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Jeudi 5 décembre 2024, SMART TECH reçoit Franck Mercier (experts glace, CLS) , Yann Lechelle (entrepreneur de la tech et cofondateur, Probabl.AI) et Julien Pillot (Economiste, enseignant-chercheur en économie, Inseec - Groupe Omnes Education)

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00:00Bonjour à tous, c'est le grand débrief aujourd'hui dans Smartech. On est ensemble pendant une demi-heure. Je vous présente les sujets et les débriefeurs tout de suite.
00:16Autour de la table aujourd'hui pour ce grand débrief, Yann Lechelc au fondateur de Probable AI. Bonjour Yann. Bonjour. Et Julien Pillot, enseignant-chercheur en économie à l'INSEC. Bonjour Julien. Bonjour.
00:30Bon, on avait normalement une troisième personne comme d'habitude mais Marie-Christine Levé est souffrante aujourd'hui donc malheureusement elle ne sera pas avec nous.
00:38Ça ne va pas nous empêcher de parler de sujets d'éducation notamment. On va parler de Stratégie de la France en matière d'intelligence artificielle, comment elle a été épinglée dans un récent rapport dévoilé par l'OPEX qui est l'office parlementaire qui évalue les choix scientifiques et technologiques de la France.
00:55Il y a 18 recommandations et quelques-unes notamment pour ce sommet d'action pour l'IA qui se prépare et se tiendra à Paris en février 2025 donc on va parler de ça évidemment aujourd'hui.
01:06On va aussi s'intéresser à nos données de santé avec cette polémique autour de la nouvelle fonctionnalité de Doctolib et puis globalement ce sujet, on en est où de la protection de données de santé des Français ?
01:17Mais on commence avec un sujet en pleine mer et dans l'espace aussi, le Vendée Globe sous surveillance spatiale et pour en parler j'ai convié à distance Franck Mercier. Bonjour Franck.
01:27Bonjour.
01:29Vous êtes le chef de projet Vendée Globe Expert Glass chez CLS, filiale du CNES, société à mission internationale. Vous fournissez des solutions d'observation et de surveillance de la Terre et vous êtes un des partenaires de la première heure du Vendée Globe.
01:45Vous assurez en fait la sécurité de la course depuis l'espace. Pourquoi depuis l'espace ?
01:51Alors en fait le satellite c'est l'unique moyen de surveiller l'immensité de l'océan Austral qui est souvent hostile d'ailleurs comme on peut le voir en ce moment sur la tête de la course.
02:01Et donc le service que nous fournissons cette année au Vendée Globe ça consiste à détecter les icebergs et à suivre leur évolution de manière à définir en fait ce qu'on appelle une zone d'exclusion antarctique,
02:15donc la limite du terrain de jeu pour faire simple autour de l'Antarctique au-delà de laquelle les concurrents n'ont pas le droit d'aller.
02:21D'accord donc en fait vous publiez une cartographie. Quels sont les risques pour justement pour tous ceux qui sont dans la compétition face aux icebergs ?
02:31C'est sûr que la collision avec un iceberg, on a des précédents historiques qui montrent qu'en général la fin n'est pas toujours très satisfaisante.
02:39Donc là le but c'est justement que les skippers ne soient pas en mesure de prendre de telles images, qu'ils puissent rester suffisamment éloignés des icebergs et ne pas s'en approcher.
02:50Et aujourd'hui le satellite c'est le meilleur moyen ou le seul moyen même d'éviter ces collisions ?
02:56C'est vraiment le seul moyen de surveiller la totalité de l'océan Austral. Clairement il n'y a pas d'autre solution que le satellite pour couvrir une telle superficie.
03:08Et alors quand je dis le satellite en vrai, quels sont les types de satellite que vous utilisez ?
03:12Alors en fait nous utilisons trois familles de satellite, donc l'imagerie optique mais ça c'est des choses assez classiques mais qui sont très vite limitées en fait par la présence des nuages.
03:23Donc on ne peut pas baser notre service uniquement là-dessus et c'est pour ça qu'on a mis l'accent sur les technologies radar.
03:29Parce que les technologies radar nous permettent de voir et de détecter les icebergs aussi bien le jour que la nuit ou au travers des nuages.
03:35Donc pour ça on fait une utilisation détournée d'une technique que nous maîtrisons très bien à CLS qui s'appelle l'altimétrie satellitaire.
03:43Qui initialement a été conçue pour mesurer très précisément l'élévation du niveau des océans.
