Pour tout dire, notre conversation avait mal commencé. De Bernard Carayon, je voulais des aveux : comment ce gaulliste de bonne souche a-t-il pu soutenir tant de gouvernements si toxiques qu’ils ont laissé la France rouler sur les pentes les plus destructrices ? Et puis la conversation avec ce patriote exigeant et cultivé, qui fut longtemps député RPR puis UMP du Tarn, et qui est depuis 30 ans, durée étonnante, maire de Lavaur (commune du Lauraguais, à l'Est de Toulouse, qu’il a rendu prospère et dont, fait rare, le nombre d’habitants ne cesse de croître…), a peu à peu répondu à ma curiosité, par petites touches. Très conscient des défis que l’époque lance à l’indépendance et à la puissance française, auteur du rapport qui, en 2002, insuffla enfin à notre Etat une action d’envergure dans le renseignement économique (l’œuvre est poursuivie par l’un de ses fils, François-Xavier), Bernard Carayon permet de comprendre la profondeur des ravages de l’esprit de gauche, les destructions des écologistes et ceux qui, dans son camp, ont perdu toutes les boussoles y compris celle qu’il tient, lui, pour cardinale : l’Intérêt national. Conversation qui nous vaut de belles révélations, quelques repentirs, de moins en moins rares dans sa famille mais de plus en plus touchants, et des analyses puisées aux ressources d’une très vaste culture classique. D’où il ressort que la France garde quelques forces - pour commencer de jeunes élites entièrement nouvelles, dont sa fille Inès, conseillère de Paris, son gendre Louis de Raguenel, et son cadet Guilhem, président des jeunes LR avant de rejoindre Eric Ciotti, sont des exemples d’une génération qui pourrait reconstruire le pays tombé à terre. Et si, comme l’a un jour dit le Père Bruckberger, il suffisait de quelques milliers de femmes et d’hommes à l’âme bien trempée pour tout sauver ? Un très beau portrait, pour finir...
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00:00:00Musique d'ambiance
00:00:25Bernard Carayon, merci de nous rejoindre pour TVL.
00:00:29On ne vous connaît peut-être pas assez sur TV Liberté.
00:00:32Pourtant une grande chaîne de réinformation, cher Bernard Carayon.
00:00:35Bonjour, mais peut-être parce que vous ne m'invitez pas assez souvent.
00:00:38Eh bien voilà, on va se rattraper, Bernard Carayon.
00:00:40C'est vrai que vous avez une pente à remonter parce que vous êtes un homme politique.
00:00:44Et aujourd'hui, ça n'a pas la cote.
00:00:46Si, les maires.
00:00:48Et voilà. Et vous êtes un homme politique.
00:00:50Les maires ont la cote.
00:00:51Ce sont même les seuls qui ont la cote auprès de l'opinion publique.
00:00:54Vous êtes un maire politique un peu à l'ancienne.
00:00:57Vous avez été longtemps député.
00:01:00Non, non, à l'ancienne, pas du tout.
00:01:01Ah, vous avez été longtemps député.
00:01:03Vous êtes maire depuis 50 ans, déjà mort.
00:01:06Je ne suis pas du tout un maire à l'ancienne.
00:01:09Non, un homme politique à l'ancienne.
00:01:11Vous êtes pour le cumul des mandats, par exemple.
00:01:13Oui, je suis pour le cumul des mandats, absolument.
00:01:15C'est-à-dire enraciné et en même temps, vous avez joué un rôle important dans l'Assemblée nationale comme député.
00:01:22Je m'embrasse de dire, RPR d'abord, puis UMP, pour votre malheur,
00:01:27nous y reviendrons d'ailleurs,
00:01:29marquant votre mandat par un combat, celui du patriotisme économique
00:01:35et de l'intelligence, comme on dit en franglais,
00:01:39de l'intelligence économique dont vous êtes, il faut dire, le père.
00:01:43En réalité, l'intelligence économique est arrivée très tard en France.
00:01:46Elle est arrivée grâce à un rapport parlementaire, le vôtre, 2002-2003.
00:01:502002.
00:01:512002, qui a un peu lancé l'affaire,
00:01:55qui a abouti justement à la création d'un service interministériel sur l'intelligence économique.
00:02:01Et vous avez été à l'amorce de tout ça, ce qui est très amusant.
00:02:04D'ailleurs, on va voir que c'est un des aspects aussi très classiques de votre personnage.
00:02:09La famille compte beaucoup, et vous avez deux enfants,
00:02:13enfin, vous avez plusieurs enfants d'ailleurs.
00:02:15Quatre.
00:02:16Voilà. J'allais parler des deux garçons, excusez-moi, c'est mon machisme avétéré.
00:02:20J'ai trois fils. Et une fille.
00:02:23Et vous avez une fille qui s'appelle Inès,
00:02:25qui est mariée d'ailleurs à un grand journaliste français, responsable de repas,
00:02:32Ragnel, excusez-moi. J'ai oublié son prénom, pardon.
00:02:37Louis.
00:02:38Louis Ragnel.
00:02:39Et puis alors...
00:02:40Qui est conseillère de Paris.
00:02:42Elle n'existe pas uniquement par son mariage.
00:02:44Et elle est conseillère de Paris.
00:02:46Inès est conseillère de Paris, sur une des listes de Rachida Dati, dans le 15e arrondissement.
00:02:50Bon, voilà.
00:02:51L'aîné est juriste également, selon une vieille tradition familiale.
00:02:54Oui.
00:02:55Il est d'ailleurs vice-président de l'association des juristes d'entreprise en France.
00:02:59C'est un excellent juriste.
00:03:00Et j'ai un autre fils qui est consultant en stratégie,
00:03:04et qui vient effectivement de publier un excellent livre chez Fayard.
00:03:07Sur les états prédateurs.
00:03:08Sur les états prédateurs.
00:03:09Dont le nouveau conservateur a rendu compte.
00:03:11D'ailleurs je vais le pourchasser parce que je voudrais un entretien avec lui.
00:03:13Ce livre est très très très intéressant.
00:03:15Il fait comprendre l'énorme enjeu de ce qu'on peut appeler l'intelligence économique.
00:03:20Et vous êtes aussi le père de William Carayon, peut-être le plus connu des quatre,
00:03:27qui a réussi à la surprise générale, et même à la surprise de la direction des Républicains,
00:03:35à devenir président des jeunes Républicains il y a deux ou trois ans.
00:03:38Oui, il a été élu contre toute la direction.
00:03:40Oui, toute la direction.
00:03:41Tous les classiques voulaient un autre candidat qui était sans doute plus souple.
00:03:48Il a été élu avec les deux tiers des voix, je crois.
00:03:52Parce qu'il était sur une ligne un peu dure.
00:03:54Avec beaucoup de panache.
00:03:56Non, pas une liste de droite dure.
00:03:58Non, je récuse cette expression de droite dure.
00:04:01Je préfère celle de droite ferme.
00:04:04D'accord.
00:04:05Droite ferme, ce n'est pas la même chose.
00:04:07Un vrai gaulliste, William Carayon, comme vous.
00:04:10Nous sommes des gaullistes de droite.
00:04:12Si vous voulez, dans la holding gaulliste, nous serions dans la filiale honorée des Siendorf.
00:04:20Vous voyez ce que je veux dire ?
00:04:22Ah, très bien.
00:04:23Bref, alors on va parler aussi du gaullisme, mais avec vous, il faut parler de tout.
00:04:26Il faut parler du sud-ouest, il faut parler de l'avor, il faut parler de vos racines familiales.
00:04:32Vous avez une famille, vos parents cette fois, assez intéressants, très portés sur la politique aussi.
00:04:41Chez moi, avec mes parents, on parlait beaucoup de politique.
00:04:46Ils adoraient la politique.
00:04:48Mais je crois qu'ils détestaient les hommes politiques.
00:04:51Non.
00:04:52La bibliothèque de mon père était une bibliothèque de milliers de bouquins
00:04:57consacrés à Guizot, Thiers, Clemenceau, De Gaulle, Poincaré, Jaurès.
00:05:05Avec quelques...
00:05:08Jaurès dont nous allons reparler.
00:05:09Oui.
00:05:10Vous avez consacré un livre, parmi vos livres, à Jaurès.
00:05:12Oui, oui, oui.
00:05:13C'est un homme, un local.
00:05:14Oui, oui, oui, c'est...
00:05:17Jaurès est né à la fédiale, une maison plus modeste que de le laisser croire les militants de l'action française,
00:05:24qui n'étaient pas très honnêtes.
00:05:26Il y avait une maison modeste qui était à quelques kilomètres de la nôtre.
00:05:29Et donc, enfant, j'ai parcouru les mêmes chemins, les mêmes collines que Jaurès.
00:05:34Et c'est la raison pour laquelle je lui ai consacré un livre aussi honnête que possible.
00:05:38Alors, votre père, votre père, votre père.
00:05:41C'est un haut fonctionnaire qui, comme on disait autrefois,
00:05:45qui est monté à Paris pour faire ses études,
00:05:48études de doctorat de droit et de sciences po,
00:05:52l'école libre des sciences politiques, et puis qui a fait une carrière de haut fonctionnaire.
00:05:56Si vous voulez, dans notre famille, nous sommes juristes, par tradition.
00:05:59Ça remonte...
00:06:00Comme votre aîné, donc.
00:06:01Au XVIIe siècle.
00:06:02Comme votre fils aîné.
00:06:03Oui, on a tous fait du droit.
00:06:08Et, dans le fond, on s'est partagé un peu entre le droit et les armes.
00:06:14J'ai un arrière-grand-père, un prisonnier,
00:06:17qui a été chef des établissements civils et militaires à Madagascar,
00:06:21sous la restauration.
00:06:23Et il a fait partie de l'une des premières promotions de Saint-Cyr.
00:06:27Et, à la fin des guerres de l'Empire,
00:06:31considéré comme bonapartiste,
00:06:33il était, en quelque sorte, exilé administrativement à Madagascar.
00:06:37Donc, il est parti, 16 ou 17 ans, là-bas,
00:06:41refusant toute promotion pour rester sur place,
00:06:44refusant un peu, je crois, de commerce de baleine à la fin de sa vie malgache.
00:06:49Mais il a donné son nom, pendant longtemps, à une rue de Tadalarive.
00:06:54Et, je crois, aussi à une gare à Tabatave.
00:06:57Et, bon, naturellement, avec la décolonisation,
00:07:02son nom a été effacé,
00:07:04mais il reste encore dans une pièce de l'hôtel Colbert,
00:07:07qui est dans une des rues principales de Tadalarive, où je me suis rendu, d'ailleurs.
00:07:11– Il n'y a pas, dans votre parenté, proche ou lointaine, des militants monarchistes, non ?
00:07:17Je crois avoir compris qu'il y a une période un peu morassienne, non ?
00:07:21– Non, il y a eu deux autres députés,
00:07:23dont un qui était légitimiste et l'autre plus orléaniste.
00:07:26– Donc, deux monarchistes ?
00:07:28– Oui, ça c'est au XIXe siècle.
00:07:31Et puis, ma mère, ma mère était plutôt monarchiste,
00:07:35mon père était profondément républicain.
00:07:37Il a d'ailleurs été au cabinet du président du conseil, Camille Chotan, avant la guerre,
00:07:45où il a été l'un de ceux… – À la fin des années 30.
00:07:48– Oui, c'est ça, l'un de ceux qui ont rédigé le décret de dissolution des ligues,
00:07:55ces ligues qui avaient défilé à Paris.
00:07:58– Auxquelles appartenait votre mère, non ?
00:08:00– Ma mère était action française, pas longtemps, mais quand elle avait 20 ans ou 25 ans.
00:08:06Et les ligues avaient effectivement défilé le 6 février 1934, il y avait eu de nombreux morts.
00:08:14Et l'émotion politique qui avait suscité la rédaction de ces décrets
00:08:20sous l'inspiration de Camille Chotan.
00:08:22– Alors, il y a beaucoup de choses intéressantes chez vous,
00:08:24notamment une, c'est que vous êtes la figure de député, longtemps député gaulliste,
00:08:31très gaulliste et très à droite.
00:08:33Les deux pieds très enracinés dans la tradition de la droite française,
00:08:39de la droite nationale, non, je me trompe ?
00:08:41– Je ne suis pas très à droite.
00:08:43Là aussi, je suis un républicain modéré, mais pas modérément républicain.
00:08:50– Très bien. Je pensais à votre jeunesse militante aussi.
00:08:54– Ah, ma jeunesse nationaliste.
00:08:57Vous savez, à l'époque, l'extrême gauche, non seulement était violente,
00:09:02mais elle était du mauvais côté de l'histoire,
00:09:05elle est d'ailleurs toujours restée du mauvais côté de l'histoire.
00:09:08D'abord, elle occupait des facultés, et comme j'étais étudiant,
00:09:12et que j'étais contre la grève et pour le travail, ça ne me plaisait pas.
00:09:16Et elle était dans le camp du mal.
00:09:18– Qu'à l'université d'ailleurs.
00:09:20– J'étais à Assas, d'abord à Nanterre, puis à Assas.
00:09:23Et je me suis battu physiquement, effectivement, contre l'extrême gauche.
00:09:29Et ce qui nous distinguait, au-delà des idées, c'était la couleur du casque.
00:09:36La ligue communiste révolutionnaire avait des casques blancs,
00:09:40on avait des casques noirs mat.
00:09:42Les méthodes étaient les mêmes, et l'Europe franche d'ailleurs…
00:09:45– De quelle méthode vous vous battiez ?
00:09:47Je n'arrive pas à comprendre, je suis venu bien après ça.
00:09:50– Oui, mais ça c'est à 20 ans ou à 18 ans.
00:09:52– Mais avec quoi vous vous battiez ?
00:09:54– Avec des bâtons, avec plein de trucs.
00:09:58Mais vous savez, dans tous les coffres des militants du RPR qui collaient des affiches,
00:10:03en particulier pour la campagne de Chirac et de Paris, il y avait des bâtons.
00:10:06Et les militants du PS avaient les mêmes.
00:10:10Bon, l'extrême gauche était très violente.
