• l’année dernière
Après le viol et le meurtre en septembre 2024 de Philippine par un homme déjà condamné pour viol et remis en liberté, la délégation aux droits des femmes et la commission des lois du Sénat ont mis en place une mission conjointe de contrôle visant à évaluer les mesures luttant contre la récidive des auteurs d’infractions à caractère sexuel. Leur première table-ronde était dédiée à entendre des membres de Centres Ressources pour les Intervenants auprès des Auteurs de Violences Sexuelles (Criavs). Elle a eu lieu le 5 décembre. Walter Albardier, psychiatre, responsable du Criavs Île-de-France, Hélène Denizot-Bourdel, psychiatre, responsable du Criavs Auvergne-Rhône Alpes, Caroline Kazanchi, avocate pénaliste, et Anne-Hélène Moncany, psychiatre, présidente de la fédération française des Criavs, ont ainsi expliqué aux sénatrices le rôle de ces structures dans la prévention des infractions sexuelles. Ils ont insisté sur la nécessité de ne pas psychiatriser tous les auteurs de violences sexuelles. Revivez ces débats. Année de Production :

Category

📺
TV
Transcription
00:00:00Bonjour à tous, ravi de vous retrouver sur Public Sénat pour un nouveau numéro de 100%
00:00:14Sénat, l'émission qui vous fait vivre les travaux de la Haute Assemblée.
00:00:17On va parler aujourd'hui de la lutte contre les violences sexuelles, puisqu'après le
00:00:21viol et le meurtre de la jeune étudiante philippine en septembre dernier par un homme
00:00:25qui avait déjà été condamné pour viol, le Sénat a décidé de lancer une mission
00:00:29d'information sur les mesures à mettre en œuvre pour éviter la récidive des délinquants
00:00:34sexuels.
00:00:35Je vous propose d'écouter une table ronde de cette mission d'information avec des psychiatres
00:00:39spécialisés dans les violences sexuelles.
00:00:40Les criafs existent depuis la circulaire qui a fondé, la naissance des criafs date de
00:00:472006 et les premiers ont ouvert en 2008-2009, donc on a quand même une certaine expérience
00:00:52sur ce sujet.
00:00:53Et je dois dire qu'on a vu d'ailleurs évoluer à la fois les préoccupations et le terrain
00:01:06et les professionnels.
00:01:07Donc peut-être juste moi, ce que je vous propose, je vais vous rappeler un peu l'émission
00:01:11des criafs, vous dire un peu comment on fonctionne aujourd'hui, ce qu'on observe, ce qu'on
00:01:16soutient et ce qu'on souhaiterait.
00:01:17Et puis, je vous dirais un mot aussi des soins en détention, notamment au sein des
00:01:2322 centres de détention fléchée ICS, puisque j'y travaille.
00:01:26Et puis ensuite, je laisserai mes collègues aborder la question des soins en milieu libre,
00:01:32leur point de vue aussi sur les articulations santé-justice-social, même j'ai envie de
00:01:37dire, sur la prise en charge de ces auteurs d'infractions à caractère sexuel au moment
00:01:43de la sortie de prison et après en milieu libre durant la durée de leur prise en charge.
00:01:47Et puis, on abordera aussi la question de la prévention, effectivement, parce que ça
00:01:51nous paraît absolument essentiel.
00:01:54Alors, les criafs, donc Centre Ressources Poste d'Intervenants auprès d'auteurs de
00:01:58violence sexuelle, vous l'avez dit sans écorcher le nom, ce qui n'est pas simple, ce n'est
00:02:01pas un acronyme simple à retenir, mais enfin, voilà, on commence quand même à être un
00:02:05peu plus visible qu'à une certaine époque.
00:02:07Alors, l'histoire des criafs, c'est quoi ?
00:02:09C'est en fait, c'est d'abord la loi de 98 sur la prévention de la récidive en matière
00:02:15de violence sexuelle qui pose notamment un dispositif sur lequel on va revenir, vous
00:02:19l'avez dit, vous en avez parlé, le dispositif d'injonction de soins, donc une forme de soins
00:02:24pénalement ordonnés particulièrement structurés pour les auteurs, destinés spécifiquement
00:02:28aux auteurs d'infractions à caractère sexuel.
00:02:32Peut-être qu'on parlera quand même aussi, mais en tout cas, un dispositif de soins pénalement
00:02:36ordonnés qui est pensé à partir d'une recherche de terrain de psychiatres, de juristes
00:02:40qui se disent pour cette population là, ça peut être bénéfique.
00:02:44On y reviendra, mais l'idée, c'est vraiment une articulation étroite entre la santé et la
00:02:48justice et le social.
00:02:51Ceci étant dit, quelques années plus tard, on se rend compte que finalement, ça ne fonctionne
00:02:55pas très bien, d'une part parce que les professionnels du soin, de la justice, ne sont
00:03:00pas nécessairement formés à la prise en charge des auteurs de violences sexuelles et aussi
00:03:04parce qu'ils ont du mal à travailler ensemble.
00:03:05Ce n'est pas une habitude.
00:03:07Donc, la mise en place des centres ressources, c'est un peu cette idée là, c'est cette idée
00:03:10de venir soutenir ces professionnels et les articulations entre eux.
00:03:14Donc, Circulaire de 2006, puis de 2008, qui pose le fait qu'il y ait un centre
00:03:18ressources par région, alors à l'époque, c'est les anciennes régions.
00:03:22Du coup, il y en a deux par grande région aujourd'hui, donc il y en a 27 sur le territoire
00:03:26hexagonal et des CRIAFS ont ouvert, se développent également dans les DROM,
00:03:34même si je pense que c'est un enjeu de soutenir particulièrement le développement des
00:03:38CRIAFS dans ces régions.
00:03:40A la fois parce qu'ils ont des problématiques un peu spécifiques et aussi parce que la
00:03:42démographie sanitaire fait que ce n'est pas simple.
00:03:46Donc, cinq grandes missions.
00:03:48D'abord, une mission de formation.
00:03:49Donc, aujourd'hui, peut-être d'abord pour dire que les centres ressources, un par
00:03:54ancienne région, on est rattaché à des établissements de santé pour la grande
00:03:58majorité. On est financé par le ministère de la Santé à hauteur de 320 000 euros,
00:04:03même s'il y a des petites spécificités locales, mais ce sont de petites équipes.
00:04:10De petites équipes qui sont essentiellement constituées de professionnels de la
00:04:13santé, psychiatres, psychologues, infirmiers, mais pas que.
00:04:16On a aussi des juristes, on a aussi des sociologues, on a des documentalistes et
00:04:20c'est très important pour nous de vraiment de prôner cette pluridisciplinarité dans
00:04:23la prise en charge des violences sexuelles.
00:04:26Donc, cinq grandes missions qui doivent être déployées à chaque fois sur l'ensemble
00:04:30du territoire régional.
00:04:32Donc, une mission de formation, à la fois pour les professionnels du soin, mais
00:04:36aussi, toujours pareil, pour la justice, pour le social.
00:04:40On a vu vraiment s'élargir nos publics parce que finalement, ces dernières années,
00:04:44on a compris que la question des violences sexuelles, ça concernait tout le monde et
00:04:48que si on voulait être efficace, il fallait vraiment élargir le champ des acteurs,
00:04:52notamment et en particulier, évidemment, dès qu'on parle de prévention.
00:04:55Donc, c'est-à-dire aussi qu'on forme l'éducation nationale.
00:04:57On travaille beaucoup avec le ministère de la Jeunesse et des Sports.
00:04:59On a vraiment élargi nos publics.
00:05:01Donc, une mission de formation, une mission d'animation de réseau, c'est-à-dire que
00:05:05régulièrement, on organise des journées ou des soirées thématiques pour faire se
00:05:09rencontrer, ou on mixe aussi les publics au sein de la formation, pour faire se
00:05:13rencontrer les professionnels de ces différents champs qui, souvent,
00:05:17ne connaissent pas bien ce que l'autre fait, ses contraintes, ses limites.
00:05:21Donc, ça, c'est vraiment un enjeu important pour nous.
00:05:22Ça fonctionne plutôt pas mal.
00:05:25Une mission de recherche, on encadre beaucoup de travaux sur ces thématiques.
00:05:33Alors, à la fois au niveau local, dans chaque CRIAFS, aussi au niveau national.
00:05:36Et j'y reviendrai par le biais de la Fédération des CRIAFS, on a développé
00:05:40notamment nos partenariats internationaux pour structurer des travaux de recherche
00:05:43de plus grande ampleur.
00:05:46Une mission de documentation, on met vraiment à disposition de l'ensemble du
00:05:49public toute la documentation actualisée sur ces thématiques-là.
00:05:53On a un moteur de recherche, un site qui s'appelle TESEAS, qui permet vraiment,
00:05:58qui a été déployé par la Fédération des CRIAFS, de trouver la documentation pour
00:06:02tout un chacun sur ces thématiques.
00:06:05Une mission, et c'est le cœur de nos missions, de soutien aux professionnels
00:06:09de terrain, c'est-à-dire quelqu'un, un professionnel, d'où qu'ils viennent
00:06:13d'ailleurs, que ce soit un médecin, un psychologue, un conseiller d'instruction
00:06:17de probation, quelqu'un dans l'éducation nationale qui rencontre une
00:06:23situation de violence sexuelle, qui soit a accompagné un auteur de
00:06:27violence sexuelle et qui est en difficulté parce que l'évaluation est complexe,
00:06:30la situation est difficile, on ne sait pas vers quels soins orienter, etc.
00:06:34Ils peuvent nous solliciter, on va les rencontrer, réfléchir avec eux à ce qui
00:06:37peut être mis en place et on suit avec eux la situation.
00:06:40Parce que l'idée, quand on prend en charge des auteurs de violence sexuelle
00:06:43en matière de soins, c'est de ne pas être isolé, de ne pas rester isolé dans
00:06:47la prise en charge. Je vous l'ai dit, on tient vraiment à la
00:06:50pluridisciplinarité, donc nous, on va soutenir ces professionnels.
00:06:55De plus en plus, on est sollicité aussi...
00:07:01Au tout début, on était vraiment sollicité par les publics, les professionnels
00:07:04qui prenaient en charge des auteurs de violence sexuelle, condamnés.
00:07:07C'était beaucoup en détention, bien sûr, au milieu ouvert, mais des
00:07:12personnes qui étaient déjà judiciarisées.
00:07:15Aujourd'hui, on est aussi sollicité quand il y a des situations complexes,
00:07:19notamment dans des institutions.
00:07:20Alors, ça peut être à l'école, ça peut être dans des instituts
00:07:24médico-sociaux, parce que la question des violences sexuelles dans le champ
00:07:28du handicap, vous savez, est très importante et, à mon avis, pas
00:07:32suffisamment interrogée.
00:07:35Et là, on est régulièrement sollicité, et notamment, vous avez évoqué la
00:07:38forte proportion de mineurs qui commettent des violences sexuelles.
00:07:42Et on est de plus en plus sollicité pour ces jeunes ou dans des
00:07:46situations un peu complexes où l'institution nous appelle un peu à l'aide
00:07:48en disant qu'en fait, il y a une situation complexe.
00:07:52Est-ce qu'on est dans le champ de la violence sexuelle ou pas ?
00:07:54Est-ce qu'il faut faire un signalement au procureur ?
00:07:56Comment on accompagne ?
00:07:57Comment on accompagne la victime présumée ?
00:07:59Comment on accompagne l'auteur présumé ?
00:08:01Et comment on travaille ça au niveau institutionnel ?
00:08:04Ça, je dois dire que ces dernières années, on a été beaucoup, on est
00:08:08beaucoup sollicité sur ces questions-là, qui sont évidemment complexes.
00:08:12Vous l'avez dit. Et dernier point sur l'émission des CRIAFS, et c'est
00:08:15vraiment aussi ce qu'on a développé ces dernières années, c'est le
00:08:18soutien à la prévention, au développement des outils de
00:08:20prévention, des dispositifs de prévention des violences sexuelles.
00:08:24On pourra y revenir, bien sûr.
00:08:26Mais globalement, ce qu'on répète un peu depuis plusieurs années
00:08:31maintenant, c'est que quand on fait de la prévention des violences
00:08:34sexuelles, il y a plusieurs niveaux.
00:08:35Il y a une prévention en population générale.
00:08:37C'est la prévention primaire.
00:08:39Il y a une prévention secondaire à destination des publics plus à
00:08:43risque de commettre des violences sexuelles.
00:08:45Par exemple, les personnes attirées sexuellement par des enfants.
00:08:48Ça, c'est pour ça qu'on a mis en place un dispositif qui s'appelle
00:08:52STOP. On pourra là aussi y revenir si vous le souhaitez.
00:08:55C'est un dispositif téléphonique d'évaluation et d'orientation pour
00:08:58les personnes attirées sexuellement par les enfants, pour éviter, pour
00:09:01qu'ils nous appellent, qu'on les évalue, qu'on les oriente vers des
00:09:03soins, pour éviter tout passage à l'acte, c'est-à-dire intervenir en
00:09:06amont de tout passage à l'acte.
00:09:08Et la prévention tertiaire, c'est quand on prend en charge les
00:09:10personnes qui ont déjà commis des violences sexuelles, pour éviter
00:09:13évidemment qu'elles ne récidivent et qu'il y ait de nouvelles victimes.
00:09:17Juste pour finir sur la prévention, ce qu'on répète sur la prévention
00:09:20primaire en population générale, c'est que, et ce qui est un peu
00:09:23compliqué à entendre, mais je crois qu'il faut vraiment que ce message
00:09:25passe, quand on s'adresse à la population générale, quand on
00:09:28s'adresse à des classes d'enfants, on s'adresse à des victimes
00:09:31potentielles, et la prévention est très tournée vers les victimes
00:09:34potentielles, et c'est nécessaire, mais on s'adresse aussi à des
00:09:37auteurs potentiels.
00:09:39Et ça, c'est plus compliqué à faire admettre.
00:09:41Or, nous, notre idée, c'est quand même que l'idée n'est pas de faire
00:09:46porter le poids de la responsabilité sur les victimes, et que c'est
00:09:49plutôt les personnes susceptibles de commettre des comportements
00:09:52violents qu'il faut responsabiliser et auprès desquels il faut travailler.
00:09:56Juste sur la fédération des créables, les créables se sont réunis
00:10:00en une fédération française que je préside depuis cinq ans.
00:10:04Cette fédération existe depuis 2009.
00:10:06L'idée, c'était de porter des travaux de plus grande ampleur,
00:10:08donc d'unir nos forces, et aussi d'échanger sur les dispositifs
00:10:12qui peuvent exister à droite à gauche, parce qu'en effet,
00:10:15il y a des spécificités.
00:10:16On aura l'occasion d'y revenir.
00:10:19Juste rapidement vous dire, dans nos grands travaux,
00:10:22il y a eu la mise en place de ce numéro d'appel qui existait
00:10:25déjà depuis 20 ans en Angleterre et en Allemagne.
00:10:28Là, notre prochain gros projet, c'est une audition publique sur
00:10:33les mineurs auteurs de violences sexuelles, qui aura lieu en juin
00:10:362025 à Paris, puisque, en effet, vous l'avez dit,
00:10:40c'est une préoccupation à la fois très importante en nombre
00:10:43et aussi en qualité, puisque l'idée, c'est d'agir
00:10:45le plus précocement possible pour améliorer le pronostic
00:10:49pour ces jeunes, éviter qu'il y ait trop de victimes.