03:49Mais ça permet aussi de détecter des réflecteurs flottant à la surface de l'océan, donc en particulier les icebergs ou les bateaux.
03:55Et puis ça nous permet d'établir en fait, comment dire, de cartographier les principales zones d'iceberg.
04:03Et une fois que la course est lancée, que les bateaux s'approchent de cette zone d'exclusion antarctique,
04:08eh bien on refait un passage avec une autre technique de l'imagerie radar.
04:13Pour le coup on a véritablement des images bidimensionnelles de 500 km par 500 km pour chaque image,
04:20avec une résolution de l'ordre de la centaine de mètres.
04:23Et donc là ça nous permet véritablement de vérifier du mieux possible devant le passage des bateaux
04:28s'il ne reste pas des icebergs qui nous auraient échappé précédemment.
04:32Assez impressionnant. Une question peut-être ou une réaction Yann ?
04:35Oui, une réaction sur cette capacité finalement d'observer les éléments qui sont plus forts que nous malheureusement,
04:41et plus dangereux que de nombreuses choses que l'on crée nous-mêmes.
04:45Et donc les satellites, par le biais de traitement du signal, permettent d'observer, d'anticiper,
04:51c'est presque un service d'intérêt général.
04:53C'est d'ailleurs ce que vous faites en fait, puisque vous êtes une filiale du CNES.
04:57On est précisément dans ce cas d'usage qui s'appliquera j'imagine à plein d'autres choses,
05:02y compris les incendies, des inondations.
05:05Et où on a besoin d'avoir une forte maîtrise technologique européenne.
05:09Oui, donc bravo.
05:11Alors ça vous permet des ajustements en temps réel aujourd'hui sur cette cartographie des icebergs,
05:17ou en tout cas des zones d'exclusion, des zones interdites aux navigateurs ?
05:21Oui, alors en fait la zone d'exclusion elle doit être définie quelques jours avant le passage du leader.
05:26Elle doit rester la même pour tous les concurrents.
05:28Donc c'est pour ça que nous faisons en fait deux séquences d'imagerie.
05:32Une première séquence donc quelques jours avant le passage du leader,
05:35qui nous permet là pour le coup de fixer, de déterminer et de modifier éventuellement cette zone d'exclusion.
05:41Et après, s'il s'avère que notre modèle de dérive des icebergs nous indique que certains icebergs
05:47qui étaient au sud de cette zone d'exclusion se rapprochent de cette limite,
05:52et bien à ce moment-là nous refaisons à nouveau des nouvelles images radar pour contrôler la situation
05:57pour les concurrents qui seraient en retard par rapport au leader.
06:00Donc on assure la sécurité aussi bien du leader que des derniers concurrents bien évidemment.
06:04Et vous voyez aussi tous les petits morceaux là qui sont autour des icebergs au moment des fontes ?
06:09Alors justement c'est ça la problématique, c'est qu'actuellement nos capacités nous permettent de détecter
06:15des icebergs qui font à peu près 80 mètres de long.
06:18Typiquement l'exemple standard, le gabarit standard, c'est Fort Boyard.
06:22Donc ça fait 80 mètres de long, 20 mètres de large, 1 mètre de haut.
06:25C'est ce qu'on est capable de détecter je dirais de manière systématique avec nos moyens.
06:30Mais bien évidemment un tel objet ça fait des milliers de milliers de groleurs,
06:34ce qu'on appelle les petits résidus d'icebergs qui font de l'ordre de quelques mètres cubes.
06:39Donc c'est pour ça que la subtilité de l'exercice c'est de réussir à parvenir à détecter les plus gros icebergs
06:47en fait pour suspecter la présence des plus petits.
06:50Et c'est là aussi que notre modèle de dérive nous permet, enfin dérive et qui intègre aussi des questions de fontes
06:57et de dislocation des icebergs, ça nous permet d'anticiper la présence de ces petits icebergs même si on n'est pas capable de les voir.
07:03Et donc ces modèles mathématiques, ça j'imagine que vous ne les aviez pas au départ,
07:08la première course n'était pas aussi bien équipée en matière de prédiction.
07:12Comment vous voyez le futur, le prochain saut technologique ?
07:17Alors le prochain saut technologique, c'est clairement lié à une mission qui vient d'être lancée récemment
07:23par le CNES et par la NASA qui s'appelle SWOT,
07:26qui là pour le coup va nous permettre d'avoir une surveillance en continu de l'océan.