00:10:13Mais vous voyez, ce procès qu'on fait aux militants de droite,
00:10:17on ne le fait pas aux militants d'extrême gauche.
00:10:20Pierre Moscovici, qui est actuellement, comme vous le savez,
00:10:23Premier Président de la Cour des Comptes,
00:10:25il était à la ligue communiste révolutionnaire.
00:10:28Et il l'était comme plusieurs des journalistes qui ont entouré Édouard Pleynel
00:10:34quand celui-ci a pris la direction du monde en 1994.
00:10:38En 1994, Pleynel vient avec une trentaine de journalistes
00:10:42qui sont tous issus de l'extrême gauche,
00:10:44et de cette extrême gauche qui a été violente.
00:10:46Monsieur Pleynel, lorsqu'il y a l'attentat de Munich
00:10:50contre des athlètes israéliens...
00:10:5368, non ?
00:10:54Non, 72, à Munich.
00:10:57Dans Rouge, le journal que dirige Krasny, alias Pleynel,
00:11:04il célèbre l'acte de terrorisme des militants palestiniens
00:11:12qui vont tuer lâchement une dizaine ou une quinzaine d'athlètes israéliens.
00:11:17Et on ne fait jamais ce type de...
00:11:19On ne fait jamais de reproches à ces gens-là.
00:11:21Moi, j'étais du bon côté du mur de Berlin.
00:11:28Vous voyez ce que je veux dire ?
00:11:29Parce qu'on n'a jamais vu des gens fuir l'ouest pour aller à l'est.
00:11:36Nos adversaires, ils étaient du côté du Vietnam du Nord,
00:11:41des Cambodgiens de Pol Pot, de Staline, de Mao ou de Lénine.
00:11:46Ils célébraient les vertus du communisme
00:11:49et ils ont traité en 1936 André Gide de fasciste
00:11:54parce que dans son retour du RSS,
00:11:58il commence à dire que finalement, l'URSS se caractérise
00:12:03à la fois par des corrompus, des bourreaux et des victimes.
00:12:08Il le dit à la fin, dans la deuxième version du retour du RSS.
00:12:12Donc, si vous voulez, on ne peut pas recevoir de leçons de morale
00:12:17ou même de leçons de politique et moins encore de leçons d'économie
00:12:21de la part de ces gens-là.
00:12:23Donc, moi, je n'ai ni remords ni regrets sur ma jeunesse
00:12:27qui a été une jeunesse sportive.
00:12:32– Studieuse aussi.
00:12:34– Studieuse, oui, bien sûr, bien sûr.
00:12:36Mais encore une fois, l'histoire nous a donné raison.
00:12:40Et si j'ai, comment dire, un regret,
00:12:46c'est de ne pas avoir trouvé l'occasion de rencontrer
00:12:49Alexandre Solzhenitsyn quand il est venu en France,
00:12:52notamment à l'invitation de Philippe de Villiers.
00:12:56Parce que, comme vous sans doute, j'ai admiré son discours de Harvard en 1978,
00:13:03si je ne m'abuse, sur le déclin du courage.
00:13:07Parce que déjà, dès la fin des années 70,
00:13:09Solzhenitsyn pointe la lâcheté des élites.
00:13:15Et peut-être, à la faveur de ce débat,
00:13:18pourra-t-on réfléchir sur les causes de ce déclin du courage,
00:13:22mais ça m'apparaît comme une lumière
00:13:26dans les ténèbres de la vie politique internationale
00:13:29depuis une quarantaine d'années.
00:13:32– Le discours de Harvard, Solzhenitsyn.
00:13:36Alors, vos études de droit vous conduisent assez vite à la politique, finalement,
00:13:43parce que vous êtes tombé et commencé à militer au RPR très jeune.
00:13:48– En fait, je suis rentré au RPR en 1981,
00:13:55au cabinet de Jacques Chirac à la mairie de Paris en 1984.
00:13:59– Vous étiez très jeune, vous aviez 24 ou 25 ans.
00:14:02– 27 ans, quelque chose comme ça.
00:14:04Et en 1986, lors de la première cohabitation,
00:14:08je rentre au cabinet de Robert Pandreau,
00:14:10qui était ministre de la Sécurité,
00:14:12auprès de Charles Pescois, au ministère de l'Intérieur.
00:14:14Et là, pendant deux ans,
00:14:16on a vécu une expérience de fonctionnement de l'État extraordinaire
00:14:21au service de la France et des intérêts nationaux,
00:14:24parce que, si je dois résumer mon engagement,
00:14:29c'est l'intérêt national.
00:14:31– Notion évaporée.
00:14:33– Mais leçon, enfin, notion occultée, notion massacrée, notion humiliée.
00:14:40– C'est la grande boussole, l'intérêt national.
00:14:42– Mais c'est la seule chose qui compte.
00:14:43– Les gens se croient à l'université,
00:14:46où on fait des thèses, on défend des thèses,
00:14:48ou alors fidèles d'une église, où on cherche le bien et le mal.
00:14:52En réalité, la politique, on ne cherche pas le bien et le mal,
00:14:54ni la vérité, on cherche l'intérêt de la nation.
00:14:56– On cherche l'intérêt national.
00:14:58– Boussole complétée.
00:14:59– Est-ce que vous avez d'ailleurs entendu parler d'un résistant
00:15:04qui, avant d'être fusillé par les Allemands,
00:15:08lors de la Seconde Guerre mondiale, aurait crié
00:15:10« Vive l'Europe ! » ou « Vive l'URSS de Staline ! » ?
00:15:15– Même pas, c'est toujours bien.
00:15:17– Le communiste le plus engagé criait « Vive la France ! »
00:15:21C'est tout.
00:15:23– Qu'est-ce que ça veut dire le nationalisme ?
00:15:25Vous étiez étudiant nationaliste,
00:15:27parce que ce mot n'est pas compris aussi, c'est pas du tout…
00:15:30On le confond avec un espèce d'impérialisme à l'allemande ou à l'américaine.
00:15:35– Je me considère plutôt aujourd'hui comme un patriote que comme un nationaliste,
00:15:39et je fais mienne cette citation de Romain Garry que j'aime beaucoup.
00:15:43« Le nationalisme, c'est la haine des autres,
00:15:45quand le patriotisme, c'est l'amour des siens. »
00:15:49– Oui, mais le nationalisme, c'est aussi, Bernard Carillon,
00:15:51la pensée d'un monde en ordre, c'est-à-dire composé de nations indépendantes.
00:15:55– Non mais ça, c'est votre côté morassien.
00:15:57– Oui, excusez-moi, je n'ai pas la guerre.
00:16:00– Vous venez pas vous excuser.
00:16:02Chacun a ses traditions spirituelles ou intellectuelles.
00:16:08– Moi, je respecte tout sentiment patriotique.
00:16:12Et sur le plan personnel, je considère que le respect de la France,
00:16:19de son histoire et le respect des Français doivent conditionner toute action publique.
00:16:25– Le service.
00:16:27– Mais ce respect des Français et ce respect de la France
00:16:31doivent être inspirés par le sens de l'intérêt national.
00:16:35Tout le reste, c'est-à-dire ce qu'on appelle le projet européen
00:16:39ou la citoyenneté du monde, me semblent être des fadaises
00:16:43contre lesquelles il faut malheureusement encore se battre aujourd'hui.
00:16:47Moi, ce que je reproche à ceux qui suivent mon camp,
00:16:54c'est de ne pas avoir demandé pardon aux Français pour les erreurs.
00:17:00Alors, vous allez trouver ça peut-être un peu cateau, un peu mièvre,
00:17:04mais je crois que dans la vie privée, quand on commet une erreur, on s'excuse, on s'en confesse.
00:17:15– Ou on paye les pourcasses.
00:17:17– Non mais, on s'excuse, on s'en confesse.
00:17:20Pardon, je suis désolé, j'ai fait une connerie.
00:17:24Et les hommes politiques disent toujours, non, never explain, never complain,
00:17:27il ne faut surtout pas s'excuser, surtout pas.
00:17:31On n'est coupable de rien, en fait.
00:17:33Si.
00:17:35– On juge l'arbre à ses fruits.
00:17:37– Alors, c'est un peu ingénuement, Bernard Carayon,
00:17:39que je vous demandais les étapes de la décrépitude de l'État.
00:17:43– Vous êtes guère ingénue.
00:17:46– Oui, mais j'ai une idée derrière la tête, je pense que tu as fait raison.
00:17:49Ce n'est pas l'Europe, ce n'est pas les années 90,
00:17:52quand petit à petit la souveraineté a été dessaisie,
00:17:55et qu'au fond, on n'était responsable de rien,
00:17:58parce qu'on avait une autorité au-dessus de nous, non seulement dictée,
00:18:02mais en plus, assumée, à laquelle on pouvait faire assumer les erreurs.
00:18:07La grande erreur, ce n'est pas l'Europe,
00:18:09ce que vous avez vu comme député de l'UPR, comme gaulliste, dégringolé,
00:18:13ce n'est pas l'Union Européenne qui en est la cause.
00:18:16– Mais Paul-Marie, je vais vous associer dans ce désastre,
00:18:18parce qu'il me semble que vous avez été dans les cabinets ministériels
00:18:21qui étaient de l'autre côté, à une certaine époque de votre vie.
00:18:24– Ou une seule fois, Jean-Pierre Chevêtement,
00:18:27il s'est envoyé là-bas.
00:18:28– Je ne vous demande pas de vous confesser, mais simplement de le reconnaître.
00:18:31Et je crois qu'en fait, si l'on veut être précis,
00:18:34c'est au moment du tournant de la rigueur…
00:18:36– 83 alors.
00:18:38– …que tout va commencer.
00:18:40Parce que 83, c'est l'illustration de l'échec des théories du programme commun,
00:18:47de la gauche, tout s'effondre, l'industrie, la monnaie, les échanges extérieurs, tout.
00:18:56Donc, quelle va être la solution alternative proposée par la bande de Jacques Attali,
00:19:04Pierre Bérégovoy, etc. ?
00:19:06C'est l'Europe et la dérégulation.
00:19:09– Eh oui, mais ça va être paire.
00:19:11– Et la lueurisation.
00:19:12– Mais ça va naturellement paire.
00:19:14– Et comme les socialistes, à partir de ce moment-là,
00:19:20vont commencer à se détacher du peuple,
00:19:24ils ne vont plus comprendre le sentiment national,
00:19:28qui est toujours un sentiment populaire.
00:19:32La nation, c'est plutôt un sentiment populaire qu'un sentiment d'élite.
00:19:36Vous vous souvenez du pote de Gaulle qui avait dit
00:19:38« on a réussi à cantonner les soviétiques, on a battu les allemands,
00:19:45mais nous n'avons pas réussi à faire des bourgeois des patriotes ».
00:19:49Bon, la bourgeoisie n'a pas un instinct patriotique immédiat, naturel.
00:19:59– À la différence de la plupart des grandes puissances du monde.
00:20:03– Oui, c'est Jaurès qui dit à Patrice et Skiresse à ceux qui n'ont plus rien,
00:20:06tout le monde connaît ce mot et tout le monde l'a utilisé,
00:20:09mais c'est vrai que le sentiment patriotique
00:20:12qui s'est d'abord exprimé chez les plus humbles de nos compatriotes,
00:20:17quels sont les premiers qui vont rejoindre De Gaulle en 1940 ?
00:20:20C'est les pêcheurs d'Île-de-Sein, c'est tous les mecs de l'Île-de-Sein qui y partent.
00:20:24Les grands-pères, les pères, les fils, ils partent tous, ils laissent les femmes
00:20:28et ils vont rejoindre De Gaulle dans leur petit chalutier.
00:20:32Ce n'est pas la grande bourgeoisie de Neuilly qui part à Londres.
00:20:38– Alors, faisons un petit plan Bernard Carayon,
00:20:42restons là-dessus, sur la bourgeoisie à laquelle on n'arrive pas
00:20:47à insuffler le sentiment national et ça donne une certaine…
00:20:51– Non, mais je ne dis pas qu'on est condamné d'avance,
00:20:54je dis simplement que lorsque l'on privilégie les intérêts matériels,
00:20:59on ne peut pas en même temps défendre des intérêts spirituels.
00:21:03– Oui, ça se rejoint parce que le fait d'avoir abandonné la nation,
00:21:07ça coûte cher à tout le monde, y compris la bourgeoisie aujourd'hui.
00:21:10– Bien sûr, bien sûr.
00:21:12– Et puis, il y a aussi une bourgeoisie nationale.
00:21:14Ensuite, il faudra que nous parlions de l'avor,
00:21:16et puis que nous parlions de certains de vos livres,
00:21:18notamment un livre très amusant consacré à Jaurès.
00:21:22Restons donc là-dessus, l'Europe et la désindustrialisation,
00:21:27au fond, ça va de pair, ça commence en 83, il y a la cunique de 86,
00:21:32et puis il y a le traité de Maastricht,
00:21:34et puis il y a toute cette dégringolade de la souveraineté
00:21:39dont vous avez été spectateur, et si j'étais incisif,
00:21:41je dirais dont vous avez été l'acteur aussi, je vous renvoie la balle.
00:21:45Vous avez voté pour le traité de Lisbonne, de Macarayon.
00:21:47– Hélas, je m'en repends, je m'en repends.
00:21:49– Vous pouvez dire ça.
00:21:50– Je m'en repends ?
00:21:51– C'était ça.
00:21:52– Je m'en repends ?
00:21:53Ce n'est pas le seul texte dont je me repends.
00:22:02La suppression de la double peine sous Sarkozy, stupidité.
00:22:06– Mais vous l'avez voté.
00:22:07– Oui, mais vous savez, d'abord, personne n'est à l'abri d'erreurs.
00:22:13– Mais là, quand même, le traité de Lisbonne, on voyait bien ce qu'on faisait, non ?
00:22:16– Oui, mais enfin, il y avait quand même un certain nombre de…
00:22:19– C'est-à-dire qu'on foutait une claque au peuple français.
00:22:21– Non, mais il y avait, oui, vous avez tout à fait raison.
