Le trafic de stupéfiants est au cœur de tous les problèmes d'insécurité. Est-il pertinent de parler de la mexicanisation de la France ? Y a-t-il un lien entre immigration et trafic de stupéfiants ? Faut-il s'attaquer aux consommateurs de stupéfiants (débat sur la dépénalisation) ?
Maurice Signolet, commissaire divisionnaire honoraire, reçoit le criminologue François Haut.
Maurice Signolet, commissaire divisionnaire honoraire, reçoit le criminologue François Haut.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00Madame, Monsieur, la solidarité exceptionnelle autour de TVL pendant les fêtes de Noël
00:12nous a donné un souffle d'espoir.
00:14Mais nous sommes encore loin du but, le combat continue et chaque instant est décisif.
00:19Si nous ne redoublons pas d'efforts immédiatement, tout ce que nous avons construit est en danger.
00:24Il nous reste 5 jours, 120 heures et pas une seconde de plus pour mettre TV Liberté
00:29à l'abri, pour mettre vos idées à l'abri.
00:32Nous avons jusqu'à mardi pour gagner cette bataille vitale et nous avons besoin de vous.
00:37Ce dernier coup de collier, il est vital, vital pour notre projet d'information véritablement
00:43alternative.
00:44Mobilisation totale, défendons la liberté à tout prix, chaque seconde compte pour emporter
00:49ce défi crucial.
01:29On reçoit aujourd'hui M. François Haut qui est un ancien universitaire, ancien directeur
01:39du département de recherche sur les menaces criminelles contemporaines à l'université
01:43Paris 2 par Panthéon-Assas.
01:46M. Haut bonjour, je suis très heureux de vous accueillir.
01:50D'habitude je suis avec mon collègue et néanmoins ami Patrick Ivars mais il est retenu ailleurs.
01:57Je suis très heureux de vous accueillir dans cette nouvelle émission de Allô le 17.
02:01Vous savez qu'à TV Liberté nous avons un créneau mensuel où on reçoit divers invités
02:07pour faire le point, pour essayer d'éclairer les auditeurs sur l'insécurité, sur le sentiment
02:13d'insécurité paraît-il et l'insécurité réelle très souvent.
02:17Donc on est très heureux de vous accueillir.
02:19Je crois que vous êtes l'auteur de plusieurs ouvrages dont les bandes criminelles et le
02:24chaos balkanique semble-t-il.
02:26J'aurais voulu vous poser une première question.
02:31À la lumière de votre expertise, pourriez-vous nous donner votre appréciation sur ce thème
02:36de mexicanisation de la société française que l'on entend aussi bien de la part des
02:42médias que de certains hommes politiques.
02:44Est-ce que ce terme de mexicanisation à la française est-il pertinent ?
02:50Est-ce que l'on connaît une telle dérive en France ?
02:53Non, ce n'est pas pertinent, on ne connaît pas une telle dérive pour des raisons qui
02:58sont malheureusement très simples à comprendre.
03:01Au Mexique, les cartels mexicains, non seulement se battent entre eux, mais ils se battent
03:08contre les forces de l'ordre qui sont parfois même militaires, en particulier des fusillés
03:15marins qui vont essayer de les traquer jusque dans les coins les plus perdus du pays.
03:23C'est une espèce de guérilla, une guérilla même pas seulement urbaine, parfois même
03:30rurale.
03:31C'est vraiment une basse intensité mais une intensité quand même assez notable.
03:37Et puis les cartels, c'est aussi les gens qui sont pendus au pont, qui sont décapités
03:43et pas seulement de temps en temps, c'est quasiment permanent.
03:47Les journalistes sont des cibles, les hommes politiques ou les femmes politiques sont des
03:52cibles.
03:53Tout ça est quelque chose de bien au-delà d'une insécurité, c'est vraiment quelque
04:02chose d'invivable.
04:03Alors on peut aller au Mexique, on peut aller en vacances, on peut aller au bord de la mer,
04:08on peut y vivre, mais il faut savoir qu'à tout instant quelque chose peut arriver.
04:12Et généralement quand on est touriste, on est un peu parqué et puis on sort en groupe
04:18pour faire une excursion et voir les pyramides.
04:21Mais voilà, c'est quand même un pays qui reste extrêmement dangereux.
04:25Donc l'emprise des cartels n'a rien à voir avec l'emprise de nos bandes, même les plus
04:32organisées comme probablement la DZ de mafia ou quelques autres.
04:38Mais on reparlera du mot organisation, on reparlera de tout ça je suppose à un moment
04:43ou à un autre, mais il est clair qu'on n'est pas dans une phase de mexicanisation.
04:46Et je pense qu'il sera très difficile d'y arriver parce que rien ne permet de laisser
04:55supposer qu'une telle dérive réelle puisse se produire.
04:59– Alors d'après vous, pourquoi ce terme est-il repris quasiment en boucle par certains
05:04hommes politiques et certains médias ?
05:08– Probablement par une forme de méconnaissance du Mexique et des problèmes que nous connaissons
05:14ici.
05:15Et plutôt des problèmes que nous connaissons ici.
05:17Nous connaissons des très graves problèmes autour des trafics de stupéfiants parce que
05:21les cartels mexicains sont essentiellement, pas seulement bien sûr, mais essentiellement
05:26tournés vers le trafic de stupéfiants.
05:30Mais parce qu'on n'est pas dans la même dimension et je ne pense pas qu'on puisse
05:37progresser vers cette dimension ou alors le pays serait laissé abandonné.
05:41– Donc d'après vous, ce que l'on connaît en France, on ne peut pas l'apparenter aux
05:47prémices d'une mexicanisation, mais par contre à une situation dégradée.
05:50– Une situation très dégradée.
05:53Il faut se souvenir que le Mexique vit dans une situation entre guillemets révolutionnaire
06:00depuis la fin du 19ème siècle.
06:03Le parti au pouvoir pendant des années s'appelait le parti révolutionnaire institutionnel.