00:10:53Et aussi parce que les professionnels sont très
00:10:54démunis par rapport à ça.
00:10:57Peut-être, je m'arrêterai là sur les...
00:10:59Je ne sais pas comment vous voulez faire.
00:11:01Sur les créables, en tout cas, on pourra revenir sur ces différents
00:11:03points sur les soins en détention.
00:11:08Donc, vous le savez, il y a 187 établissements pénitentiaires
00:11:14en France, une population carcérale qui ne fait qu'augmenter.
00:11:1822 centres de détention fléchés, spécifiquement pris en charge
00:11:22des auteurs d'infractions à caractère sexuel.
00:11:26Évidemment, tous les auteurs d'infractions à caractère
00:11:28sexuel ne sont pas dans ces 22 centres, vous en doutez.
00:11:32Mais enfin, dans ces 22 centres, c'est une proportion importante
00:11:35d'AICS, donc des équipes sanitaires qui ont eu des moyens
00:11:39spécifiques pour prendre en charge ces personnes.
00:11:43Et donc, évidemment, on travaille très, très étroitement en lien
00:11:46avec ces équipes, entre créables et dispositifs dans ces CD.
00:11:51Il y a une évaluation récente qui a été menée conjointement
00:11:53par la direction de l'administration pénitentiaire
00:11:55et le ministère de la Santé sur l'efficience, en tout cas,
00:11:59sur le fonctionnement de ces dispositifs, voir si c'est
00:12:01pertinent, si ça ne l'est pas.
00:12:05Elle date d'il y a quelques mois, donc les rapports, les résultats
00:12:08ne sont pas encore sortis.
00:12:11C'est extrêmement récent.
00:12:15Mais bon, je pense que du coup, ce sera intéressant pour vous
00:12:17de mettre en lien.
00:12:20Est-ce que ça fonctionne bien ?
00:12:22Ça dépend des endroits parce que je pense qu'on va y revenir.
00:12:24Mais un point crucial, et je crains qu'on ne le résolve
00:12:28pas aujourd'hui, mais qui met en grande difficulté le soin
00:12:33pour ces personnes-là, même si, là aussi, le soin,
00:12:35ce n'est pas l'alpha et l'oméga de la prise en charge des auteurs
00:12:38de violences sexuelles.
00:12:38Vraiment, je crois qu'il faut se le dire.
00:12:40Certains en relèvent, d'autres moins.
00:12:43Et en tout cas, c'est jamais suffisant.
00:12:45Le soin lui-même n'est jamais suffisant pour prévenir
00:12:48la récidive de violences sexuelles.
00:12:49Mais pour revenir sur les soins en détention, là où les choses
00:12:53peuvent être compliquées, c'est qu'on a, vous le savez,
00:12:56une démographie médicale, sanitaire en Berne et en particulier
00:13:01en psychiatrie.
00:13:02Donc, il y a quelques villes qui sont un peu épargnées.
00:13:05Et c'est mon cas puisque je suis à Toulouse et qu'on reste
00:13:07relativement attractif.
00:13:08Et donc, on a une équipe qui est au complet, sachant que la
00:13:11psychiatrie myopinétentiaire n'est pas non plus la branche
00:13:13la plus attractive de la psychiatrie.
00:13:16Donc, il y a des établissements qui sont très en difficulté
00:13:19par manque de soignants, tout simplement, parce qu'on manque
00:13:23de soignants en psychiatrie de manière absolument dramatique.
00:13:28Et c'est vrai pour la détention et c'est très vrai
00:13:31pour le milieu libre.
00:13:33Et ça, je pense que c'est peut-être une des choses
00:13:35à aborder aussi aujourd'hui.
00:13:36C'est-à-dire qu'il va falloir faire avec ça.
00:13:44Mais voilà, quels sont ceux qui relèvent vraiment de soins ?
00:13:47Comment on essaye de discriminer ceux qui relèvent
00:13:51vraiment de soins ?
00:13:51Peut-être qu'il faut prioriser et ceux pour qui le soin,
00:13:55finalement, ce n'est pas la priorité.
00:13:56Et peut-être qu'on va essayer de ne pas emboliser les dispositifs
00:13:59de soins avec des personnes qui ne relèveraient pas forcément.
00:14:03Et à mon avis, ça, aujourd'hui, sur les soins pénalement
00:14:04endormés, notamment sur le prononcé d'obligation de soins,
00:14:07ce n'est pas du tout suffisamment discriminant.
00:14:13Voilà, juste pour finir sur les soins en détention.
00:14:16Donc, il y a des programmes de soins un peu spécifiques.
00:14:18Chaque équipe s'est organisée un peu différemment.
00:14:21Il y a, dans le traitement aux auteurs d'infractions
00:14:23à caractère sexuel, il y a des recommandations qui existent.
00:14:25On avait mené une audition publique avec la Fédération des
00:14:27CRIAFS en 2018, qui mettait à jour les recommandations
00:14:29scientifiques sur la prise en charge de ces personnes.
00:14:32Donc, en premier lieu, c'est toujours la psychothérapie
00:14:34qu'on va adapter à l'évaluation clinique qu'on va faire
00:14:38de la personne.
00:14:39Et parfois, un traitement médicamenteux est nécessaire également.
00:14:44Et ça, c'est quelque chose qu'on soutient aussi beaucoup,
00:14:46c'est-à-dire que le traitement hormonal freinateur d'ibido
00:14:49n'a évidemment pas un intérêt ou une indication pour tous
00:14:52les auteurs de violences sexuelles, mais pour certains,
00:14:54l'indication est là et il faut pouvoir le proposer.
00:14:58Et là, on travaille aussi avec les psychiatres, notamment
00:15:02en milieu libre, parce que ce n'est pas le quotidien
00:15:03des psychiatres que de prescrire ces traitements.
00:15:05Ils ne savent pas toujours faire.
00:15:06Donc, on a quand même l'idée que c'est un peu sous-prescrit,
00:15:10notamment par manque de connaissances d'utilisation
00:15:13de ces traitements-là.
00:15:15Donc, on vient soutenir aussi de ce côté-là l'action des psychiatres.
00:15:19Et dernier point sur les soins mieux pénitentiaires,
00:15:20avant de passer la parole à mes collègues.
00:15:23Il y a un enjeu absolument majeur en matière de diminution
00:15:26du risque de récidive et ça, toutes les études le montrent
00:15:28très bien, c'est la préparation à la sortie.
00:15:32C'est le fait de mettre en place des aménagements de peine,
00:15:35d'éviter à tout prix les sorties sèches après de longues
00:15:38peines d'incarcération, parce qu'on sait que là,
00:15:40on va allumer tous les voyants rouges en matière
00:15:44de risque de récidive, puisque les facteurs protecteurs,
00:15:47ceux qui évitent la récidive, ce n'est pas tant des facteurs
00:15:51liés aux soins, parce que ça compte un peu,
00:15:53mais c'est surtout des facteurs sociaux et on le sait,
00:15:56c'est-à-dire que quelqu'un qui sort sans hébergement,
00:15:59sans emploi, sans aucun réseau social,
00:16:02voire même parfois en situation irrégulière,
00:16:05donc dans l'impossibilité justement de s'inscrire
00:16:07dans ces parcours, on sait que tous les voyants sont rouges
00:16:10et que même le meilleur des meilleurs des psychiatres
00:16:12ne pourra rien faire s'il n'y a pas un minimum
00:16:14d'environnement social structuré.
00:16:17Et ça, aujourd'hui, c'est une immense difficulté.
00:16:20Et on a beaucoup de patients qui sortent de prison
00:16:22après de longues peines, sans rien, sur le parking.
00:16:26Mais quand je dis ça, ce n'est pas une image.
00:16:28Ils sortent, ils sont sur le parking.
00:16:29Ils n'ont parfois même pas de papiers d'identité,
00:16:31pas de carte vitale.
00:16:32Donc autant vous dire que c'est impossible
00:16:35de poursuivre un traitement et des soins
00:16:36si on n'a pas de carte vitale.
00:16:38Donc ça, pour nous, c'est un enjeu qui est absolument crucial.
00:16:44Voilà, peut-être je vais m'arrêter là
00:16:46et puis on pourra revenir sur tous ces points
00:16:47si vous le souhaitez.
00:16:48Mon propos va s'accentuer principalement
00:16:51sur les soins aux auteurs.
00:16:53Pourquoi ? Parce que dans le cadre de ma fonction
00:16:57professionnelle au CRIAS, on est amené à organiser
00:16:59des réunions qui vont réunir les psychiatres,
00:17:03les médecins coordonnateurs, voire les experts.
00:17:06Et ça, on l'organise deux fois par an, par exemple,
00:17:07sur la région Auvergne-Rhône-Alpes.
00:17:09Et que dans le cadre de ma consultation,
00:17:11je suis amenée à accueillir des auteurs,
00:17:14accompagner des auteurs.
00:17:15Je suis également médecin coordonnateur et j'ai monté
00:17:17une consultation spécifique pour l'évaluation et la mise
00:17:20en place de traitements pour certains auteurs.
00:17:23Donc, je souhaitais aujourd'hui partager ça avec vous.
00:17:26Donc, pour introduire mon propos, l'intérêt du soin,
00:17:29on l'a déjà dit, n'est pas à remettre en question
00:17:32pour la quasi majorité des auteurs,
00:17:33mais pas pour tous.
00:17:35Les recommandations, on en a.
00:17:37Elles sont très précises et j'en citerai trois principalement.
00:17:41Une recommandation de bonne pratique de la Haute
00:17:43Autorité de Santé qui date de 2009 sur la prise en charge
00:17:46des auteurs d'agressions sexuelles sur mineurs de moins de 15 ans.
00:17:50Ces recommandations, elles sont très précises.
00:17:53Elles concernent les agresseurs sur mineurs de moins de 15 ans.
00:17:56Autrement dit, la prise en charge des pédocriminels.
00:18:00Et parmi les pédocriminels, il faut rappeler que l'on compte
00:18:03à peu près pour la moitié des personnes qui vivent avec
00:18:06un trouble pédophilique et pour lesquels un traitement
00:18:09médicamenteux peut être particulièrement indiqué.
00:18:12Une autre recommandation, c'est celle dont tu as parlé, Anne-Hélène,
00:18:15de l'audition publique de 2018 menée par la Fédération
00:18:18française des CRIAF avec des rapports d'experts français
00:18:22et des préconisations précises pour les soins.
00:18:25On a enfin des guidelines internationales de la Fédération
00:18:28mondiale de psychiatrie biologique établie en 2010 et réactualisée
00:18:32en 2020 sur la prise en charge des troubles paraphiliques
00:18:35de façon un petit peu plus large.
00:18:37Donc, vous l'avez compris, les auteurs de violences sexuelles
00:18:40troublent paraphiliques, c'est des comportements où ce sont
00:18:45des personnes qui vont présenter des fantasmes, des obsessions
00:18:47ou des comportements centrés sur la sexualité avec des objets
00:18:52précis et qui entraînent des troubles, c'est-à-dire parfois
00:18:55des ressentis de la honte, de la culpabilité ou bien
00:19:01des conséquences pour l'entourage.
00:19:03Donc, ça comprend la pédophilie, mais ça comprend aussi d'autres
00:19:05paraphilies comme le voyeurisme, le sexisme, le sexisme sexuel,
00:19:09comme le voyeurisme, le fétichisme, le frotterisme et
00:19:12d'autres paraphilies non spécifiées.
00:19:14Paraphilique.
00:19:22Paraphilique.
00:19:31Voilà, tout à fait.
00:19:33C'est une définition clinique, en fait.
00:19:35Voilà.
00:19:39Oui.
00:19:43D'accord.
00:20:00C'est que parmi les auteurs de violences sexuelles, certains
00:20:04présentent des troubles paraphiliques qu'on vient d'évoquer là,
00:20:07qui sont définis dans le DSM.
00:20:09Vous l'avez dit, madame Ancignol, une classification des troubles
00:20:11mentaux qui fait un peu pas consensus, mais enfin sur laquelle
00:20:14on s'appuie pour la plupart d'entre nous.
00:20:17Mais ce n'est pas du tout la majorité des auteurs de violences
00:20:19sexuelles, mais néanmoins, il faut le chercher à chaque fois
00:20:22qu'on a affaire à un auteur de violences sexuelles et il faut le
00:20:24traiter. Et c'est vrai que comme c'est défini comme un trouble
00:20:27mental, il y a plus de recommandations médicales et notamment
00:20:31de traitements médicamenteux sur ces troubles là.
00:20:37Vous l'avez compris, on a des auteurs de violences sexuelles
00:20:39qui ont des profils finalement extrêmement différents et qui
00:20:42vont arriver sur notre consultation, avec des risques aussi
00:20:46de rechutes et de récidives très variées.
00:20:49Ça peut aller, par exemple, du père incesteux qui a très peu
00:20:54de risques de récidive, parce qu'une fois que le système
00:20:56familial a explosé et n'est plus, il n'y a quasiment pas de
00:21:00risque de rechute.
00:21:01Citons aussi, peut-être de façon un petit peu plus caricaturale,
00:21:04le violeur de femmes opportunistes, hypersexuel,
00:21:08stimulé parfois par la pornographie et sous l'emprise
00:21:11de l'alcool, un bon détonateur qui aura probablement plus besoin
00:21:15de soins addictologiques, voire d'un traitement pour freiner
00:21:17son hypersexualité.
00:21:19On peut citer aussi la personne qui va aussi attirer notre
00:21:23attention, qui présente un trouble paraphilique et qui va
00:21:27présenter parfois donc une préférence quasi exclusive
00:21:31pour des enfants, être submergé par des obsessions,
00:21:34des fantasmes, voire des pulsions.
00:21:36Et ces profils ont toute notre attention, car plus à risque
00:21:39de rechute et de récidive.
00:21:41Et chez ces personnes-là, heureusement, qui est une
00:21:44infime partie des auteurs qu'on va rencontrer,
00:21:49le traitement peut être particulièrement recommandé,
00:21:52surtout quand il y a présence de cette préférence et qu'il
00:21:55persiste encore des pulsions.
00:21:57Étant donné ces profils extrêmement variés,
00:21:59vous avez compris, c'est l'évaluation psychiatrique,
00:22:02psychologique, criminologique, sexologique qui va nous permettre
00:22:05de préciser les soins et de les individualiser.
00:22:10Voilà notre démarche.
00:22:11Et les soins vont comporter, je l'explique dans les grandes
00:22:14lignes, déjà de l'éducation à la sexualité.
00:22:17Je sais que c'est un sujet brûlant à l'heure actuelle,
00:22:19mais c'est vraiment une des premières étapes de notre prise
00:22:24en soins.
00:22:25Je dirais parfois qu'on est un petit peu atterré du niveau
00:22:27d'éducation à la sexualité que nos auteurs ont,
00:22:30d'où l'intérêt vraiment d'intervenir dans le cadre de la
00:22:33prévention sur ces thématiques-là.
00:22:37Le suivi psychothérapique, on en a parlé à Nélène,
00:22:39qui est systématique, il peut être en individuel ou en groupe.
00:22:44Et le suivi va nous permettre de travailler sur l'histoire de la
00:22:46personne, ses difficultés d'intération, améliorer
00:22:50l'habileté sociale, gérer les émotions.