00:22:24– Vous avez vu tous, en car, arriver à Versailles, en congrès,
00:22:27moi je faisais une manif, figurez-vous,
00:22:29à la tête d'un petit parti qui s'appelait le RIF,
00:22:32on manifestait contre ces indignes députés qui arrivaient dans un espèce de bus,
00:22:36c'était des tristesses.
00:22:37On voyait sur leur gueule, pardon d'être brutal, mais je le sais.
00:22:40– Vous avez raison.
00:22:41– Mais je vous connais, je vous l'admire, je vous estime beaucoup,
00:22:43donc j'y vais franchement.
00:22:44– Vous avez raison.
00:22:45– On voyait sur leur gueule, pour dire les choses gentiment,
00:22:48l'inconfort, le malaise.
00:22:51J'ai tout descendu de ce car vers cette belle salle
00:22:55où se tiennent les congrès de la République,
00:22:58et vous saviez que vous alliez trahir le peuple.
00:23:00– Alors, à la différence de ce que pensent beaucoup,
00:23:03il y avait au moins dans ce traité,
00:23:06l'absence d'application directe du droit européen en droits internes
00:23:11comme le prévoyait initialement la constitution de Giscard.
00:23:15Bon, cela dit, on en revient au même aujourd'hui,
00:23:19puisque ce principe passe par la jurisprudence
00:23:23aussi bien des juridictions européennes que de la Cour de cassation,
00:23:26du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État.
00:23:28– Les juges se…
00:23:29– Voilà, donc aujourd'hui, si l'on veut,
00:23:32si l'on s'attache à la défense de l'intérêt national,
00:23:34il faut passer par la reconquête de notre souveraineté juridique.
00:23:38Théorie de la loi écran, etc.
00:23:40Bon, tant qu'on ne passera pas,
00:23:43et donc par la voie du référendum,
00:23:45modifiant la constitution, par cette révolution juridique,
00:23:49on ne pourra rien faire, ni en matière de sécurité,
00:23:52ni en matière de politique migratoire.
00:23:55– Vous vous reconnaissez dans le mot souverainiste, souverainisme ?
00:23:58– Oui, oui, moi j'aime la souveraineté, d'abord parce que…
00:24:03– Nationale, il faut préciser toujours maintenant parce que…
00:24:05– Non, non, il n'y a pas que la souveraineté nationale,
00:24:09il y a la souveraineté intime.
00:24:12Être souverain, ça veut dire se réguler, se maîtriser,
00:24:16ce n'est pas facile, c'est un exercice au moins aussi compliqué
00:24:19que la souveraineté nationale.
00:24:22– C'est bien de se repentir,
00:24:25Baladio aussi s'est beaucoup repenti sur sa politique de la monnaie unique,
00:24:30il est en train de nous expliquer qu'il fallait choisir une monnaie commune
00:24:33et qu'il a fait une erreur, Raphaël était quand même Premier ministre,
00:24:36de même que Giscard dit qu'il a fait une erreur,
00:24:38enfin disait qu'il avait fait une erreur avec le regroupement familial,
00:24:44tout le monde reconnaît ses erreurs, mais c'est terrible cette génération
00:24:48qui 20 ans plus tard dit on a déconné.
00:24:51Napoléon, moi j'admire Napoléon, je suis profondément bonapartiste.
00:25:00– Il n'a fait que des erreurs, alors ce n'est pas la peine.
00:25:02– Non mais vous savez, j'ai en mémoire…
00:25:04– À la fin, si tu as une succession d'erreurs.
00:25:07– Non, l'aristocratie à la pointe de l'épée, je trouve ça merveilleux.
00:25:11Je me souviens du mot de Barès dans les Déracinés,
00:25:15quand il décrit ces jeunes lorrains
00:25:18qui l'emmènent voir au tombeau de l'Empereur aux Invalides.
00:25:23Et il dit là, on n'entend plus la voix des morts, mais une rumeur héroïque.
00:25:32Et il dit de ces jeunes gens quelconques s'était formée une bande de jeunes tigres.
00:25:40C'est aussi ça l'héritage napoléonien,
00:25:43ce n'est pas uniquement des erreurs stratégiques comme Isaac Waterloo.
00:25:50C'est la grande aventure du XIXe siècle,
00:25:55comme il y a eu autrefois celle de Tamerlan dans toute l'Europe.
00:25:59– Mettons que Napoléon ait réussi certaines choses,
00:26:01en tout cas De Gaulle en a réussi pas mal.
00:26:03– Oui ! – Qu'avez-vous réussi ?
00:26:05– Moi ? – Oui.
00:26:06Qu'a réussi Chirac ?
00:26:08Qu'a réussi cette génération de gaullistes des années 90 ?
00:26:13– Je ne vais pas parler des autres parce que c'est plus compliqué.
00:26:16– Vous, je sais ce que vous avez réussi, on va en parler,
00:26:18c'est l'intelligence économique.
00:26:20– Non mais l'intelligence économique, personne ne sait ce que c'est.
00:26:22– On va en parler.
00:26:24Mais qu'est-ce que cette génération a réussi pour la France ?
00:26:31– Elle a tenu à peu près les finances publiques.
00:26:36– Ah bon ?
00:26:37– Oui, elle a coûté beaucoup mieux, beaucoup mieux que les successeurs.
00:26:42– Elle n'a pas eu un seul budget en équilibre
00:26:44depuis le dernier budget bas en 80 ou 79 ?
00:26:46– Ce n'est pas très grave.
00:26:48– Ah bon ? – Non.
00:26:50– Ça ne fait pas partie de la souveraineté financière, d'après vous ?
00:26:54– Ce n'est pas très grave.
00:26:56La seule question, c'est l'origine des créanciers.
00:26:59Alors on a, je crois, 45% de créanciers étrangers.
00:27:02– 55. – Ou 55, c'est ça, c'est l'inverse.
00:27:05Le Japon est aussi extrêmement endetté.
00:27:08– Oui, mais c'est 90% du Japon.
00:27:10– Voilà, exactement.
00:27:12Les Américains le sont aussi, mais ils ont le dollar.
00:27:15Bon, ce n'est pas tellement la question d'une déficit budgétaire qui se pose.
00:27:21C'est la capacité de l'État à investir.
00:27:24L'État n'investit plus.
00:27:26Il dépense, mais il n'investit plus.
00:27:29Toutes les collectivités locales doivent voter leur budget en équilibre,
00:27:33vous le savez.
00:27:35Mais la seule façon dont il faut les analyser, c'est quels sont leurs investissements.
00:27:44Ces investissements sont-ils utiles ?
00:27:46Et quelles sont les capacités de remboursement des emprunts ?
00:27:48Voilà, c'est tout.
00:27:50Donc la dette, aujourd'hui, est devenue gravissime
00:27:54parce que nous n'avons pratiquement plus les moyens de la payer
00:27:59tout en assurant les fonctions essentielles de l'État.
00:28:02Quand on est à 50 ou 60 milliards de remboursement annuel,
00:28:09on ne peut plus affecter des sommes de cette importance
00:28:13pour l'éducation, la santé ou la sécurité.
00:28:16C'est la réussite de la génération.
00:28:18Vous avez été, c'est un autre aspect de votre personnage,
00:28:21très proche de Michel Barnier.
00:28:23Vous l'avez beaucoup aidé lors de sa pré-campagne présidentielle
00:28:27quand il a tenté, il aurait pu réussir d'ailleurs,
00:28:30à être le candidat, finalement, ça a été Valérie Pécresse, de LR.
00:28:35Vous restez proche de lui et j'y pense
00:28:39parce que ça a été sa grande préoccupation, l'endettement.
00:28:42Et c'est là-dessus qu'il est tombé, non ?
00:28:45Sur les 60 milliards d'économies.
00:28:48J'aime bien Michel Barnier parce que c'est un homme, d'abord,
00:28:51qui a de l'expérience et dans le monde politique que nous connaissons,
00:28:55l'absence d'expérience est criante.
00:29:00Je l'aime bien aussi parce que c'est quelqu'un
00:29:03qui est respectueux des opinions des uns ou des autres.
00:29:06Actuellement, sur les questions européennes,
00:29:08nous avons des positions totalement divergentes.
00:29:11Mais nous avons réussi avec quelques-uns
00:29:16à lui faire comprendre
00:29:22que le grand enjeu, aujourd'hui, c'était la question de la souveraineté juridique française.
00:29:27C'est vous qui lui avez inspiré cette idée assez révolutionnaire
00:29:32de privilégier la loi nationale sur la règle européenne.
00:29:36Ce qui était révolutionnaire.
00:29:38Et lorsqu'il a publié une tribune sur ce sujet dans le Figaro,
00:29:42les réactions de ses anciens amis de la Commission européenne
00:29:45ont été virulentes.
00:29:48Il avait gagné de ce point de vue-là.
00:29:51Et nous aussi, la cause nationale avait gagné de ce point de vue-là.
00:29:55Ensuite, il a perdu l'élection face à Pécresse.
00:30:00J'ai tendance à penser que le résultat eût été très différent
00:30:05si Michel Barnier avait gagné cette primaire de la droite.
00:30:08Parce qu'elle s'appuyait sur des courants de la droite
00:30:13qui étaient complémentaires ou qui avaient été antagonistes.
00:30:16Il y avait les souverainistes dans le camp desquels j'étais.
00:30:19Ceux qui étaient plus conventionnels sur les questions européennes.
00:30:23Mais j'ai tendance à considérer que notre camp était plus cohérent
00:30:27et plus solide que les autres.
00:30:30Est-ce que tout ça a fini par le 4% de Valérie Pécresse en 2022 ?
00:30:33Ah, c'était une honte.
00:30:35Un résultat qui nous a plongés dans une honte.
00:30:38C'était épouvantable.
00:30:40De ma vie, je n'ai jamais connu une telle humiliation.
00:30:43Jamais.
00:30:46Quand dans votre ville, il y a un bulletin sur 20 ou sur 25
00:30:50avec le nom de votre candidate,
00:30:54il faut presque boire pour oublier.
00:30:57De l'eau fraîche, naturellement.
00:30:59Du champagne dès le matin.
00:31:01Je voudrais ensuite qu'on revienne à Lavore.
00:31:06Vous êtes maire depuis combien de temps ?
00:31:1230 ans.
00:31:1430 ans de municipalité.
00:31:16Depuis le 18 juin 1995.
00:31:19Réélu sans cesse.
00:31:21Oui.
00:31:23Plutôt bien, d'ailleurs.
00:31:25C'est un premier bilan.
00:31:29Vous avez fait de Lavore ce que vous vouliez.
00:31:32Vous êtes content de ce que vous avez fait dans cette ville ?
00:31:35Il faut dire où c'est.
00:31:37Sud du Tarn, à 30 km de Toulouse.
00:31:3935 km de Toulouse.
00:31:41A l'est de Toulouse.
00:31:43Dans le sud-ouest du Tarn.
00:31:45C'est une vieille cité occitane
00:31:47marquée par son histoire cathare.
00:31:49Au XIIIe siècle.
00:31:51La ville a été prise par Simon de Montfort.
00:31:53Elle était à l'époque dirigée par une femme,
00:31:56Giraud de l'Orac.
00:31:58Une héroïne emblématique.
00:32:01Les femmes jouaient un grand rôle politique
00:32:03il y a quelques siècles.
00:32:05Bien plus qu'après la révolution.
00:32:07En Occident, en tout cas.
00:32:09On a moins de souvenirs.
00:32:11Il n'y en a pas.
00:32:13Non.
00:32:15Mais Giraud de l'Orac est une héroïne
00:32:17sans tombe ni visage.
00:32:19Mais
00:32:21elle est inscrite dans l'histoire
00:32:23du peuple occitan
00:32:25et notamment dans la canzo.
00:32:27La chanson de la croisade.
00:32:29Il y a eu un massacre d'hérétiques.
00:32:33400 ont été brûlés
00:32:35sur un bûcher.
00:32:3780 chevaliers pendus
00:32:39au mépris des lois de la chevalerie.
00:32:41Et Giraud, après avoir été molesté
00:32:43violenté probablement par les hommes
00:32:45les soudards de Simon de Montfort
00:32:47jeté au fond d'un puits,
00:32:49son corps recouvert de pierre.
00:32:51Et on raconte qu'au moment où elle expira
00:32:53un vent maudit se leva, le vent des cathares
00:32:55qu'on appelle aujourd'hui le vent d'Otan.
00:32:57Qui a les caractéristiques
00:32:59de coucher
00:33:01les uns et les autres
00:33:03par fatigue,
00:33:05de rendre fous
00:33:07ceux qui sont un peu fragiles
00:33:09et de faire veller les vaches.
00:33:11Bon.
00:33:13C'est très familial, cette implantation.
00:33:15Je ne suis pas de Lavore.
00:33:17Ma famille n'est pas de Lavore.
00:33:19J'avais des cousins qui étaient à Lavore.
00:33:21Ma famille est plutôt de Castres,
00:33:23la région de Castres.
00:33:25Et notre cimetière familiale
00:33:27est juste à côté de Castres.
00:33:29Vous avez conquis cette ville
00:33:31au nom du RPR.
00:33:33Qui a toujours été une ville de droite, non ?
00:33:35Non, ça a toujours été une ville
00:33:37plutôt de gauche, oui.
00:33:39Ce n'était pas tout à fait la ville de Jaurès ?
00:33:41Non, non.
00:33:43Jaurès est originaire de Castres.
00:33:45De Castres, oui.
00:33:47Puis il a été ensuite député de Carmeaux.
00:33:49Mais
00:33:51le Tarn
00:33:53a toujours été une terre de gauche
00:33:55à l'exception
00:33:57de Castres et surtout de Mazamè.
00:33:59Lavore est le siège de la fondation Pierre-Fabre.
00:34:01Et Pierre-Fabre,
00:34:03c'est pour l'essentiel
00:34:05deux métiers,
00:34:07la pharmacie et la dermocosmétique.
00:34:09Pierre-Fabre
00:34:11est mort en 2013.
00:34:13C'est un homme
00:34:15qui a eu à la fois
00:34:17énormément d'humanité
00:34:19et beaucoup de génie.