06:07Pancho Villa et les autres étaient des gens qui ont créé des petits, qui ont fait des
06:13petits et qui n'ont pas cessé pratiquement et qui n'ont jamais cessé plus exactement.
06:19Donc les cartels sont ces héritiers des bandits, des grands bandits qui étaient admirés politiquement
06:26et aussi par leur charisme, leurs histoires magnifiques.
06:31Tout ça va de pair avec l'adoration de la Santa Muerte qui est une sainte vierge dédiée
06:40aujourd'hui aux narcotrafiquants mais à tous ceux qui combattaient, soi-disant, pour
06:46certaines formes de liberté etc.
06:48Donc ce climat était quand même extrêmement profice à ces cartels qui, eux, bénéficient
06:56aujourd'hui certainement beaucoup plus de moyens, qui sont assis sur des tas d'or
07:01et qui le dépensent de manière parfois rocambolesque mais peu importe, le climat est là et le
07:06climat n'a jamais cessé.
07:07– Je ne voudrais pas faire une comparaison hasardeuse avec notre armée qu'on dit échantillonnaire
07:15mais est-ce que quelque part, tout ce que l'on connaît à Marseille, dans différents
07:20endroits de Paris, est-ce que ce n'est pas des enchères, des échantillons quand même
07:24quelque part, à un niveau bien sûr moins réduit, de cette violence latente qui pourrait
07:31dégénérer un jour ?
07:32– Non, parce que les cartels mexicains, vous avez prononcé le mot armée et incontestablement
07:42ce sont des formes d'armées dans le sens où elles ont une structure pyramidale, un
07:49système de chaînes de commandement verticales et qu'ils sont très organisés au sens
07:55militaire du terme, c'est-à-dire il y a un chef qui donne des ordres à plusieurs
07:59sous-chefs etc.
08:00Les bandes criminelles que l'on connaît sont plutôt, par hasard sans doute, mais
08:06un peu inspirées des bandes qu'on connaît dans beaucoup d'endroits aux États-Unis,
08:10c'est-à-dire qu'on n'a pas de hiérarchie réelle qui fonctionne, bien sûr il y a
08:17des gens qui donnent des ordres, bien sûr il y a des gens qui obéissent et bien sûr
08:20il y a des gens qui sont punis, mais on est plutôt dans un système galactique où on
08:24commence très jeune, on y rentre très jeune après parfois un certain nombre de rites,
08:29peu importe ce n'est pas toujours le cas, mais en tout cas on commence chouffe à vélo
08:34ou à trottinette maintenant peut-être, et puis on essaye de ressembler à celui qui
08:41est au centre de la galaxie, une espèce de soleil, on a envie d'être comme lui, on
08:46a envie d'avoir les montres en or, les voitures de luxe, on a envie de se rapprocher de ça,
08:52donc on a envie de faire bien pour arriver près du pouvoir et gagner de l'argent et
08:57de lui ressembler.
08:58Et donc ce système-là parfois a raté et fait que pour organiser quelque chose, c'est
09:06pas toujours simple, c'est pas vrai partout, mais grossièrement c'est plutôt le schéma
09:10qu'on connaît, c'est-à-dire que c'est pas le schéma militaire, c'est la présence
09:20et l'appropriation territoriale de la bande, d'un quartier par la bande, et là on est
09:27chez nous, et on reste chez nous, mais on est ceux de là, on n'est pas ceux de là-bas,
09:34d'ailleurs ça peut créer des conflits, des conflits qui sont commerciaux le plus souvent,
09:38ou parfois on se déteste pour des raisons inconnues, parce qu'on a été insulté,
09:43peu importe, mais c'est ce schéma territorial qui compte, et on est ceux de là, d'ici,
09:51et après on fait avancer les choses, en revanche, en ce qui concerne l'organisation, il y en
09:57a une, fatalement, elle fonctionne, parce qu'on ne peut pas faire circuler des grammes
10:03ou des kilos ou des tonnes de drogue sans être organisé, ça peut pas fonctionner,
10:10on ne peut pas faire quelque chose de ce genre, et pratiquement rien d'ailleurs, sans être
10:14organisé, donc il y a des échelons, c'est pas des grades, c'est des situations, des
10:22postes, dirons-nous, qui font qu'il y a une mécanique, et cette mécanique, elle
10:27fonctionne, et elle est rodée, huilée, généralement, etc., puis il y en a toujours les uns qui
10:32remplacent les autres, pour des raisons diverses et variées, la prison, la mort, ou le dérapage,
10:38peu importe.
10:39– Alors, je m'en veux un peu détailler l'interview en faisant des références américaines.
10:45– Pas du tout, pas du tout.
10:46– Dans un premier temps, on a parlé de la mexicanisation, on a très bien compris que
10:50ce n'était pas du tout de la même échelle des grandeurs, c'est extraordinairement intéressant,
10:56en glissant sur le phénomène des bandes, je me permettrais de rappeler un exemple que
11:00vous citez dans votre livre, les bandes criminelles, je pense à ce fameux 18e street gang, qui
11:09est issu de la 18e rue de Los Angeles, que vous citez dans votre ouvrage, les quartiers
11:14où s'installent prioritairement les émigrants mexicains, dans les années 60.
11:17– Oui, pas seulement mexicains, mais beaucoup.
11:19– Mais beaucoup d'immigration.
11:20– Oui, d'immigration.
11:21– Voilà, vous allez comprendre où je veux en venir, au tout début des années 60, c'est
11:27embryonnaire, ça tourne autour de cette 18e rue, c'est donc très localisé quelque part,
11:32et on pense qu'aujourd'hui, il serait plusieurs dizaines de milliers appartenant
11:39à ce gang, répartis sur 35 à 40 États des États-Unis, avec des projections au Mexique,
11:45en Colombie, etc.