00:22:52Et il va aussi se focaliser sur la capacité que la personne a
00:22:56à changer, comment elle peut changer.
00:23:00Et pour favoriser le changement, qu'est-ce qui est important dans
00:23:02notre pratique ?
00:23:03C'est l'alliance thérapeutique qui doit être forte.
00:23:07La mise en place de cette alliance est la base de tout soin et peut
00:23:11prendre du temps.
00:23:12Et l'obligation de soins et l'injonction de soins,
00:23:15cette durée de soins permet ce temps à la mise en place de
00:23:18l'alliance thérapeutique.
00:23:20Je reviendrai maintenant sur le traitement médicamenteux qui peut
00:23:24être indiqué, mais vous l'avez compris,
00:23:26sur une minorité d'auteurs qui présentent des troubles
00:23:28paraphiliques avec un risque de rechute important,
00:23:32notamment ceux qui présentent des pulsions et une préférence
00:23:37sexuelle pour les enfants.
00:23:38Donc, on a quand même une littérature qui est conséquente
00:23:41avec une équipe cédoise qui a mené en 2020 et publié une étude
00:23:45sur une revue prestigieuse, le JAMA, sur une population
00:23:48de personnes pédophiles recrutées sur leur helpline.
00:23:50Ce sont des lignes téléphoniques, près d'Intel.
00:23:54Les trois quarts des participants ont reçu un traitement
00:23:57prénateur injectable et ils ont relevé un effet positif sur leur
00:24:00sexualité dès deux semaines de la mise en place du traitement.
00:24:03Les auteurs concluent que le traitement injectable réduit dans
00:24:06ce contexte et peut réduire le risque de récidive chez les
00:24:09hommes ayant spécifiquement un trouble pédophilique avec des pulsions.
00:24:15Ces traitements hormonaux sont connus, bien sûr,
00:24:17pour entraîner des effets secondaires gênants liés à la
00:24:21baisse de la testostérone, comme une prise de poids ou
00:24:23parfois une gynécomastie ou une déminéralisation osseuse.
00:24:27Certains patients appréhendent le traitement et même certains
00:24:30prescripteurs.
00:24:31Un tel traitement nécessite un bilan préalable et une surveillance
00:24:35qui est d'ailleurs bien codifiée.
00:24:37Pourtant, quand on interroge les patients, l'acceptabilité est
00:24:40plutôt très bonne de ces traitements.
00:24:42Dans une étude qualitative menée par une équipe belge en 2021,
00:24:46les patients pédophiles prenant un traitement prénateur décrivent
00:24:49un effet positif sur leur bien-être.
00:24:51Ils sont moins anxieux car ils ont moins de fantasmes,
00:24:53moins de pulsions et que ces fantasmes et ces pulsions sont
00:24:57moins intenses.
00:24:58Il est arrivé d'ailleurs dans ma consultation que certains auteurs
00:25:00me demandent d'augmenter leur traitement parce qu'ils se sentent
00:25:03soulagés de leurs obsessions, de leurs pulsions et qu'ils
00:25:06décrivent un véritable soulagement après un traitement,
00:25:09résultat auquel ils ne s'attendaient pas avant la mise en
00:25:12place du traitement.
00:25:13Les soins sont donc explicites et peuvent prévenir la récidive.
00:25:16Seulement, en pratique, leur mise en place n'est pas toujours
00:25:19très simple.
00:25:20Les auteurs arrivent pour la plupart dans le parcours de soins
00:25:24par la voie judiciaire, soit en obligation de soins,
00:25:27qui peut débuter en contrôle judiciaire,
00:25:29soit en injonction de soins, en poste peine et en milieu ouvert.
00:25:33A noter que si la personne est incarcérée,
00:25:35l'obligation de soins devient une incitation aux soins contre
00:25:39remise de peine.
00:25:40Ceci pose parfois le problème pour la continuité des soins,
00:25:44pour les personnes qui sont réincarcérées.
00:25:47Ça peut même créer des incohérences quand la personne
00:25:50est réincarcérée pour une inobservation de son obligation
00:25:53de soins, notamment de la mise en place de traitements.
00:25:56Dans le cas de l'obligation de soins,
00:25:58l'auteur vient nous rencontrer en consultation en CMP ou en libéral.
00:26:02Il nous expose la situation sur son point de vue.
00:26:04Il faut demander le dossier pénal pour avoir des éléments
00:26:08complémentaires, ce qui n'est pas toujours très simple.
00:26:11On remet une attestation de suivi qui ne fait pas état de la
00:26:14qualité du soin.
00:26:16C'est une obligation en général d'assez courte durée,
00:26:18de un à deux ans.
00:26:20Elle est pourtant très utile, à mon sens,
00:26:22car elle permet d'instaurer et de démarrer du soin.
00:26:26Par exemple, dans le puits de Dôme,
00:26:27elle est particulièrement prononcée en cas d'attêtes sexuelles
00:26:29ou de consultation de contenus à caractère pédiatrique
00:26:32ou pornographique.
00:26:34La jonction de soins est plus récente,
00:26:35vous en avez parlé, spécifique pour les auteurs
00:26:38de violences sexuelles, prononcée dans le cas du
00:26:40suivi socio-judiciaire.
00:26:42Et on va travailler de concert avec la pénitentiaire
00:26:44et la justice.
00:26:46Elle date de la loi du 17 juin 98, de lutte contre la prévention
00:26:49de la récidive.
00:26:50Elle fait suite à un travail préparatoire conjoint entre
00:26:53la justice et le sanitaire et se base principalement sur
00:26:57le rapport Barlier.
00:26:59Ce rapport vient rappeler et positionner l'importance
00:27:02des soins post-peine.
00:27:03Il met en avant que la volonté de changement des délinquants
00:27:05est particulièrement active le temps de la judiciarisation
00:27:08et de la pénalisation de l'affaire.
00:27:11Il souligne l'importance, et j'insisterai,
00:27:13de l'articulation des acteurs qui accompagnent l'auteur
00:27:16de violences sexuelles, c'est-à-dire qu'il est nécessaire
00:27:18que les professionnels de la justice, de la pénitentiaire,
00:27:21du sanitaire, travaillent de concert et dans un même
00:27:24objectif pour un accompagnement cohérent et intercontenant.
00:27:29La mise en place de l'injonction de soins,
00:27:30elle nécessite une expertise, comme vous l'avez dit,
00:27:32psychiatrique, parfois psychologique,
00:27:35qui est réalisée au moment de l'instruction et qui va statuer
00:27:37sur l'intérêt du soin.
00:27:38En tant qu'expert, il peut m'arriver de précider
00:27:42quel type de soins peut être utile,
00:27:44voire nécessaire, comme un traitement médicamenteux,
00:27:47écrit sur lequel pourra éventuellement s'appuyer
00:27:49le prescripteur et le médecin-coordonnateur.
00:27:52Le médecin-coordonnateur est nommé par le juge.
00:27:55En tant que médecin-coordonnateur,
00:27:57je reçois la désignation, le dossier pénal.
00:28:00Je sers d'interface entre la justice et le thérapeute.
00:28:03Je reçois l'auteur une première fois.
00:28:05J'évalue la situation.
00:28:07Je valide le dispositif de soins, ou s'il n'est pas,
00:28:09je lui conseille un soignant qui pourra l'accueillir.
00:28:13Je contacte le thérapeute et je transmets le dossier pénal
00:28:17avec les expertises.
00:28:18Je peux le conseiller également.
00:28:20Je revois l'auteur une fois par trimestre pour évaluer
00:28:23son évolution et son implication dans les soins.
00:28:26Et j'établis un rapport à l'application des peines,
00:28:29une fois par an, que je transmets également au SPIP.
00:28:32Je ne suis pas experte, médecin-coordonnateur,
00:28:35donc je n'ai pas de vocation à me prononcer
00:28:36sur la dangerosité psychiatrique ou criminologique.
00:28:39Et je ne suis pas non plus thérapeute traitant.
00:28:42Je suis soumise au secret professionnel de par le Code
00:28:44de déontologie médicale, mais le Code de la santé publique
00:28:47me permet de transmettre tous les éléments nécessaires
00:28:49au contrôle du respect de la mesure.
00:28:52Le thérapeute psychiatre et ou psychologue,
00:28:55il va accepter le suivi.
00:28:57Il le trace, il informe le médecin-coordonnateur
00:29:00si le patient interrompt le suivi.
00:29:02Il peut aussi contacter le juge directement s'il y a une inquiétude
00:29:06et que le médecin-coordonnateur n'est pas disponible.
00:29:09L'auteur, quant à lui, a l'obligation de s'impliquer
00:29:11dans des soins adaptés avec un thérapeute.
00:29:14Il a l'obligation de rencontrer le médecin-coordonnateur.
00:29:17Une peine d'emprisonnement est prévue en cas d'inobservation
00:29:20de cette obligation de soins qui va s'interrompre et se transformer
00:29:24en incitation aux soins s'il y a incarcération.
00:29:28Sur le département du Puy-de-Dôme, la quasi-totalité des soins
00:29:32aux auteurs post-peine se font en injonction de soins.
00:29:35Mais sur le département du Comtal où je suis intervenue
00:29:38la semaine dernière, on a une proportion à peu près
00:29:40équivalente d'obligations de soins et d'injonctions de soins
00:29:43liées à un manque de médecins-coordinateurs.
00:29:46La JAB m'indiquait par exemple qu'elle constatait qu'il y avait
00:29:49plus de récidives pour les personnes en obligation de soins
00:29:52du fait d'un dispositif moins articulé, vous l'aurez compris.
00:29:57Un petit mot maintenant de l'accès aux soins.
00:29:59Vous avez compris que l'enjeu thérapeutique dans nos soins,
00:30:02c'est la mise en place d'une alliance thérapeutique pour aider
00:30:05la personne qui est contrainte à s'engager dans des soins.
00:30:08Ça peut se faire spontanément, ça peut demander un travail
00:30:11important d'alliance thérapeutique et parfois ça peut ne pas se faire.
00:30:15Ce temps d'obligation de soins et d'injonction de soins va
00:30:18permettre et va laisser le temps à la mise en place du soin.
00:30:22Et ça, c'est quelque chose d'assez essentiel.
00:30:25Et certains soins, je dirais, même pour l'avoir vécu,
00:30:28peuvent s'enclencher même en toute fin de mesure,
00:30:30parfois quatre, cinq ans après la mise en place de l'injonction de soins.
00:30:35Une difficulté, mais ça, on l'a déjà dit,
00:30:37réside dans l'accès aux soins.
00:30:39On connaît les difficultés du système de santé public à accueillir
00:30:43les personnes avec un trouble psychique,
00:30:45avec des rendez-vous parfois à six mois et des listes d'attente démesurées.
00:30:49Les CMP sont submergées par des personnes dont les maladies sont
00:30:51très aiguës et souvent ont peu de place pour les placer sous
00:30:55l'injustice qui viennent en plus à reculons.
00:30:58En Auvergne-Rhône-Alpes, il y a un dispositif spécifique
00:31:01dont je souhaitais vous parler, qui est un dispositif d'évaluation
00:31:06et de prise en charge des auteurs d'infractions à caractère sexuel.
00:31:08Il s'agit d'une plateforme qui a été mise en place en 2015 sur
00:31:12incitation de l'ARS, avec un cahier des charges précis
00:31:16d'évaluation pluridisciplinaire, médicale, psychologique, infirmière.
00:31:22Ce sont des structures qui sont adossées à des CMP,
00:31:25rattachées à des établissements de santé,
00:31:27avec des crédits spécifiques, donc protégés.
00:31:30L'avantage, c'est que l'auteur va être reçu, en tout cas,
00:31:34dans les 15 jours et le début de l'évaluation va démarrer à un mois.
00:31:40Ces dispositifs vont nous permettre d'avoir une évaluation sanitaire.
00:31:46Elle va se terminer par une réunion qui est pluriprofessionnelle,
00:31:49où l'adresseur, le thérapeute, peut venir participer et échanger
00:31:53sur la situation.
00:31:55Ces plateformes proposent également, pour les sujets les plus complexes,
00:31:59des soins individualisés et éventuellement des thérapies de groupe.
00:32:04Pour aller un peu plus loin encore, j'ai demandé à quelques auteurs
00:32:07leur avis sur l'injonction de soins et voici quelques-unes de leurs paroles.
00:32:12Un auteur me disait, concernant la détention,
00:32:15la détention ne soigne pas.
00:32:16On est un peu coupé du monde, on n'est pas dans la réalité de la vie.
00:32:19On a du soutien quand même pour réaliser ce qui s'est passé à ce moment-là.
00:32:23On ne peut pas faire réellement de soins, mais on peut amorcer en détention.
00:32:27Concernant les acteurs de l'injonction de soins, ils peuvent dire,
00:32:29le juge est plutôt compréhensif.
00:32:31De ses pipes, il fait un bilan sur la vie, plus ce qui est social.
00:32:38Il s'occupe du travail, du registre, on aborde la problématique.
00:32:41L'expert, un expert ne peut pas tout voir en un temps si réduit.
00:32:45Un psychologue, on ne va plus aller dans le fond du sujet.
00:32:48Concernant l'injonction de soins, ça dépend si on est motivé,
00:32:52si on est motivé ou pas, ça ne sert à rien.
00:32:54Ce n'est pas une contrainte, ça m'aide à ne pas récidiver.
00:32:57Je peux appeler mon médecin.
00:32:59Ça permet d'avoir un traitement si on n'arrive pas à se contrôler.
00:33:02C'est un espace pour parler, surtout si on change de région.
00:33:05Ça apporte du cadre.
00:33:08Pour conclure mon propos, je voulais souligner que les soins ont prouvé
00:33:12leur utilité et les traitements médicamenteux sont bien acceptés
00:33:16pour une minorité des auteurs de violences sexuelles.
00:33:20Et ces soins viennent prévenir la rechute et donc la récidive.
00:33:24L'obligation de soins et l'injonction de soins permettent
00:33:26d'installer une alliance thérapeutique et des soins de qualité.
00:33:30L'injonction de soins, avec la présence du médecin coordonnateur,
00:33:33permet une articulation spécifique et précieuse de tous les acteurs
00:33:37de la prise en charge de l'auteur pour une posture contenante
00:33:41et cohérente avec un minimum de ruptures.
00:33:45Les difficultés résident dans l'accès aux soins et dans la mise
00:33:48en place et le maintien parfois de traitements spécifiques pour
00:33:51une minorité d'auteurs qui sont plus à risque de rechute et de
00:33:55récidive et cela capte toute notre attention.
00:33:58On aimerait peut-être, en tout cas j'aimerais peut-être,
00:34:02que la loi nous aide un peu plus pour la mise en place et le
00:34:05maintien de structures spécifiques comme des PFR permettant
00:34:10d'accueillir et de prendre en charge de façon optimale ces
00:34:13auteurs par des professionnels formés.
00:34:16C'est les plateformes d'évaluation des auteurs d'infractions à
00:34:20caractère sexuel qui ont été développées en région Aura,
00:34:22donc je parlais tout à l'heure.
00:34:24On aimerait aussi peut-être que la loi nous aide tous,
00:34:27thérapeutes, citoyens, enfants, femmes, pour que certains auteurs
00:34:32multirécidivistes pour lesquels il existe une indication de
00:34:35traitement validée par l'experte, le thérapeute voire le médecin
00:34:38coordonnateur puissent être parfois obligés et on aimerait
00:34:45enfin que l'obligation de soins se poursuive en milieu fermé pour
00:34:52éviter des ruptures de soins et permettre une logique dans la
00:34:55continuité des soins.