07:32Alors là encore ça n'a pas été conçu pour étudier les icebergs,
07:35mais il n'y a aucun doute sur le fait qu'on soit capable d'en faire une utilisation détournée pour détecter les icebergs.
07:42Et ce que ça va nous apporter, c'est cette surveillance en continu des icebergs,
07:46peut-être un petit peu plus gros, des icebergs de l'ordre de 200 mètres à peu près.
07:49Mais voilà, ce sera forcément très utile.
07:52Merci beaucoup pour cet éclairage, ça permet de voir le Vendée Globe aussi du ciel, un autre point de vue.
07:59Franck Mercier, je rappelle que vous êtes chef projet Vendée Globe Expert Glacier,
08:03CLS, merci beaucoup d'avoir été avec nous.
08:05Je ne sais pas si Julien a peut-être une réaction avant que vous nous quittiez ou une question ?
08:09Peut-être une question, oui.
08:11Bonjour Franck, déjà je suis fasciné par ce que vous faites,
08:14et ça s'inscrit en fait dans une démarche globale de la tech au service du sport et de la tech au service de l'humain,
08:19parce qu'il s'agit quand même de préserver éventuellement des vies face à des collisions qui seraient extrêmement dramatiques.
08:25Quelle est votre position vis-à-vis des esprits chagrins qui parfois peuvent se manifester sur les réseaux sociaux
08:31en disant qu'à force de mettre la technologie au service du sport et notamment du Vendée Globe,
08:35on perd un petit peu le sel de la grande aventure humaine que peut être cette traversée ?
08:41C'est sûr que le Vendée Globe a évolué, au début c'était essentiellement des aventuriers,
08:47et puis ce secteur du sport s'est professionnalisé,
08:52et aujourd'hui on a une forte partie des concurrents du Vendée Globe qui sont là pour la performance,
08:59et qui après en avoir discuté avec eux préfèrent les maigres périodes de repos et de sommeil,
09:05ils préfèrent bien sûr pouvoir dormir tranquille sans avoir la crainte d'une collision avec un iceberg.
09:11Ils ont déjà beaucoup d'autres soucis à gérer, beaucoup d'autres difficultés à contourner,
09:15et d'une manière générale les concurrents en tout cas préfèrent.
09:19Et après c'est sûr que la perception du grand public, je pense que c'est quelque chose qui peut évoluer aussi,
09:28parce que toutes ces observations nous permettent de beaucoup mieux comprendre la distribution des icebergs dans l'océan,
09:36et c'est quelque chose qui était mal connu aussi avant,
09:38parce que ce sont les courses au large qui permettent de mettre en oeuvre de tels moyens pour construire cette connaissance.
09:45Merci beaucoup, on vous libère cette fois Franck, merci d'avoir été avec nous.
09:50Au revoir.
09:52Alors on enchaîne nous avec nos autres sujets, on a l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques
09:59qui a été saisi par l'Assemblée nationale et le Sénat pour faire le point sur les développements de l'IA,
10:04et puis sur la stratégie française, la stratégie nationale.
10:08Trois sénateurs, Alexandre Sabatou, Patrick Chaise et Corinne Narassiguin ont donc rédigé ce rapport,
10:15Tchadjipiti et après, bilan perspective d'intelligence artificielle.
10:18Alors il y a tout un bilan sur les technologies, je ne sais pas si vous avez pu jeter un oeil, Yann,
10:24parce que le rapport est tout frais, il date d'hier, et il est assez complet.
10:28On nous dit notamment que la principale innovation en 2024, ce sont les agents d'IA, les agentic workflows,
10:35tout ce qui permet d'automatiser les tâches et d'avoir finalement du machine to machine dans l'IA.
10:42Et puis il nous présente aussi les IA comme les prochaines interfaces entre nous et les services numériques.
10:49Le rapport est complet, mais il conclut que nous avons pris beaucoup de retard sur la partie infrastructurelle,
10:57ce qui veut dire que les étapes d'après doivent s'anticiper.
11:01Donc c'est un rapport qui est utile, qui montre nos faiblesses.
11:05Il faut être très lucide par rapport à ces faiblesses, et c'est tout à fait le sens de l'histoire.
11:10L'agentic était déjà scripté d'avance.
11:12Certains scientifiques pensaient que les modèles allaient devenir exponentiellement intelligents,
11:16ce n'est pas vrai du tout.