11:46Alors, toujours pareil, sans vouloir faire un parallèle exact avec ce qui se passe de
11:54l'autre côté de l'Atlantique, est-ce qu'on ne connaît pas, pour reprendre vos
11:58propres propos précédents, est-ce qu'on n'en est pas au niveau embryonnaire avec
12:03les quartiers que l'on connaît aujourd'hui, où justement il y a une immigration assez
12:07forte ? Est-ce que c'est ce qu'on appelle ces cités perdues de la République, également
12:13dans beaucoup de médias, où on s'aperçoit qu'il y a une immigration importante et un
12:18amalgame, je ne veux pas dire de sociopathie, mais de difficultés à socialiser, est-ce
12:24que ce n'est pas là également, quelque part, embryonnaire ? La preuve, c'est que
12:27bien ces cités, aujourd'hui, la police n'y va plus, quoi.
12:33Est-ce qu'on ne dit pas la même chose ?
12:35– On dit la même chose, mais je ne pense pas que c'est seulement embryonnaire, c'est
12:39pas seulement embryonnaire, parce qu'aujourd'hui, le nœud du problème, qui est le trafic de
12:48stupéfiants, pas le trafic, les stupéfiants en tant que tels, se répand largement au-delà.
12:54C'est-à-dire qu'il n'y a pas une grande ville, moyenne ville, petite ville, toute
13:01petite ville, qui ne soit pas touchée par le problème.
13:03Et ce problème, il est lié à ces formes d'organisation-là, c'est-à-dire des bandes
13:08criminelles qui ont l'organisation que je vous ai très schématiquement décrite
13:12tout à l'heure, mais qui sont organisées, sinon elles n'existeraient pas, quoi, il
13:16faut être deux pour danser le tango, comme on dit, donc là, c'est la même chose.
13:19Et donc, de ce point de vue-là, vous avez parfaitement raison, c'est-à-dire qu'on
13:23a vu une forme d'immigration profiter d'un certain nombre de choses, mais en particulier
13:30des stupéfiants, pour commencer à gagner de l'argent et à s'organiser, puis à
13:37essaimer un peu dans d'autres cités qui apparaissent dans des villes moyennes et
13:42dans des villes beaucoup plus petites.
13:44Donc, on est dans un schéma d'organisation de bandes criminelles dans beaucoup de villes
13:49de France et avec des ramifications dans les campagnes, des ramifications commerciales.
13:55On parlera peut-être du commerce tout à l'heure, parce que le commerce là-dedans,
13:59les réseaux commerciaux, c'est ce qu'il y a de plus important, eh bien, c'est pas
14:04seulement embryonnaire.
14:05On a quand même des chiffres qui sont annoncés en matière de trafic, des chiffres d'affaires
14:11et des quantités saisies qui sont révélatrices du trafic et qui sont monstrueusement importantes.
14:17– Pour corroborer ce que vous venez de dire, comme je vous l'ai dit précédemment,
14:24moi je suis un ancien de la voyage des stupéfiants.
14:26Et vu mes temps grises, ça remonte à quelques années, et même j'ai connu des anciens
14:35qui me disaient, par exemple, dans les années 60 à Paris, le fichier des toxicomanes tenait
14:41dans un carton à chaussures.
14:42Donc pour vous dire à quel point aujourd'hui, il n'y a pas un chef-pieu de canton en France
14:46qui n'est pas touché par ce phénomène de la drogue.
14:50– Absolument.
14:51– Au niveau de l'évolution également de la violence du trafic, moi je me souviens
14:56très bien dans les années 90, 80-90, il y avait des règlements de compte entre truands,
15:03entre trafiquants de stupéfiants.
15:04Mais c'était lié à des dettes.
15:06Très souvent, vous savez, ils se regroupaient pour faire des achats groupés.
15:11Donc il y avait des participations de chacun, et si par malheur quelqu'un n'avait pas
15:16remboursé la dette qu'il devait, il y avait des règlements de compte.
15:19Alors qu'aujourd'hui, on voit que les règlements de compte se font autour de la
15:23possession de territoire.
15:25– C'est sûr.
15:26– C'est une espèce de lutte de territoire.
15:27Également, pour dire…
15:29– Territoire égale part de marché.
15:31– Territoire égale part de marché, tout à fait.
15:33Et on voit même que ça a tendance à prendre une dimension un peu de pieuvre, puisque moi
15:40je suis toujours en contact avec d'anciens collègues, ils me disent que par exemple
15:44la ville de Rennes ou de Nantes, il y a des Marseillais qui viennent faire des chouffes
15:50pour les trafiquants locaux, etc.
15:52Vous voyez, on se fait des échanges de main d'œuvre, en quelque sorte, par le biais
15:58par du dark internet, et en fin de compte, on voit bien que ça s'étend sur tout le territoire.
16:06Des fois, en partant d'un lieu précis, comme Marseille par exemple, on s'aperçoit
16:11que ça SM de partout.
16:12Donc on voit bien que ça prend une dimension tentaculaire.
16:17Il y a ce lieu qui fait de commerce, comme vous le disiez, là où je voudrais avoir
16:27votre avis, c'est que, on l'a dit tout à l'heure, quelle est la part de responsabilité
16:32de l'immigration incontrôlée et de la composition de ces lieux de vie, très souvent dans les
16:40cités HLM, et le lien avec le trafic de stupéfiants qui s'est fait autour de tout ça ?
16:45C'est quelque chose qui a été, comment dirais-je, sensible au long de l'histoire, si on peut dire.
16:55On a vu que le milieu parisien, à l'époque où les fiches des consommateurs tenaient
17:02dans une boîte à chaussures, eux aussi tenaient presque dans une boîte à chaussures, peut-être
17:08un peu plus, et malgré tout, c'était des populations locales, parfois venant un peu
17:16plus du sud de la France, mais que tout ça était quelque chose d'un entre-soi en quelque
17:22sorte.
17:24Et puis cet entre-soi a été détrôné, probablement à cause de l'immigration, mais peut-être
17:30aussi à cause de l'appât et de l'intérêt porté par les consommateurs à la drogue,
17:38à toutes les drogues, peu importe, on ne va pas faire le détail, au même moment.
17:42Donc, plus de drogue, une immigration qui commençait à arriver, l'immigration était,
17:50on va faire du politiquement incorrect en disant plutôt d'abord des jeunes mâles
17:57qui ont faim, qui sont avides de gagner de l'argent et de travailler.