00:35:05Très bien, on le note bien, mais je pense que ça fera partie
00:35:12de toute façon d'un certain nombre de questions.
00:35:15Merci beaucoup pour cette intervention et je vais donc
00:35:18maintenant laisser la parole à notre dernier intervenant,
00:35:21le docteur Walter Albardier, qui est responsable du CRIAS
00:35:29d'Île-de-France, dont on nous a beaucoup parlé,
00:35:31donc nous sommes ravis de vous accueillir.
00:35:32Dernière proposition du docteur Denis Zobourdelle,
00:35:43se poursuivre en milieu fermé, c'est-à-dire en milieu non carcéral ?
00:35:46Qu'est-ce que vous visez par milieu fermé ?
00:35:52C'est le milieu carcéral, c'est la même chose.
00:35:54Ce n'est pas seulement se poursuivre,
00:35:56c'est même démarrer.
00:35:57Dans ce cas-là, je ne comprends pas ce que ça veut dire.
00:36:01Alors, ce que j'ai expliqué, c'est qu'en fait,
00:36:03l'obligation de soins s'applique au moment du contrôle judiciaire
00:36:08et en poste carcéral, et que sur le temps de l'incarcération,
00:36:11et vous l'avez dit, c'est une incitation en soins
00:36:15contre remise de peine.
00:36:21Vous avez vu qu'il y a eu un petit peu d'un frémissement sur cette
00:36:23question de poursuivre en détention,
00:36:25parce que la base du consensus, alors après je comprends
00:36:29parfaitement qu'il puisse y avoir,
00:36:31c'est comme vous voyez sur l'expertise criminologique et
00:36:33l'expertise psychiatrique, il n'y a pas de consensus
00:36:35particulier, mais quand même, il y a une ligne directrice
00:36:38qui fédère quand même une majorité.
00:36:41Et moi, je ne parlerai que du terrain juridique.
00:36:44En 1998, ce qui a permis à la sphère psychiatrique d'adhérer
00:36:50en fait, et à la sphère médicale d'adhérer au principe de
00:36:52l'injonction de soins, c'est parce que le soin obligé ne
00:36:57commençait pas en détention.
00:36:59Donc ça, c'est le premier point.
00:37:00C'est pour ça que c'est complexe à aborder ça.
00:37:02C'est un positionnement particulier parce que c'est le fondement
00:37:05même de la loi de 98.
00:37:07L'autre difficulté, c'est une difficulté de computation du temps.
00:37:11Si vous partez du principe où le soin se poursuit ou commence
00:37:14en détention, comment est-ce qu'on le compute ?
00:37:17C'est-à-dire que si vous êtes condamné à une peine de
00:37:18suivi socio-judiciaire, mettons avec 5 ans, de 5 ans,
00:37:21donc a priori, vous faites votre peine privative de liberté,
00:37:24vous allez en prison, vous finissez votre peine de prison.
00:37:28Puis ensuite, quand on sort, on a nos 5 ans et 5 ans
00:37:30d'injonction de soins.
00:37:30Comment est-ce qu'on le compute ça ?
00:37:32On va dire quoi à la personne ?
00:37:34Donc en fait, vous allez faire 2 ans d'obligation de soins ou
00:37:362 ans d'injonction de soins en détention.
00:37:39On va les réduire du coup des 5 ans de suivi que vous allez commencer.
00:37:43C'est là aussi la situation qui est compliquée, c'est-à-dire
00:37:45qu'il ne faut pas oublier qu'en matière carcérale,
00:37:49en matière pénale, on compte tout, tout à un début, tout à une fin.
00:37:53Donc là, quand on commence à mêler ce qui est censé être
00:37:57un suivi post-carcéral avec ce qui est censé commencer en détention,
00:38:01c'est complexe.
00:38:02Ça, c'est sûr que c'est complexe.
00:38:03Après, voilà, je comprends que la logique qui sous-tend,
00:38:06c'est une logique de continuité du soin.
00:38:10Et puis, pardon, mais je crois qu'il faut le dire.
00:38:12Excusez-moi, on va donner la parole au Dr.
00:38:15Albardier et je pense que ça fera partie d'un certain nombre
00:38:17de questions ensuite, dont des miennes.
00:38:19Mais si on commence là-dessus...
00:38:21Si on commence là-dessus, le Dr.
00:38:26Albardier, et après, notez bien vos questions.
00:38:34Merci, Madame la Présidente, de votre invitation.
00:38:37Il s'est dit déjà beaucoup de choses.
00:38:39Moi, je vais essayer de centrer mon discours sur, finalement,
00:38:43mon intervention sur peut-être les actions des CRIAVS sur le post-
00:38:48carcéral et de nos relations et notre mission d'animation du
00:38:55réseau.
00:38:56Alors, les CRIAVS, en général, sont quand même très fréquentées.
00:38:59On l'a dit tout à l'heure, Madame Moncani expliquait que nos
00:39:03missions au départ se centraient sur l'articulation entre la santé
00:39:07et la justice.
00:39:08Et aujourd'hui, ce sont devenues des plaques, finalement,
00:39:10assez importantes dans l'animation du réseau,
00:39:14des intervenants qui prennent en charge les acteurs de violences
00:39:16sexuelles.
00:39:17Évidemment, santé-justice.
00:39:19Alors, avec la justice en particulier, nous, on travaille
00:39:23beaucoup, beaucoup, beaucoup avec les CPIP, les conseillers
00:39:27pénitentiaires d'insertion et de probation, avec les psychologues
00:39:30du ministère de la Justice, avec certains magistrats,
00:39:34avec parfois des avocats, etc.
00:39:36Et puis, on travaille aussi beaucoup, beaucoup.
00:39:39On a beaucoup de gens qui viennent nous voir, qui sont
00:39:41des gens associatifs, qui interviennent parfois dans le
00:39:45contrôle judiciaire, parfois dans l'accompagnement des auteurs
00:39:48de violences sexuelles ou des sortants de prison,
00:39:50de façon générale, dans des CHRS, dans des structures
00:39:52de réinsertion, etc.
00:39:55De plus en plus, Madame Moncani le soulignait tout à l'heure,
00:39:58des intervenants auprès des mineurs, et c'est devenu même
00:40:01la majorité des intervenants qu'on rencontre aujourd'hui,
00:40:04qui sont de l'APJJ, qui sont de l'ASE, et qui sont très
00:40:09embarrassés, on va dire, par la prise en charge de ces mineurs
00:40:12qui viennent interroger vraiment les pratiques, etc.
00:40:16Et puis, on intervient auprès des policiers, des gendarmes,
00:40:22de différentes structures, du sport, de l'église catholique,
00:40:26de plein de structures.
00:40:28Pour le sanitaire, on commence à avoir vraiment du mal.
00:40:30Je veux dire qu'on commence à avoir du mal.
00:40:32Moi, j'ai commencé à travailler il y a maintenant une bonne
00:40:36dizaine d'années, puisque j'avais ouvert le CRIAS à l'époque
00:40:40de Midi-Pyrénées, et on avait déjà un petit peu de mal.
00:40:42Et moi, je trouve qu'aujourd'hui, on a encore un peu plus de mal
00:40:44à mobiliser les acteurs de terrain sanitaire.
00:40:48Et je vais essayer d'expliquer pourquoi.
00:40:49Alors, on en voit, on en voit, on voit parfois des libéraux,
00:40:53mais de plus en plus de difficultés à rencontrer,
00:40:57à mobiliser des acteurs de la santé.
00:40:59Alors, pour plein de raisons, c'est que certainement,
00:41:03on l'a dit, Mme Moncani l'a dit tout à l'heure,
00:41:07le champ sanitaire est aujourd'hui complètement engorgé
00:41:12et complètement dépassé par ses missions,
00:41:15de par le manque d'effectifs.
00:41:17J'allais dire un truc aussi bêtement,
00:41:18mais même les CRIAS sont en difficulté aujourd'hui
00:41:20pour recruter.
00:41:22Même aux CRIAS de Paris, on a du mal à recruter du personnel
00:41:26parce que les conditions du sein hospitalier sont épouvantables.
00:41:32Et puis, les psys, en général, le champ sanitaire,
00:41:36je parle surtout du psychiatrique,
00:41:38ils sont débordés par leurs missions et ils ne retrouvent
00:41:40pas forcément toujours leur petit dans la question
00:41:42des auteurs de violences sexuelles.
00:41:45Peut-être par manque de formation, on peut le poser comme ça,
00:41:47mais peut-être aussi par des missions qui sont...
00:41:51Pardon, excusez-moi, qui se sont beaucoup élargies.
00:41:53Et on pourra revenir un petit peu sur comment, finalement,
00:41:56au départ, les choses sont tombées dans le champ sanitaire.
00:41:59Moi, mes collègues ne sont absolument pas opposés
00:42:01à prendre en charge souvent des auteurs de violences sexuelles
00:42:04quand ils sont atteints de schizophrénie,
00:42:06quand ils sont atteints de troubles bipolaires,
00:42:07quand ils sont atteints de certains troubles
00:42:08de la personnalité.
00:42:10Pour le reste, ils ne savent pas trop quoi ne pas en faire
00:42:12et trop quoi en faire.
00:42:13Et peut-être que, d'ailleurs, on peut se poser la question
00:42:15de savoir pourquoi ça leur tombe autant sur le dos.
00:42:19Et puis, ils sont fatigués aussi par des obligations de soins,
00:42:21par des injonctions de soins qui sont devenues parfois
00:42:24un peu systématiques, comme le disait Mme Kazanchy,
00:42:26avec des mesures qui ressemblent maintenant plus à des pseudo
00:42:30mesures de sûreté sociale, comme ça, de sécurisation sociale,
00:42:34plus qu'à un véritable dispositif d'incitation à la rencontre
00:42:38et aux soins psychiques.
00:42:39Et ça, c'est vraiment des choses qui sont compliquées.
00:42:42Compliquées aussi, ce s'engorgement par le fait
00:42:46qu'au fond, aujourd'hui, on sélectionne très mal, en fait.
00:42:49On sélectionne très mal.
00:42:50Il y a peu d'évaluations qui sont faites pour savoir
00:42:53quel auteur, quelle personne a besoin de quel type de prise
00:42:56en charge, j'allais dire de temps de soins, temps d'éducatif,
00:43:00temps de contrôle, etc.
00:43:02Et au fond, aujourd'hui, c'est assez systématique,
00:43:05les injonctions de soins.
00:43:06J'allais dire, quand il n'y a pas d'injonction de soins,
00:43:08il y a une obligation de soins.
00:43:08Et aujourd'hui, on a des décisions judiciaires qui sont
00:43:12quand même beaucoup axées là-dessus,
00:43:13que ce soit en préventif, avec parfois, d'ailleurs,
00:43:16des durées de suivi pré-sententielle qui sont
00:43:23de longueur incroyable.
00:43:24Moi, j'ai des gens que je suis en pré-sententiel depuis 5 ans,
00:43:27depuis 6 ans, et ça, ça embouteille les choses.
00:43:30Et c'est vraiment...
00:43:31Au-delà de ça, aussi, effectivement,
00:43:33la question de la stigmatisation de ces personnes-là.
00:43:36Et puis, après, finalement, des choses qui sont compliquées
00:43:39parce qu'aujourd'hui, on n'a pas d'outils, en fait, très clairs.
00:43:41On n'a pas de consensus, même experto, qui puisse nous dire
00:43:45que ce type de problématique, elle relève d'une injonction
00:43:48de soins.
00:43:49Et donc, c'est un peu aux doigts mouillés, un peu aux doigts
00:43:51mouillés que ça se joue avec des experts qui vont dire...
00:43:54C'est un peu de demander à un expert si quelqu'un peut bénéficier
00:43:57de soins psychiques, c'est un peu de demander à un boucher
00:43:59s'il faut être végétarien.
00:44:01Il y a des choses un peu carrées comme ça.
00:44:04Oui, le psy va penser que la personne aura des soins
00:44:07psychiques et d'un coup, il y a une forme de systématisation
00:44:09qui se met en place.
00:44:10Peu d'outils, il n'y a pas de consensus sur ce que c'est
00:44:13qu'une injonction de soins et quelles sont les motivations.
00:44:14Parfois, on entend des gens qui vont indiquer des injonctions
00:44:18de soins parce que la personne présente une pathologie mentale,
00:44:21parfois parce qu'il est juste dangereux et c'est un peu
00:44:23les deux axes qu'il va falloir un peu, un jour, trancher.
00:44:28Peu d'outils aussi.
00:44:29Alors, d'une façon générale, dans l'ensemble des intervenants,
00:44:35sur l'évaluation du risque de récidive et sur comment se
00:44:38centrer sur les gens, donc d'un coup, on sort un petit
00:44:41peu la grosse artillerie pour tout le monde et parfois
00:44:44de façon inadaptée.
00:44:45Alors, ça permet parfois de satisfaire certains soignants
00:44:49ou certains suivis qui disent ça marche bien ce que je fais.
00:44:51Oui, mais peut-être que des gens sans suivi n'auraient pas
00:44:54non plus récidivé.
00:44:55Au fond, parce que je rappelle quand même que les récidives,
00:44:57ce n'est pas la catégorie pénale des odeurs d'infraction à
00:45:02caractère sexuel qui récidive le plus.
00:45:03Bien sûr que ça fait d'énormes dégâts quand les gens récidivent,
00:45:06mais ce n'est quand même pas celle qui récidive le plus.
00:45:09Et il n'y a pas d'outils.
00:45:10Alors, on a mis en place depuis quelques années des commissions
00:45:12nationales d'évaluation, des CPMS aussi, des commissions
00:45:15pluridisciplinaires des mesures de sûreté sur les affaires
00:45:18les plus lourdes, etc.
00:45:19Mais avec des outils qui sont finalement assez mal, comment
00:45:22dire, systématisés et qui restent des évaluations un petit
00:45:26peu aux doigts mouillés.
00:45:26Quand je dis aux doigts mouillés, c'est on met des psychiatres,
00:45:29on met des psychologues, on met des psychos et criminologues,
00:45:31etc.
00:45:32Mais qui évaluent sans échelle valable, enfin structurée,
00:45:35mis, comment dire, ayant confronté.
00:45:37Et on n'a pas construit ça en France.
00:45:39Alors, on utilise parfois, moi-même, dans mes activités,
00:45:42j'utilise des échelles qui ont été construites ailleurs,
00:45:43mais dans des espaces différenciés, en Belgique, aux Etats-Unis.
00:45:48Je parle de la statique, de la VRAC, de la SORAC, plein de
00:45:51structures d'échelle d'évaluation du risque de récidive, mais qui
00:45:55ne sont pas construits en France.
00:45:56C'est un peu dommage parce que, en fait, depuis quelques années,
00:45:58on aurait pu construire des échelles, alors je vais dire un
00:46:00gros mot, actuarielles, c'est-à-dire qui nous permettent,
00:46:02de par la validation du réel, de voir quelles sont les populations
00:46:08sur lesquelles il faut se centrer.
00:46:11Donc, les structures, elles sont, le sanitaire est dépassé un peu
00:46:14par ça.
