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En fournissant les efforts nécessaires pour obtenir des labels de tourisme durable ou en s’associant avec le WMF (World Monument Fund), Accor tente de se placer comme référent du tourisme responsable. Brune Poirson, directrice du développement durable du groupe, nous explique comment l’entreprise collabore avec les communautés locales afin de préserver le patrimoine culturel.

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00:00L'invité de ce Smart Impact, c'est Brune Poirson. Bonjour ! Bonjour à vous. Heureux de vous retrouver, directrice du développement durable du groupe Accor.
00:14Vous étiez déjà venue nous parler dans une longue interview de toute la stratégie RSE. Là, on va vraiment se concentrer sur deux thèmes, l'éco-certification des hôtels
00:22et puis l'engagement d'Accor pour préserver le patrimoine culturel. Et d'une certaine façon, ça pose la question du surtourisme et des effets du surtourisme.
00:31Je commence par ce label. En juin dernier, vous annonciez avoir passé le cap des 1 000 hôtels éco-certifiés. Alors j'imagine que ça continue.
00:38Vous en êtes où 6 mois plus tard ? Absolument. Je ne peux pas encore vous donner les chiffres officiels. Mais ce que je peux vous dire,
00:43c'est que ça avance très bon train. On s'apprête presque à doubler le nombre d'hôtels qui sont éco-certifiés. Pour nous, c'est vraiment une priorité.
00:52Pourquoi ? Parce que c'est une façon à la fois d'embarquer le personnel des hôtels, mais aussi et surtout de montrer à nos clients,
00:59quels qu'ils soient, propriétaires d'hôtels comme ceux qui viennent dans nos hôtels, qu'on fait des efforts et surtout que les hôtels sont prêts à continuer à aller de l'avant.
01:06Et ce n'est pas nous qui le disons. Ce sont les labels parce qu'évidemment, il y a tout un processus. C'est long. Ça ne se fait pas du jour au lendemain.
01:13C'est aussi audité. Et donc, c'est une tierce partie qui détermine si l'hôtel est vraiment en chemin pour accélérer sa mue environnementale et sa mue sociale.
01:22— Avec des labels qui ne sont pas forcément les mêmes d'un pays à l'autre. C'est ça ? — Absolument. Évidemment.
01:27— Il faut s'adapter. On n'a pas la même exigence en fonction des pays. — Alors je dirais que quand même, le niveau d'exigence tend à être presque partout similaire.
01:35C'est plutôt presque une question de confiance. Il y a des régions comme par exemple la Chine ou d'autres parties en Asie qui préfèrent avoir leur propre label.
01:44Ce sont des labels au niveau d'exigence important et que nous, on a vérifiés évidemment, parce que vous imaginez qu'il y a pléthore de labels de par le monde sur ce sujet-là.
01:53Mais nous avons fait une sélection extrêmement fine et précise pour ne travailler qu'avec quelques-uns. Et normalement, ce sont des labels internationaux
02:01pour qu'ils puissent être compris et reconnus par l'ensemble de nos clients où qu'ils soient. C'est le principe. Mais évidemment, il y a certaines régions
02:08qui tiennent à un label plus qu'à un autre. Et à condition qu'ils passent par les fourches codines de notre niveau d'exigence, à ce moment-là, on les accepte.
02:15— Donc si j'ai bien compris, vous allez vers les 2 000 hôtels certifiés. Ce qui représente quoi ? J'ai pas bien travaillé. J'ai pas vérifié.
02:22C'est combien d'hôtels dans le monde, le groupe Accor ? — Alors d'abord, le groupe Accor, c'est 5 700 hôtels dans le monde. On en ouvre, on pourrait dire,
02:28pour simplifier, un hôtel par jour. Donc vous imaginez le défi. C'est de passer d'une croissance volumique peu à peu à une approche très centrée sur la qualité.
02:38— Donc c'est un processus long, volontariste. C'est-à-dire que pour faire passer les hôtels les uns après les autres, c'est vraiment un programme que vous avez mis en place ?
02:46— Exactement. C'est une vision qui a émané fortement à la fois de notre PDG et de mon équipe et surtout de tous ceux qui, sur le terrain,
02:55œuvrent au quotidien dans les hôtels. Mais c'est aussi fait en partenariat avec les propriétaires d'hôtels, parce que le modèle d'affaires du groupe Accor
03:04fait que nous ne sommes pas propriétaires des hôtels. Et donc évidemment, nous n'avons pas la main sur ce que les hôtels font. Donc avant le déploiement
03:10d'un programme comme ça, il faut aller convaincre des centaines et des centaines, voire presque des milliers de propriétaires d'hôtels.
03:16Mais je pense que tous y ont vu leur intérêt aussi, parce que – il faut peut-être le préciser – certains des clients qui vont dans les hôtels
03:23ou qui envoient des gens dans les hôtels sont des grands comptes, c'est-à-dire d'autres entreprises qui ont elles-mêmes des engagements environnementaux
03:29et donc qui en font une précondition que l'hôtel soit labellisé pour envoyer, si je puis dire, certains de leurs employés.
