Avec Myriam Benraad, spécialiste du Moyen-Orient, auteure de "Mécaniques des conflits" (Editions Le Cavalier Bleu)
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00:00Le Grand Matin Sud Radio, 7h-9h, Jean-Jacques Bourdin.
00:04— Comprendre, savoir, apprendre, c'est notre objectif tous les matins, vous le savez, et avec lucidité, bien sûr.
00:12Et ce matin, je voudrais revenir sur la prise de pouvoir en Syrie de Abou Mohamed Al-Joulani, le chef islamiste de HTS.
00:22Et pour en savoir plus, je suis avec Myriam Benrad, qui est spécialiste du Moyen-Orient,
00:26auteure de « Mécaniques des conflits » aux éditions Le Cavalier Bleu. Myriam Benrad, bonjour.
00:31— Bonjour. — Merci d'être avec nous ce matin. Il n'y a pas de djihadiste modéré.
00:36Comme les talibans, qui avaient promis qu'ils avaient changé, est-ce qu'on peut, avec Joulani, avoir les mêmes inquiétudes ?
00:45— Oui, je pense. Je pense qu'on peut avoir l'inquiétude que, derrière les belles promesses qui ont été faites,
00:51c'est en effet de modération de son discours, de son engagement idéologique, de respect de la diversité syrienne,
00:58notamment des minorités, des femmes, qu'on se dirige en réalité, puisque ces hommes sont au pouvoir désormais,
01:04vers un régime beaucoup plus dur, sans compter tout de même qu'il y a eu une déformation informationnelle très importante
01:12autour de ce qui s'est passé, qu'on a quand même largement gommé dans une partie des médias occidentaux
01:17la réalité sur le terrain, qui est beaucoup plus violente et inquiétante qu'il n'y paraît, encore une fois, parce que je pense qu'il y a eu...
01:25— Ça m'intéresse, Myriam Benraad, ce que vous dites. Quelle est la réalité sur le terrain qu'on a occultée ici, en Occident ?
01:32Parce qu'en Occident, évidemment, on se dit « Ah bah voilà, c'est la libération. Le tyran Assad, à juste raison, est parti chasser du pouvoir ».
01:41Heureusement, tout le monde se réjouit, évidemment, évidemment. Mais attention, quelle est la réalité sur le terrain, Myriam Benraad,
01:50d'après tout ce que vous entendez, tous les témoignages que vous recueillez ?
01:54— Alors moi, je pense qu'il faut d'abord distinguer les scènes de liesse qu'on a vues en Syrie et les scènes de liesse qu'on voit à l'extérieur.
02:01Il est évident que du côté des réfugiés syriens qui ne sont plus en Syrie depuis un certain temps, on va se réjouir parce qu'on n'a pas forcément suivi ce qui s'est passé.
02:10Les scènes de liesse qu'on a vues par contre en Syrie dans un certain nombre de villes sont les scènes de liesse des partisans des djihadistes et non pas de toute la population.
02:17Et en effet, il y a eu cette opération CNN de respectabilité où les Américains ont présenté Joulani comme étant finalement un simple militant.
02:26En réalité, on a déjà des centaines de milliers de Syriens qui sont déplacés, les minorités qui sont terrifiées de voir s'abattre sur elles un véritable diktat djihadiste.
02:37Les femmes sont très inquiètes, on a des scènes de pillage, de vandalisme, une espèce d'insécurité qui a repris finalement le dessus.
02:46D'ailleurs, ça n'équivaut pas encore une fois à dire qu'il ne fallait pas, entre guillemets, libérer la Syrie, mais qui sont les libérateurs en l'occurrence, c'est quand même encore une fois assez terrifiant.
02:56Et premier mot de Joulani, la Syrie purifiée grâce à Dieu Tout-Puissant, ce n'est pas innocent.
03:02Oui, voilà la purification. Je voudrais dire une chose, ça me fait penser à la débassification en Irak lorsqu'il était question de purger, de purifier en effet de tous les anciens éléments du régime.
03:15Mais de qui parle-t-on ? Parce qu'il y avait le dictateur qui est en fuite, qui est parti, mais il y a aussi finalement tout l'appareil d'État syrien et beaucoup de fonctionnaires, beaucoup de Syriens n'avaient pas le choix.
03:26Ils étaient dans l'armée, ils étaient dans les administrations, les institutions, parce que ça fait des décennies que ce régime est en place.
03:32Là, ils ont quand même d'ores et déjà dressé des listes de cibles, alors même que Joulani avait dit que la transition ne devait pas se faire sous la bannière de la vengeance.
03:41Et en réalité, on est en plein dedans.
03:43On est en plein dedans. Myriam Benrad a Idlib. Il a géré Idlib, qui est une grande ville de Syrie dans le nord.
03:50Le fait religieux s'est installé. Sous sa direction, les chrétiens doivent payer même une dîme pour être protégés.