00:46:15Et moi, je vous dis très clairement que, sur le terrain,
00:46:18mes collègues, quand je les rencontre, ils ne comprennent
00:46:20même pas ce que je fais sur ma structure de prise en charge.
00:46:22Mais même mes collègues, je travaille aujourd'hui dans une
00:46:24consultation externe du SMPR de Paris, mes collègues ne comprennent
00:46:29même pas tout à fait la clinique que j'ai.
00:46:31Eux, ils s'occupent des patients schizophrènes, des patients atteints
00:46:34de troubles bipolaires, de patients déprimés, de patients
00:46:39toxicomanes, de patients...
00:46:40Voilà.
00:46:41Et pas de...
00:46:42Ils ne comprennent pas...
00:46:43Alors, bien sûr que dans mes patients, il y a tout un tas de
00:46:45patients qui ont des troubles de la personnalité, qui ont
00:46:48des schizophrénies, qui ont des troubles bipolaires et
00:46:52qu'il faut traiter.
00:46:53C'est vrai que l'affichage même aujourd'hui d'auteurs d'infractions
00:46:56à caractère sexuel est encore plus, j'allais dire, des soins
00:46:58pénalement ordonnés et parfois un frein à l'accès aux soins,
00:47:02parce que les collègues ont du mal à investir ces espaces-là.
00:47:06Et par plein de choses et par, évidemment, parce que les psychiatres
00:47:10ne sont pas imperméables autant.
00:47:11Quand vous les mettez dehors et qu'il pleut, ils sont mouillés et
00:47:13qu'ils ne sont pas non plus particulièrement intéressés par
00:47:16prendre en charge des gens qui ont la réputation d'être de sales
00:47:20personnes, d'avoir des perversions, etc.
00:47:23Oubliant d'ailleurs que la question des paraphilies dont on parlait
00:47:26tout à l'heure, c'est-à-dire des troubles de la sexualité, sont
00:47:28effectivement des problématiques psychiatriques à prendre en charge
00:47:31et dont on a des références.
00:47:34Dernier élément, autre élément, ce qui est de plus en plus difficile
00:47:37sur le terrain et ce que nous ramènent de plus en plus les gens,
00:47:39c'est le niveau de paupérisation de la population suivie.
00:47:43C'est-à-dire qu'aujourd'hui, les injonctions de soins,
00:47:46les obligations de soins, les injonctions de soins sur des gens
00:47:48qui sont à la rue et qui ne savent pas où ils dorment ce soir,
00:47:51je pense qu'il faut arrêter.
00:47:52Voilà, c'est très clair.
00:47:53Il faut arrêter de donner tout un tas d'intervenants à quelqu'un
00:48:00qui ne sait pas où il va manger.
00:48:02Alors, je le dis bêtement, mais sur Paris, aujourd'hui,
00:48:04moi, je suis médecin aussi, coordonnateur.
00:48:05Je dois avoir 15% des personnes que je suis en tant que médecin
00:48:08coordonateur qui ne viennent pas me voir, mais parce qu'en fait,
00:48:10elles ne savent pas dormir.
00:48:11Je ne peux pas les joindre parce qu'elles n'ont pas d'adresse
00:48:14ou bien une vague adresse dans un centre de domiciliation
00:48:17postale et qui ne peuvent pas rentrer dans ces cadres-là.
00:48:22Ce sont des choses qui sont croissantes aujourd'hui,
00:48:24encore plus avec, je ne parle même pas de la question
00:48:26des OQTF qui se sont multipliées et qui ne facilitent pas la tâche
00:48:29du tout de réinsertion sociale, professionnelle, etc.
00:48:35Il me semble, moi, qu'il faut vraiment qu'on fasse un tri
00:48:39dans ce qu'on met en place et il faut vraiment qu'on commence
00:48:41à construire des outils d'évaluation et des recommandations
00:48:45qui soient un peu générales là-dessus.
00:48:46Des outils de recommandation, des outils d'évaluation,
00:48:50c'est un petit peu bête, mais il faudra enfin qu'on puisse
00:48:51avoir des éléments qui nous disent quelles personnes récidives,
00:48:55dans quel cadre, etc.
00:48:56Et ce soit sur ces personnes-là qu'on mette un appui.
00:49:01L'autre élément, on peut se poser la question de savoir pourquoi
00:49:04finalement, aujourd'hui, c'est un peu ce que j'entendais
00:49:06dans le discours de Mme Cazanchy, pourquoi tant de choses
00:49:10reposent, semblent reposer sur du soin.
00:49:13En vrai, sur le terrain, les CPIP font un travail extraordinaire.
00:49:19Ils sont évidemment aussi en sous-effectif et tant que des
00:49:23CPIP, dans certaines structures, peuvent avoir 90, 100,
00:49:27voire 115 dossiers, on ne pourra pas rêver d'avoir une prise
00:49:31en charge plus solide, mais pour autant, ils mettent
00:49:33en place des choses et peut-être que c'est par là ou en tout cas,
00:49:37construire une...
00:49:38Je pense qu'il est temps de construire un petit peu une sorte
00:49:40de filiarisation un peu spécifique, alors qu'elle soit
00:49:43psycho-criminologique, on l'appelle comme on veut,
00:49:45qu'elle soit psycho-éducative, ce serait pas mal parce que,
00:49:50de toute façon, ce n'est pas sur la santé mentale qu'il faudra
00:49:52s'appuyer.
00:49:53La santé mentale va s'occuper de travailler sur les patients
00:49:56schizophrènes, sur les patients qui ont des troubles psychiatriques.
00:50:00Elle a déjà du mal à faire ça, on ne pourra pas la déloger
00:50:04pour la mettre ailleurs.
00:50:05Ça, c'est vraiment mon avis, d'autant plus qu'on a un discours
00:50:09un peu particulier dans notre société.
00:50:11On est en train de nous dire que les voyances sexuelles,
00:50:13elles sont systémiques.
00:50:14Et puis, on renvoie au psychiatre pour une prise en charge
00:50:18individuelle de gens qui auraient des fonctionnements psychiques
00:50:20bizarres.
00:50:21Alors là, il va peut-être falloir qu'on se réveille un petit peu
00:50:23dans tout ça et peut-être qu'on réfléchisse un petit peu à la
00:50:26place de l'éducatif.
00:50:27Et oui, des personnes fragiles, à personnalité fragile,
00:50:31etc. vont décompenser et prendre des chemins qui sont construits
00:50:34par la société, des chemins, on va dire, de réassurance,
00:50:40de toute puissance phallique, etc.
00:50:41Peut-être qu'il faut déjà changer le champ dans lequel
00:50:45on est.
00:50:46Et travailler sur le systémique, c'est travailler sur de la
00:50:48prévention, c'est travailler sur les modalités relationnelles dans
00:50:51notre société et évidemment, travailler sur des programmes
00:50:54de prévention, comme Mme Moncani disait tout à l'heure,
00:50:56des préventions primaires en grande population.
00:50:59Et c'est déjà ça qui est à faire.
00:51:00La majorité des mineurs qu'on rencontre ne sont pas des grands
00:51:03malades, en fait.
00:51:04Ce sont des gamins qui ont fait essai-erreur et poussés par la
00:51:07question de la pornographie, poussés par la question des
00:51:12enjeux interpersonnels dans lesquels ils sont débordés,
00:51:14font n'importe quoi.
00:51:15Pour certains adultes, c'est aussi la même chose.
00:51:17Il faut se rappeler aussi que les adultes, l'éducatif, il peut
00:51:20exister au-delà même de l'âge de 18 ans.
00:51:23Quelque chose qui n'est encore pas tout à fait imprimé dans nos
00:51:25têtes en France.
00:51:26C'est-à-dire que l'éducatif, chez les adultes, ça marche,
00:51:28il y a de la place et c'est peut-être ça qu'il faut remettre
00:51:31en place.
00:51:32Enfin, j'allais dire, c'est tout un tout petit détail,
00:51:35mais la loi de 1998, vous savez, elle a été construite à un
00:51:37moment où la pénitentiaire, elle n'était pas en place,
00:51:40en fait.
00:51:41Elle n'était pas en place.
00:51:42A l'époque, il n'y avait pas de conseillers pénitentiaires
00:51:43d'insertion et de probation.
00:51:44Il y avait des éducateurs dans les centres de détention.
00:51:47Il y avait des assistantes sociales dans les maisons d'arrêt qui
00:51:48permettaient de penser qu'il fallait garder deux, trois trucs
00:51:51en place pour sortir les gens.
00:51:52Et puis, c'est structuré.
00:51:54Les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation
00:51:56servaient des pénitentiaires d'insertion et de probation.
00:51:58Les psychiatres étaient en place depuis 1986 et c'est eux à qui,
00:52:01parce qu'ils ont regardé à une population nouvelle qui rentrait
00:52:04en prison.
00:52:05C'est sur eux qu'est reposée la question du soin.
00:52:07C'est des choses à réinterroger aujourd'hui, alors que la
00:52:10psychiatrie n'a plus du tout les mêmes moyens que dans les années
00:52:122000.
00:52:13Et peut-être que d'ailleurs, c'est une erreur et une gabegie
00:52:16de penser que les psychiatres vont régler quoi que ce soit là-dedans.
00:52:18Ils vont régler des choses parce que quand un patient est malade,
00:52:22il a un rapport à la question de l'altérité qui est très altéré.
00:52:26Forcément à la question du consentement, forcément à la
00:52:29question de l'autre.
00:52:30Donc ça, ça se soigne.
00:52:31Mais pour tout un tas d'autres personnes, la question n'est pas
00:52:33de ce côté-là.
00:52:34Et peut-être qu'il faut aller mettre en place des choses autour
00:52:36de l'éducatif dans notre société, même pour les adultes.
00:52:39Je m'arrête là.
00:52:41Merci beaucoup.
00:52:43Je rebondirai, puisqu'effectivement, en ce moment,
00:52:46il y a le débat sur l'éducation à la vie affective et sexuelle
00:52:50qu'un grand nombre d'entre nous demandent, puisque nous sommes
00:52:54aussi allés visiter Joulalville et ils nous ont expliqué que dans
00:52:58les travaux qu'ils faisaient avec les prisonniers, parfois,
00:53:02ils démarraient par le zizé sexuel de Titeuf, histoire de remettre
00:53:05les choses à leur place et de faire que chacun connaisse un peu
00:53:08son corps, puisque parfois, il y a une méconnaissance totale
00:53:13de qui on est.
00:53:14Donc, merci beaucoup pour vos interventions.
00:53:18Je vais laisser la parole aux rapporteurs qui ont des questions.
00:53:21J'en ai une première qui vient de Marie Mercier,
00:53:24mais que je partage totalement et, à mon avis, je ne suis pas la seule
00:53:27dans cette salle.
00:53:28C'est de bien nous expliquer la différence entre obligation,
00:53:34incitation, injonction.
00:53:36Il y a les trois termes qui ont été employés et donc la bonne
00:53:40définition entre obligation, incitation, injonction.
00:53:44Mais je passe la parole maintenant.
00:53:47C'était ta question ?
00:53:48Oui.
00:53:49C'est vraiment, de toute façon, c'est ce que je disais,
00:53:52ça va être vraiment la question...
00:53:53C'est vraiment celle que je voulais poser tout à l'heure.
00:53:56Désolée de ne pas avoir pu le faire, parce que pour moi,
00:53:59c'est le B.A.B.
00:54:00Et comme je vous disais tout à l'heure, je suis B.O.C.N,
00:54:03mais alors vraiment primaire, là, pour le coup.
00:54:05Faites-moi de la prévention primaire.
00:54:08Je voulais...
00:54:09Parce que j'ai noté que, et je me suis peut-être trompée,
00:54:14il y a l'incitation de soins.
00:54:16J'ai noté que c'était pendant l'incarcération.
00:54:20J'ai noté l'injonction de soins, c'est post-incarcération.
00:54:24C'est ça.
00:54:25C'est ça.
00:54:26Pour l'instant, j'ai juste.
00:54:28Mais l'obligation de soins, au milieu de tout ça,
00:54:30je suis perdue.
00:54:31Donc, est-ce qu'on peut avoir une définition précise
00:54:34de l'incitation de soins, l'obligation de soins,
00:54:37l'injonction de soins ?
00:54:38C'est exactement la question de Marie Mercier,
00:54:39mais après tout, c'est comme ça qu'on peut commencer
00:54:42par des vraies définitions.
00:54:43Et donc, maintenant, je laisse la parole à Anne-Marie Millon.
00:54:45On va faire la série de questions des rapporteurs,
00:54:47et puis après, on élargira.
00:54:49Merci, madame la présidente.
00:54:51Donc, moi, plusieurs questions, peut-être,
00:54:53par rapport à toutes vos explications.
00:54:56Et d'abord, je vous en remercie,
00:54:57parce que vous avez eu un discours assez complémentaire
00:55:00et on a vraiment planté le décor.
00:55:02Il a été question des 187 établissements pénitentiaires
00:55:06et de 22 spécialisés.
00:55:08Donc, moi, je voudrais savoir si on a aujourd'hui
00:55:11une volonté de spécialisation supérieure, finalement,
00:55:15puisqu'est-ce qu'on a un retour sur investissement
00:55:19de ces établissements spécialisés
00:55:21dans les violences sexuelles, sexistes,
00:55:23puisqu'on a eu l'occasion, avec la présidente, d'ailleurs,
00:55:26de visiter un établissement dans le Lyon.
00:55:29Ma 2e question concernait, c'est pas une surprise,
00:55:32l'injonction et l'obligation.
00:55:35Et finalement, à travers cette définition,
00:55:40parce qu'on essaye de se mettre dans les définitions,
00:55:42finalement, avant de se dire quelle efficacité,
00:55:46on voit que pour l'injonction ou l'obligation,
00:55:49la différence, c'est qu'il y en a un qui est le soin
00:55:52et l'autre, c'est le soin et la justice.
00:55:53C'est ce que j'ai compris un petit peu.
00:55:55Donc, peut-être, vous pourrez éventuellement compléter.
00:55:59Et je voudrais savoir si,
00:56:01quel que soit l'endroit où on se trouve en France,
00:56:05l'orientation vers de l'injonction ou de l'obligation,
00:56:09elle est la même ou elle varie
00:56:11en fonction de la formation
00:56:13ou de l'appétence des professionnels sur le sujet.
00:56:17Sur...
00:56:18Moi, le ressenti que j'ai eu à travers vos différents propos,
00:56:22c'est qu'en réalité, on est sur un sujet compliqué
00:56:25par rapport à la décision,
00:56:26parce qu'on est sur le domaine du soin
00:56:28et sur le domaine de la justice,
00:56:30et peut-être encore d'autres domaines,
00:56:32et que, comme il a été question dans le Grenelle
00:56:35de lutte contre les violences sexuelles sexistes
00:56:38à l'époque, au moment de la Covid, notamment,
00:56:41on a bien vu que ces différents secteurs
00:56:43n'étaient pas habitués à travailler ensemble.
00:56:46On pouvait avoir des violentomètres
00:56:49avec des appréciations, enfin, des règles très différentes.
00:56:53Donc, comment vous améliorez ce travail
00:56:56de justice, de santé, ensemble ?
00:56:59Ensuite, j'avais une question sur...
00:57:02Et c'est revenu plusieurs fois, que vous manquiez de chiffres.