11:18D'ailleurs, ça me fait penser à un article dans Wired il y a plus de dix ans,
11:22où finalement tout ce qui est good enough est suffisant pour que l'industrie s'en empare.
11:27Et donc ces modèles, ça y est, sont digérés par l'économie, ils vont continuer à progresser,
11:31mais ce n'est plus le sujet.
11:33Le sujet c'est qu'est-ce qu'on en fait, comment est-ce qu'on disrupte,
11:37comment est-ce qu'on change la manière dont certaines tâches humaines sont gérées.
11:43Donc ça aura un impact sur le marché du travail, décolle blanc,
11:47ce qui avait été écrit déjà il y a quelques années.
11:50Donc voilà, un petit peu alarmiste tout de même,
11:54parce qu'il faut tout de même bien gérer tous ces sujets qui vont arriver, de gré ou de force,
12:00parce que les Américains sont devant, vont nous les imposer par des acteurs habituels,
12:04et je regrette le traitement très très très léger sur la partie open source,
12:08qui est peut-être notre seul espoir pour rattraper notre retard.
12:13Donc on ne traite pas la souveraineté, on ne traite pas notre retard systémique.
12:18Alors il y a justement quand même, il pointe du doigt son rapport quelques manquements,
12:22notamment sur le sommet de l'action pour l'IA,
12:25l'absence du sujet sur l'éducation et la formation, et l'absence du sujet sur la souveraineté.
12:29Donc il le soulève ce point, cette question de l'autonomie.
12:33D'un point de vue économique aussi, il y a beaucoup d'enjeux qui sont présentés
12:36sur la complexité de la chaîne de valeur,
12:39et la difficulté justement pour l'Europe d'être compétitive en matière d'infrastructures.
12:44Il y a aussi l'idée qu'il va falloir préparer une réforme sur la propriété intellectuelle,
12:49et puis toutes ces questions géopolitiques et transformation du travail.
12:53Vous avez eu le temps de le lire aussi Julien ?
12:55Je l'ai survolé parce qu'il est tout frais, et qu'il est très dense,
12:58il fait plus de 300 pages comme ce rapport, donc il va falloir un petit peu de temps pour le digérer.
13:01Mais je vais être dans la continuité de ce qu'a pu dire Yann, en étant plus sévère.
13:05Je sais qu'on est en période de Noël, et d'une certaine façon je m'étonne toujours
13:08qu'il y a des adultes qui croient encore au Père Noël.
13:11Parce qu'on en est à combien de rapports sur l'IA en vérité ?
13:14Depuis le rapport Villani, on en a fait combien ?
13:16Entre les rapports gouvernementaux, les rapports d'officine,
13:19les rapports qui auraient pu être produits par des think tanks.
13:21On en a une cargaison.
13:24Et en vérité, de rapport en rapport, on ne fait qu'attester de notre retard qui s'accumule,
13:31et de nos faiblesses structurelles qui, de toute façon, ne peuvent être réglées que par une seule chose.
13:35Par l'argent. On en revient toujours au nerf de la guerre, sur les marchés d'innovation.
13:39Je vais faire un tout petit peu d'autopromotion.
13:43J'ai publié il y a trois jours de cela un article sur The Conversation,
13:47qui atteste du fait que la bulle de l'IA n'éclatera pas,
13:51peut-être dégonflera-t-elle, mais elle ne va pas éclater.
13:53Il y a plein de chiffres dans cet article.
13:56Il est librement disponible à la consultation.
13:58Je vais juste en citer un seul.
14:00Aujourd'hui, c'est 200 milliards.
14:02200 milliards, c'est l'investissement des seuls GAFAM pour la seule année qui est encore en cours.
14:07200 milliards.
14:09Si on a oublié dans ce pays que pour jouer un rôle majeur dans les industries d'innovation,
14:14il faut passer par la case investissement et il faut y mettre le paquet,
14:20en vérité, on ne fera que perdre les combats de la tech les uns après les autres.
14:25On a perdu celui du web commercial, on a perdu celui du web 2.0,
14:28on est en train de perdre celui de l'IA et on perdra demain celui du quantique.
14:31Sur le financement de cette stratégie, le rapport est très sévère.
14:34Déjà, il nous dit que l'investissement massif de 27 milliards d'euros sur 5 ans
14:39promis par le gouvernement, on n'y croit pas.
14:44Voilà, ce sont des sommes trop conséquentes visiblement pour que ce soit crédible aux yeux des rapporteurs.