00:34:21On vous dit qu'il est très proche.
00:34:23Oui, on dînait souvent ensemble le samedi.
00:34:25Et il a été le premier,
00:34:27je dis bien le premier dans le monde,
00:34:29il y a plus de 60 ans,
00:34:31à imaginer le mariage entre la santé,
00:34:33la beauté et la nature.
00:34:35Santé, beauté, nature.
00:34:37Le premier dans le monde.
00:34:39C'était un pharmacien
00:34:41d'officine
00:34:43né à Castres
00:34:45qui a développé
00:34:47son activité
00:34:49avec sa petite camionnette
00:34:51en allant chez les pharmaciens
00:34:53vendre un vénotonique
00:34:55aujourd'hui.
00:34:57Et il a toujours
00:34:59géré son entreprise avec
00:35:03capacité d'anticipation
00:35:05il voyait loin
00:35:07et en même temps de traitement des problèmes humains
00:35:09au plus près.
00:35:11Je me souviens avoir visité avec lui
00:35:13une usine dans le Tarn
00:35:15du groupe
00:35:17et il va voir la personne qui est à l'accueil
00:35:19et il lui dit alors le petit
00:35:21il avait un accent du Tarn
00:35:23assez prononcé
00:35:25alors le petit, samedi j'ai appris qu'il s'était cassé la jambe
00:35:27au rugby. Comment va-t-il ?
00:35:29On était le lundi, il savait déjà que
00:35:31le fils de Marceline
00:35:33s'était cassé la figure
00:35:35au rugby.
00:35:37C'était comme ça.
00:35:39Son talent chez l'entreprise
00:35:41c'était un talent qui était à la fois celui
00:35:43de l'humanité
00:35:47enracinée et en même temps
00:35:49la capacité
00:35:51à parler avec les grands de ce monde
00:35:53et à voir
00:35:55quel était le sens de la pharmacie, d'un dermocosmétique
00:35:57dans le monde
00:35:59et alors
00:36:01son seul problème
00:36:03intime si je puis dire
00:36:05c'est qu'il n'avait pas d'épouse et pas d'enfant
00:36:07donc il avait un problème de transmission.
00:36:09C'est ça.
00:36:11Là vous intervenez sur le sujet, racontez-nous
00:36:13cette histoire intéressante.
00:36:15Il me parlait souvent de cela
00:36:17avec beaucoup d'angoisse, beaucoup d'inquiétude
00:36:19et puis un jour
00:36:21j'avais été chargé par la commission des finances
00:36:23de faire un rapport sur les outils de la politique industrielle.
00:36:25Je suis un obsédé de l'industrie.
00:36:27Donc je fais un rapport là-dessus.
00:36:29Y compris de la petite industrie.
00:36:31Oui, oui, oui.
00:36:33Et je fais donc ce rapport
00:36:35et puis
00:36:37préparant ce rapport,
00:36:39l'écrivant,
00:36:41il me manque une sous-partie à la deuxième partie
00:36:43et puis je me dis, transmission,
00:36:45Pierre Fabre
00:36:47et je me rends compte
00:36:49que dans quelques mois
00:36:51une loi va passer, la loi d'Utreil 2
00:36:53sur les entreprises
00:36:55et donc je me dis
00:36:57je vais faire sauter
00:36:59une jurisprudence archaïque du conseil d'état
00:37:01qui empêchait aux fondations
00:37:03d'être propriétaires de plus du tiers des actions
00:37:05au départ d'une société.
00:37:07Je vais faire péter ça par un amendement
00:37:09et puis le problème est réglé.
00:37:11Et donc j'ai fait
00:37:13j'ai fait voter effectivement
00:37:15ce texte à l'unanimité
00:37:17de l'Assemblée Nationale, nuit à man,
00:37:19un peu contre la volonté d'Utreil
00:37:21qui en bon libéral
00:37:23considérait qu'il ne fallait pas
00:37:25de frein à la circulation du capital
00:37:27et puis
00:37:29je me suis appuyé sur quelques collègues
00:37:31qui étaient socialistes et communistes
00:37:33avec lesquels j'avais de bonnes relations
00:37:35et puis ce qui a entraîné évidemment
00:37:37la droite
00:37:39même libérale
00:37:41à embrayer le parti.
00:37:43Et bien donc on s'est retrouvé
00:37:45une anecdote qui est marrante
00:37:47le samedi suivant
00:37:49on se retrouve avec
00:37:51Pierre Farme
00:37:53je ne sais pas lequel des deux était le plus ému
00:37:55mais je crois qu'on pleurait un peu tous les deux
00:37:57et
00:37:59grâce à cet amendement.
00:38:01Comment vous avez fait pour trouver
00:38:03parce que pendant des années
00:38:05j'ai payé les avocats parisiens une fortune
00:38:07ils n'ont pas trouvé et vous vous avez trouvé
00:38:09vous êtes gratuit. Comment vous avez fait pour trouver ?
00:38:11Ce soir j'étais célibataire
00:38:13géographique et
00:38:15j'avais rien dans le frigo
00:38:17donc j'ai pris un excellent whisky
00:38:19j'ai fumé un très bon cigare
00:38:21parce que
00:38:23ma femme n'aime pas tellement
00:38:25l'odeur du cigare donc j'en ai profité
00:38:27en son absence. Ah il me dit
00:38:29vous savez le cigare au départ c'est
00:38:31vasodilatateur et ensuite c'est vasoconstricteur
00:38:33il faut faire attention.
00:38:35Donc ça s'est passé comme ça et puis
00:38:3718 mois plus tard 85%
00:38:39à peu près des actifs de
00:38:41son entreprise sont partis dans la fondation
00:38:43et à sa mort le reste
00:38:45c'est à dire que la totalité du groupe aujourd'hui
00:38:47est propriété
00:38:49d'une fondation dont le siège
00:38:51est à Lavore.
00:38:53Combien d'employés ?
00:38:55C'est le gros employeur de Lavore.
00:38:57Il y a 700 salariés à peu près dans une ville de 11 000
00:38:59habitants c'est pas mal. C'est beau oui.
00:39:0111 000 habitants à Lavore. C'est pas une petite ville
00:39:03en fait.
00:39:05C'est une très belle ville
00:39:07c'est la plus belle ville dans mon cœur.
00:39:09Et vous êtes
00:39:13content de ce que vous avez fait pour Lavore ?
00:39:15La preuve dans tous les cas c'est que vous êtes...
00:39:17On s'est bien débrouillé en 20 ans
00:39:19le nombre d'emplois
00:39:21a progressé de 55%.
00:39:25Le nombre d'associations
00:39:27a augmenté de 70% en 10 ans.
00:39:29Ce que peut un maire selon qu'il est bon ou mauvais.
00:39:31C'est terrible. On voit le bon et le mauvais
00:39:33maire sur la durée.
00:39:35Là où on a réussi c'est que
00:39:37la ville était tristounette
00:39:39il y a 30 ans.
00:39:41Et tous les habitants de souche
00:39:43disent la même chose.
00:39:45Moi même quand j'étais enfant
00:39:47que j'allais voir des cousins à Lavore
00:39:49on tordait un peu le nez.
00:39:51Lavore c'était un peu tristounette.
00:39:53Sauf au moment des fêtes générales
00:39:55les brillantes fêtes du mois de septembre
00:39:57où là il y avait des forains partout
00:39:59des roues, des manèges, des trucs.
00:40:01Mais c'était tristounette.
00:40:03Mais là où on a réussi
00:40:05c'est à rendre la ville joyeuse.
00:40:07Et les gens fiers de leur ville.
00:40:09Avec un arrière fond Qatar un peu
00:40:11un côté Bidi rebelle.
00:40:13La rébellion elle est dans l'ADN
00:40:15mais ensuite la ville
00:40:17elle a été reprise en main par l'église.
00:40:19Une cathédrale magnifique
00:40:21Elle est immense.
00:40:23Très loin la cathédrale de Lavore.
00:40:2513ème, 14ème siècle absolument.
00:40:27Quand on passe sur l'autoroute entre Toulouse et...
00:40:29D'ailleurs vous n'avez pas un problème d'autoroute en ce moment ?
00:40:31C'est dans le sud.
00:40:33C'est entre Carcerie et Toulouse.
00:40:35On est à
00:40:37quelques kilomètres
00:40:39d'un chantier d'autoroute
00:40:41qui ne plaît pas aux écologistes.
00:40:43Oui que j'ai contribué à lancer
00:40:45Ah c'est vous le coupable ?
00:40:47Oui je suis le coupable.
00:40:49Je m'en doutais un peu.
00:40:51Alors parlons de cette autoroute
00:40:53inutile que vous voulez imposer
00:40:55à toute force.
00:40:57Paul-Marie
00:40:59Si vous ne retirez pas ce mot, je m'en vais.
00:41:01Eh bien écoutez, quittons-nous facilement.
00:41:03Non.
00:41:05Le bassin de
00:41:07Castre-Mazamay est le seul
00:41:09bassin en France industriel
00:41:11et démographique de plus de 100 000
00:41:13habitants qui soit privé
00:41:15d'une gare TGV, d'une autoroute,
00:41:17d'un aéroport international, etc.
00:41:19C'est un bassin enclavé et l'économie en a
00:41:21énormément souffert.
00:41:23C'est l'A69.
00:41:25Et cette
00:41:27autoroute de 55
00:41:29kilomètres, j'en ai obtenu le principe
00:41:31sous François Fillon.
00:41:33Alors à l'époque, c'était un peu compliqué
00:41:35parce que Jean-Luc Borloo était un peu dans la main
00:41:37des associations environnementalistes
00:41:39et donc
00:41:41il était...
00:41:43Il était un peu gêné
00:41:45sur le sujet. Donc j'ai dit
00:41:47à François Fillon à l'époque, c'est très simple
00:41:49si on n'a pas cette
00:41:51décision de l'Etat,
00:41:53je quitte le groupe et je ne vote plus le budget.
00:41:55Voilà. Bon.
00:41:59Alors il m'a invité à ne plus rien de pas m'énerver,
00:42:01etc. Mais si vous voulez, j'étais
00:42:03décidé à rompre le pont
00:42:05ou les ponts, je ne sais plus,
00:42:07avec une majorité si celle-ci n'avait pas
00:42:09le bon sens de reconnaître l'utilité
00:42:11d'une mise en concession autoroutière de cet axe
00:42:13important. Et puis ça marchait.
00:42:15Ensuite,
00:42:17lorsque j'étais battu en 2012,
00:42:19le pont a été stoppé par
00:42:21le député socialiste qui m'a succédé.
00:42:23Alors battu, non pas à la mairie,
00:42:25mais à la députation.
00:42:27Elle a stoppé ça
00:42:29parce qu'elle était entre les mains des
00:42:31rouges et des verts.
00:42:33Et puis ensuite, sous
00:42:35Macron,
00:42:37l'idée a été
00:42:39reprise.
00:42:43Les macronistes
00:42:45se sont heurtés depuis
00:42:47quelques années
00:42:49à l'opposition féroce,
00:42:51qui a encore une fois des verts et des rouges.
00:42:53Ce que j'appelle la gauche chichon.
00:42:57C'est-à-dire une gauche
00:42:59à la fois bobo des métropoles,
00:43:01y compris de métropoles très lointaines.
00:43:03Plus du tout industrialiste.
00:43:05Non, pas du tout.
00:43:07Une gauche bobo qui
00:43:09considère que l'alpha
00:43:11et l'oméga des villes et de la circulation
00:43:13ce sont les bicyclettes et les trottinettes.
00:43:15Et puis la gauche
00:43:17extrême,
00:43:19qui est anti-entreprise,
00:43:21qui est anti-progrès,
00:43:25mais qui fonctionne
00:43:27connectée au monde par des appareils
00:43:29téléphoniques, dont les batteries
00:43:31sont fabriquées grâce au cobalt
00:43:33extrait des mines africaines
00:43:35par des enfants de 13 ans.
00:43:37C'est le moment de parler de l'industrie, Bernard Carayon.
00:43:39A plusieurs reprises,
00:43:41vous revenez sur votre amour
00:43:43de l'industrie.
00:43:45Pourquoi ? Vous savez pourquoi ?
00:43:47Et surtout,
00:43:49n'est-il pas trop tard ?
00:43:51Parce qu'il y a un carré magique de l'industrie.
00:43:53L'industrie,
00:43:55c'est le moteur de la recherche,
00:43:57donc des progrès humains.
00:43:59Deuxièmement, l'industrie,
00:44:01c'est l'enracinement. C'est beaucoup plus difficile
00:44:03de délocaliser une entreprise industrielle
00:44:05qu'une activité de service.
00:44:07Troisièmement, l'industrie,
00:44:09c'est le moteur de l'ascension.
00:44:11C'est le moteur de l'ascension sociale.
00:44:13C'est le seul secteur d'activité
00:44:15où un ouvrier peut devenir contre-maître
00:44:17et un contre-maître ingénieur.
00:44:19Et l'ingénieur patron.
00:44:21Et enfin, c'est le moteur
00:44:23de nos souverainetés.
00:44:25De nos souverainetés technologiques.
00:44:27C'est le carré magique.
00:44:29C'est le carré magique.
00:44:31Bien sûr, avec des conséquences
00:44:33en termes de commerce extérieur, etc.
00:44:35Mais c'est la clé de tout.
00:44:37Alors, est-ce que tout est perdu ?
00:44:39On ne fait pas de politique
00:44:41sans être guidé par l'espérance.
00:44:43De la même manière
00:44:45que le chrétien,
00:44:47au moment de ses fins dernières,
00:44:49se dit,
00:44:51il y a une autre vie après la mort.
00:44:53En politique, c'est la même chose.
00:44:55On ne peut pas
00:44:57se résoudre à l'idée
00:44:59que c'est fini.
00:45:01Il me vient à l'esprit
00:45:03une jolie anecdote.
00:45:07J'ai lu il y a très longtemps
00:45:09l'anecdote du père Brueggeberger,
00:45:11ce dominicain résistant
00:45:13de l'iste.
00:45:15C'était, je crois,
00:45:17en 1984 ou 1985,
00:45:19une lettre ouverte
00:45:21aux Français qui ont mal à la France.