00:57:06De quels chiffres avez-vous besoin
00:57:08pour qu'on progresse sur le sujet de la récidive ?
00:57:11Une question sur les figesses et les différents figiers
00:57:15et l'information aux administrations,
00:57:17aux associations.
00:57:18Moi, vous nous avez dit, madame maître,
00:57:22qu'il était possible d'inscrire aux figesses
00:57:25au moment de la procédure.
00:57:27Alors, est-ce que, comme on est un pays
00:57:29où la présomption d'innocence est quand même
00:57:31quelque chose auquel on est très attaché,
00:57:35est-ce que c'est une réalité
00:57:36ou est-ce que c'est juste une possibilité
00:57:38qui n'est pas utilisée ?
00:57:39Moi, je voudrais savoir si c'est vraiment utilisé
00:57:41et dans quelle mesure.
00:57:43Et aussi, est-ce que c'est à géométrie variable
00:57:45en fonction des personnes qui procèdent ?
00:57:51Et puis, pensez-vous que la formation
00:57:56des acteurs pour éviter la récidive,
00:58:00que ce soit au niveau de la justice,
00:58:01que ce soit au niveau de la santé,
00:58:03soit aujourd'hui suffisante ?
00:58:05Et lorsque vous avez parlé, pour les CRIAFS,
00:58:08de déficit de moyens, on a bien compris
00:58:10qu'il y avait un déficit de moyens
00:58:12par rapport au personnel de santé,
00:58:13mais est-ce qu'il y a d'autres moyens humains,
00:58:17financiers, dont vous ne disposez pas ?
00:58:21Et puisque vous êtes représentative
00:58:24de différents territoires aussi,
00:58:27pourquoi, dans certains départements,
00:58:28ça fonctionne et dans d'autres moins ?
00:58:30Je crois que j'ai fait le tour de mes questions.
00:58:32Je retourne...
00:58:34Je retourne vers les rapporteurs.
00:58:35Nous devons libérer la salle à 10h40.
00:58:37Je suis vraiment désolée.
00:58:39Mesdames les rapporteurs,
00:58:40Laurence Rossignol, Évelyne Corbière,
00:58:43des questions ?
00:58:45Vas-y, Évelyne.
00:58:47Merci.
00:58:49Merci pour vos exposés très complets.
00:58:54Il reste encore des questions.
00:58:55Moi, j'ai aussi la même interrogation
00:58:57sur la clarification
00:59:00autour de l'injonction, de l'obligation et de l'incitation.
00:59:03Mais j'ai aussi d'autres éléments
00:59:07que j'ai pointés dans vos exposés,
00:59:09notamment sur le traitement injectable.
00:59:13Je voulais savoir, puisque, monsieur,
00:59:15vous avez pointé la paupérisation
00:59:17des personnes suivies,
00:59:21je voulais savoir s'il y avait un risque
00:59:24de rupture de traitement du fait de ces situations précaires
00:59:27et comment est-ce qu'on faisait
00:59:30pour pallier à ça
00:59:32s'il y avait des observations spécifiques à cet égard ?
00:59:38Il y a plus d'auteurs de violences sexuelles dehors que dedans.
00:59:42Oui, je sais, parce que les gens sortent...
00:59:45Vous dites qu'on les laisse à la rue,
00:59:46on ne les laisse pas toujours à la rue,
00:59:48on les reloge autour de la prison.
00:59:49Je sais bien, mais il y a plus de gens dehors,
00:59:54des personnes qui se sont rendues coupables
00:59:58de violences sexuelles,
00:59:59il y en a un petit peu partout en France.
01:00:01Alors, c'est vrai qu'il y a des endroits de concentration
01:00:03à la sortie, parfois, de ces structures spécialisées.
01:00:08Je vais laisser Mme Moncain y reparler, d'ailleurs,
01:00:10parce que c'est aussi des choses qui sont à réévaluer,
01:00:12ces structures-là.
01:00:13Il y a des structures qui ont été spécialisées
01:00:14il y a maintenant plus de 10 ans
01:00:16et qui n'ont pas tout à fait les taux auxquels on pensait,
01:00:19voire ce n'est pas forcément là
01:00:20où il y a le plus d'agresseurs sexuels dans certaines régions.
01:00:22C'est aussi des choses qu'il faut réévaluer.
01:00:24Ce sur quoi je voulais répondre,
01:00:25c'est un peu sur l'ensemble des chiffres, en fait.
01:00:29Non, la loi de 1998 n'a jamais été vraiment évaluée.
01:00:34La seule évaluation qui a essayé d'être quantitative
01:00:36sur la question des injonctions de soins,
01:00:40c'est une recherche qui a été co-construite par les CRIAP,
01:00:43ce qui s'appelait ELIS,
01:00:45état des lieux sur l'injonction de soins.
01:00:46On a essayé à un moment T
01:00:47de voir où en était l'injonction de soins en France.
01:00:51Ça a été hyper compliqué.
01:00:52On a été pourtant un peu aidés par la pénitentiaire,
01:00:54mais on n'y est pas vraiment arrivé.
01:00:55On a quand même gratté dans 2 000 dossiers.
01:00:59On a évalué 2 000 dossiers d'injonction de soins
01:01:02à ce moment-là.
01:01:04On est incapables aujourd'hui,
01:01:05en appuyant sur un bouton en France,
01:01:07de savoir combien il y a d'injonctions de soins
01:01:09en route en France.
01:01:10On ne sait pas.
01:01:11Il y avait eu un rapport fait par M. Blanc,
01:01:15je crois, dans les années 2000, un petit peu auparavant,
01:01:18qui avait fait une évaluation,
01:01:20une estimation qui n'aurait 8 000 en 2015.
01:01:24On n'a jamais eu la confirmation de ça.
01:01:26On est incapables de faire ça.
01:01:27Quand je parle de ça, c'est pour dire le niveau de chiffre
01:01:30dans lequel on est.
01:01:31On est en grande difficulté.
01:01:32Et quand je parle de chiffre d'évaluation,
01:01:34je ne sais pas si c'est une étude qu'il faudrait faire,
01:01:36parce qu'une étude sur une population courte,
01:01:39c'est compliqué.
01:01:41Ce qu'il faudrait faire, c'est arriver à thésauriser,
01:01:42à garder des informations, à prévoir des informations
01:01:46sur les 10 prochaines ou 15 prochaines années
01:01:48qui, dans 15 ans, nous donneront des éléments de réalité.
01:01:51C'est comme ça que sont construits les outils à l'étranger.
01:01:56C'est nous, on ne le fait pas, mais on aimerait savoir.
01:01:58Alors, les CRIAPS n'ont pas les données pour faire ça.
01:02:02Ce qui serait intéressant, c'est que ça puisse se construire
01:02:03au sein des données pénitentiaires et de justice,
01:02:07de voir, finalement, quels sont les profils,
01:02:09quelles sont les personnes qui récidivent,
01:02:11et d'avoir des déterminants, ensuite,
01:02:13socioéconomiques, psychologiques, etc.,
01:02:17qui nous permettent ça.
01:02:18Et ça, c'est des programmations dans l'avenir, en fait.
01:02:20C'est mettre en place des choses pour avoir des résultats,
01:02:22peut-être dans 10 ou 15 ans,
01:02:24qui nous permettent, ensuite, d'affiner et de peaufiner choses.
01:02:27Ce n'est pas fait.
01:02:28On a loupé pas mal de coches avec ça, à mon avis,
01:02:29il y a quelques années.
01:02:31Ce serait peut-être bien de le faire.
01:02:32Après, les chiffres qui nous manquent,
01:02:34c'est déjà juste le chiffre de la récidive,
01:02:36parce qu'effectivement, entre récidive légale,
01:02:38c'est-à-dire du même au même sur une période courte,
01:02:41des récidives, finalement, générales,
01:02:43c'est-à-dire quelqu'un, un auteur de violences sexuelles
01:02:45qui se retrouve dans les mains de la justice
01:02:47parce qu'il a, je ne sais pas quoi, fait un délire routier, etc.
01:02:51On ne parle jamais de la même chose.
01:02:52Il faudrait qu'on arrive à éclaircir des choses
01:02:54et avoir des chiffres à peu près clairs,
01:02:55ce qui n'est vraiment pas simple.
01:02:58Voilà, c'est une bonne question.
01:03:00Je voudrais revenir quand même rapidement sur les définitions,
01:03:04parce que je pense que c'est la première, Pierre.
01:03:07En fait, il y a 3 modalités de soins pénalement ordonnées
01:03:10en France, c'est-à-dire ordonnées par la justice.
01:03:12Les personnes sont condamnées à des soins.
01:03:14Et là, on ne parle pas du tout des personnes irresponsabilisées
01:03:17pénalement, avec des troubles délirants, etc.
01:03:19On est d'accord, c'est des personnes qui sont considérées
01:03:20responsables de leurs actes,
01:03:22mais qui vont être condamnées à des soins
01:03:25parce qu'on considère qu'il y a quelque chose à soigner
01:03:27en plus de la sanction, l'incarcération, etc.
01:03:31La première modalité de soins pénalement ordonnée,
01:03:32la plus ancienne, c'est l'obligation de soins.
01:03:341954, c'était pour les alcooliques dangereux au départ.
01:03:38Mais on a trouvé ça super, voilà, parce qu'on s'est dit,
01:03:40ah, super, on va pouvoir demander aux soignants de nous aider, etc.
01:03:43Donc, en fait, on l'a élargie.
01:03:46Et c'est ce que disait très bien ma collègue,
01:03:48très largement, c'est-à-dire qu'aujourd'hui,
01:03:50les juges, et on travaille beaucoup avec les magistrats,
01:03:51nous expliquent très bien qu'ils préconisent
01:03:55une obligation de soins dans la grande majorité des cas,
01:03:58dès lors qu'il y a des violences, on va dire comme ça,
01:04:00en se disant, ce que tu as dit, ça ne peut pas faire de mal.
01:04:03Alors, déjà, c'est discutable au niveau individuel,
01:04:05mais ce qui est certain, c'est qu'au niveau systémique,
01:04:06ça fait beaucoup de mal,
01:04:08parce que ça sature nos dispositifs de soins
01:04:10qui n'en ont pas besoin,
01:04:11avec des mesures qui ne relèvent pas de soins.
01:04:14Mais les magistrats se disent,
01:04:16bon, les psychiatres vont nous dire si ça sert à rien.
01:04:19C'est ça, leur présupposé. Sauf que les psychiatres,
01:04:21et ça, on le voit sur le terrain tous les jours,
01:04:23eux se disent, c'est prescrit par le juge, on est foutus,
01:04:26il va falloir soigner cette personne
01:04:27qui n'a pas besoin de soins pendant 3 ans,
01:04:29on a de la chance, l'obligation de soins,
01:04:30c'est pas trop long, c'est pas l'injonction de soins
01:04:32qui peut durer 20 ans.
01:04:33Donc, 1re chose, l'obligation de soins,
01:04:35donc pas d'expertise psychiatrique, préconisée par les juges,
01:04:38et une articulation santé-justice qui n'est pas structurée.
01:04:422e modalité de soins pénalement redonnée,
01:04:44on n'en a pas parlé, je vous le dis juste,
01:04:46c'est l'injonction thérapeutique,
01:04:47c'est plutôt pour les personnes avec des problèmes d'addiction.
01:04:50Je passe, 1972.
01:04:52L'injonction de soins, on en a beaucoup parlé,
01:04:53c'est la loi de 98,
01:04:55ça s'intègre dans le suivi socio-judiciaire,
01:04:57et c'était pour les auteurs d'infractions
01:04:59à caractère sexuel, et les grandes avancées,
01:05:01c'était, d'une part, l'expertise psychiatrique,
01:05:03donc essayer de discriminer qui relève de soins
01:05:05et qui n'en relève pas,
01:05:07même si on voit aujourd'hui que ça marche pas très bien,
01:05:09précisément parce que sur quels critères
01:05:12se base un expert psychiatre pour dire
01:05:14qu'il relève de soins ou qu'il n'en relève pas ?
01:05:16Il n'y a aucun consensus actuellement en France.
01:05:18Ça, c'est un travail à mener.
01:05:20On commence à y réfléchir avec les associations d'experts.
01:05:22On a besoin d'un peu de moyens pour le faire,
01:05:24mais je crois que c'est absolument essentiel.
01:05:262e grande avancée, c'est le médecin-coordonnateur.
01:05:30C'est une place à part entre la santé et la justice
01:05:33pour, comme son nom l'indique,
01:05:34essayer de coordonner un peu ces prises en charge.
01:05:38L'incitation aux soins, c'est un truc qui est rattaché
01:05:40à l'injonction de soins et aux suivis sociaux-judiciaires.
01:05:43C'est-à-dire que le législateur, à ce moment-là...
01:05:46L'incitation de soins, en réalité, c'est simplement des méthodes
01:05:50qui sont utilisées en milieu carcéral
01:05:52pour les personnes pour lesquelles un suivi sociaux-judiciaire
01:05:55a été prononcé ou encouru,
01:05:57c'est-à-dire que le tribunal ou la cour
01:06:01auraient pu prononcer un suivi sociaux-judiciaire,
01:06:04et en détention, leur parcours, en fait, il est marqué
01:06:07par une incitation aux soins.
01:06:10Le juge d'application des peines, pour ces profils-là,
01:06:12dès qu'il rentre en détention, va commencer avec différents moyens,
01:06:17plus ou moins coercitifs, à leur dire
01:06:19« Commencez les soins tout de suite, vous serez récompensés.
01:06:21Commencez les soins tout de suite, vous aurez une libération conditionnelle.
01:06:24Commencez les soins tout de suite,
01:06:26vous aurez un crédit de réduction de peine normal. »
01:06:28Pas supplémentaire, mais normal.
01:06:30Donc l'incitation aux soins, c'est pas une mesure supplémentaire,
01:06:33c'est une méthode utilisée en détention,
01:06:35mais qu'on retrouve dans notre code de procédure pénale,
01:06:37aucune difficulté, c'est pas quelque chose qui a été inventé,
01:06:40ça s'est structuré dans le code de procédure pénale,
01:06:43c'est aussi ça, le parcours d'un auteur d'infraction
01:06:45à caractère sexuel en détention,
01:06:47quand, pour pallier, finalement,
01:06:51l'absence de démarrage de soins en détention,
01:06:54en tout cas pas d'obligation judiciaire
01:06:57de commencer les soins en détention,
01:06:59on incite, et on a les moyens pour inciter.
01:07:03Ce n'est pas lié au fait qu'un certain nombre de psychiatres
01:07:07ne veulent pas voir quelqu'un
01:07:10qui ne serait pas volontaire pour venir.
01:07:12L'incitation, elle n'est pas là pour que...
01:07:15Pour les psychiatres ?
01:07:16Oui, pour que la personne puisse être acceptée par le psychiatre
01:07:20puisqu'elle arrive de façon volontaire.
01:07:22On nous parle de psychiatres qui refusent,
01:07:23des gens qui ne veulent pas venir.
01:07:25Alors, et donc c'est là où je voulais en venir, effectivement,
01:07:28sur cette question d'imposer des soins en détention.
01:07:33A l'heure actuelle,
01:07:34tout notre système de soins et d'justices, d'ailleurs,
01:07:36ne repose pas là-dessus.
01:07:38Les seules personnes en France à qui on peut imposer des soins,
01:07:42c'est les personnes qui vont décompenser
01:07:44un trouble psychiatrique grave sur une modalité délirante.