14:51Ils estiment en revanche qu'il serait plus judicieux de reconduire un programme
14:55qui s'appelle confiance.ai qui coûte pas très cher et qui s'arrête en 2024.
15:01Est-ce que c'est juste une question d'argent ou est-ce que c'est aussi faire avec nos forces déjà aujourd'hui ?
15:06Le constat que Julien apporte est réel et d'ailleurs le rapport Draghi parle de ces proportions également.
15:12C'est-à-dire qu'il s'agit de 800 milliards qu'il faudrait injecter dans l'économie européenne.
15:16Donc, 800 milliards, 200 milliards de l'autre côté sur une année, ça correspond globalement.
15:21Donc, on n'est pas dans la course et je pense qu'on ne va pas réussir à débloquer ces capitaux.
15:27Donc, il faut penser différemment.
15:29Il ne faut pas essayer de copier les Américains sur un modèle qu'ils ont inventé,
15:34qu'ils maîtrisent et qu'ils dominent.
15:37Et donc, si je suis moi aussi à mon tour sévère, en réalité si on est humble,
15:41il faudrait peut-être considérer que l'Europe est dans la même situation que l'Afrique,
15:45pré-adoption de la mobilité.
15:47On n'a tellement pas investi dans l'infrastructure sous-jacente
15:50qu'il faut réfléchir à ce que l'on va pouvoir adopter demain pour être dans la course et bénéficier.
15:55C'est pour bien l'expliquer parce qu'en Afrique, en fait, on n'a pas misé sur connecter tous les continents en fibre optique
16:01mais basculer directement sur un réseau moins onéreux, plus simple d'accès qui est le réseau mobile.
16:06Donc là, ce que vous nous dites Yann, c'est peut-être que nous, il faut qu'on envisage une stratégie complètement différente.
16:12Mais laquelle ?
16:13Celle qui nécessite une vision pour le projet européen ou au moins le projet français.
16:18Alors, c'est difficile aujourd'hui d'avoir une vision dans la situation actuelle
16:22mais cette vision doit se raccrocher à nos valeurs qui nous distinguent, qui nous singularisent.
16:26Donc, c'est vrai que la régulation est une manière de poser les bases
16:30et donc de se protéger mais c'est défensif. Il faut être offensif.
16:34Comment est-ce qu'on peut être offensif par rapport à des valeurs qui sont nobles ?
16:38Comment est-ce qu'on revient à nos sources ? Comment est-ce qu'on revient à l'Europe des Lumières ?
16:41C'est vraiment ce sujet. Les Lumières, c'est donc la science, c'est donc l'éducation.
16:45Là aussi, les rapporteurs s'en prennent effectivement à cette approche européenne
16:49uniquement par les risques autour de l'IA et invitent à ce que le sommet de l'action pour l'IA
16:53soit une approche différente où on construit quelque chose.
16:56J'ai bien aimé aussi cette petite phrase qui fait partie des recommandations.
17:02Ils nous disent que mieux vaut une bonne IA chez soi qu'une très bonne IA chez les autres.
17:06Vous êtes d'accord avec ça ?
17:07Complètement. Le problème au niveau de l'infrastructure, ce n'est pas...
17:10Ça veut dire qu'on ne fera pas aussi bien ? Mais ce n'est pas grave ?
17:12Ce n'est pas grave parce qu'en réalité, cette notion de dire qu'il faut travailler avec les meilleurs,
17:16c'est-à-dire les Américains, parce qu'ils sont les meilleurs aujourd'hui,
17:19c'est quelque chose qui fait de nous des locataires à vie.
17:22On ne sera plus jamais propriétaire à ce rythme.
17:25Donc évidemment, il ne faut pas empêcher de travailler avec les Américains
17:27qui sont des bonnes plateformes, des bons produits pour des multinationales par exemple.
17:31Mais dans certains cas, on peut très bien se suffire de technologies qui sont hébergées ici,
17:37gérées ici, fine-tuned et l'open source permet de distribuer.
17:41Donc l'open source, c'est toujours l'instrument du challenger.
17:44On doit l'utiliser parce que nous sommes challenger.
17:47Mais encore faut-il accepter cette position du challenger
17:51qui va le rester pendant encore plusieurs décennies.
17:53Oui, et puis croire à nos chances.
17:55Quel est le regard de l'économiste sur l'open source d'ailleurs ?
17:58Je vais abonder dans le sens de Yann.
18:01C'est vraiment la solution idoine pour les challenger.