18:00Donc ils ont progressivement détrôné le milieu traditionnel, et puis ils ont été
18:07eux-mêmes détrônés par l'immigration qu'on connaît aujourd'hui, c'est-à-dire
18:12qui vient d'Afrique du Nord et d'Afrique sud-saharienne, et tout ça s'est produit
18:17avec une certaine, comment dirais-je, montée en puissance de la drogue par le nombre des
18:26consommateurs.
18:27C'est les consommateurs qui alimentent tout dans le commerce et dans tout, et donc les
18:31consommateurs, il y a eu une demande de plus en plus forte, cette demande a été satisfaite
18:38par une population immigrée qui elle-même voyait de la drogue arriver, en particulier
18:44pour la cocaïne d'Amérique du Sud ou du Maroc en matière de hachiches et d'autres,
18:50peu importe.
18:51Mais en tout cas, on a vu une production de drogue se faire parce qu'il y avait une
18:55demande de plus en plus grande, tout vient de la demande en fait.
18:58– Vous pensez que…
18:59– Donc l'immigration a chassé notre milieu, et aujourd'hui, l'immigration d'aujourd'hui
19:05qui s'est répandue sur notre territoire à travers des cités où ils se sont logés,
19:12et progressivement, ils ont pris possession des territoires de ces cités qui leur servent
19:18de refuge entre guillemets, parce qu'ils en ont besoin, parce que les activités illégales
19:25doivent toujours être dissimulées d'une manière ou d'une autre.
19:28– C'est très intéressant, on peut donc estimer que c'est la demande qui a fait
19:37proliférer l'offre.
19:38– C'est toujours comme ça que ça marche dans le commerce.
19:40– Alors, il y a quelqu'un qui commence à agiter un petit truc, et puis ça devient
19:46entre guillemets à la mode, et tout le monde en a envie, c'est ça la demande.
19:49Mais il y a bien sûr qu'il y a au départ une offre, mais une offre, elle ne peut pas
19:56être colossale dès le départ, il faut bien arriver à intéresser les gens.
20:00– J'aimerais avoir votre vision personnelle sur justement cette évolution de la toxicomanie,
20:09de cette dépendance, cette assuétude aux produits stupéfiants.
20:15Moi, dans ma carrière, quand j'étais à l'abriade des stupéfiants, j'ai eu un
20:19nombre incalculable de gens du showbiz, de gens du monde politique, etc., des gens du
20:26showbiz qu'on voit énormément à la télévision, qui, pour certains, étaient décorés du
20:32mérite national, d'autres de la Légion d'honneur, ont fait un prosélytisme invraisemblable
20:37de cette déviance toxicomane, ça a eu un impact absolument désastreux sur notre jeunesse
20:48en termes d'exemplarité, ça a été absolument… Alors, je ne voudrais pas citer ce procès
20:54récent d'un humoriste d'un saltimbanque, enfin, il était reçu sous les ordres de
21:01la République et tout le monde était au courant de son addiction à toutes sortes
21:04de produits stupéfiants.
21:05J'ai toujours été absolument effaré de ça, quand j'ai vu le mouvement MeToo se
21:13développer à une époque, j'ai trouvé ça quelque part pas mal, parce que ça allait
21:16quelque part réfréner les ardeurs masculines, par ruissellement, peut-être, peut-être
21:21que là, il serait temps que le monde des saltimbanques crée un nouveau mouvement Zem
21:26tout, eux aussi, pour dénoncer tout ça, parce que j'estime que ça, je l'ai vu
21:32moi, le glissement tout doucement, ce ruissellement jusque dans les couches les plus basses de
21:38la société de ce vice toxicomaniaque.
21:41Donc, il est intéressant que vous nous apportiez votre éclairage en nous disant à quel point
21:48la lutte contre les consommateurs est importante, alors qu'on ne semble pas en prendre la
21:53direction.
21:54On a vu par exemple que le délit avait été supprimé, aujourd'hui c'est une simple
21:58contravention, quand vous êtes pris avec une boulette de shit, il n'y a pas de sanction,
22:03encore la loi du 31 décembre 1970 impliquait une sanction, au moins une obligation de soins,
22:08tout ça disparaît.
22:09Mieux, certains partis politiques prônent la dépénalisation purement et simplement
22:15du cannabis, envoyant, en fin de compte, toute une génération à des paradis artificiels
22:21invraisemblables.
22:22Est-ce que vous pensez que dans l'arsenal juridique qu'il faudrait mettre en place,
22:26est-ce que la réhabilitation de la sanction du comportement toxicomane est importante ?
22:32Alors, il y a plusieurs questions dans votre propos, incontestablement.
22:37D'abord, si c'est le monde du spectacle, enfin appelons ça comme ça, du show-biz,
22:43et du monde politique qui a consommé des stupéfiants, c'est parce que les stupéfiants
22:50sont un produit cher, et donc au départ ce sont des gens qui avaient les moyens, qui
22:56ont commencé à se droguer, ça a toujours été comme ça, et le peuple, appelons ça
23:01comme ça aussi, pour simplifier, n'était pas préoccupé par ce genre de choses, c'était
23:07pas intéressant, et c'était de toute façon inaccessible.
23:10Et ce côté, comment dire, flashy qui consistait à expliquer à tout le monde qu'on se droguait
23:19parce que c'était socialisant, que c'était la manière de voir la vie autrement, etc.
23:26Et avec les plus grands exemples des groupes anglais des années 60 qui en faisaient même des chansons.
23:32Lucien Zuckerbee, The Diamonds, LSD, The Beatles.
23:36Bien évidemment, et donc à partir de là, on a attiré de plus en plus de consommateurs,
23:44des gens qui se sont dit, pourquoi pas nous ? Et ce pourquoi pas nous a créé une demande,
23:51les producteurs ont très bien compris que cette demande, il fallait la combler parce
23:56que ça n'arrêtait pas, on n'arrêtait pas de leur poser des questions et d'essayer
24:01d'acheter ce qu'ils produisaient, et les gens n'arrêtaient pas d'en demander.