04:00Une dîme, ça veut dire une sorte d'impôt. Un impôt pour être protégés.
04:04— Moyen-âgeux. — C'est Moyen-âgeux ?
04:06— Oui, alors vous faites bien de le souligner, parce qu'on a oublié finalement ce qui s'est produit à Idlib.
04:12— Bien sûr. — Et ce qui s'est produit à Idlib depuis des années, c'est l'instauration d'un émirat islamiste, donc en fait sous la coupe des djihadistes,
04:20où il y a eu un certain nombre de manifestations, dont les dernières remontent à quelques mois, de civils qui n'en pouvaient plus...
04:26Bon, qui n'en pouvaient plus des bombardements, des opérations militaires, ça, ça semble évident, mais qui n'en pouvaient plus de cette gouvernance.
04:32Mais ce qu'a fait Joulani, encore une fois, par rapport aux Occidentaux, c'est recevoir un certain nombre de journalistes et d'observateurs,
04:39leur montrer ce qu'il avait bien envie de leur montrer à l'époque, et donc ça a participé de cette opération finalement de réhabilitation du personnage.
04:46Bon, alors écoutez, moi je ne suis pas du tout d'accord avec cette idée de transition démocratique pour un autre aspect de la chose.
04:53Ils ont pris le pouvoir par les armes. Ils ont conquis les villes par les armes. Alors il n'y a pas eu beaucoup de sang de verser parce que l'armée s'est retirée,
05:02les civils sont passifs, mais en réalité ils n'ont pas pris le pouvoir en consultant les Syriens.
05:09Donc je suis très réservée par rapport à ces scènes de liesse qui nous annoncent la grande libération tant espérée de la Syrie.
05:14– Oui, la Syrie purifiée grâce à Dieu Tout-Puissant, je répète, pourquoi ? Parce que n'oublions pas qu'il est djihadiste, Joulani, c'est un djihadiste.
05:26– Oui, et puis c'est un djihadiste si vous voulez parce qu'on peut parler d'Ahiya Tahrir al-Sham, présenter cette organisation comme étant finalement devenue syrienne,
05:37comme s'occupant des populations voulant finalement restaurer…
05:42– Oui, un islamisme nationaliste, on parle d'un islamisme nationaliste.
05:46– Oui, mais ça ne veut pas dire grand-chose, je vais vous dire pourquoi. Parce que déjà lui est un djihadiste en l'occurrence.
05:51Lui est vraiment un djur, un ancien d'Irak, qui a fait le djihad contre les Américains, qui était très proche d'Al-Qaïda,
05:57qui a aussi, je suis désolée de le dire, fréquenté un certain nombre d'activistes, de militants de l'État islamique à l'époque,
06:03qui ensuite en effet revient en Syrie et puis a essayé de modérer un peu son discours, ses positions,
06:10mais ça ne reflète pas d'ailleurs les positions qui sont celles de ses partisans, des hommes autour de lui qu'on voit en effet chanter la victoire.
06:19Et puis autre chose, moi j'ai vu quand même les réactions des mouvances djihadistes à l'international à cette prise du pouvoir à Damas,
06:27ils sont en train de dire qu'il faut qu'au pire répliquer le modèle syrien.
06:30Donc quand il dit qu'il n'est pas dans une perspective transnationale,
06:33cette perspective elle est là tout de même, puisque les djihadistes à l'extérieur de la Syrie sont en train de réagir
06:38en disant qu'il faut finalement suivre l'exemple joulanien.
06:41– Merci beaucoup Myriam Benra, passionnant, je rappelle que vous êtes enseignante à Sciences Po, spécialiste du Moyen-Orient,
06:48auteur de Mécaniques de Conflit aux éditions Le Cavalier Bleu,
06:51que vous suivez ces mouvements djihadistes à travers le monde, passionnant.
06:58– Oui, Al Joulani, si elle est encore là, notre invitée, excellente,
07:01je crois même qu'il a rencontré, il a beaucoup fréquenté Al-Baghdadi qui était le patron de Daesh.
07:07– Il était sous ses ordres en même temps, puis il s'est détaché de lui.
07:11– Oui, il a même fait CNN dans le mode de réhabilitation.
07:15– Bien sûr, Sky News, c'est dingue.
07:19– Oui, alors c'est d'autant plus choquant tout de même que cet homme reste par ailleurs sur la liste des terroristes
07:25parmi les plus recherchés au monde, donc ça montre aussi quand même
07:30à quel point cette politique américaine au Moyen-Orient n'a plus aucune cohérence.
07:36– Merci Myriam Benra, François c'est passionnant.
07:40– Non mais au moins disons les choses, parce que là on s'extasie tout à coup.
07:44– Vous savez, le concept de taliban modéré, c'est le concept d'islamiste modéré.