18:04D'ailleurs, même une entreprise comme Microsoft qui était passée de leader à challenger,
18:09à un moment donné, s'est rapprochée du monde de l'open source
18:12à créer des passerelles avec Linux pour pouvoir tout simplement
18:17trouver des leviers d'innovation différents qui lui ont permis de se repositionner
18:21et redevenir l'entreprise leader que l'on connaît aujourd'hui.
18:24L'open source, c'est effectivement un trésor d'innovation,
18:28c'est un trésor d'idées, c'est tout un tas de spillovers
18:31pour employer un très mauvais terme anglo-saxon,
18:34mais c'est la possibilité de connecter des intelligences de façon extrêmement rapide
18:38avec des problématiques juridiques qui se posent de façon bien moindre
18:42que sur les grands modèles propriétaires
18:44et qui permettent de gagner du temps, de la vélocité et de l'agilité.
18:49Evidemment, ces modèles open source sont, lorsque l'on est challenger
18:52et qu'on a beaucoup moins de moyens que nos concurrents,
18:55non seulement la bonne solution, mais la seule solution pour mener une stratégie aboutie
19:01et quitte à, effectivement, pour certains combats, se contenter de good enough
19:06et sur d'autres combats, mettre le paquet pour avoir un vrai leadership technologique.
19:12Est-ce que les utilisateurs, les citoyens sont prêts à se dire
19:16je ne prends que l'IA bonne, je ne prends pas la très bonne parce qu'elle n'est pas d'ici ?
19:21Il faut que les pouvoirs publics soient exemplaires pour commencer
19:26puis ensuite les industriels aussi vont comprendre qu'il y a une espèce de souveraineté
19:30lorsqu'on adopte de l'open source puisqu'il y a une transparence,
19:32donc une capacité d'auditer en profondeur.
19:35C'est un ensemble, c'est plutôt une posture que l'on doit adopter,
19:39celle du challenger qui dit l'open source c'est notre porte de sortie vers plus de maîtrise,
19:44moins de dépendance, c'est un curseur, on ne fait que le bouger.
19:47Mais il faut passer outre cela et faire très attention,
19:50parce que, merci sur ce sujet de l'open source,
19:53mais le terme open source est extrêmement contesté aujourd'hui
19:56et Meta essaie de se l'approprier en définissant l'open source par rapport à l'AMA2
20:02qui n'est pas du tout open source, et open AI qui est closed AI en réalité.
20:07Donc il faut faire très attention au vernis marketing
20:10et à ses volontés de récupérer quelque chose qui est plutôt noble et stable
20:14dans une définition open source qui tient depuis 25 ans.
20:16Or aujourd'hui tout le monde essaie de dire je suis open source parce que j'ouvre une partie du système.
20:22Or attention, il faut vraiment être exigeant et exiger la totalité de la chaîne,
20:26y compris la source des données, jusqu'aux droits voisins, etc.
20:29Il y a la question aussi de la gouvernance.
20:33Là, ce rapport nous rappelle qu'il y a quand même une dizaine de projets de gouvernance mondiale de l'intelligence artificielle.
20:39Donc c'est le kouglof total.
20:42Du côté de l'ONU, l'UNESCO, l'OCDE, le Conseil de l'Europe, le G20, le G7,
20:47j'en passe parce que la liste est vraiment trop longue.
20:50Donc il suggère que tout ça soit rassemblé, peut-être piloté par l'ONU, simplifié en tout cas.
20:58Et pareil au niveau de la France.
20:59Alors là, vraiment le rapport hyper sévère sur la gouvernance, le pilotage de la stratégie nationale française.
21:05Vous, en tant qu'entrepreneur, investisseur, vous êtes sur un projet d'IA important de recherche avec l'INRIA.
21:14Est-ce que vous avez l'impression que vous avez les bons interlocuteurs ?
21:17Est-ce que vous sentez que ce projet d'une puissance française dans l'IA, il peut se concrétiser ?
21:25Puissance, non. Mais nation sophistiquée qui peut comprendre ce qui se passe sous le capot, oui.
21:32Mais est-ce que vous avez les bons interlocuteurs aujourd'hui ?
21:35Alors bon, on est en plein motion de censure et tout ça, c'est peut-être pas le bon jour pour savoir si on a les bons interlocuteurs.
21:40On a des interlocuteurs qui sont, oui, ils sont brillants.
21:42Le problème c'est qu'il y a toujours cette attirance vers OpenAI qui ouvre son bureau à Paris.