01:07:46On considère qu'elles ne sont plus en mesure
01:07:48de savoir ce qui est bon pour elles ou pas.
01:07:49On va leur imposer des soins sans consentement,
01:07:52y compris en détention,
01:07:53mais à ce moment-là, elles vont être hospitalisées.
01:07:55Les soins pénalement redonnés,
01:07:57ça repose quand même sur le principe du consentement de la personne.
01:08:02C'est-à-dire... Alors, c'est un consentement orienté.
01:08:05On est d'accord, c'est-à-dire qu'on leur dit
01:08:07est-ce que vous consentez aux soins ?
01:08:08Parce que si vous ne consentez pas,
01:08:09vous retournerez en prison s'ils sont en milieu libre
01:08:12ou vous n'aurez pas de remise de peine supplémentaire.
01:08:15Mais c'est quand même l'idée que ces personnes-là,
01:08:17précisément parce qu'on pense qu'elles sont responsables
01:08:20de leurs actes,
01:08:21elles sont aussi responsables de ce qu'elles vont pouvoir mettre
01:08:23en oeuvre pour ne pas recommencer,
01:08:25y compris si ça passe par des soins.
01:08:29Il se trouve qu'en détention...
01:08:30Alors, c'est aussi... On ne peut pas imposer ces soins-là.
01:08:34Donc c'est l'incitation aux soins, mais comme je viens de le dire,
01:08:36avec des moyens quand même assez incitatifs
01:08:37qui font que la grande majorité des personnes en détention
01:08:41vont se soigner.
01:08:43Enfin, le dispositif d'incitation aux soins marche bien, en réalité.
01:08:46Et pareil, le fait de risquer d'être réincarcéré
01:08:50si on ne se soigne pas à l'extérieur,
01:08:51ça fonctionne assez bien aussi.
01:08:53Oui, parce que la précision,
01:08:54c'est que l'injonction de soins, effectivement,
01:08:56la particularité, c'est que le jour de la condamnation,
01:08:59le tribunal correctionnel ou la cour d'assises,
01:09:00quand elles condamnent quelqu'un à une peine privative de liberté
01:09:03ou pas, peu importe,
01:09:04mais surtout à un suivi socio-judiciaire
01:09:06avec injonction de soins,
01:09:07il doit prévenir au jour de la condamnation
01:09:11la personne qu'il vient de condamner
01:09:12du fait qu'aucun soin sans son consentement
01:09:15ne pourra être mis en place
01:09:17dans le cadre de cette injonction de soins,
01:09:19mais qu'il a la possibilité de refuser ce soin.
01:09:22Mais s'il le refuse, une peine privative d'emprisonnement
01:09:25spécifique pour ce refus sera donc appliquée.
01:09:28Donc là encore, on préserve la liberté, en tout cas, de soins,
01:09:32en tout en précisant que vous avez le droit de refuser,
01:09:34ça, c'est votre droit le plus absolu,
01:09:36on fera pas de contraintes à corps
01:09:37pour vous faire aller à ce soin-là,
01:09:39mais en conséquence,
01:09:40je prévois une peine d'emprisonnement spécifique
01:09:43pour acter que vous avez refusé
01:09:46de faire cette injonction de soins
01:09:48auxquelles on vous impose.
01:09:50Donc cette incitation-là en détention,
01:09:53c'est une incitation avec absence de réduction de peine,
01:09:57absence de...
01:09:58En tout cas, minération des réductions de peine, pardon,
01:10:00à non-éligibilité à libération conditionnelle.
01:10:03Et une fois que le suivi socio-judiciaire commence,
01:10:05si vous voulez pas vous confermer à l'injonction de soins,
01:10:08c'est retour en détention
01:10:09pour une peine privative de liberté
01:10:10qui a été prévue dès la condamnation.
01:10:14C'est plus clair ?
01:10:16Peut-être une petite chose
01:10:18concernant la différence entre les régions.
01:10:21La vraie problématique aujourd'hui,
01:10:22c'est que même des gens en incitation aux soins,
01:10:25parfois, la seule chose qu'ils peuvent avoir,
01:10:26c'est un papier comme quoi ils sont sur une liste d'attente,
01:10:29même dans certains dispositifs,
01:10:32comment dire, dans certains établissements fléchés,
01:10:35voire même à l'extérieur dans des CMP.
01:10:37C'est quand même aussi ça, la réalité.
01:10:39Alors bien sûr que ça, ça incite à des variations régionales.
01:10:42Il y a des endroits, par exemple,
01:10:44où il y a des obligations, des injonctions de soins
01:10:45qui se font sans médecin-coordonnateur
01:10:47quand il n'y a pas de médecin-coordonnateur.
01:10:48Mais il y a aussi des endroits dans lesquels les CEPIP,
01:10:51les juges d'application des peines
01:10:52sont obligés de se satisfaire d'un papier
01:10:54comme quoi quelqu'un est allé faire une démarche
01:10:56à demander des soins,
01:10:58mais qu'il y en aura quand il y aura un psychologue,
01:11:00quand il y aura un psychiatre.
01:11:02C'est quand même une réalité qu'il faut quand même mesurer.
01:11:04Et même dans des centres spécialisés,
01:11:06même à l'intérieur,
01:11:08dans le cadre de l'incitation ou dans certaines structures.
01:11:11Je voudrais préciser aussi, parce que je me demande
01:11:13si, dans les questions, il n'y avait pas une confusion.
01:11:15En tout cas, je voulais être sûre que ce soit bien clair.
01:11:17Dans l'émission des CRIAFs, il n'y a pas de soins directement.
01:11:19Alors, certains CRIAFs ont monté des...
01:11:23sont adossés ou ont adossé des dispositifs de soins spécifiques,
01:11:27mais ce sont des moyens différents.
01:11:28Et évidemment, il faut que ça le soit.
01:11:29Parce que par rapport à la question
01:11:31de l'augmentation des sollicitations,
01:11:33le mouvement MeToo a été très intéressant.
01:11:34Pourquoi ? Parce qu'en 98,
01:11:37nous, on travaille beaucoup avec un sociologue
01:11:38qui est dans notre CRIAF,
01:11:39c'est très important sur ces questions-là.
01:11:41On a quand même eu affaire à une forme de dépolitisation
01:11:43de la problématique des violences sexuelles
01:11:45pour pathologiser les violences sexuelles.
01:11:47Et c'est bien ça qui fait que le soin a pris autant de place.
01:11:50Or, on a bien vu les écueils de cela.
01:11:52Parce qu'en fait, quand MeToo est arrivé,
01:11:55on s'est dit, collectivement, je crois,
01:11:58que c'était peut-être pas quand même
01:12:00que la problématique des malades mentaux,
01:12:02pour le résumer comme ça,
01:12:03ou du monstre extraordinaire, etc.
01:12:04Parce qu'on avait eu tendance à dire,
01:12:06l'auteur de violences sexuelles, le violeur,
01:12:07c'est soit le monstre, soit le malade mental.
01:12:09Avec MeToo, on a dit, il y a un problème.
01:12:10Alors, nous, on le disait depuis longtemps, quand même.
01:12:12Parce que sur les chiffres des violences sexuelles,
01:12:14et on en a quelques-uns, malgré tout,
01:12:15on sait que c'est dans l'entourage,
01:12:16une personne connue qui n'a pas de troubles mentaux.
01:12:19Voilà.
01:12:21Donc MeToo, ça a permis, à mon avis,
01:12:22cette prise de conscience-là.
01:12:23Et donc, là, on a un revirement,
01:12:24mais je crois qu'il faut accompagner,
01:12:25en tout cas, nous, c'est ce qu'on soutient,
01:12:27vous l'avez compris, qui est de dire,
01:12:28le soin, ce n'est pas l'alpha et l'oméga.
01:12:30Et donc, si on veut que ça fonctionne,
01:12:32la prévention des violences sexuelles,
01:12:34il faut d'abord, au niveau sociétal,
01:12:37rééduquer, limiter les systèmes de domination,
01:12:41parce que ça arrive toujours aussi
01:12:43dans des systèmes de domination,
01:12:44soit de l'enfant sur l'adulte,
01:12:46soit de l'homme sur la femme,
01:12:47soit du supérieur hiérarchique.
01:12:49Donc tout ça, c'est pas du soin.
01:12:51Ça, c'est des choses qu'il faut vraiment
01:12:52qu'on travaille au niveau sociétal.
01:12:53Et après, le soin peut avoir un intérêt,
01:12:56vous l'avez compris, dans certains cas,
01:12:58mais aujourd'hui, on a tellement élargi
01:13:00la place du soin qu'on, finalement,
01:13:02on s'est tiré une balle dans le pied,
01:13:03puisqu'on n'arrive plus à soigner
01:13:05ceux qui en ont réellement besoin.
01:13:08Pour revenir aux psychiatres
01:13:09qui ne veulent pas, pour certains, parfois...
01:13:11Déjà, premièrement, il faut quand même savoir
01:13:13qu'aujourd'hui, vous voulez prendre rendez-vous
01:13:15avec un psychiatre pour une dépression, par exemple.
01:13:17Peut-être à Paris, il y a encore quelques places
01:13:19quand on a de l'argent,
01:13:20mais à Toulouse, c'est impossible pour tout un chacun.
01:13:23Donc autant vous dire
01:13:24que la personne qui sort de prison
01:13:26avec une injection de soin pour des viols,
01:13:29elle a beaucoup de mal, effectivement, à trouver.
01:13:31Mais c'est pas tant la question de la réticence de certains,
01:13:34parce que ça, on l'accompagne.
01:13:35Et puis, travailler avec des personnes
01:13:36qui ne sont pas forcément volontaires pour se soigner,
01:13:39c'est quand même un peu notre quotidien en psychiatrie.
01:13:42Ça fait partie de notre métier.
01:13:43Mais la réalité aujourd'hui, c'est que même pour ceux...
01:13:46Même si on se focalise que pour ceux qui en ont réellement besoin,
01:13:49si on ne vient pas soutenir et étoffer notre système
01:13:52de soins psychiatriques, on n'y arrivera pas.
01:13:56Peut-être dernière petite chose.
01:13:58MeToo, oui, ça a beaucoup changé,
01:14:00mais ça a aussi changé les profils auxquels on est confrontés.
01:14:03C'est-à-dire que la loi de 98, elle est construite à l'époque
01:14:06sur une représentation, on peut le voir assez facilement
01:14:08quand on voit les questionnaires,
01:14:10la façon dont on réfléchit à l'époque,
01:14:12sur une représentation d'un auteur de violences sexuelles
01:14:14qui est celle du violeur en série, qui est celle du, oui,
01:14:19du serial violeur.
01:14:20On n'est plus tout à fait sur les mêmes représentations aujourd'hui.
01:14:23Et les soins ont été construits là-dessus.
01:14:25Aujourd'hui, on se retrouve parfois avec des gens qui ont
01:14:27des injonctions de soins parce qu'ils ont regardé
01:14:30des images pédopornographiques alors qu'ils sont pédophiles
01:14:33et que ça vient contenir, entre guillemets, leur sexualité.
01:14:35Alors, c'est un grand débat, ça.
01:14:36Mais pour certes...
01:14:37Pardon ?
01:14:38Ou la développer.
01:14:39Mais pour ça, c'est des choses qui ne sont pas non plus
01:14:41encore tout à fait...
01:14:43Il n'y a pas de consensus, même par l'Académie de médecine.
01:14:45Pour certains, peut-être qu'il ne faut pas le voir de façon
01:14:47générique, mais de façon individuelle.
01:14:48Je ne suis pas en train d'excuser les choses.
01:14:51Il ne faut pas le faire, mais voilà.
01:14:52Et donc, on est sur des choses qui sont très, très variées
01:14:54pour des gens qui...
01:14:55On va se retrouver avec des gens qui vont être envoyés
01:14:57vers du soin parce qu'ils se sont mal comportés.
01:14:59Et parfois, on est même à la limite, avec l'élargissement
01:15:02même jusqu'aux violences sexistes, au-delà du sexuel,
01:15:05on est sur des profils qui ne sont plus tout à fait les mêmes.
01:15:07Et peut-être que c'est en ça qu'il faut qu'on
01:15:09re-réfléchisse aux choses.
01:15:10Peut-être, dernière chose pour être peut-être un peu plus précis
01:15:13et pour vous éclairer un peu, entre l'injonction de soins
01:15:16et l'obligation de soins, on n'est pas du tout dans
01:15:18la même échelle.
01:15:19C'est-à-dire que l'injonction de soins à Paris aujourd'hui,
01:15:21je le fais à l'arrache, peut-être il y a 200 personnes
01:15:24en injonction de soins, il doit y en avoir 6000
01:15:26en obligation de soins.
01:15:27On n'est pas du tout sur les mêmes chiffres.
01:15:29Et les obligations de soins, c'est tout type de délinquance
01:15:32à tout moment, on va dire, du processus pénal,
01:15:36sauf l'incarcération, avant ou après sententiel.
01:15:40Et donc, on est sur des obligations de soins, surtout,
01:15:42en fait, mais qui viennent aussi embourber et envahir,
01:15:47entre guillemets, souvent des structures de soins qui,
01:15:50d'un coup, eux-mêmes, n'en font pas la distinction.
01:15:52Et nos collègues professionnels, qui sont déjà bien pris
01:15:56par des histoires administratives, légales, etc., quand on fait
01:15:59de la psychiatrie classique, ne maîtrisent pas beaucoup plus,
01:16:02parfois, que vous-mêmes, les distinctions entre
01:16:06obligations de soins, injonctions de soins, ce qui est une des
01:16:08missions des criasses, d'informer les gens, mais il faut encore
01:16:10qu'ils veuillent le faire.
01:16:11Juste pour rebondir sur la question d'Evelyne Corbière-Namazo,
01:16:16est-ce que, puisque on voit que ça peut fonctionner,
01:16:19le traitement par injection, est-ce qu'il peut être délivré
01:16:24par un médecin de ville, enfin, par un médecin généraliste ?
01:16:30Parce que la personne en question ne trouvera pas de psychiatre
01:16:34à côté de chez elle, ça, on est bien d'accord,
01:16:36mais est-ce que, du coup, il peut aller voir un médecin généraliste ?
01:16:38Oui, il peut tout à fait aller voir un prescripteur,
01:16:41ça peut être un médecin généraliste pour le traitement injectable.
01:16:45Il est initié, par contre, pour la plupart des cas,
01:16:49par un psychiatre, mais en relais, c'est possible.
01:16:54En pratique, ça concerne très, très peu, en fait, d'auteurs.
01:16:58Ça concerne très peu d'auteurs et si le traitement injectable
01:17:02est mis en place, par exemple, au moment de la détention,
01:17:06les liens sont faits systématiquement, en fait,
01:17:09avec un prescripteur extérieur pour que les soins puissent perdurer.
01:17:13Et si ça devient problématique, on peut même mettre en place
01:17:16un système de soins sous contraintes avec un programme de soins
01:17:19qui va permettre, on va dire, de venir contrôler
01:17:23un peu plus la mesure.
01:17:25C'est des soins sans consentement.
01:17:29Oui, mais il peut arriver qu'il y ait un soin sans consentement...
01:17:32Juste une dernière chose.
01:17:33Attention, quand on parle d'injection, je ne sais pas de
01:17:36quoi vous parlez, en fait, et si on parle...