24:07Donc progressivement, eh bien, on a créé cette chaîne.
24:10Alors cette chaîne, elle va être très simple, c'est un commerce,
24:15c'est un commerce illicite de produits illégaux, très bien.
24:20Mais dans un commerce, il y a un producteur, une chaîne de production et des consommateurs.
24:25Et tout ça est un engrenage.
24:27Et donc à partir de ce moment-là, il est évident que les consommateurs sont le nœud du problème.
24:33On tâchera de désosser un peu après, je rentrerai plus dans le détail,
24:38mais je vais commencer par les consommateurs, c'est eux le fond du problème.
24:42Ceux qui donnent l'exemple sont pires que les autres,
24:44mais tout le monde donne l'exemple à tout le monde.
24:47Quand on a fumé la première cigarette, c'est parce qu'il y a des copains qui ont dit
24:51« tu vas voir, c'est bon, etc., etc. », et ça a toujours fonctionné comme ça.
24:57Eh bien la drogue, c'est à peu près la même chose.
24:59Tu vas voir, c'est pas dangereux, c'est pas grave, tu vas te sentir mieux,
25:04peu importe, peu importe les arguments, et c'est toujours comme ça.
25:07Et donc le problème de la consommation de drogue n'est pas un problème de santé,
25:13c'est un problème de droit pénal.
25:16Ça doit être interdit parce que c'est quelque chose d'ignoblement dangereux
25:22pour la santé publique globale, et c'est dramatique.
25:26Il faut considérer qu'il faut repénaliser l'usage des stupéfiants de toute nature.
25:32Il n'y a pas de drogue douce et de drogue pas douce.
25:35Bien sûr que si on commence par du fontanile, de toute façon,
25:39on n'ira pas plus loin et ça sera fini très vite.
25:42C'est pas l'intérêt des marchands, c'est surtout pas l'intérêt des marchands.
25:47Donc on sait que les gens qui rentrent dans l'addiction
25:50vont toujours aller de plus en plus loin,
25:52et que parfois les bons revendeurs font ça avec douceur pour ne pas perdre leur client.
25:58Donc le problème, on va revenir à ça, c'est le client.
26:01C'est le client, et lui, il faut l'empêcher de sévir pour deux raisons premières.
26:07Sa santé, ok, très bien.
26:10Mais surtout parce que pour devenir consommateur de drogue,
26:13on devient un prédateur, on devient un criminel, on devient un voleur.
26:19Pour avoir l'argent de drogue qui est un produit cher,
26:23on doit se le procurer autrement que par son salaire, c'est une évidence.
26:27Et pour ça, il faut voler, il faut cambrioler,
26:30il faut faire toutes les formes de criminalité
26:36qui va procurer de l'argent vite, vite, immédiat,
26:39parce qu'on doit de l'argent à son dealer et qu'il faut le payer,
26:43et que si on ne le paye pas, on n'a plus de drogue,
26:46et si on n'a plus de drogue, on va très mal et on est très malheureux.
26:49Et donc on va chercher l'argent partout, absolument partout.
26:53Donc le vrai cercle vicieux de la drogue, c'est le consommateur.
26:58Si on remonte la chaîne, la chaîne, elle est simple,
27:02elle est entre le producteur et le consommateur,
27:06c'est nos bandes de cités qui font le réseau commercial, en quelque sorte.
27:10Ce sont elles qui sont, pas les supermarchés,
27:14mais les supérettes de la drogue.
27:16Ce sont elles qui vont rentrer en contact,
27:18et c'est là que les consommateurs vont aller chercher leur drogue.
27:21Pour que ces bandes de cités deviennent de moins en moins nocives,
27:25moins il y aura de consommateurs, moins elles auront d'argent,
27:28moins elles seront nocives.
27:30Ce qui se passe, c'est qu'il y a beaucoup d'argent pour l'instant,
27:32parce qu'on ne chasse pas le consommateur.
27:34C'est quelque chose qui est trop évident,
27:36ça saute aux yeux à un point tel qu'on ne veut pas le regarder.
27:39La réalité qui saute aux yeux, l'aveuglement,
27:42c'est-à-dire quand on ne veut pas voir,
27:44c'est les deux choses qui empêchent qu'on avance.
27:46Et donc dans ces conditions-là,
27:49si la phase seconde des bandes de banlieues,
27:54c'est d'abord de vendre des stupéfiants, ensuite de s'enrichir,
27:57la première phase, c'est de gagner de l'argent pour acheter le semi-gros,
28:02la deuxième phase, c'est de le vendre pour gagner de l'argent,
28:04et la troisième phase, dans laquelle on est en ce moment,
28:08c'est la phase de corruption.
28:09Elles ont beaucoup d'argent, ces bandes.
28:12Elles ont énormément d'argent,
28:14grâce aux consommateurs qui sont les prédateurs de leur environnement,
28:20de leur petite ville, de leur grande ville, de leur cité, peu importe.
28:23Et donc avec cet argent, elles commencent à corrompre.
28:25Ça, c'est le deuxième stade.
28:27Ce stade de la corruption, c'est celui auquel on arrive aujourd'hui.
28:30On a eu des exemples avec des affaires qui ont plus ou moins mal bien tourné,
28:36selon le point de vue duquel on se place.
28:38Et donc dans ces conditions-là, si on veut arrêter cette violence,
28:42si on veut arrêter ces bandes dans leur action,
28:46eh bien il faut arrêter la vente de stupéfiants.
28:49Pour arrêter la vente de stupéfiants,
28:51il faut qu'il y ait de moins en moins de consommateurs.
28:53Il faut tarir l'arrivée d'argent, voilà.
28:57– C'est un discours qu'on n'a pas l'habitude d'entendre,
28:59puisqu'on a tendance plutôt à aller vers une tolérance
29:03à l'égard des consommateurs.
29:04Je reprends l'exemple de Pierre Palmane.
29:08Lorsqu'il a eu son accident, il a été immédiatement placé en garde à vue.