21:49C'est extraordinaire, tapis rouge, on veut travailler avec les meilleurs.
21:52En fait non, OpenAI fait ce qu'il fait, il le fait dans tous les pays, il ne faut pas dérouler le tapis rouge.
21:58En réalité, il faut être assez délibéré dans notre approche de maîtriser ce que l'on sait maîtriser.
22:04Et côté INRIA, il y a une maîtrise d'œuvre majeure pour la France.
22:08Donc INRIA est bien positionné pour le faire.
22:10Et nous sommes, nous, sur les fondamentaux de l'IA.
22:13Là où on ne sait pas être puissant, c'est sur les LLM, les Large Language Models, parce que ça nécessite trop de capitaux.
22:20En Allemagne, Aleph Alpha a laissé tomber, ils ont abandonné.
22:24Pourquoi ? Parce qu'ils ne peuvent pas suivre, ils ne voient pas de possibilité.
22:28Donc on peut se poser la question pour Mistral.
22:30Mais est-ce que Mistral a une responsabilité pour créer de la souveraineté ?
22:33Ce n'est pas leur rôle non plus.
22:35En tout cas, ils sont soutenus, tant que possible, politiquement.
22:38Ils développent un modèle économique avec des soutiens aussi du côté de Microsoft.
22:42C'est une voie possible.
22:43Oui, Julien ?
22:44Non, c'est une voie possible, mais encore une fois, il faut une stratégie qui soit complète.
22:48Si on veut une vraie gouvernance et souveraineté nationale sur des sujets aussi sensibles que ceux-ci,
22:55sachant que derrière, il y a quand même la question de données qui sont parfois extrêmement sensibles,
23:00extrêmement stratégiques, qui transitent par ces logiciels-là et ces solutions-là,
23:04il faut penser l'ensemble de la chaîne de valeur.
23:07Et ça commence par l'éducation.
23:09Le problème, c'est que sur ces industries-là, on est sur du temps très long.
23:12Ce qu'on observe aujourd'hui sur les marchés, ce sont des balles qui ont été tirées du canon
23:17il y a déjà 10 ans, 10-15 ans.
23:19Et on arrive à ce moment de l'histoire où on n'a peut-être jamais eu autant besoin de former des super mathématiciens,
23:27des super data scientists, des super scientifiques, en fait.
23:31Et dans le même temps, l'une du point d'hier ou d'il y a deux jours,
23:35le niveau en mathématiques des étudiants français n'a jamais été aussi faible.
23:39Donc, encore une fois, une stratégie, ça se pense sur le temps très long.
23:43Et ça se pense sur toutes les aspérités de celles-ci.
23:46Et je crois qu'on a le droit d'avoir un regard extrêmement sévère vis-à-vis des gouvernements successifs
23:52et des ministres de l'éducation nationale qui n'ont pas su investir sur ces sujets-là, quand il le fallait.
23:57Alors, on enchaîne avec notre autre sujet, c'est Doctolib, concurrent ou non de mon espace santé
24:04mis en place par l'assurance maladie en 2022.
24:06En tout cas, il y a un nouvel onglet santé qui s'apprête à faire son apparition au début de l'année 2025.
24:12C'est censé pouvoir regrouper, justement, l'ensemble des consultations, des ordonnances,
24:18mais aussi de faciliter les échanges entre les professionnels de santé autour du patient.
24:23Est-ce qu'il peut y avoir comme ça deux lieux, finalement, de référence pour les données de santé des Français ?
24:29Est-ce que, selon vous, c'est une concurrence ?
24:31Est-ce que ça pose aussi le problème de la privatisation, finalement, des données de santé des Français ?
24:37Concurrence, non. Compétition, oui. Et ça, c'est bien.
24:41Si on compare par exemple Uber à G7, Uber a mis une pression folle à cet acteur qui était un petit peu endormi.
24:48Et le service aux citoyens, à l'utilisateur a été renforcé.
24:52Donc G7 est bien meilleur aujourd'hui grâce à cette compétition avec Uber.
24:56Et d'ailleurs, Uber n'est pas non plus hyper dominant maintenant.
24:59Donc finalement, la compétition s'est organisée et cet acteur qui est privé, mais un peu particulier tout de même,
25:05a bénéficié de cette compétition.
25:07Donc là, il s'agit d'une fonctionnalité.
25:09Le sens de l'histoire, c'est que les Français seront équipés de cette fonctionnalité chez l'un et ou chez l'autre.