01:17:39C'est la même chose que le docteur Denis Zobourdel,
01:17:42puisque je ne sais pas non plus.
01:17:43Oui, parce qu'en fait, il y a deux types d'injections.
01:17:46Classiquement, je pense que ce dont vous parlez, c'est de
01:17:48traitements inhibiteurs de la libido, de castration chimique,
01:17:51qui importe qu'il soit en injection, mais aussi en
01:17:53comprimé et qui sont, je rappelle, des traitements qui ne
01:17:58peuvent être pris qu'avec l'adhésion de la personne.
01:18:00Parce que je voudrais qu'on distingue bien ça des traitements
01:18:02classiques de la psychiatrie, des neuroleptiques, etc.
01:18:06Ces traitements-là, ils sont comme tout autre traitement.
01:18:08D'abord, ils sont très, ils sont d'indications très limitées.
01:18:12C'est très peu de gens.
01:18:13Et puis surtout, il y a un truc qui est particulier dans ces
01:18:15médicaments-là, qui est particulier d'ailleurs avec une autre classe
01:18:18de traitements qui s'appelle les TSO, c'est qu'ils ne peuvent être
01:18:20prescrits qu'associés à une psychothérapie et que d'un coup,
01:18:23ce n'est pas un truc où on va dire on va régler les choses,
01:18:25on va castrer les gens, puis ce sera réglé.
01:18:27Ça, c'est mort.
01:18:28C'est en plus une indication qui est quand même extrêmement
01:18:31complexe avec les mettre, les installer.
01:18:34Moi, je suis un prescripteur, je suis un des rares prescripteurs
01:18:37sur la région paraillienne, un des plus gros prescripteurs
01:18:38de ça, mais avec mesure et entendement, l'installer,
01:18:43c'est assez simple.
01:18:44Mais après, il faut savoir aussi les retirer, ces traitements,
01:18:46parce que ces traitements ont des effets secondaires énormes avec
01:18:49beaucoup de...
01:18:50Moi, j'ai beaucoup de patients avec lesquels, au bout de 3-4
01:18:53ans, ils ont des os qui ressemblent, enfin ils n'ont
01:18:55plus d'os en l'occurrence et qu'il faut arrêter les traitements
01:18:59pour pas qu'ils se fassent des fractures de la colonne
01:19:00vertébrale.
01:19:01Enfin, on est vraiment sur des choses comme ça.
01:19:03Donc, il faut aussi que ce soit très accompagné parce que c'est
01:19:05que, pour moi, des prothèses à un moment, pour pouvoir
01:19:10travailler des choses quand les gens sont très envahis ou sont
01:19:13très en grande difficulté d'auto-contenance, on va dire
01:19:16un truc comme ça, mais il s'agit de mettre tout un tas de choses
01:19:18en place.
01:19:19Donc, la solution du médecin généraliste, elle est très annexe
01:19:22parce que la majorité des médecins généralistes ne sont pas
01:19:24très formés pour prendre en charge des psychothérapies qui
01:19:27vont avec cette histoire-là.
01:19:28Il n'y en a plus non plus.
01:19:34Oui, mais malheureusement, c'est compliqué aussi d'avoir
01:19:39des rendez-vous pour trouver des médecins généralistes pour les
01:19:41patients qui sortent de prison, notamment.
01:19:42C'est très compliqué.
01:19:43C'est une réalité.
01:19:45Juste sur l'histoire de l'évaluation des travaux, il y a
01:19:48quand même des choses qui existent, alors beaucoup à
01:19:50l'international, un peu en France.
01:19:51On a quand même notre vice-président de la Fédération,
01:19:53Ingrid Berge, qui a fait sa thèse de psychologie sur l'évaluation
01:19:56du risque de récidive pour les auteurs d'infractions
01:19:58d'un caractère sexuel.
01:19:59Donc, c'est un travail qui est évidemment très précieux.
01:20:02Donc, ce qui marche, ce qui marche moins bien, je ne vous
01:20:06apprendrai rien.
01:20:07On n'a pas d'outil miraculeux qui va dire lui il récidivera,
01:20:10lui il ne récidivera pas.
01:20:12Mais enfin, effectivement, il y a quelques outils semi-structurés
01:20:14qui sont très intéressants.
01:20:15Ce qui est compliqué aujourd'hui, c'est de l'implanter dans les
01:20:17pratiques françaises.
01:20:18On a peu l'habitude, on y travaille, pas seulement
01:20:23d'ailleurs des soignants.
01:20:24Pour le coup, c'est vraiment des outils qui sont utilisés à
01:20:26l'étranger par les travailleurs sociaux ou au Conseil
01:20:30national d'évaluation.
01:20:31On peut tout à fait imaginer que ce soit utilisé, bien entendu.
01:20:34Sur ce qui marche sur la désistance, on a beaucoup
01:20:36parlé de récidive.
01:20:37Nous, on aime bien insister sur la désistance.
01:20:40Donc, ce qui fait que les personnes sortent des parcours
01:20:42délinquanciels et ne récidivent pas.
01:20:44Donc, pas focaliser sur les facteurs de risque, mais plutôt
01:20:46sur les facteurs protecteurs.
01:20:47Ce qui va faire qu'on sorte de ces parcours d'agression
01:20:52sexuelle, en l'occurrence.
01:20:53Et là, les études sont assez claires à l'international.
01:20:56C'est-à-dire que, oui, le soin un peu, mais on vous le redit
01:20:59parce que c'est absolument nécessaire.
01:21:00L'hébergement, le travail, le réseau social.
01:21:03Il y a des outils qui ont été mis en place, comme les cercles
01:21:05de réseau et de soutien, par exemple, qui sont des outils
01:21:07de justice restaurative, qui, justement, consistent à mettre
01:21:10en place un réseau social, pour les gens qui n'en ont pas,
01:21:15avec des bénévoles formés, intéressés.
01:21:18Il y a eu un film, d'ailleurs, là-dessus récemment.
01:21:20Je vous invite à le voir, si vous ne l'avez pas vu, ça s'appelle
01:21:22Je verrai toujours vos visages, je crois.
01:21:23La justice restaurative, pour les auteurs d'infractions
01:21:27à caractère sexuel, on sait que ça fonctionne.
01:21:29Et donc, c'est préconisé par la loi de 2014, mais c'est encore
01:21:33mis en place de façon très, très minime.
01:21:36Donc ça, c'est des outils, à mon avis, dont il faut soutenir
01:21:40la mise en œuvre.
01:21:41Madame Di Falco, une dernière question.
01:21:43Oui, merci, parce qu'elle m'est venue en même temps que vous
01:21:46parliez d'évaluation.
01:21:49Il y a un auteur d'infractions sexuelles.
01:21:53Il a été pénalement condamné.
01:21:56Il a été suivi pendant sa détention.
01:21:59Il a été suivi.
01:22:01Peut-être qu'il y a eu une injonction de soins derrière, etc.
01:22:05Il y a une récidive, malheureusement, forte récidive,
01:22:09malheureusement, qui a conduit à un acte criminel.
01:22:14Ça fait la une des journaux, etc.
01:22:16Est-ce qu'à ce moment-là, il y a un retour sur une analyse
01:22:22profonde de ce qui n'a pas fonctionné, où il y a eu
01:22:25l'écueil ?
01:22:26Pourquoi on n'a pas vu qu'il pouvait récidiver ?
01:22:28Pourquoi on n'a pas...
01:22:30Est-ce qu'il y a vraiment un retour derrière, d'analyse afin
01:22:33de prévenir pour un futur récidiviste potentiel, etc. ?
01:22:38Un rétexte.
01:22:42Alors, des retours d'expérience, c'est des choses qu'on peut faire.
01:22:45C'est assez variable.
01:22:46Il n'y a pas de choses systématiques qui sont mises en place.
01:22:48Bien sûr que dans les structures qui sont les plus spécialisées,
01:22:51qui reçoivent le plus de ces personnes-là, quand il y a des
01:22:53structures spécialisées, je rappelle qu'il n'y en a pas non plus
01:22:55dans tout le territoire.
01:22:56Pour être très clair, moi, ça m'est déjà arrivé de suivre
01:22:58des gens qui récidivent.
01:23:01On est touché par ça et on essaie au moins de voir au niveau
01:23:05sanitaire et avec nos collègues qui vont être en prison,
01:23:08etc.
01:23:09de reprendre un peu les choses, d'analyser les choses.
01:23:11Oui.
01:23:12Après, parfois, on voit aussi arriver les choses et on ne peut
01:23:15pas trop les arrêter.
01:23:17Je ne sais pas comment dire ça.
01:23:17C'est-à-dire que souvent, d'ailleurs, dans ces situations-là,
01:23:20ce qui est en place, c'est la question dont on vient de parler.
01:23:22C'est-à-dire des situations sociales très précaires, des situations
01:23:26où, en fait, les différents acteurs du sanitaire, du judiciaire,
01:23:31du social, n'arrivent pas à créer autour de la personne quelque
01:23:34chose de contenant.
01:23:35Mais parce qu'à un moment, ça fuite.
01:23:37Quelque part, ça fuite.
01:23:38Alors, soit très fou, soit très désocialisé, soit très antisocial
01:23:45et très délinquant.
01:23:47Mais aujourd'hui, ce qui est sûr, c'est qu'on voit beaucoup
01:23:50de gens qui récivent dans des dimensions très sociales.
01:23:54Voilà.
01:23:55Mais on essaie de faire des analyses des situations-là.
01:23:57Elles ne sont pas répertoriées, elles ne sont pas thésaurisées.
01:23:59C'est peut-être des choses qu'il faudrait faire avec toutes
01:24:02les complexités, la complexité qu'il faut le faire avec le respect
01:24:05des secrets professionnels des uns et des autres.
01:24:07Non, mais clairement, excusez-moi.
01:24:08Clairement, s'il y a une analyse de fait, un arbre des causes,
01:24:12etc., il faut que ça puisse profiter.
01:24:15Cette expérience doit pouvoir profiter.
01:24:16Donc, effectivement, ce n'est pas catalogué, ce n'est pas transmis.
01:24:20Non, ça reste dans la structure.
01:24:23C'est surtout, madame, que là, on part du postulat que cet échec
01:24:28de récidive reposerait sur un retour d'expérience du milieu soignant.
01:24:32Or, si un échec de récidive, c'est un échec global, en fait,
01:24:37du postulat récidif.
01:24:38Donc, effectivement, l'idée, ça serait de la réflexion,
01:24:43elle ne peut être que globale.
01:24:44La même réflexion qui amène, très bien, à l'application des peines
01:24:47pour les infractions les plus graves, à réfléchir à une libération
01:24:50conditionnelle, elle repose sur la saisie d'une commission nationale
01:24:56d'évaluation, sur plusieurs expertises psychiatriques,
01:24:58voire corrélées avec des expertises psychologiques,
01:25:01l'avis des sépipes.
01:25:02On y est, c'est ça, l'interdisciplinarité.
01:25:05Là, dans le cas présent, puisqu'on a posé des questions,
01:25:09il n'y a jamais eu de prise en charge psychiatrique,
01:25:12à aucun moment.
01:25:12Donc, de toute façon, le soin n'y est pour rien,
01:25:14puisqu'il n'a pas eu de soins du tout.
01:25:16Mais je voudrais...
01:25:18Le problème des soins...
01:25:19La question que vous posez, elle est extrêmement importante,
01:25:22parce qu'il y a eu des affaires dramatiques où les professionnels
01:25:27se sont sentis désavoués, jugés.
01:25:31Et en réalité, ça a eu des impacts majeurs sur le terrain.
01:25:34Et pas forcément positifs.
01:25:36C'est-à-dire qu'on a d'abord eu des professionnels qui se sont
01:25:39retirés de ces prises en charge.
01:25:41Aujourd'hui, il faut quand même trouver des gens pour accompagner
01:25:42ces personnes-là.
01:25:43Et si on fait peser une responsabilité trop lourde
01:25:47sur leurs épaules, ils ont peur, ils ne veulent plus.
01:25:49Et donc, qu'est-ce qu'on fait quand on a peur ?
01:25:50Soit on s'en va, soit on enferme.
01:25:54Voilà.
01:25:55Et on garde les magistrats, les sépipes, les soignants.
01:25:58On va être sur des mesures sécuritaires, qui, en fait,
01:26:01on le sait, sont contre-productives pour toutes les raisons
01:26:03qu'on vient d'expliquer.
01:26:04Donc, c'est pour ça que la question des rétex, je la trouve
01:26:07très précieuse, dès lors qu'on arrive à la faire vivre
01:26:10comme un outil d'amélioration pour tous.
01:26:13Je sais bien, mais c'est pour ça que ça me fait associer
01:26:15avec cette idée qu'il faut vraiment soutenir les professionnels
01:26:18qui prennent en charge ces personnes.
01:26:19Alors, notre collègue Marie Mercier me dit que ça s'apparenterait
01:26:23éventuellement à une obligation de résultat, ce qui n'existe
01:26:26évidemment pas en médecine.
01:26:28Pour autant, moi, pour avoir vu des rétex, entre autres
01:26:31sur des féminicides, objectivement, c'était vraiment...
01:26:34On interrogeait toute la chaîne pour voir où ça avait pu pêcher.
01:26:39D'ailleurs, souvent, on s'appêche pour une raison humaine à un moment
01:26:42où ça ne devrait pas, parce que le système n'est pas prévu
01:26:44pour que ça pêche à cet endroit-là.
01:26:46Mais c'est effectivement intéressant, parce que ça a permis,
01:26:49entre autres, je me souviens, pour le féminicide de Bordeaux,
01:26:51de faire que dorénavant, toutes les victimes soient prévenues
01:26:54avant la sortie de prison, ce qui n'était pas fait initialement.
01:26:57Donc, c'est toujours utile, effectivement, arrêter avec ça.
01:26:59Pour terminer, ce qui est compliqué en matière de récidive,
01:27:01en plus, c'est qu'on voit quand ça ne fonctionne pas,
01:27:03quand il y a une récidive, mais en fait, on ne voit pas
01:27:05quand ça marche, ce qui est quand même la majorité des cas.
01:27:07Et jamais un soignant ou un sépipe se dit
01:27:10« Ah, ben là, c'est sûr, c'est grâce à moi ». Jamais.
01:27:13Non, mais voilà, et on ne regarde pas aussi, d'ailleurs,
01:27:15dans les rétexques qui sont préconisés, c'est aussi d'essayer
01:27:17d'analyser quand ça va fonctionner, et ça, on le fait jamais.
01:27:19Ce serait bien, ne serait-ce que sur le travail de recherche,
01:27:21mais j'ai noté, moi, comme première préconisation
01:27:23de faire un travail de recherche pour savoir qui doit aller
01:27:25vers le soin et qui ne doit pas y aller,
01:27:27de telle sorte que ce ne soit pas à ce point généralisé
01:27:29et pour éviter d'emboliser le système.
01:27:32Voilà pour cette table ronde organisée par la mission d'information
01:27:35du Sénat sur la lutte contre la récidive des délinquants sexuels.
01:27:38C'est la fin de cette émission. Merci de l'avoir suivie.
01:27:40Continuez à suivre l'actualité politique et parlementaire
01:27:43sur notre site internet publicsénat.fr.
01:27:45Je vous souhaite une très bonne journée sur Public Sénat.

Recommandations