Président du groupe "Ensemble pour la République" à l'Assemblée nationale, Gabriel Attal prend la parole avant le vote de la motion de censure contre le gouvernement de Michel Barnier.
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00:00Madame la Présidente, Monsieur le Premier Ministre, Mesdames et Messieurs les Ministres, chers collègues.
00:08Dans pareilles situations, il y a tant à dire.
00:12Tant à dire sur la situation de notre pays, tant à dire sur le quotidien des Français qui sont déboussolés par tout ce qui se passe.
00:23Ils doivent être et rester notre seule obsession.
00:27Tant à dire sur le spectacle désolant auquel les extrêmes de cet hémicycle se livrent depuis quelques semaines, quelques mois et quelques années maintenant.
00:38Tant à dire sur l'alliance entre l'FI et l'ERN qui est en train de se nouer, fidèle à l'analyse de Tocqueville qui écrivait qu'en politique, la communauté des haines fait presque toujours le fond des amitiés.
00:59Oui, il y a tant à dire, tant à dire.
01:03Mes chers collègues, je crois que l'essentiel tient en une phrase.
01:08Nous en sommes au point où les Français n'écoutent plus les politiques.
01:13Parce que tout cela tourne désormais à vide.
01:16Parce que la politique française est malade.
01:19Et nous venons d'avoir la confirmation dans les interventions précédentes que ce n'est ni à l'extrême gauche ni à l'extrême droite que les Français pourront trouver l'antidote.
01:29Ils nous demandent une chose et une seule.
01:33Cesser le bruit de fond des postures et des oppositions stériles.
01:37Écouter patiemment.
01:40Construire sereinement.
01:42Travailler sincèrement.
01:45Non pas pour se donner bonne conscience, mais pour avoir des résultats.
01:50Non pas à la recherche de son intérêt particulier dans un agenda caché.
01:55Mais pour agir dans l'intérêt général, le seul qui compte.
01:59Et changer la vie des Français.
02:03Mes chers collègues, je vais le dire sans détour.
02:07Je crois que ce que demandent les Français, c'est en somme moins de bruit et plus d'action.
02:12Se taire quand on n'a rien à dire et agir quand on a la chance de pouvoir le faire.
02:20C'est précisément l'aventure inédite à laquelle les Français nous ont appelés cet été.
02:27Et c'est précisément le projet que cherche à mettre en œuvre Michel Barnier.
02:32Sans ébrouf, esbrouf, sans faux-semblant.
02:35Avec le sens de l'État, son projet est clair.
02:39Agir et avancer.
02:42Et je le dis d'autant plus librement que le Premier ministre n'est pas issu de notre famille politique.
02:47Mais que malgré nos différences, malgré les débats que nous avons eus,
02:51malgré les difficultés de cette situation nouvelle,
02:54nous avons fait le choix de le soutenir parce que c'est l'intérêt du pays.
03:06Il semble aujourd'hui que l'extrême droite et l'extrême gauche aient décidé de baisser ensemble le pouce
03:13comme Naguère à Rome lorsqu'il fallait condamner un gladiateur après le combat.
03:17Et en baissant le pouce, la responsabilité de ces députés est immense.
03:23Qui allez-vous condamner ? La France.
03:26Quel Français pourra se dire que grâce à la chute du gouvernement,
03:30grâce à l'instabilité que cela provoquera, son quotidien s'améliorera ?
03:34Aucun. Aucun.
03:37Car la vérité c'est que l'adoption de cette motion de censure ne ferait que des perdants.
03:42Au premier rang d'entre eux, les plus modestes, les classes moyennes, les travailleurs.
03:46Parce que quand la crise frappe, quand l'instabilité s'installe,
03:50quand le chaos rôde, ce sont toujours ceux qui triment qui payent les pots cassés.
03:55Mais cela, le Rassemblement national s'en moque.
04:00Malgré des années d'efforts pour tenter de faire croire aux Français
04:05que vous seriez responsables, prêts à gouverner,
04:08ce que nous confirme le moment que nous vivons, c'est que fond tout cela n'était que du vent.
04:13Chassé le naturel, il revient au chaos.