03:37— Un effet boule de neige. — Exactement. C'est l'effet vertueux, en fait. On se pousse tous vers le haut.
03:41— Donc ça peut être un processus assez long. Parce que qu'est-ce qu'il faut faire pour obtenir... Alors ça dépend des pays, on l'a bien compris.
03:47Mais pour que son hôtel soit éco-certifié ? — Il y a toute une batterie de mesures. Évidemment, c'est d'abord changer et faire évoluer en profondeur
03:55les opérations de l'hôtel, c'est-à-dire la façon dont il est géré. Ça va évidemment de la gestion de l'énergie, avec des changements qui peuvent être
04:03assez importants, mettre en place par exemple des détecteurs de mouvements dans les couloirs, passer aux ampoules LED.
04:10Tout ça, dans certains endroits comme la France, ça peut paraître évident. Mais croyez-moi, il y a beaucoup de pays dans le monde pour lesquels
04:15c'est vraiment une marche haute, mais même en France, d'ailleurs. Et puis c'est d'autres changements. Mettre en place le tri sélectif, c'est un vrai défi
04:21parfois dans certains pays où il n'y a pas de vrai système de services publics de gestion des déchets. Lutter aussi contre le gaspillage alimentaire,
04:28parce que dans un hôtel, plus de la moitié des déchets, c'est des déchets alimentaires. Et puis c'est aussi faire évoluer certaines pratiques sociales.
04:36Bref, c'est tout un ensemble très cohérent qui fait... — L'économie d'eau aussi, ça doit être un peu important dans un hôtel.
04:41— Installer des mousseurs, par exemple, sur les robinets. Et puis après, tout ça, en fait, toutes ces mesures-là préparent des changements encore plus profonds
04:49au sein de l'hôtel, qui exigent parfois des investissements extrêmement importants de plusieurs millions d'euros.
04:53— Alors justement, c'est la question que j'allais vous poser, parce que vous n'êtes pas propriétaire. Ça coûte de l'argent au propriétaire.
04:58Donc vous les accompagnez. Comment ça s'est mis en place ? — Exactement. On les accompagne de plusieurs façons. Soit d'abord, parfois...
05:06C'est pas forcément le cas en France. Mais parfois, pour les sensibiliser tout simplement au sujet, c'est la première marche.
05:10Former, si je puis dire, et je le dis sans paternalisme, former nos propriétaires d'hôtels pour qu'ils en apprennent plus sur la nécessité
05:18de se mobiliser sur le réchauffement climatique. Ensuite, les aiguiller vers les bons labels, ceux qui sont sérieux, qui ne sont pas du greenwashing.
05:24Puis ensuite accompagner toutes les équipes dans l'hôtel, parce qu'il y a beaucoup d'hôtels dans lesquels ce ne sont pas directement des employés à corps.
05:31Et puis ensuite, les préparer à la labellisation. Et une fois qu'on est labellisé, évidemment, il faut remettre l'ouvrage sur le métier, si je puis dire,
05:39puisque c'est parfois des certifications qui doivent être renouvelées, soit toutes les années, soit tous les 3 ans à minima.
05:46Donc tout ça, c'est un processus qui est long, mais qui permet d'engager un nouveau type de dialogue avec les propriétaires d'hôtels,
05:53et qui parfois est la première étape vers des investissements de plusieurs millions d'euros en capex pour transformer,
06:00rénover en profondeur parfois des bâtiments, puisqu'on sait que c'est de là que vient aussi l'empreinte carbone des hôtels, c'est du bâtiment.
06:08Bien sûr. Il nous reste 4 minutes. On va parler de ce thème, cet engagement pour la préservation du patrimoine culturel mondial.
06:14Le groupe Accor, qui s'associe au World Monuments Fund, partenariat de 3 ans. C'est quoi le principe, déjà ?
06:20Le principe, c'est de travailler pour développer un type de tourisme qui est différent, qui est différent et qui s'inscrit par le biais d'un vrai partenariat
06:30au sein des communautés, parfois hors des chantiers battus, et qui vise vraiment à permettre à des lieux exceptionnels qui sont en train de disparaître,
06:40qui font parfois partie de l'identité première d'un peuple, d'une communauté, de les rénover, de les restaurer en partenariat à l'écoute des communautés locales.
06:50Et ça, c'est extrêmement important. Quand vous regardez les chiffres, il y a 95% de la population qui voyage qui va dans les mêmes 5% des endroits dans le monde.
06:58C'est ce qu'on appelle le sur-tourisme. Alors évidemment, avec un partenariat comme ça, on ne va pas régler ce problème. Néanmoins, notre objectif, il est de développer des innovations
07:08et d'apprendre, parce que nous partageons les mêmes valeurs que le World Monuments Fund, pour aller protéger des lieux qui seraient en train de disparaître.