00:45:23Et là, il raconte
00:45:25un dialogue
00:45:27qu'il a avec Jean Giraudoux,
00:45:29qui lui avait été consul de Vichy à Berne,
00:45:31qui avait passé la période de l'occupation
00:45:33dans des conditions assez tranquilles
00:45:35et apaisées.
00:45:37Alors que Brueggeberger, lui,
00:45:39avait été résistant, d'authentique résistant.
00:45:41Il avait combattu
00:45:43les Allemands.
00:45:45Il aimait l'amitié, le vin.
00:45:47On dit aussi, sans doute, les femmes.
00:45:49Bref, c'était un homme
00:45:51qui ne manquait pas de qualité.
00:45:53Et Brueggeberger,
00:45:55au lendemain de la Seconde Guerre mondiale,
00:45:57s'épanche
00:45:59auprès de Jean Giraudoux.
00:46:01Il lui dit, c'est épouvantable.
00:46:03De Gaulle est parti.
00:46:05On connaisse les parties de la Troisième.
00:46:07Le centre-mou,
00:46:09c'est encore
00:46:11un signe d'effondrement
00:46:13des liens
00:46:15que nous avions pu
00:46:17constituer durant l'occupation.
00:46:19Et Jean Giraudoux,
00:46:21qui en avait vu d'autres, lui dit,
00:46:23mais père, tout ceci n'est pas grave.
00:46:25Parce que dans l'histoire de France,
00:46:27il y a eu des moments sublimes
00:46:29et puis des moments d'avachissement,
00:46:31des moments d'effondrement moral, etc.
00:46:33Mais dans les moments
00:46:35d'effondrement et de désespoir national,
00:46:37il y avait toujours
00:46:39300 ou 400 hommes
00:46:41qui, sans se connaître,
00:46:43étaient unis par un fil invisible
00:46:45et considéraient un jour
00:46:47le Levin de la France de demain.
00:46:49C'est ça, l'espérance.
00:46:51C'est la certitude
00:46:53qu'il y a dans notre pays,
00:46:55les ressorts,
00:46:57les hommes et les femmes
00:46:59de la France que nous aimons.
00:47:01Aujourd'hui,
00:47:03nous traversons l'une des pires crises
00:47:05de notre histoire contemporaine.
00:47:07L'une des pires crises
00:47:09parce que nous avons un président
00:47:11de la République qui est un sans-frontieriste.
00:47:13Nous avons un président
00:47:15de la République
00:47:17qui est un transgressif par nature.
00:47:19C'est-à-dire qu'il ne connaît pas
00:47:21les codes de l'histoire de France.
00:47:23Les codes nationaux,
00:47:25les codes étatiques.
00:47:27C'est le cas de toute la gauche.
00:47:29Et puis,
00:47:31c'est un homme
00:47:33qui
00:47:37nous entraîne
00:47:39ou nous a entraîné
00:47:41dans ce sentiment de culpabilité nationale.
00:47:43Quand il voit,
00:47:45durant la campagne présidentielle,
00:47:47en Algérie,
00:47:49qu'une France avait commis des crimes
00:47:51contre l'humanité, un génocide ou je ne sais quoi.
00:47:53Des crimes contre l'humanité.
00:47:55Ou avoir les voix arabes
00:47:57aux voix présidentielles.
00:47:59Pour avoir les voix, probablement,
00:48:01d'une certaine population.
00:48:03Et aussi, peut-être,
00:48:05pour avoir des financements de sa campagne présidentielle.
00:48:07Algérien.
00:48:09Bien entendu.
00:48:11Il a eu beaucoup de financements algériens.
00:48:13Mais c'est très probable.
00:48:15C'est établi par Marc Endeveld assez nettement.
00:48:17Ça a été effectivement...
00:48:19Non mais,
00:48:21on traverse une crise qui est
00:48:23terrible
00:48:25parce que
00:48:27tout s'effondre.
00:48:29Sarkozy a eu quelques financements
00:48:31libyens à sa côté.
00:48:33Non, je n'y crois pas du tout.
00:48:35Je n'y crois absolument pas.
00:48:37Non mais,
00:48:39je suis
00:48:41convaincu du contraire.
00:48:43Convaincu du contraire.
00:48:45Je suis persuadé
00:48:47qu'il n'a pas touché un sou pour sa campagne.
00:48:49Non, mais la campagne...
00:48:51Pour moi, ce sont des conneries.
00:48:53C'est une histoire.
00:48:55Ce sont des conneries.
00:48:57Aucune preuve n'a jamais été apportée.
00:48:59Et je veux dire,
00:49:01Sarkozy a bien des défauts,
00:49:03mais il a au moins une qualité. Il est prudent sur la question d'argent.
00:49:05Il est prudent.
00:49:07Oui, mais c'est son entourage qui fait passer
00:49:09la campagne de 2007.
00:49:11Je n'y crois pas.
00:49:13Il y a une culpabilité générale
00:49:15de la classe politique. Il n'y a aucun scrupule
00:49:17et aucune dignité à se faire financer,
00:49:19à faire financer ses campagnes par l'étranger.
00:49:21Ça a existé encore avant.
00:49:23Il y a eu pas mal de campagnes,
00:49:25y compris gaullistes,
00:49:27qui ont reçu des financements extérieurs.
00:49:29Ce n'est pas nouveau.
00:49:31La spécialité du Parti socialiste,
00:49:33ça a été l'Algérie. Vous avez raison.
00:49:35Et chez les gaullistes,
00:49:37à la grande époque, c'était
00:49:39le Gabon et le Maroc.
00:49:41Le Gabon et le Maroc. Tout le monde le sait.
00:49:43La Côte d'Ivoire, oui.
00:49:45Peut-être.
00:49:47Vous voyez,
00:49:49c'est ça aussi.
00:49:51Sans frontiérisme, il n'est pas tombé du ciel.
00:49:53Il n'est pas arrivé avec
00:49:55Macron.
00:49:57Toute une génération de la classe politique française
00:49:59a perdu le sens commun
00:50:01et le sens de la dignité nationale.
00:50:03La dignité.
00:50:05En fait, ils ont fait un trait sur l'histoire de France.
00:50:07Voilà.
00:50:09Ils ont fait un trait sur l'histoire de France
00:50:11et ils ont considéré que l'Europe, c'était l'horizon indépassable.
00:50:13Bon.
00:50:15C'est tout sauf la France.
00:50:17Exactement.
00:50:19Comment expliquez-vous ça ?
00:50:21Vous dites que la bourgeoisie n'est pas nationale,
00:50:23les élites ne sont pas nationales,
00:50:25l'intérêt national est une notion évaporée.
00:50:27Comment ça s'explique ?
00:50:29Qu'est-ce qui arrive à ce pays pour qu'il ne s'aime pas au point
00:50:31de se détruire ?
00:50:33Pour plusieurs raisons.
00:50:35La première, c'est que
00:50:37la droite n'a pas mené,
00:50:39chacun le sait,
00:50:41le combat culturel contre la gauche
00:50:43et en particulier contre
00:50:45cette vision qui s'est imposée au moment
00:50:47des guerres décoloniales,
00:50:49cette vision de l'histoire de France.
00:50:51Bon.
00:50:53C'est aujourd'hui presque
00:50:55étonnant que de rappeler
00:50:57que l'histoire coloniale française
00:50:59commence avec la gauche française.
00:51:01Jules Ferry.
00:51:03Jules Ferry.
00:51:05Et qui traite la question
00:51:07de la manière la plus cynique
00:51:09qu'il soit.
00:51:11Sur les classes inférieures ou sur les peuples inférieurs,
00:51:13c'est caricatural.
00:51:15C'est la gauche républicaine.
00:51:17A la seule exception de Clemenceau.
00:51:19Mais la gauche
00:51:21a fait la guerre coloniale.
00:51:23Pendant la guerre d'Algérie,
00:51:25c'est la gauche qui donne les pleins pouvoirs
00:51:27à l'armée.
00:51:29C'est pas De Gaulle.
00:51:31Les pleins pouvoirs sont donnés à l'armée
00:51:33par les gauches.
00:51:35Les pleins pouvoirs sont donnés à PETA
00:51:37par l'Assemblée de Gaulle de 1936.
00:51:39Par l'Assemblée du Front Populaire.
00:51:41Peut-être même les deux tiers des ministres de PETA
00:51:43viennent de la gauche pacifiste.
00:51:45Oui. Même le secrétaire général
00:51:47de la CGT, Roger Belin, était ministre du Travail.
00:51:49Belin, Casio, Bergery.
00:51:53La moitié, à peu près,
00:51:55venait de la gauche.
00:51:57Parce que
00:51:59la gauche marquait
00:52:01Doriot, qui venait du Parti Communiste.
00:52:03Pierre Laval, qui était député
00:52:05à Saint-Fillon d'Aubervilliers.
00:52:07Qui était député et maire d'Aubervilliers.
00:52:09Avocat de la CGT.
00:52:11Et avocat des ouvriers de la CGT.
00:52:13D'ailleurs, à titre gratuit.
00:52:15Mais, il venait de la SFIO.
00:52:17Je veux dire,
00:52:19toute la gauche radicale
00:52:21et pacifiste
00:52:23s'est retrouvée dans le banquet
00:52:25pétainiste.
00:52:27René Bousquet, le grand ami
00:52:29de François Mitterrand.
00:52:31René Bousquet était un radical.
00:52:33C'était pas un homme d'extrême droite.
00:52:35C'était un radical de gauche.
00:52:37Il y a une imposture de la gauche,
00:52:39finalement, qui a colonisé ce pays
00:52:41contre lui.
00:52:43Je ne sais pas ce qui s'est passé.
00:52:45Avec des grandes gloires dont j'aurais,
00:52:47c'est le moment de parler.
00:52:49Paul Marais, pardonnez-moi.
00:52:51J'ai quand même oublié
00:52:53de vous dire la chose suivante.
00:52:55Non seulement la droite a été tétanisée
00:52:57par la gauche, alors qu'elle n'a pas
00:52:59une histoire plus honteuse
00:53:01que celle de la gauche,
00:53:03loin de là.
00:53:05D'autre part, je pense que
00:53:09le matérialisme,
00:53:11le libéralisme
00:53:13financier, etc.,
00:53:15ont corrompu
00:53:17une partie de nos élites.
00:53:19On ne peut pas être
00:53:21soumis à Dieu et à maman,
00:53:23dit-on dans les Écritures,
00:53:25simultanément. Ce n'est pas possible.
00:53:29L'exercice du pouvoir
00:53:31n'est pas compatible
00:53:33avec la satisfaction
00:53:35de ses instants matériels.
00:53:37C'est ça la conjonction
00:53:39entre la gauche et le fric.
00:53:41C'est ça.
00:53:43Vous savez,
00:53:45j'évoquais tout à l'heure
00:53:47la prise du pouvoir
00:53:49au sein du monde
00:53:51par l'extrême-gauche.
00:53:53La gauche qui est à l'origine
00:53:55de tous nos pouvoirs
00:53:57se retrouve à la direction
00:53:59du monde en 1994.
00:54:01Dans l'extrême-gauche avec Plenel,
00:54:03vous avez la social-démocratie
00:54:05avec Colombani,
00:54:07et vous avez le libéralisme
00:54:09échevelé avec Alain Minc.
00:54:11Ce sont ces trois hommes,
00:54:13Minc, Colombani, Plenel.
00:54:15C'est trois composantes.
00:54:17C'est de là d'où viennent
00:54:19la majeure partie des Premières Français,
00:54:21en plus de la lâcheté d'une partie de la droite.
00:54:23Et des médias qui les relaient.
00:54:25Quand je cite le monde,
00:54:27c'est bien pour ça.
00:54:29Oui, bien sûr.
00:54:31Et lorsque Plenel
00:54:33prend la direction du monde,
00:54:35il emmène avec lui une trentaine de journalistes
00:54:37qui viennent tous d'extrême-gauche.
00:54:39Alors aujourd'hui,
00:54:41ils sont beaucoup plus que 30 au monde
00:54:43à être d'extrême-gauche.
00:54:45C'est devenu
00:54:47une feuille insupportable.
00:54:49Même titre que France Inter
00:54:51est une...
00:54:53France Info, etc.
00:54:55C'est terrifiant.
00:54:57Vous savez, l'autre jour,
00:54:59il y avait une journaliste qui disait
00:55:01« Je ne fais que reprendre les mots du Hamas. »
00:55:03Ah bon ?
00:55:05« Je ne fais que reprendre les mots du Hamas. »
00:55:07Ah bon ?
00:55:09Il y a une vieille tradition de collaboration en France.
00:55:11On a eu Radio Paris sous l'occupation.
00:55:13Et maintenant, on a France Inter
00:55:15qui est la radio
00:55:17porte-parole du Hamas.
00:55:19Simone de Beauvoir a été une collaboratrice,
00:55:21je crois, à Radio Paris.
00:55:23Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre
00:55:25avouaient qu'ils ne s'étaient jamais sentis
00:55:27aussi libres que sous l'occupation.
00:55:29C'est bien. C'est le drame de la gauche.
00:55:31Je suis content que vous disiez ça.
00:55:33Et là, vous avez consacré un livre à Jaurès
00:55:35en rectifiant certaines choses.
00:55:37J'ai beaucoup d'affection.
00:55:39Vous l'aimez bien, mais il y a une imposture.
00:55:41J'aime beaucoup Jaurès.
00:55:43D'abord, parce que c'est
00:55:45l'enfant du pays.
00:55:47Il y a un sentiment
00:55:49naturel
00:55:51qui s'exprime.
00:55:53Il est très cultivé.
00:55:55Il est très cultivé.
00:55:57Il a souffert
00:55:59de la contradiction
00:56:01entre ses goûts sociaux
00:56:03et ses caractéristiques personnelles.
00:56:05Vous savez,
00:56:07il fait normal sup', il est engagé de philosophie,
00:56:09teste de doctorat en latin,
00:56:11etc.
00:56:13Et à Paris, quand il devient député,
00:56:15il va dans les salons des duchesses
00:56:17de la vie aristocratie
00:56:19française.
