:43nous montrent un comportement
52:45autocratique, souvent violent,
52:47avec des recours constants
52:49à la terreur. Mahomet s'est imposé
52:51par la violence. C'est un fait
52:53historique. Déjà, sa prise de pouvoir
52:55à Médine en 622,
52:57s'est faite après de multiples brigandages
52:59à main armée sur des caravanes
53:01de cette oasis du désert. Ensuite, il n'a
53:03toléré absolument aucune opposition.
53:05Il a fait procéder à des
53:07assassinats ciblés et il a procédé
53:09également à une véritable épuration
53:11ethnique à Médine qui était majoritairement
53:13peuplée de juifs. Ces juifs, ils ont été
53:15contraints à l'exil après avoir été dépouillés
53:17de leurs biens et ils ont aussi parfois été
53:19massacrés, comme ce jour où on a
53:21coupé la tête de 900 hommes de la
53:23communauté juive et leurs femmes et leurs
53:25enfants ont été réduits en esclavage. Tout cela
53:27a été perpétré par Mahomet, chef
53:29de guerre, dans sa conquête du pouvoir
53:31à Médine. Alors après, c'était une période
53:33de conquête du pouvoir, il y a de
53:35la violence, c'est naturel, il y en a eu
53:37partout dans le monde à ces périodes de
53:39conquête de pouvoir en Occident
53:41ou de lutte entre deux puissances.
53:43Il y en a eu partout, il n'y a pas de problème. Le problème
53:45c'est comment sont perçus ces textes et
53:47comment ils sont situés dans
53:49la loi musulmane. Parce que le problème
53:51nous dit René Marchand, c'est qu'aujourd'hui
53:53par exemple, les hommes de l'état islamique
53:55et des autres groupes djihadistes,
53:57ils peuvent affirmer haut et fort
53:59qu'il n'y a aucun des crimes
54:01selon eux qu'ils commettent dont
54:03on ne trouve un précédent dans la vie
54:05de Mahomet. Ce sont des faits
54:07rapportés par les textes sacrés qui
54:09vont fixer en application du principe
54:11de la Sunna, qui est la règle
54:13déterminée par le précédent,
54:15le droit de la guerre selon l'islam.
54:17Aussi pour l'islam, la terre et l'humanité
54:19sont divisées en deux. Il y a
54:21la maison de l'islam, Dar al-Islam
54:23où vivent les musulmans et où s'applique
54:25la charia, et il y a la maison de la guerre,
54:27Dar al-Arb, où vivent
54:29les mécréants. Et cette guerre contre
54:31les mécréants, elle est universelle
54:33et perpétuelle. En référence
54:35à un accord passé par Mahomet
54:37avec les Mécois en 628,
54:39une trêve avec les mécréants ne peut
54:41excéder une période de 10 ans.
54:43Ainsi, durant les 14 siècles d'histoire
54:45de l'islam, l'islam
54:47ne cessera ses offensives
54:49que lorsqu'il est contenu ou vaincu.
54:51Et même durant ces périodes,
54:53le djihad ne s'arrête pas pour autant.
54:55Il y a des prédications, mais il y a aussi des
54:57manipulations. Il est permis dans l'islam
54:59de mentir, de tromper, de
55:01dissimuler la vérité en attendant
55:03cela s'appelle la taqiyya.
55:21...
55:33Et puis, il y a le terrorisme.
55:35Un terrorisme en Occident
55:37qui, par ailleurs, bouscule
55:39certains prédicateurs musulmans. Pourquoi ?
55:41Et bien, tout simplement parce que cette stratégie
55:43de conquête affichée et
55:45violente pratiquée par les terroristes,
55:47et bien, elle bouscule une stratégie
55:49d'implantation progressive
55:51à petits pas en Occident
55:53qui était jusqu'alors en cours. Cette stratégie
55:55basée sur la taqiyya repose
55:57sur cette immigration massive
55:59qui nous a été imposée et qui
56:01était une divine surprise pour certains
56:03activistes musulmans. Avant le terrorisme,
56:05et bien, cette stratégie de conquête
56:07à petits pas fonctionnait parfaitement
56:09grâce à l'immigration, à la démographie
56:11et aux revendications qui étaient
56:13de plus en plus installées, comme pour
56:15le voile, comme pour le halal,
56:17comme pour les horaires mixtes dans les piscines,
56:19etc.
56:21On avançait échelon par échelon
56:23jusqu'à la construction de mosquées
56:25et on espérait aboutir à des places
56:27de sûreté, comme ça avait été le cas
56:29pour les protestants en France,
56:31des zones de droits musulmans en plein cœur
56:33de notre territoire. Et puis, plus le temps
56:35passait, plus cette masse de
56:37musulmans en France et en Europe
56:39constituait une masse qui pouvait avoir
56:41un poids électoral susceptible
56:43de faire basculer les choses à long terme.
56:45Ainsi, ce qui est assez paradoxal,
56:47c'est que ce terrorisme, cette violence
56:49faite au nom de l'islam,
56:51ne serve finalement pas l'expansion
56:53de l'islam en Occident.
56:55Mais comme le terrorisme est de plus en plus revendicatif
56:57et démonstratif
56:59à la hollywoodienne, comme on le voit avec les vidéos
57:01de l'état islamique,
57:03cela ressoude les liens et crée
57:05une certaine fierté d'appartenance
57:07chez les plus revendicatifs,
57:09justement. Pour conclure, ce qu'on peut dire,
57:11c'est que le terrorisme, la violence,
57:13ne sert pas forcément les projets de conquête
57:15de l'islam, de cet islam qui voulait s'imposer
57:17à petits pas.
57:19Néanmoins, ce qu'on peut dire de manière certaine,
57:21c'est que ce terrorisme et cette violence
57:23trouvent leur fondement
57:25dans l'islam, dans le droit musulman,
57:27dans le coran, dans les hadiths,
57:29des textes sacrés, qui ne sont
57:31absolument pas modifiables
57:33et contestables. Et tant que les occidentaux
57:35continueront d'opposer à cette
57:37guerre qui nous est déclarée, les droits de l'homme
57:39et les bons sentiments,
57:41ça va être compliqué quand même.
57:43Merci à tous d'avoir suivi ce nouvel épisode
57:45de La Petite Histoire. Je vous retrouve
57:47très bientôt pour de nouvelles aventures
57:49tous les mardis sur TV Liberté.