04:25Oui, les députés l'eupéniste mentent. Ils mentent, je l'ai dit.
04:30Quand ils font croire aux Français que c'est pour les défendre eux,
04:33et défendre leur pouvoir d'achat, qu'ils votent la motion de censure,
04:36il n'en est rien.
04:38Les députés l'eupéniste mentent quand ils tentent de faire croire
04:41que le chaos qu'ils sèment, ça ne serait pas de leur faute.
04:45Au fond, je crois que vous le sentez déjà.
04:51Je crois que vous le sentez déjà que pour vous faire du bien,
04:54vous faites mal au pays et mal aux Français.
05:00Je crois que vous êtes déjà en train de le sentir,
05:04que les Français sont inquiets de cette censure annoncée.
05:07Vous le sentez qu'ils aspirent à la stabilité et à la sérénité.
05:11Vous le sentez déjà que vous faites une erreur devant l'histoire.
05:15Mais vous ne pouvez pas vous en empêcher.
05:18C'est plus fort que vous, c'est votre nature.
05:20Alors vous cherchez à rejeter sur d'autres la responsabilité que vous prenez,
05:24seuls, de faire tomber le gouvernement de la France.
05:27Auriez-vous déjà la censure honteuse ?
05:31Est-ce pour cela que matin, midi et soir,
05:34vous courez les plateaux de télévision pour vous évertuer à faire croire
05:37que ça ne serait pas vous les responsables ?
05:40Et que même si les quatre groupes du socle commun soutiennent le gouvernement,
05:44qu'il n'a jamais été question pour aucun d'entre nous
05:46d'appuyer sur le bouton de la censure,
05:48le coupable, ce serait le socle commun.
05:51Pas un Français ne croit à ce mensonge, pas un.
06:02La politique, c'est prendre des décisions et surtout, je crois, c'est les assumer.
06:07Alors mesdames et messieurs les députés lepénistes,
06:09assumez votre décision, assumez le désordre,
06:13assumez l'alliance avec LFI, assumez l'instabilité,
06:16assumez l'affaiblissement de la France, assumez votre irresponsabilité.
06:22Madame Le Pen, je vous ai écouté attentivement,
06:26dans une tentative désespérée de vous exonérer de vos responsabilités,
06:31vous avez essayé de dresser la liste des engagements
06:35que nous avions pris avant la dissolution ou pendant la campagne
06:38et qui ne sont pas tenus dans ce budget.
06:41Madame Le Pen, je vous confirme que oui,
06:44oui, nous avons dû faire des efforts.
06:46Oui, nous avons dû faire des compromis pour aider le gouvernement
06:49et garantir la stabilité du pays.
06:51Oui, nous avons accepté certains projets avec lesquels nous n'étions pas d'accord.
06:55Je vous le confirme, précisément pour aider le Premier ministre
06:58et aider le pays à garder des institutions stables.
07:07Mais je vais vous dire, Madame Le Pen,
07:10ça ne m'étonne pas que ça vous choque.
07:12Vous êtes incapable du moindre compromis.
07:15Comment être ouvert au compromis
07:17quand on est fasciné par les régimes dictatoriaux ?
07:20Comment être ouvert au compromis
07:26Comment être ouvert au compromis
07:29Comment être ouvert au compromis avec d'autres groupes que le sien
07:33quand on est incapable d'être d'accord avec soi-même
07:36sur l'Europe, sur l'euro, sur la retraite, sur les binationaux,
07:40sur l'économie de notre pays ?
07:43Votre seule constante, c'est l'irresponsabilité à tous les étages.
07:48Nous, nous avons fait des compromis pour aider le gouvernement
07:51et nous l'assumons.
07:53Les députés de mon groupe, ils savent où ils habitent.
07:56Les députés de mon groupe, ils ne font pas tomber un gouvernement
07:59à la première contrariété.
08:01Les députés de mon groupe, ils ont su faire des compromis.
08:04Ils sont responsables, ils sont respectueux.
08:06Ils ne précipiteront jamais notre pays dans l'inconnu.
08:17Chers collègues,
08:20Chers collègues,
08:22Ouvrons les yeux sur le monde dans lequel nous vivons.