00:56:21Et c'est écrit
00:56:23dans un roman d'Anatole France.
00:56:25Cette femme de barbe bleue.
00:56:29Sous un chapitre
00:56:31qui s'appelle Gironimo.
00:56:33Et il raconte Jaurès
00:56:35dans un salon
00:56:37qui est
00:56:39entouré de femmes
00:56:41belles, riches, bien nées,
00:56:43qui à un moment se détournent
00:56:45et vont vers un jeune homme
00:56:47qui doit être creux,
00:56:49mais qui est mieux né que lui.
00:56:51Très différemment.
00:56:53Il ne se console pas de manquer d'élégance, etc.
00:56:55Il n'est pas heureux.
00:56:59Petit bonhomme trapu,
00:57:01le veston taché du repas
00:57:03de la veille.
00:57:05Qui a eu du mal à trouver une femme.
00:57:07C'est sa mère et une amie de sa mère
00:57:09qui lui ont trouvé une femme.
00:57:11Il a des complexes terribles.
00:57:13Mais Jaurès,
00:57:15il est attachant parce qu'il est prodigement
00:57:17intelligent, parce qu'il est courageux
00:57:19et puis parce que
00:57:21il meurt de manière tragique.
00:57:23Il y a des
00:57:25morts tragiques qui
00:57:27transfigurent une vie.
00:57:2931 juillet 14, oui.
00:57:31Oui, c'est ça. Au Café du Croissant.
00:57:33Et vous savez d'ailleurs quel a été
00:57:35le premier homme politique à venir s'incliner
00:57:37devant sa dépouille ? Charles Maurras.
00:57:39Non. Maurice Barrès.
00:57:41Je n'étais pas très loin, après tout.
00:57:43J'étais pas très loin.
00:57:45Mais Jaurès sentit ses mythes.
00:57:47Pendant longtemps. J'en reviens
00:57:49à la fabrication,
00:57:51à la refabrication du réel par la gauche
00:57:53qui est le grand mal.
00:57:55Vous m'avez très bien répondu
00:57:57en disant pourquoi ce pays est dans cet état.
00:57:59Parce qu'on a perdu la bataille culturelle
00:58:01que les gaullistes n'ont jamais menée.
00:58:03Mais ils ont réussi.
00:58:05L'université,
00:58:07l'édition, la presse,
00:58:09de gauche, de gauche, de gauche,
00:58:11a complètement transformé la réalité.
00:58:13Ce monde-là est en train de s'effondrer.
00:58:15J'espère. Mais sur Jaurès, c'est catastrophique.
00:58:17Jaurès a commencé par demander
00:58:19la condamnation à mort
00:58:21avant de faire carrière dans le sens opposé
00:58:23de Dreyfus.
00:58:25Il était d'un antisémitisme
00:58:27radical.
00:58:29Il parle de cette bande cosmopolite.
00:58:31Il a des mots
00:58:33qui sont tels d'ailleurs
00:58:35à la tribune.
00:58:37J'apporte des preuves.
00:58:39Il est même
00:58:41sanctionné pour ses propos
00:58:43à la tribune de la Chambre des députés,
00:58:45pour ses propos antisémites.
00:58:47Un jour, au moment où je sors
00:58:49ce livre,
00:58:51en 2014, pour les 100 ans
00:58:53de la mort de Jaurès,
00:58:55je passe sur une radio,
00:58:57je crois que c'était Europe 1,
00:58:59et là il y avait comme invité le rédacteur
00:59:01en chef de l'Humanité.
00:59:03Il y avait le président
00:59:05ou le vice-président de la Ligue des Droits de l'Homme.
00:59:07Un truc comme ça.
00:59:09Enfin bon, il y avait
00:59:11la bande des trois,
00:59:13qui représentaient les trois tendances
00:59:15de l'extrême-gauche intellectuelle française.
00:59:17Au départ, naturellement,
00:59:19je communis dans le consensus républicain
00:59:21sur Jaurès
00:59:23que j'encaustique comme les autres.
00:59:25Et je le pense.
00:59:27Et puis à un moment, je me dis
00:59:29il y a quand même un truc qui me gêne.
00:59:31Il y a une zone d'ombre.
00:59:33Peut-être même deux.
00:59:35Alors le journaliste,
00:59:37évidemment qui n'avait jamais rien lu de Jaurès,
00:59:39qui ne connaissait pas Jaurès,
00:59:41avant d'ouvrir l'émission, me dit
00:59:43qu'est-ce qu'il se passe ? Il est antisémite.
00:59:45Et je donne quelques citations
00:59:47de Jaurès,
00:59:49toutes plus horribles les unes que les autres.
00:59:51Y compris la condamnation.
00:59:53Aujourd'hui, il sera en prison
00:59:55depuis longtemps
00:59:57et jeté au cachot
00:59:59comme
01:00:01Soral, Dieu Donné ou je ne sais qui.
01:00:03Cachot médiatique.
01:00:05Et alors,
01:00:07le journaliste, affolé,
01:00:09cherche de l'oxygène
01:00:11auprès des trois autres.
01:00:13Oui !
01:00:15Cherchant une contestation.
01:00:17Alors les autres baissent la tête.
01:00:19Il y en a un qui laisse entendre
01:00:21que Jaurès avait tenu ses propos
01:00:23dans un discours en Algérie parce qu'il était fatigué
01:00:25au retour de son voyage,
01:00:27au retour
01:00:29de séance
01:00:31à la Chambre des députés.
01:00:33Mais attendez,
01:00:35si j'avais un
01:00:37homme de droite qui avait tenu ce type de propos
01:00:39et que je vous explique
01:00:41qu'il les a tenus parce qu'il était fatigué,
01:00:43vous me croiriez ?
01:00:47Et c'est pas tout.
01:00:49Alors là, le journaliste, il commence à se dire
01:00:51je fais la pire émission
01:00:53que j'ai jamais faite de ma vie.
01:00:55Il était colonialiste !
01:00:57Colonialiste !
01:00:59Il disait il faut apprendre
01:01:01aux noirs le français
01:01:03pour qu'ils comprennent les ordres que leur donneront
01:01:05les officiers français.
01:01:07Ah, il y a cette phrase ?
01:01:09Oui, quelque chose comme ça.
01:01:11Je ne parle pas de noirs, je crois que le terme est pire.
01:01:13C'est le terme qu'a affectionné Jules Ferry.
01:01:15Jules Ferry qui a donné son nom
01:01:17comme Jean Jaurès
01:01:19à tant d'avenues, tant de collèges, tant de lycées
01:01:21en France, etc.
01:01:23Mais si nos astides
01:01:25et si nos profs français
01:01:27socialistes ou d'extrême-gauche
01:01:29savaient que le collège
01:01:31Jean Jaurès
01:01:33ou les allées Jules Ferry
01:01:35je ne sais où, sont celles
01:01:37qui sont portées par des hommes
01:01:39qui ont été antisémites et colonialistes,
01:01:41ils seraient en pétrole.
01:01:43Et racistes, carrément.
01:01:45Mais racistes !
01:01:47Mais ça, ils ne veulent pas le reconnaître.
01:01:49Comment se dit-il qu'on ait perdu tout ?
01:01:51Mais parce que la droite n'a pas
01:01:53assez travaillé sur les questions fondamentales,
01:01:55sur les questions idéologiques.
01:01:57La droite se convainc
01:01:59qu'elle n'est utile que pour gérer
01:02:01en bon père de famille.
01:02:03D'abord, ça n'a pas toujours marché.
01:02:05Et ensuite, pour le reste, elle a tout laissé à la gauche.
01:02:07Les universités,
01:02:09le monde où tout s'écrit,
01:02:11où tout se dit.
01:02:13C'est dans ce qu'on a.
01:02:15Aujourd'hui, les choses bougent.
01:02:17Parce qu'il y a une espèce
01:02:19de journaliste nouveau
01:02:21de droite.
01:02:23Avec des moyens d'information
01:02:25médiatiques non contrôlés.
01:02:27Notamment TV Liberté.
01:02:29Absolument, il y a une périphérie
01:02:31qui prend du poids.
01:02:33Et qui va
01:02:35à l'encontre de la vulgate.
01:02:39Ces gens-là deviennent de plus en plus agressifs.
01:02:41Ils ont décidé d'ailleurs
01:02:43de fermer la gauche.
01:02:45Ils ferment des télévisions.
01:02:47On s'en fout, on a Youtube.
01:02:49Mais jamais Orban
01:02:51n'a fait un truc pareil en Hongrie.
01:02:53Jamais.
01:02:55Et ici, ils se l'autorisent.
01:02:57Akili,
01:02:59le journaliste...
01:03:01RT a été fermé aussi.
01:03:03Akili, le journaliste de France Inter,
01:03:05viré parce qu'il avait rencontré
01:03:07Bardella.
01:03:09Mais dans quelle société
01:03:11sommes-nous ?
01:03:13Ce sont ces gens-là qui parlent de liberté,
01:03:15qui la massacrent, qui la piétinent en permanence.
01:03:17Mais c'est insupportable.
01:03:19Ils ne cessent d'excommunier,
01:03:21eux qui ne croient pas en Dieu.
01:03:23Ils pratiquent l'ostracisme, l'exclusion systématique
01:03:25alors qu'ils veulent lutter contre la discrimination.
01:03:27Mais ce sont les grands discriminateurs.
01:03:29Et quand les LR étaient si nombreux
01:03:31à l'Assemblée, pourquoi n'étaient-ils pas
01:03:33combattifs comme vous l'êtes vous-même ?
01:03:35C'est terrible.
01:03:37Pourquoi...
01:03:39Moi j'ai été aussi parlementaire.
01:03:41J'ai bien vu mes collègues
01:03:43passer sous le tapis.
01:03:45Vous savez pourquoi ? Pour passer à la radio et à la télé.
01:03:47Parce que vous n'étiez plus invité,
01:03:49donc condamné,
01:03:51politiquement, si vous l'étiez
01:03:53marginalisé médiatiquement.
01:03:55Mais je suis d'accord avec vous.
01:03:57Parce qu'au fond, ils pensent
01:03:59tous très bien les députés et les sénateurs LR
01:04:01quand on les connaît.
01:04:03Ils ont peur de le dire.
01:04:05C'est friand.
01:04:07Lorsque je lance mes travaux sur les questions
01:04:09de guerre économique,
01:04:11en gros, je suis le premier dans la classe politique
01:04:13à parler de guerre économique, à l'exception
01:04:15d'un homme politique
01:04:17important, François Mitterrand.
01:04:19Dans sa lettre aux Français,
01:04:21qu'il publie en 88,
01:04:23un mois et demi
01:04:25avant l'élection présidentielle,
01:04:27il publie une lettre dans laquelle
01:04:29il parle de guerre économique.
01:04:31C'est à l'instigation Chevènement.
01:04:33C'est remarquable.
01:04:35C'est l'autre homme politique qui a parlé de ça.
01:04:37C'est probablement Chevènement,
01:04:39mais ça peut être aussi l'ancien conseiller industriel
01:04:41de Georges Pompidou.
01:04:43Qui ?
01:04:45J'ai oublié son nom.
01:04:47Il y a le flop pris, Jean.
01:04:49Il y a eu des industrialistes
01:04:51en 88.
01:04:53Je lance mes travaux sur la guerre économique.
01:04:55J'explique que la nationalité
01:04:57de l'entreprise, ça existe.
01:04:59Ce n'est pas un concept fumeux,
01:05:01puisque c'est un concept qui est repris par tout le monde
01:05:03dans le monde entier.
01:05:05En France, il ne fallait surtout pas parler d'entreprise nationale.
01:05:07Il y a par ailleurs des entreprises stratégiques,
01:05:09c'est-à-dire des entreprises
01:05:11qui relèvent de ces secteurs où les dépendances
01:05:13sont tragiques.
01:05:15J'ai beaucoup de mal
01:05:17à me faire comprendre là-dessus.
01:05:19Je vais vous citer une histoire qui est amusante.
01:05:21Mais on a vu quand même à la faveur
01:05:23de la crise du Covid puis de la guerre en Ukraine
01:05:25ce qu'était le poids des dépendances
01:05:27stratégiques dans le domaine de la santé,
01:05:29de l'énergie ou de la défense.
01:05:31Un jour,
01:05:33j'apprends par un membre
01:05:35du conseil d'administration d'Air France
01:05:37qu'Air France s'apprête à redoubler
01:05:39sa flotte de longs courriers
01:05:41avec des Boeing plutôt qu'avec des Airbus.
01:05:45Je deviens dingue.
01:05:47Je lance un appel
01:05:49auprès de tous les députés
01:05:51de droite, de gauche, du centre et même d'ailleurs
01:05:53pour dire en gros
01:05:55Air France ne peut pas devenir Air Boeing.
01:05:59J'obtiens 200 signatures
01:06:01en une semaine ou 10 jours,
01:06:03du parti communiste à la droite de l'UMP.
01:06:05Des sénateurs et des députés ?
01:06:07Députés uniquement.
01:06:09Je crois que je n'ai pas fait l'appel aux sénateurs.
01:06:11Ça compte parce que 200, c'est une masse
01:06:13dans une chambre.
01:06:15Je suis interrogé évidemment
01:06:17par tous les journalistes à l'époque
01:06:19qui me disent,
01:06:21vous savez, ce ton un peu
01:06:23sentencieux du gars
01:06:25qui me dit, mais enfin monsieur le député,
01:06:27vous vous y connaissez en avion ?
01:06:29Vous êtes pilote ?
01:06:31Je lui dis, attendez,
01:06:33il ne nous est pas interdit de nous exprimer sur la sécurité sociale
01:06:35sans être médecin.
01:06:37Deuxièmement,
01:06:39pourquoi vous voulez
01:06:41infléchir la politique d'une entreprise
01:06:43libre qui s'appelle Air France ?
01:06:45C'est une entreprise d'abord qui s'appelle Air France
01:06:47et pas Air Couscous ou Air
01:06:49je ne sais quoi, c'est Air France.