29:14Il a été vu par un médecin.
29:15Le médecin a dit que son état était compatible avec la garde à vue.
29:19À l'issue, il a été emmené dans un centre d'addictologie.
29:24Et là, les policiers ont voulu le réentendre.
29:26Et là, les médecins ont dit, ah non, son état ne le permet pas.
29:30C'est-à-dire qu'à partir du moment où vous étiez dans un centre d'addictologie,
29:33vous étiez considéré comme un malade, dépendant, etc.
29:36Donc, le pénal n'avait pas entré là-dedans.
29:39Et on voit bien ce discours très malfaisant
29:42qui fait qu'on est dans l'excuse permanente.
29:45– Bien sûr.
29:46– Et on va même au-delà, on dit, il y a un aspect récréatif.
29:50Alors, après tout, pourquoi ?
29:51Puisqu'aujourd'hui, le récréatif est plus important que l'essentiel.
29:54Et donc, pourquoi est-ce qu'on ne le tolèrerait pas ?
29:57Alors, je suis tout à fait très agréablement surpris
30:02d'entendre que pour une fois,
30:03on tienne un discours répressif à l'égard des consommateurs
30:06puisque c'est vraiment l'ère de la guerre.
30:10– C'est l'ère de la guerre ?
30:11– Tout vient de là.
30:12Tous les gens qui ont leurs vitres brisées dans leur voiture,
30:16tous les petits commerces qui sont cambriolés,
30:19les bureaux de tabac qui sont pillés,
30:22c'est 9 fois sur 10 des consommateurs.
30:24Ils ont besoin de l'argent, simplement.
30:26Les pharmacies, enfin, peu importe.
30:28C'est les consommateurs.
30:29– J'ai vu des toxicomanes aller agresser leur grand-mère.
30:32– Oui, bien sûr.
30:34– Voler le poste de télévision de leurs grands-parents
30:36pour s'acheter une caméra.
30:38J'ai vu, c'est absolument terrible, je comprends très bien.
30:44Mais donc, je voulais mettre l'accent sur cette responsabilité quand même
30:49parce que le ruissellement de ces conduites récréatives
30:54qu'on a pendant très longtemps tolérées, acceptées, etc.,
30:57ça a fait un dégât terrible quand même.
30:59Moi, je l'ai vu au sein,
31:01je l'ai vu quand j'ai été pendant 5 ans à la Voie des Stupéfiants,
31:03ça m'exaspérait, quoi, ça m'exaspérait.
31:06Un autre point sur lequel j'aimerais avoir votre opinion,
31:12c'est sur le code de pressure pénale.
31:13Je ne sais pas si vraiment vous maîtrisez bien,
31:16mais moi, en l'espace de 40 ans de carrière,
31:19j'ai vu l'évolution du code de pressure pénale
31:22qui tendait, au cours de ces 40 dernières années,
31:28à non plus considérer l'auteur d'un fait comme un délinquant,
31:34mais plutôt comme le symptôme d'un mal-être, vous voyez ?
31:37Et on en était arrivé un petit peu à une...
31:41Je crois que c'est Marc Ancel, un procureur dans la nouvelle...
31:47la Défense sociale nouvelle qui est sublimée par Robert Badinter,
31:53par la Suisse, etc.,
31:54dont, je crois, le corps va bientôt entrer au Panthéon.
31:58On en était arrivé, en fin de compte,
31:59à une excuse systématique de la délinquance,
32:02c'est, en l'occurrence, dans le domaine du trafic des stupéfiants.
32:06Quand moi, j'étais à l'abri des stupéfiants,
32:08on faisait énormément de coups d'achat.
32:10Vous voyez, par exemple, des policiers qu'on appelait des zombies,
32:13un allait déguiser, etc., faire un coup d'achat,
32:16et puis, ils achetaient, et on interpellait le vendeur, etc.
32:21On faisait une procédure, ils partaient autour.
32:23La procédure, aujourd'hui, nous l'interdit.
32:25C'est-à-dire qu'on considère que c'est de la provocation,
32:27qu'on raconte le policier en faisant ça,
32:30incite le vendeur à vendre,
32:31et, quelque part, on ne peut plus lutter contre ça.
32:35Dernièrement, une très grosse affaire a été cassée,
32:40des trafiquants ont été relâchés,
32:41parce qu'on a estimé qu'on avait mis une balise sous une voiture,
32:45mais que la procédure n'avait pas été tout à fait respectée, etc.,
32:49ou, tout du moins, que ça n'avait pas été bien motivé
32:51au point du procureur de la République.
32:53Alors, je sais bien que Montesquieu disait
32:55que la procédure est la colonne vertébrale de la démocratie,
32:59mais, enfin, j'estime qu'aujourd'hui,
33:00la procédure a une sacrée scoliose, quand même.
33:03Et, pour être toujours en contact avec mes collègues policiers,
33:08ils me disent que, justement, pour rentrer dans ces cités,
33:11la difficulté procédurale est telle
33:13qu'on n'arrivera jamais à l'endiguer,
33:15que c'est impossible.
33:16On va nous demander d'élaborer des procédures
33:18dans des conditions impossibles à réaliser.
33:21Donc, ce sentiment d'impunité qu'ont les Français,
33:24en disant que fait la police, quelque part,
33:26commencent à dire qu'on n'arrive pas à rentrer dans ces cités,
33:30à arrêter des trafiquants,
33:33il faut qu'ils soient bien conscients
33:34des difficultés qu'aujourd'hui, on rencontre.
33:37La procédure a pris une telle ampleur,
33:40la défense et le droit de la défense sont tels
33:42qu'aujourd'hui, c'est extrêmement difficile.
33:44Donc, je voulais, moi, personnellement,
33:47insister un petit peu là-dessus,
33:49et, toujours pareil, revenir sur la responsabilité politique.
33:53Parce que j'entends souvent dire que la justice est laxiste.
33:57Non, la justice, elle applique des lois.
33:59Elle ne fait que la bouche de la loi,
34:01toujours pareil, pour rappeler Montesquieu.