07:15Il y a deux aspects. Il y a protéger les lieux qui sont les plus visités et inciter les clients, finalement, de vos hôtels à aller voir autre chose.
07:26En fait, c'est généralement les lieux qui sont extrêmement visités. Évidemment, ils sont à risque, mais comme ils sont très visités, ils reçoivent parfois,
07:37je ne dis pas que c'est le cas pour tous, mais ils reçoivent parfois suffisamment ou en tout cas un nombre important de ressources. En revanche, autour, soit dans les campagnes
07:45à l'entour, soit dans d'autres parties du territoire, il y a des lieux qui tombent quelque part en ruine, soit parce que...
07:53— Rénovons-les pour que les gens aient envie d'aller les voir. Je comprends. — Exactement. Et c'est pas que pour que les gens aient envie d'aller les voir.
07:58C'est aussi pour s'assurer que les communautés, elles restent ancrées sur leur territoire, elles préservent leur identité. L'objectif, il n'est pas que de redistribuer
08:07vraiment des flux. Au contraire, il est de permettre à cette diversité culturelle et quelque part aussi de contribuer à la lutte contre la standardisation
08:17quelque part du monde. — Oui. Mais sur ce phénomène de surtourisme, mécaniquement, un groupe hôtelier aussi puissant qu'Accor, il participe.
08:26Vous voyez ce que je veux dire ? Si vous avez un hôtel pas loin du Mont-Saint-Michel, les gens qui viennent dans votre hôtel, ils vont voir le Mont-Saint-Michel.
08:32Et il y aura toujours cette foule de plus en plus compliquée à gérer autour du Mont-Saint-Michel. — Mais c'est une question d'équilibre. C'est pour ça qu'on travaille
08:40beaucoup avec les autorités locales. Et quand je dis que c'est une question d'équilibre, c'est parce que c'est toujours la même chose. Vous savez, il y a des pays
08:47dans lesquels le tourisme, c'est 70% de la richesse qui est produite, du PIB d'un pays. Donc dans ces cas-là – et on le voit, c'est très souvent le cas –,
08:55le tourisme apporte beaucoup de ressources locales qui permettent de préserver. La question, c'est quel équilibre pour quel équilibre. Et donc comment est-ce qu'on met en place,
09:04comment est-ce qu'on travaille avec les autorités locales pour répartir les flux, par exemple, de façon beaucoup plus harmonisée ? Et ça, Accor seul ne peut pas résoudre
09:12ce problème-là. C'est pour ça que nous travaillons à l'élaboration de partenariats avec toute une série d'acteurs qui ont vraiment la capacité sur les territoires
09:20d'orienter et de changer parfois les comportements. — C'est pas vous qui, évidemment, le décidez. Mais les leviers, si on parle d'innovation, les leviers qu'on peut activer,
09:29c'est quoi ? Parce que le levier le plus simple, c'est le levier du prix. On va rendre un site payant de plus en plus cher. Donc mécaniquement, il y aura un peu moins de...
09:37— Oui, mais là, on tombe sur la question de l'équité sociale. Les plus riches ne peuvent pas être les seuls qui sont autorisés à voyager. — On est d'accord. Donc c'est quoi l'innovation ?
09:45— Il y a plusieurs innovations. D'abord, répartir dans le temps par exemple les voyages ou en tout cas les visites. Il y a d'autres solutions que parfois certaines villes choisissent
09:53qui peut être de taxer pour que la taxe contribue à l'amélioration ou en tout cas à la préservation de l'environnement ou des bâtiments. En fait, il y a presque autant de mesures
10:05que ce qu'il y a de sites. Et en ce moment, il y a des réflexions extrêmement intenses sur le sujet. Et je peux pas vous en dire à ce stade plus, parce qu'on est en train de les mener
10:13et on est en train de créer des partenariats. Mais quand je vous dis « on est en train », on a déjà des preuves très concrètes. Le partenariat avec le World Monument Fund...
10:20Nous sommes la première entreprise de l'hôtellerie à avoir signé un tel partenariat et à s'engager vraiment dans cette direction-là. Donc pour nous, on n'a pas une approche passive.
10:29Beaucoup d'autres entreprises ont tendance à dire... Et ça, c'est la responsabilité des autorités locales. Nous, on veut travailler et y travailler main dans la main et bénéficier
10:38de l'innovation et aussi qui émane de certains acteurs comme le World Monument Fund.
10:43Et c'est combien d'argent, par exemple ?
10:44Ça, on ne partage jamais le montant de nos partenariats. Ce que je peux vous dire, c'est que c'est important à l'échelle d'un groupe comme le nôtre.
10:51OK. Merci beaucoup. Merci, Brune Poirson, et à bientôt sur BeSmart4Change. On passe à notre débat. Et si nos bureaux étaient reconditionnés ?

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