08:25La France a besoin de stabilité
08:28et le monde a besoin d'une France stable.
08:31Le Proche-Orient semble s'embraser chaque jour un peu plus
08:34et la France n'aurait pas de gouvernement stable.
08:37L'Ukraine accumule les difficultés
08:39et nous savons combien une victoire de la Russie
08:41déstabiliserait le monde, l'Europe et la France
08:44jusqu'au quotidien de nos concitoyens.
08:46Et la France n'aurait pas de gouvernement stable.
08:49Aux Etats-Unis, le retour de Donald Trump
08:51nous a tous conduits à dire une nouvelle fois
08:53qu'il faut sortir de la naïveté
08:55et renforcer plus que jamais l'Europe.
08:57Et la France n'aurait pas de gouvernement stable.
09:00En Chine, le pouvoir injecte des milliards de dollars dans l'économie
09:04pour relancer la croissance
09:06dans une politique économique agressive.
09:09Et la France n'aurait pas de gouvernement stable.
09:12L'Union Européenne
09:14négocie toujours l'accord sur le Mercosur
09:16que nous sommes parvenus, avec les gouvernements précédents, à empêcher.
09:19Et la France n'aurait pas de gouvernement stable.
09:22Qu'irez-vous dire à nos agriculteurs et aux Français
09:25si dans les prochains jours, dans les prochaines semaines,
09:28peu importe, l'Union Européenne signait le Mercosur
09:31faute de gouvernement en place en France à cause de vous
09:34pour continuer à le bloquer et à défendre nos intérêts ?
09:37Qu'irez-vous dire à nos pêcheurs
09:45qui attendent en ce moment la négociation des quotas de pêche à Bruxelles
09:48et qui ont un besoin vital, oui vital,
09:51que la France ait un gouvernement pour défendre leurs intérêts ?
09:55Le monde change. Le monde bouge.
09:59Tout devient tout à la fois plus menaçant
10:02mais aussi, à certains égards, plus enthousiasmant que jamais.
10:05Dans ce contexte, l'Europe et la France veulent-elles s'effacer
10:08ou au contraire s'affirmer ?
10:11L'ébouversement du monde modifie profondément la vie des familles
10:14et des travailleurs. Et notre classe politique, elle,
10:17voudrait garder ses vieilles habitudes et ses confrontations artificielles ?
10:20Bien sûr, bien sûr, tout n'a pas été parfait.
10:25Mais là n'est plus l'essentiel.
10:28Car aujourd'hui, nous avons un choix à faire.
10:31Car au moment de choisir le destin de notre pays,
10:34dans quelques instants, nous tous, députés,
10:37nous aurons le même choix à faire,
10:40la même décision à prendre.
10:43De quel côté de l'histoire voulons-nous être ?
10:46Voulons-nous être du côté de ceux qui affaiblissent la France,
10:49qui déstabilisent les plus fragiles,
10:52qui menacent nos entreprises ?
10:55Ou voulons-nous être du côté de ceux qui se retroussent les manches ?
10:58Nous, nous ne serons jamais du côté de ceux qui veulent affaiblir la France.
11:01Jamais. Nous ne serons jamais dans le camp du désordre
11:04des Le Penistes et des Mélenchonistes. Jamais.
11:07Car oui, dans le camp du désordre,
11:10il n'est pas seul, le Rassemblement National.
11:13Ce camp du désordre, il le partage avec l'extrême-gauche,
11:16qui a déjà ses habitudes.
11:19Motion de censure après motion de censure,
11:22outrance après outrance, hurlement après hurlement,
11:25l'alliance de la gauche, emmenée par Jean-Luc Mélenchon,
11:29ne poursuit qu'un seul projet, tout piétiné,
11:32tout gâché et tout taxé.
11:35Et puis, il y a ceux, je le crois profondément,
11:38pour qui il est encore temps de se ressaisir.
11:41Je pense à ceux qui, il y a sept ans à peine,
11:44gouvernaient encore la France.
11:47Ceux qui, je le crois sincèrement,
11:50comptent dans leur rang des élus sincères,
11:53convaincus que la laïcité n'est pas un gros mot,
11:57que la compétitivité est nécessaire
12:00et que la stabilité est indispensable.