34:03Et, en fin de compte, elle ne fait qu'appliquer
34:07des textes qui ont été votés par le législateur,
34:10et qui a voulu que cette procédure devienne compliquée,
34:13qui a voulu, pour toutes sortes de raisons,
34:15faire en sorte que ça soit de plus en plus difficile.
34:18Alors, moi, j'ai ma petite idée là-dessus,
34:21puisqu'on sait qu'aujourd'hui,
34:22les politiques sont pas mal poursuivies.
34:24Donc, je pense qu'ils ont arrangé la procédure à leur sauce,
34:27de façon à être le moins ennuyé possible.
34:30Mais, c'est pareil, par effet boomerang,
34:32ça a bénéficié à tout le monde de la peine,
34:35qui, aujourd'hui, en profite largement.
34:38Écoutez, moi, j'ai beaucoup apprécié,
34:42surtout, votre intervention sur la nécessité
34:48de repénaliser la consommation de son espèce de viande.
34:52– La consommation, et lourdement, je veux dire, lourdement.
34:55Je pense que si, je sais que ce n'est pas la doctrine française.
34:59– Ce n'est pas la doxa, actuellement.
35:00– Non, non, mais sur le fait précis que,
35:04si on faisait passer à un consommateur de drogue
35:068 jours en prison, en dehors de tout suivi médical,
35:11en dehors du risque majeur,
35:14je pense que ça ferait réfléchir beaucoup, beaucoup de gens
35:18qui, tout en étant consommateurs, ne font pas partie du monde criminel.
35:23Par nature, j'entends.
35:24Même s'ils sont criminels parce qu'ils veulent l'argent
35:27pour s'acheter la drogue,
35:28mais ceux qui ne le veulent pas,
35:30et qui passeraient 8 jours en prison
35:31parce qu'ils ont été pris à consommer une drogue interdite,
35:34comme toutes les drogues devraient l'être,
35:36eh bien, ça fait réfléchir,
35:37et on dissuaderait certainement beaucoup de gens.
35:41Mais pour revenir un petit peu sur la philosophie de l'excuse
35:44que vous évoquiez,
35:46ça a été, contrairement à Montesquieu,
35:51la colonne vertébrale de la politique pénale depuis 1981.
35:55– C'est ça.
35:56– C'est parfaitement clair.
35:58– Taubira, Belloubet, que ça soit à la droite ou à la gauche d'ailleurs.
36:00– Que ça soit à la droite ou à la gauche,
36:02c'est quelque chose qui nous a imprégnés,
36:04et d'une façon parfaitement toxique.
36:08On n'a pas à considérer
36:11qu'une activité criminelle quelconque soit tolérée,
36:16sauf à dépénaliser.
36:18À ce moment-là, on est en cohérence,
36:21on dépénalise complètement la drogue,
36:23et on fait ce qu'on veut, donc on la vend, etc.
36:26Mais il y a beaucoup d'endroits où on a dépénalisé la drogue,
36:28simplement parce qu'on s'est dit
36:30qu'on allait faire comme la SAITA, si vous voulez,
36:34et payer beaucoup de taxes à l'État,
36:36et que ça irait très très bien comme ça.
36:39Donc, pourquoi pas ?
36:40Mais enfin, en ce qui me concerne, ce n'est pas mon cas du tout,
36:43moi je ne dépénalise pas, je repénalise,
36:45au contraire le consommateur,
36:46et évidemment la lutte contre le trafic de stupes,
36:49ça, ça va de soi.
36:50C'est pour moi une évidence,
36:52et c'est le seul moyen d'arriver à calmer la société.
36:58La criminalisation de la société aujourd'hui,
37:01elle est diverse évidemment,
37:03mais les stupéfiants sont le cœur du problème.
37:06– C'est le mieux, oui, oui, moi je l'ai vu,
37:08vous savez, je suis rentré dans la police par romantisme,
37:12moi, au milieu des années 70,
37:16dans une démarche un peu maigrettiste,
37:18je parle du commissaire Maigret,
37:21et donc… – Je ne pensais pas à autre chose.
37:24– J'ai vu cette évolution,
37:26il y avait ce qu'on appelait des beaux mecs,
37:28des braqueurs, des casseurs de bourgeois, etc.
37:32Et aujourd'hui, on voit bien que tout se réfère
37:35au trafic de stupéfiants, c'est le nœud gorgien.
37:38Et voir cet aspect du consommateur,
37:44que depuis une bonne vingtaine d'années,
37:46une trentaine d'années, on a tendance à occulter,
37:48avec ces discours sur la dépénalisation
37:51qui ont été récurrents depuis trente ans,
37:53et souvent, moi, je m'excuse de revenir là-dessus,
37:57mais je trouve que les saletins banques
37:59ont une part de responsabilité absurde,
38:01ont une part de responsabilité absolument énorme.
38:03– Ce n'est pas seulement politique.
38:04– Ce n'est pas seulement politique,
38:05mais vous savez, il y a une collusion
38:08entre le monde du politique et le monde du spectacle,
38:10il suffit de voir nos présidents précédents,
38:13on voit bien que le monde du spectacle
38:16et le monde politique, il y a souvent une certaine collusion.
38:19Et j'en veux énormément, moi, à ce monde-là,
38:22parce que j'ai vu que par ruissellement,
38:24ça a fait énormément de dégâts, on le voit bien.
38:28– Mais cela dit, sur la procédure pénale,
38:31la France s'est mise dans un chemin pré-tracé
38:40qui vient très essentiellement
38:45de tout ce qui est de la communauté européenne,
38:47de l'Union Européenne.
38:47– C'est ça, oui, tout à fait.
38:49– Et donc, on est soi-disant,
38:50on s'oblige à suivre des choses qui ne sont pas saines.
38:54– Tout à fait.
38:54– On n'arrête pas, on veut être bon élève,
38:56on veut être le meilleur élève,
38:58et pour ça, on suit des voies qui sont particulièrement nocives.
39:02C'est complètement ridicule.