01:06:51De surcroît,
01:06:53c'est une entreprise qui,
01:06:55battant de l'aile, si je puis dire, avait été sauvée
01:06:57par le contribuable, dans l'espèce à l'époque de Balladur,
01:06:59qui avait purgé
01:07:01une partie de son déficit.
01:07:03Troisièmement,
01:07:05je suis français
01:07:07et accessoirement européen
01:07:09et si j'étais américain,
01:07:11je défendrais Boeing, je défends Airbus
01:07:13parce que c'est l'entreprise
01:07:15d'ouvriers français, d'ingénieurs français,
01:07:17de financiers français, etc.
01:07:19Et allemands.
01:07:21Oui, et accessoirement allemands.
01:07:23Et pour partie d'ailleurs, aidée par l'Europe
01:07:25à travers des avances remboursables.
01:07:27Mais tous les journalistes me servaient
01:07:29la même soupe. Tous.
01:07:31Je leur disais, mais attendez,
01:07:33je suis français, nous sommes français.
01:07:35Et ils me disaient, mais
01:07:37et alors ?
01:07:39C'est ça le problème français.
01:07:41C'est que nous sommes les seuls à ne pas nous aimer
01:07:43et en plus à nous culpabiliser.
01:07:45Mais jamais un américain
01:07:47ne se pose ce type de questions.
01:07:49Pas même un britannique.
01:07:51Alors peut-être les belges,
01:07:53parce que la Belgique,
01:07:55on a du mal à savoir
01:07:57si c'est un état, une nation ou une holding.
01:07:59Ou le siège d'une holding.
01:08:01Mais partout, c'est un royaume mon cher.
01:08:03Un royaume. Partout dans le monde,
01:08:05on sait ce que c'est que l'intérêt national.
01:08:07Alors,
01:08:09donc, je reprends ce que vous nous dites.
01:08:11Je suis très content du portrait
01:08:13que l'on fait par petites touches
01:08:15de vous en parlementaire gaulliste,
01:08:17combatif,
01:08:19raide,
01:08:21et n'hésitant pas
01:08:23sur la castagne
01:08:25combat culturel
01:08:27à mener contre l'adversaire.
01:08:29Je crois qu'il faut centrer,
01:08:31si on veut cultiver
01:08:33la petite vertu et l'espérance,
01:08:35dont vous vous chantiez du blanc tout à l'heure,
01:08:37il faut centrer les tirs
01:08:39sur ce qu'on appelle la TVL,
01:08:41le parti des médias.
01:08:43C'est ce parti qu'il faut pulvériser.
01:08:45Ne pensez pas.
01:08:47Et est-ce que ce n'est pas là qu'il faut faire porter
01:08:49le fer ?
01:08:51Les parlementaires auraient pu d'ailleurs.
01:08:53Comment les parlementaires ont-ils laissé faire
01:08:55l'organisation de Radio France,
01:08:57de France Télévisions par la gauche
01:08:59s'il y avait des rapports parlementaires là-dessus ?
01:09:03On n'en a pas pu intervenir ?
01:09:05Et que faire aujourd'hui
01:09:07pour le combattre, ce parti des médias ?
01:09:09Le débat d'aujourd'hui, c'est un débat sur la liberté.
01:09:11Ou les libertés.
01:09:13Je préfère d'ailleurs les libertés que la liberté,
01:09:15avec majuscule, parce que je me méfie
01:09:17des concepts.
01:09:19Ils sont utiles, mais c'est plus concret.
01:09:21Or,
01:09:23aujourd'hui, ce sont
01:09:25les partisans
01:09:27de la répression
01:09:29qui veulent continuer
01:09:31à exercer leur répression sur ceux
01:09:33qui ne pensent pas comme eux.
01:09:35Et comme ils se rendent compte que leur monde s'effondre,
01:09:37que leur théorie
01:09:39s'effondre, que leurs hommes,
01:09:41peu à peu, les uns après les autres,
01:09:43tombent déconsidérés,
01:09:45ils deviennent nerveux,
01:09:47de plus en plus agressifs,
01:09:49de plus en plus hostiles à la liberté
01:09:51et au débat.
01:09:53La liberté,
01:09:55c'est le combat d'aujourd'hui.
01:09:57D'accord.
01:09:59Et ensuite, le second combat, c'est la réindustrialisation.
01:10:01Oui.
01:10:03Tous les mots qui touchent la France...
01:10:05Parce que l'industrie
01:10:07est au cœur de l'intérêt national.
01:10:09Bien sûr.
01:10:11Et en commençant par
01:10:13l'intelligence économique,
01:10:15en commençant par une politique industrielle,
01:10:17ce qui suppose d'ailleurs qu'on sorte du
01:10:19carcan de ces lois.
01:10:21Oui, il y a quatre pans dans cette politique
01:10:23qui aujourd'hui, malheureusement,
01:10:25ne s'exprime qu'à travers
01:10:27une politique
01:10:29de chef de bureau.
01:10:31Ce n'est pas devenu
01:10:33une politique publique, ça aurait pu le devenir.
01:10:35Mais
01:10:37les enjeux sont
01:10:39énormes. C'est d'abord une politique de sécurité,
01:10:41sécurité des entreprises,
01:10:43sécurité juridique, technologique,
01:10:45financière.
01:10:47C'est une politique d'acropagnement
01:10:49sur les marchés internationaux,
01:10:51d'influence auprès des
01:10:53organisations internationales,
01:10:55organisations politiques ou techniques,
01:10:57comment peser sur l'élaboration
01:10:59des normes juridiques ou techniques.
01:11:01Et enfin, c'est une politique de formation.
01:11:03Alors, on a un peu avancé
01:11:05dans ce domaine en France,
01:11:07mais
01:11:09c'est resté une politique dans le meilleur des caractères
01:11:11ministériels, parfois ministériels.
01:11:13Mais ce n'est pas
01:11:15le niveau.
01:11:17Ça s'impose des premiers ministres, que ce soit
01:11:19Villepin ou...
01:11:21Ce n'était pas Villepin d'ailleurs à l'époque.
01:11:23Chirac et Sarkozy
01:11:25n'ont pas compris le sens.
01:11:27Je le dis et je le déplore.
01:11:29Ce n'est pas faute de leur avoir expliqué.
01:11:31Raffarin était premier ministre en
01:11:332003.
01:11:35Raffarin est un libéral
01:11:37et donc il pensait que
01:11:39les théories que je développais
01:11:41censées protéger nos entreprises,
01:11:43développer une politique industrielle,
01:11:45avoir un regard
01:11:47avisé
01:11:49sur
01:11:51notre pire ami que constituent
01:11:53les Etats-Unis, notre deuxième
01:11:55pire ami que constitue
01:11:57l'Allemagne, tout ça, c'était un peu
01:11:59iconoclaste. Et qui nous canardent sans fin.
01:12:01Mais
01:12:03on parle de couple franco-allemand. J'ai lu
01:12:05l'autre jour la réaction
01:12:07à la victoire de la CDU
01:12:09aux élections législatives en Allemagne.
01:12:11J'ai vu la réaction
01:12:15d'un homme politique français de droite
01:12:17qui dit enfin
01:12:19on va retrouver le couple franco-allemand.
01:12:21Mais c'est une...
01:12:23J'allais envoyer un mot un peu
01:12:25vulgaire mais c'est invraisemblable.
01:12:27Qu'est-ce que c'est que ce couple
01:12:29où Mme Merkel
01:12:31décide sans consulter son
01:12:33voisin ni les institutions européennes
01:12:35d'accueillir sur son
01:12:37territoire à la demande du patronat
01:12:391 300 000 Syriens
01:12:41dont on observera
01:12:43peu de temps après
01:12:45la surreprésentation dans la délinquance
01:12:47et la criminalité en Allemagne.
01:12:49Qui a flingué
01:12:51l'industrie nucléaire française
01:12:53qui était le carrefour
01:12:55de tous nos progrès
01:12:57le moteur de notre compétitivité
01:12:59notamment en termes de
01:13:01coûts de l'énergie, etc.
01:13:03Qui a
01:13:05flingué l'effort de défense européen
01:13:07pan par pan
01:13:09qui achète
01:13:11américains
01:13:13systématiquement
01:13:15qui piétine
01:13:17les programmes franco-allemands
01:13:19qui se soumet
01:13:21à la Chine et qui paie sur la diplomatie
01:13:23européenne justement
01:13:25au nom de la préservation
01:13:27des intérêts commerciaux avec la Chine
01:13:29c'est avec eux qu'on doit
01:13:31vivre une vie de couple
01:13:33mais c'est ce qui s'appelle être cocu
01:13:35et payer la chambre. C'est pire mon cher
01:13:37parce qu'on s'est marié sous couvert
01:13:39de couple avec l'Allemagne qui était
01:13:41déjà marié avec quelqu'un d'autre, c'est-à-dire les Etats-Unis
01:13:43tout simplement. Mais avec
01:13:45les Etats-Unis. On s'est marié avec quelqu'un qui était déjà
01:13:47marié, le vrai couple il est Germano
01:13:49l'Etat-Unis. Mais l'Allemagne
01:13:51a fait le choix de la triple soumission
01:13:53à la Chine pour le commerce, à la Russie
01:13:55pour l'énergie et le gaz et aux
01:13:57Etats-Unis pour sa sécurité mais
01:13:59forte de cette triple
01:14:01soumission, elle a décidé de maîtriser
01:14:03l'allié français.
01:14:05Et si nous n'existons plus
01:14:07en Europe, c'est parce que nous avons
01:14:09perdu le sens de l'équilibre
01:14:11dans nos relations avec les Allemands.
01:14:13Erreur de Général Legault
01:14:15d'ailleurs, au fond
01:14:17d'avoir tout misé sur ce couple qui
01:14:19ne pouvait pas marcher. Il n'avait
01:14:21pas compris que
01:14:23le Rhin était infranchissable. Il y a
01:14:25une frontière culturelle terrible.
01:14:27Ça c'est le monde
01:14:29des protestants anglo-saxons.
01:14:31Il n'était pas coopératif
01:14:33par nature.
01:14:35Je ne suis pas tout à fait d'accord avec nous.
01:14:37Le problème majeur des Allemands, c'est qu'ils sont romantiques.
01:14:39Et les romantiques, ils sont très dangereux.
01:14:41Nous, nous sommes classiques.
01:14:43Et si les Russes
01:14:45sont aussi compliqués, c'est parce que
01:14:47ils sont aussi très romantiques.
01:14:49Et les peuples
01:14:51romantiques sont des peuples dangereux.
01:14:53La bonne alliance, c'était une alliance latine
01:14:55plutôt que faire l'Europe. L'Italie, l'Espagne
01:14:57c'était ça les vrais alliés. Y compris
01:14:59pour mener une politique industrielle, non ?
01:15:01Absolument. Vous êtes bien d'accord avec ça ?
01:15:03Oui, tout à fait. Personne n'agit de cette idée.
01:15:05Je l'ai souvent utilisée.
01:15:07Que le trio Italie-France-Espagne
01:15:09avec les ramifications
01:15:11dans le monde
01:15:13orthodoxe d'ailleurs.
01:15:15Le problème de l'Italie... C'était ça l'axe.
01:15:17Oui, mais le problème de l'Italie, c'est qu'elle est
01:15:19quand même totalement subordinée à la diplomatie américaine.
01:15:21Mais oui, il fallait l'arracher. Depuis
01:15:231944.
01:15:25Mon Dieu, tout s'est lié
01:15:27contre nous. Alors,
01:15:29l'espérance. On commence par quoi ?
01:15:31La politique, prendre le pouvoir.
01:15:33Votre fils est très engagé,
01:15:35William Carayon.
01:15:37Heureusement qu'il était là
01:15:39pour Éric Ciotti. J'ai l'impression qu'Éric Ciotti
01:15:41n'aurait pas réussi son coup.
01:15:43Si votre fils, président
01:15:45des jeunes LR, ne l'avait pas
01:15:47rejoint sans vergogne et aussitôt
01:15:49parce que sa crédibilité, lui
01:15:51et Éric Ciotti étaient un peu flageolants...
01:15:53Vous voyez comment l'évolution du visage politique ?
01:15:55Je crois à l'alliance des générations.
01:15:57Je crois à l'alliance des générations,
01:15:59c'est-à-dire que...
01:16:01Vous savez, en Occitan, on dit
01:16:03« il y a des braves émoudés partout ». Ça veut dire
01:16:05« il y a des braves gens partout ».
01:16:07Ça veut dire surtout que
01:16:09les talents ne sont pas
01:16:11la propriété d'une catégorie sociale,
01:16:13d'une catégorie ethnique
01:16:15ou d'une catégorie d'âge.
01:16:19Le rassemblement des Français, c'est d'abord
01:16:21le rassemblement des générations.
01:16:23C'est pourquoi l'alliance entre Éric Ciotti
01:16:25et Guilhem
01:16:27a été une alliance importante
01:16:29pour faire sauter
01:16:31un tabou
01:16:33qui était celui de l'alliance électorale
01:16:35avec le RN.
01:16:37Alors, est-ce que...
01:16:39Oui, je m'y suis heurté moi-même
01:16:41il y a 10 ans.
01:16:45Le problème...
01:16:47Il y avait beaucoup de députés LR
01:16:49qui marchaient.
01:16:51Je sais bien, il n'y a aucun...
01:16:53Enfin, je veux dire...
01:16:55Ça ne pose pas de problème
01:16:57aux macronistes
01:16:59de faire alliance pour le deuxième tour
01:17:01aux législatives avec les antisémites
01:17:03de la France insoumise.
01:17:05Mais ils ont un regard
01:17:07de mépris et de haine
01:17:09pour l'alliance entre l'égaliste de droite
01:17:11et le RN.
01:17:13Que j'ai toujours prôné depuis 20 ans.
01:17:15Absolument.
01:17:17La voix solitaire
01:17:19dans le désert.
01:17:23Vox Clamens,
01:17:25il déserte au.
01:17:27Bon, ça va marcher cette fois alors ?
01:17:31La France n'a pas le choix ?
01:17:33Est-ce qu'une partie
01:17:37des bourgeois LR
01:17:39va s'accompagner
01:17:41avec le...