25:15Donc, c'est à l'État de mettre les moyens pour cela.
25:19Je n'ai pas noté les chiffres, mais si on regarde les chiffres,
25:21Doctolib part devant dans la course, en arrivant après, enfin, en lançant son service plus tard.
25:26Mais ils l'ont mérité. Ils ont rempli un besoin et c'est tout à fait pertinent.
25:30Maintenant, c'est à la France aussi d'être très clair par rapport à ce qui est protégé
25:34et ce qui doit être protégé.
25:36Est-ce que Doctolib fait ce qu'il faut pour protéger les citoyens ?
25:39Où sont hébergés ces données, par exemple ?
25:41On en revient toujours là.
25:43Non, mais effectivement, qu'il puisse y avoir de la rivalité,
25:47qu'il puisse y avoir de la compétition, ça crée de l'émulation.
25:52Donc forcément, ça va dans le sens de l'amélioration des services,
25:55l'amélioration de la qualité des services.
25:57En revanche, il y a des côtés sombres aussi.
26:00Du fait de dupliquer ce type de service, ça duplique aussi les coûts de gestion du service,
26:05les coûts de sécurisation du service.
26:07Ça fait aussi deux portes d'entrée potentielles pour des actions malveillantes.
26:10Et on sait qu'aujourd'hui, le sujet de la cybersécurité est probablement le sujet majeur du 21e siècle
26:16et sur lequel on n'est pas toujours extrêmement bien équipé, il faut le dire.
26:20Et puis en bout de chaîne, peu importe qui délivre le service,
26:24qu'il soit public, qu'il soit privé, pourvu qu'il soit performant,
26:27pourvu que les données soient sécurisées et souveraines.
26:30Et tant qu'on continuera à héberger les données de santé
26:33chez des hyperscaleurs américains à Microsoft pour ne pas les citer,
26:36en vérité, on pourra se poser la question de savoir qui a accès à ces données qui sont extrêmement sensibles.
26:41Mais il y a les deux sujets, sécurisées et souveraines.
26:43En réalité, elles sont pas mal sécurisées si c'est chez AWS, je pense que c'est le cas.
26:47En réalité, il y a cette distinction entre le cyber et la souveraineté.
26:52Les Américains, théoriquement, pourraient avoir accès.
26:56Mais le font-ils ? C'est une question théorique à ce stade.
26:59Ils ne le font pas.
27:00Théorique, sauf à y voir, quand même, aujourd'hui, la situation géopolitique,
27:05y voir un risque demain pour notre maîtrise et notre souveraineté.
27:10On pourrait considérer que, finalement, Doctolib pourrait s'arrêter
27:15parce qu'il y a un conflit géopolitique.
27:17Ou une pression.
27:18Et donc que c'est une solution qui doit être dégradée vis-à-vis des utilisateurs
27:22puisqu'elle n'est pas pérenne.
27:23Ça, c'est un vrai risque.
27:25Et là, sur la monétisation des données de santé ?
27:29Julien ?
27:30Ben oui.
27:31C'est cette question que ça pose.
27:32Parce que quand il y a l'assurance maladie, on n'imagine pas qu'ils vont faire du business avec.
27:35Quand ça se passe avec une société privée, on peut se poser la question.
27:39Elles s'en défendent.
27:40Même si elles s'en défendent complètement.
27:42Elles s'en défendent.
27:43Mais toujours est-il que, parmi les données qu'on peut éventuellement récupérer sur les personnes,
27:48les données de santé font partie de celles qui ont le plus de valeur pour le marché.
27:52Ça, c'est établi dans un nombre assez considérable d'articles économiques.
27:57Après, on peut se réjouir que ce soit une société française.
27:59Oui.
28:00Mais à qui elles profitent ces données à la sortie.
28:03Ces données sont ensuite exploitées par des entreprises étrangères pour faire du ciblage marketing,
28:08pour vendre des produits qui n'ont pas été fabriqués en France,
28:11qui n'ont pas été conçus en France,
28:13et qui sont éventuellement distribués par des entreprises françaises ou pas à la sortie.
28:17Ces données-là, qui ont été produites par les Français
28:19et par l'entremise d'un service qui lui-même bat Prévion Tricolore,
28:23elles auraient surtout généré de la valeur pour des intérêts étrangers.
28:25Merci beaucoup Julien Pillot et Yann Lechel de m'avoir accompagné pour ce débrief de l'ActuTech.
28:29C'était Smartech, à très bientôt.