12:03Ceux qui, depuis le congrès d'Épinay,
12:06unissaient la gauche autour de leur valeur
12:09et ne se soumettaient pas, au contraire,
12:12comme aujourd'hui à celle de l'extrême-gauche.
12:15À ceux-là, nous le disons,
12:18on peut s'opposer sans tout gâcher,
12:21on peut s'opposer sans censurer.
12:24Ce que nous disons, affranchissez-vous !
12:27Affranchissez-vous !
12:30Nous, nous préférons voir le courage
12:33de ces quelques députés de gauche,
12:36de ces députés indépendants
12:39qui ont refusé de signer et d'apporter leur voix
12:42à la motion de censure signée par Jean-Luc Mélenchon.
12:46Nous préférons toujours
12:49voir la responsabilité des voix au sein de la gauche
12:52et des députés indépendants, certes encore trop rares,
12:55mais qui existent, qui se sont élevés
12:58pour dénoncer la politique du pire.
13:01Nous préférons porter l'espoir qu'un jour
13:04et le plus tôt sera le mieux,
13:07la gauche républicaine, la gauche de gouvernement,
13:10la gauche de l'indépendance,
13:14celle qui a eu l'honneur de donner par deux fois
13:17un président à la France, que cette gauche-là
13:20se ressaisisse et se mette avec nous autour de la table
13:23enfin pour agir vraiment pour les Français.
13:34Chers collègues socialistes,
13:37au début de cette séance,
13:40M. Mélenchon était dans les tribunes pour assister à nos débats.
13:43Il a écouté religieusement
13:46l'orateur de La France Insoumise,
13:49il a écouté religieusement Mme Le Pen,
13:52il s'est levé et est parti au moment où Boris Vallaud a pris la parole.
13:55Il la respecte plus que vous !
13:58Qu'est-ce que vous faites encore avec eux ?
14:01Voilà, mesdames et messieurs,
14:04l'heure est venue de dire
14:07quel avenir nous voulons pour notre pays.
14:10L'heure est venue de mettre de nos côtés
14:13un peu de silence, un peu de calme.
14:16L'heure est venue de mettre de côté
14:19ce qui nous divise.
14:22L'heure est venue pour l'ensemble des députés de notre pays
14:25de mettre de nos côtés
14:28de se hisser à la hauteur du moment
14:31et à la hauteur de leurs responsabilités.
14:34L'heure est venue de dire
14:37si nous préférons que les années qui viennent
14:40se confondent avec les crises, les censures, les divisions
14:43ou si nous voulons au contraire que les années qui viennent
14:46soient des années de stabilité, de réconciliation et de sérénité.
14:49J'en appelle à toutes les bonnes volontés
14:52d'où qu'elles viennent pour qu'elles s'unissent enfin
14:55et non pas pour effacer nos différences
14:58mais pour défendre ce que nous avons de plus cher, la France,
15:01notre pays et les Français.
15:04J'en appelle à tous ceux qui aiment la France,
15:07ceux qui l'aiment vraiment,
15:10à ceux qui sont convaincus qu'être Français
15:13ce n'est jamais renoncer, jamais capituler
15:16mais qu'être Français c'est toujours croire dans cet esprit tricolore
15:19qui mêle l'audace et le génie, la controverse et la concorde,
15:22et l'amour du passé.
15:30Je le dis,
15:33mesdames et messieurs les députés,
15:36il n'est pas trop tard pour le sursaut,
15:39il n'est pas trop tard pour montrer qu'un autre chemin est possible,
15:42il n'est pas trop tard pour démontrer aux Français
15:45que nous avons entendu leurs besoins de stabilité,
15:48leur quête de sérénité, leur aspiration à la sobriété.
15:51Alors je vous le dis avec force,
15:54au nom des députés de mon groupe,
15:57au nom des millions de Français qui ne disent rien mais qui n'en pensent pas moins,
16:00n'oeuvrez pas contre les intérêts de notre pays,
16:03n'affaiblissez pas la France, ne censurez pas ce gouvernement.