01:17:43On ne va peut-être pas tout résumer
01:17:45sur la question de sociologie électorale
01:17:47même si vous savez comme moi...
01:17:49C'est un mot dada.
01:17:51La bourgeoisie ne marche pas à l'intérêt national.
01:17:53C'est un mot dada.
01:17:55Elle a du mal.
01:17:57Mais vous savez, les conservateurs
01:17:59veulent toujours tout conserver.
01:18:01Je suis ici dans l'antre du conservatisme.
01:18:03Je sais.
01:18:05Et vous savez, ma défiance à l'égard de ce mot,
01:18:07comme Thierry Monnier, l'écrivain,
01:18:09le conservateur, c'est un mot qui commence trop mal.
01:18:11Mais je me repends tout de suite
01:18:13de cette plaisanterie.
01:18:19Si vous voulez,
01:18:21on ne peut plus se contenter
01:18:23d'imaginer
01:18:25une alliance des droites
01:18:27pour que le pays s'en sorte.
01:18:31C'est un mouvement populaire vaste, large.
01:18:33C'est l'alliance de tous ceux qui croient à la France
01:18:35contre ceux qui l'ont abandonné.
01:18:37Et ceux qui croient à la France,
01:18:39ils peuvent venir de la droite ou de la gauche.
01:18:41Je m'en fous.
01:18:43Sans compter que le premier parti,
01:18:45aujourd'hui, c'est celui des abstentionnistes.
01:18:47Il faut réveiller les gens qui ne veulent plus depuis très longtemps.
01:18:49Vous voyez ça à Lavore.
01:18:51J'ai vu, vous avez des élections de Maréchal chaque fois.
01:18:53Au bout de décennies.
01:18:55Parce qu'on s'était forcé
01:18:57de faire du bien aux gens.
01:18:59De faire du bien.
01:19:01Le bien public.
01:19:03C'est pas toujours
01:19:05sur mes idées politiques personnelles
01:19:07que je suis élu.
01:19:09C'est parce que
01:19:11mes équipes
01:19:13et moi-même ont de la considération
01:19:15pour les gens.
01:19:17L'amour du pays,
01:19:19c'est aussi le respect des gens.
01:19:21L'amour du pays, c'est pas simplement
01:19:23l'amour du drapeau, l'amour éthéré,
01:19:25les grands historiens,
01:19:27la lecture de Jacques Bainville,
01:19:29etc. C'est pas uniquement ça.
01:19:31La France, c'est du concret.
01:19:33La France peut mourir, elle peut disparaître.
01:19:35C'est peut-être ça le sursaut.
01:19:37C'est le moment où on se verra.
01:19:39Paul Valéry dit deux choses qui sont importantes.
01:19:41Nous, civilisations, savons que nous sommes mortels.
01:19:43Première chose. Deuxièmement, il dit
01:19:45la France n'aspire
01:19:49à être gouvernée que par une commission européenne.
01:19:51Il dit ça en 1924.
01:19:53C'est pas national, il dit.
01:19:55En 1924, Paul Valéry.
01:19:57Il faut relire Paul Valéry.
01:19:59C'est remarquable. Bien sûr,
01:20:01les regards sur le monde actuel, mais aussi sa poésie.
01:20:03C'est magnifique. J'ai tout lu à 20 ans.
01:20:05Paul Valéry.
01:20:07Je sais pas, quels livres vous n'avez pas lus ?
01:20:09Parce que ça aussi...
01:20:11Je n'ai que des regrets dans ce domaine.
01:20:13Je n'ai que des regrets.
01:20:15Vous lisez beaucoup en ce moment ?
01:20:17Oui, j'adore.
01:20:19Chaque fois que je vous vois,
01:20:21vous êtes sur un grand...
01:20:23Qui alors ?
01:20:25Tout à l'heure, je vous citais Régis et le retour du RSS.
01:20:27Je l'ai relu. Ça m'a un peu déçu.
01:20:29Quand j'avais 20 ans, j'avais l'impression
01:20:31que c'était ça. Je suis un peu déçu aujourd'hui.
01:20:33J'y ai passé de mode.
01:20:35C'est pas terrible.
01:20:37Et je relis, là aussi,
01:20:39un livre de ma jeunesse.
01:20:41Les Réprouvés, d'Ernst von Salomon.
01:20:43C'est remarquable.
01:20:45C'est remarquable.
01:20:47Il y a deux écrivains allemands que j'aime beaucoup.
01:20:49C'est Ernst von Salomon et Ernst Hünger.
01:20:51Ernst Hünger, qui écrit, vous savez,
01:20:53Les falaises de marbre,
01:20:55Orage d'acier sur les guerres de 14-18.
01:20:57C'est un des grands combattants. Courageux.
01:20:59Mais c'est clinique.
01:21:01C'est très allemand. C'est clinique.
01:21:03C'est une description clinique
01:21:05du champ de bataille.
01:21:07Et il sait que c'était l'un des écrivains
01:21:09préférés de François Mitterrand.
01:21:11Je le sais. Il m'a même visité.
01:21:13Il allait dans la forêt noire.
01:21:15Philippe Horstelé le voit centenaire.
01:21:17Absolument. Parce qu'il est mort à 104 ans.
01:21:19Je crois.
01:21:21Il allait en avion jusqu'à Strasbourg.
01:21:23Puis là, il prenait un hélicoptère
01:21:25pour l'emmener chez Ernst Hünger.
01:21:27Et ils discutaient l'après-midi.
01:21:29Ils bouffaient ensemble.
01:21:31Ils dînaient ensemble.
01:21:33Et ensuite, ils revenaient à l'Elysée.
01:21:35Ça aussi, on croit encore
01:21:37à des hommes politiques très cultivés.
01:21:39Vous en êtes. C'est pour ça que je voulais
01:21:41absolument que vous illustriez
01:21:43ce que peut avoir magnifique un élu.
01:21:45Un élu dévoué au bien public.
01:21:47Vous êtes sympa. Vous savez,
01:21:49j'ai pas de mérite.
01:21:51Férocement national.
01:21:53Je suis né dans une famille
01:21:55où on aimait les livres
01:21:57et puis la France,
01:21:59par-dessus tout.
01:22:01Le plus bel héritage
01:22:03que j'ai eu de mon père, c'est sa bibliothèque.
01:22:05Des milliers de livres
01:22:07que j'ai continué à enrichir.
01:22:09Et puis, j'espère
01:22:11que cet amour
01:22:13du livre et de la France
01:22:15continueront à irriguer
01:22:17ma filiation.
01:22:19Vous m'avez dit
01:22:21qu'il faut que vous veniez avec un objet.
01:22:23C'est une surprise.
01:22:25J'en ai apporté deux.
01:22:27C'est un bronze
01:22:29d'un soldat de l'Empire.
01:22:35C'est une nostalgie pour vous.
01:22:37J'aime l'Empire.
01:22:39L'aristocratie au bout de l'épée.
01:22:43Soult était fils de tavernier.
01:22:47Il a pillé toute l'Europe.
01:22:49Là, il y avait l'ascenseur social.
01:22:51Il a pillé toute l'Europe.
01:22:53Mais le courage était dans ses veines.
01:22:55Et puis,
01:22:57vous avez apporté un deuxième objet.
01:22:59Ça fait trois fois que vous parlez
01:23:01du courage.
01:23:03C'est votre vertu cardinale,
01:23:05le courage ?
01:23:07Oui, c'est mon naturel.
01:23:09Ça, c'est le dessin de ma petite fille.
01:23:11Merci de ?
01:23:13Vous êtes trop gentil.
01:23:15C'est ma petite fille.
01:23:17Fille de qui ?
01:23:19Ma petite fille.
01:23:21Fille d'Inès et de Louis.
01:23:23Je ne mets pas les surnoms
01:23:25de ma femme et de moi-même
01:23:27qui sont au-dessus.
01:23:29Vous allez vous marrer.
01:23:31C'est trop intime.
01:23:33Ce petit dessin d'une petite fille
01:23:35de 7 ans
01:23:37me comble de joie.
01:23:39Je me souviendrai longtemps du jour
01:23:41où j'ai fait votre connaissance,
01:23:43il n'y a pas si longtemps,
01:23:45en Périgord.
01:23:47Nous avons débarqué en Périgord
01:23:49en plein été.
01:23:51La table était magnifique,
01:23:53une table familiale
01:23:55avec vos enfants.
01:23:57Pas terre familiale,
01:23:59ma terre familiale.
01:24:01Votre femme Laetitia est délicieuse,
01:24:03elle sait recevoir comme personne.
01:24:05Une ambiance de vieille France,
01:24:07mais de vieille France pas du tout raccordée.
01:24:09Au contraire, branchée sur tout.
01:24:11Et vous trôniez au mieux de tout ça.
01:24:13C'est pas un trône.
01:24:15Vous étiez au milieu.
01:24:17C'était une très belle scène,
01:24:19très familiale à l'ancienne.
01:24:21Il n'y a que des caractères dans la famille.
01:24:23Le trône est toujours friable.
01:24:25Oui.
01:24:27Mais ça perpétuait.
01:24:29Vous n'avez pas le mot conservateur,
01:24:31mais vous l'incarnez formidablement,
01:24:33mon cher Bernard Caragnon.
01:24:35Vous parlez d'Ernst von Salomon,
01:24:37c'est inattendu,
01:24:39ça pourrait être un ultime sujet
01:24:41et occasion de vous confier
01:24:43une de mes obsessions
01:24:45et je voudrais savoir comment vous réagissez.
01:24:47Salomon dit
01:24:49le jour où l'homme s'est libéré
01:24:51de Dieu,
01:24:53il ne devinait pas qu'un jour
01:24:55la machine
01:24:57se libérerait de l'homme.
01:24:59Ce qui veut dire, à partir du moment
01:25:01où on a perdu notre verticalité,
01:25:03plus de racine,
01:25:05et vous êtes raciné,
01:25:07plus de spiritualité,
01:25:09toute la famille dont je parlais
01:25:11est férocement catholique,
01:25:13ou naturellement tout simplement catholique,
01:25:15nous ne vivrions plus
01:25:17à la verticale mais à l'horizontale
01:25:19et à ce moment-là,
01:25:21les machines seront nos maîtresses.
01:25:23Ce n'est pas un énorme danger,
01:25:25pas pour la France mais pour l'humanité entière.
01:25:27Vivre à l'horizontale
01:25:29et être dépendant, on l'est sans cesse,
01:25:31les machines nous rappellent à l'ordre en permanence.
01:25:33Quand on vit à l'horizontale,
01:25:35c'est qu'on est couché, non ?
01:25:37Quel livre lisez-vous ?
01:25:39Deuxième question.
01:25:41Je vous l'ai dit, Gilles et Salomon.
01:25:43Que conseilleriez-vous ?
01:25:45A vos enfants, vous leur conseillez
01:25:47quel genre de lecture ?
01:25:49Il y a un livre que j'ai adoré
01:25:51et que je redis régulièrement,
01:25:53c'est un livre de Jules Monroe,
01:25:55La sociologie de la révolution.
01:25:57Ah bon ?
01:25:59C'est le meilleur livre
01:26:01pour démonter
01:26:03philosophiquement
01:26:05et théoriquement
01:26:07le communisme,
01:26:09le marxisme.
01:26:11Le deuxième livre que je conseillerais,
01:26:13c'est le Nogordien de Pompidou
01:26:15parce que ça se lit
01:26:17en deux heures sur un canapé
01:26:19et en mangeant du chocolat.
01:26:21C'est un régal, c'est rapide,
01:26:23c'est très simple.
01:26:25Je vais vous rajouter à cela l'anthologie
01:26:27parce que l'anthologie de la poésie française,
01:26:29une femme passa balançant le feston
01:26:31et l'ourlet, moi je buvais,
01:26:33mon oeil ciel livide où germe l'ouragan,
01:26:35le plaisir qui fascine et la douleur qui tue,
01:26:37ailleurs, bien loin d'ici, trop tard,
01:26:39jamais peut-être, car j'ignore où tu fuis,
01:26:41tu ne sais où je vais, oh toi que j'eusse aimé,
01:26:43oh toi qui le savais.
01:26:45C'est beau la poésie.
01:26:47Alors on a des ressources cachées,
01:26:49donc on a des dernières ressources à exploiter
01:26:51qui est l'intelligence tout simplement,
01:26:53pas économique, mais l'intelligence,
01:26:55n'est-ce pas ?
01:26:57L'intelligence française.
01:26:59Vous nous aviez apporté autre chose, non ?
01:27:01Non, le soldat de l'Empire,
01:27:03le Greniard,
01:27:05et la lettre de ma petite-fille.
01:27:07Voilà, j'espère qu'on a tracé un portrait de vous
01:27:09qui donne confiance aux hommes politiques
01:27:11et surtout à ceux qui savent agir,
01:27:13et c'est peut-être la voie pour l'avenir
01:27:15d'un pays qui est tellement menacé
01:27:17mais qui peut compter sur des gens comme vous
01:27:19et l'ensemble de votre famille
01:27:21dont on a vu qu'elle relève le gant.
01:27:23Merci beaucoup de votre visite.
01:27:25Je précise, cher Paul Barricouteau,
01:27:27que j'ai un blog qui s'appelle
01:27:29marcarayon.fr
01:27:31comme lafrance.fr
01:27:33et que là-dessus, il y a tous mes moins mauvais écrits
01:27:35et mes moins mauvais discours
01:27:37sur ce site.
01:27:39Alors, vous devriez rééditer
01:27:41Écrits et paroles d'un homme libre,
01:27:43qui est une succession d'articles
01:27:45édités chez Privas,
01:27:47mais des articles
01:27:49qui tracent aussi
01:27:51le portrait d'un homme.
01:27:53J'avais coché quantité de pages, mais comme d'habitude,
01:27:55on n'a pas le temps de tout lire.
01:27:57Mais je reviendrai peut-être en seconde semaine.
01:27:59Il va falloir aussi
01:28:01nos conversations.
01:28:03Elles ne s'arrêteront jamais.
01:28:05Merci beaucoup Bernard Carillon.
01:28:07Merci Paul Barricouteau.