39:04On devrait pouvoir considérer que la libre circulation
39:08des marchandises et des hommes ne doit pas obligatoirement conduire
39:13à des excès ridicules d'une espèce de centralisation bruxelloise
39:17qui nous fait aller dans le mur.
39:19– Qui plus est, si on va un peu plus loin,
39:22cette construction européenne, avec des pays divers et variés,
39:27s'est retrouvée comme sous la coupe d'une pensée anglo-saxonne
39:31qui n'a rien à voir avec la pensée latine.
39:34La pensée latine, les pays du sud de l'Europe,
39:37la France, l'Italie, l'Espagne, etc.,
39:39on a une relation à l'interdit qu'on ne retrouve pas
39:43dans les pays anglo-saxons d'essence lutherienne.
39:47Et donc, moi je l'ai vu, au Pays-Bas, etc.,
39:53il y avait une grande tolérance à l'égard de la consommation
39:55de produits stupéfiants, etc.
39:57Alors que nous, dans notre tradition millénaire chrétienne,
40:03l'autre est aussi important que soi-même.
40:05Et donc, l'interdit, oui, a un sens, l'interdit a un sens.
40:09Et en se remettant pieds et poings liés à Bruxelles,
40:13qui est sous une influence lutherienne très forte,
40:16d'acceptation d'un libéralisme, c'est chacun sa voie,
40:20chacun son chemin, pas d'intermédiaire, etc.,
40:26ça donne parfois des résultats assez désastreux.
40:28– Assez désastreux.
40:29– Tant qu'on ne retrouvera pas, ou on prend le pain sur ce monde,
40:33sur ce monde anglo-saxon, et on dit, nous on préfère un monde latin,
40:37avec nos références à l'interdit, ou alors il va falloir…
40:42– Oui, mais on est dans un véritable paradoxe,
40:44parce que la Cour de justice de l'Union européenne,
40:48des communautés européennes avant,
40:50s'est très, très rapidement tournée vers la common law,
40:55c'est-à-dire le droit anglais, et non pas seulement lutherien,
40:59vers le droit anglais, alors que l'Angleterre a quitté l'Union européenne.
41:03On aurait pu revenir vers un droit latino-germanique,
41:07qui n'est pas incompatible avec même le protestantisme,
41:11le lutherianisme que vous évoquiez, et non, pourtant,
41:15elle reste dans cette logique assez bizarre.
41:19– Pour en revenir à la procédure, regardez, nous, de tout temps,
41:23c'est une procédure inquisitoriale, c'est-à-dire que la justice
41:27faisait l'inquisition, on faisait la part des choses, etc.
41:31On a voulu glisser vers un système contradictoire,
41:35qui est catastrophique pour nous, on n'ose pas aller vers l'accusatoire
41:39à l'anglo-saxon pur, c'est-à-dire qu'on est uniquement accusatoire.
41:43Vous savez, quand je vois au cinéma, quand les policiers américains
41:47interpellent quelqu'un, vous avez le droit de garder le silence,
41:51mais si on s'aperçoit que vous avez menti, ça se retournera contre vous,
41:55attention, tout ce que vous direz sera retenu contre vous,
41:59y compris de mensonges, alors que nous, c'est l'inverse.
42:03C'est-à-dire qu'on a réussi à créer une espèce de procédure
42:07qui mélange un peu tout ça, l'inquisitorial, le contradictoire,
42:11l'accusatoire, pour en fin de compte, une procédure à la guignole,
42:15on ne s'en sort plus, c'est une véritable pétodière,
42:19parce qu'on renie ce qui était notre essentiel,
42:23c'est-à-dire que la compensation de la victime,
42:27pour nous, c'est extraordinairement important,
42:29mettre hors d'état de nuire des prédateurs, c'était extraordinairement important,
42:33et chez nous, l'expiation de la faute est importante,
42:37c'est bien pour ça qu'on appelle l'administration pénitentiaire,
42:41on fait pénitence.
42:43– Quand vous disiez hors d'état de nuire,
42:45c'est un des problèmes les plus importants qu'on connaisse,
42:47c'est-à-dire le fait que des criminels de plus en plus nombreux
42:53arrivent à continuer leur business depuis l'intérieur des prisons,
42:57de plus en plus nombreux,
42:59et maintenant, ça paraît quasiment normal,
43:01on rentre dedans, on est adulé parce qu'on est quand même
43:05un petit responsable ou un responsable d'une certaine importance,
43:09on a immédiatement ses téléphones portables et tout ce qui tourne autour,
43:13et à partir de là, on dirige le business,
43:15et on ne va pas destituer le chef parce qu'il est aux prisons,
43:19au contraire, on va presque l'aduler, même probablement l'aduler,
43:23ça devient le monde à l'envers.
43:25– Tout à fait, en prison, on est peu sur la voie de la rédemption,
43:29c'est certain.
43:31– Certainement pas, et tout est là pour le montrer.
43:33– Oui, tout à fait, comme quoi, on est peut-être à un tournant,
43:37je crois que c'est Joseph Demestre qui disait qu'il y avait des époques,
43:41et qu'on vivait des fois des époques un peu sur déclin,
43:45qu'on voyait briller encore comme une étoile éteinte,
43:49mais dont on voit encore les derniers feux,
43:51peut-être faut-il espérer qu'il y aura une nouvelle époque,
43:53un peu plus lucide.
43:55Écoutez, M. O, je vous remercie infiniment d'avoir bien voulu participer à notre émission.
44:01– Je vous remercie beaucoup de m'avoir invité.
44:03– J'espère que vous reviendrez, ça sera un véritable plaisir.
44:05– Ça sera avec le plus grand plaisir.
44:07– Je vous remercie infiniment.
44:09À bientôt.
44:11Je crois que notre prochaine émission, nous recevrons un ancien braqueur
44:15qui a fait une bonne quinzaine d'années de prison
44:19et qui a écrit un livre pour raconter son parcours.
44:21Donc, pourquoi pas ?
44:23Voilà, merci à tous.
44:25– Sous-titrage ST' 501