Avec Pierre-Alexandre Bouclay, président de Radio Courtasie et ancien grand reporter à Valeurs Actuelles, Benjamin Blanchard, directeur général de SOS Chrétiens d'Orient et Thadée de Slizewicz, fondateur et gérant de Tadé, Pays du Levant (importateur de produits artisanaux et de savons d'Alep) et mécène de l'ONG Baroudeurs de l'Espoir
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00:00...
00:10-"Une chanson comme on les aime", au Proche-Orient,
00:13où certains d'entre nous ont connu un Proche-Orient
00:17où il faisait bon vivre,
00:20où il faisait multicultural, au vrai sens du terme,
00:25où il faisait tolérance et vivre ensemble,
00:28au vrai sens du terme.
00:30Malheureusement, en ce moment, et depuis quelque temps,
00:33le vivre ensemble s'est transformé en mourir ensemble.
00:36Ce qui est quand même affreusement triste,
00:39et plus que ça, d'ailleurs, et voilà.
00:42Depuis hier, on nous parle qu'Alep est tombé.
00:46Une coalition de rebelles et de djihadistes
00:49anti-Bachar el-Assad,
00:50coalition tenue par la Turquie,
00:53s'est emparée d'Alep et de certaines villes.
00:55Il y a des guerres en ce moment.
00:58Il y a des affrontements extrêmement forts.
01:01Qu'est-ce qui se passe à Alep ?
01:03On va en parler et comment on s'est présenté,
01:05d'ailleurs, ici et ailleurs.
01:07Bonjour, Pierre-Alexandre Bouclet.
01:09Vous êtes président de Radio Cortoisie,
01:12ancien grand reporter à Valeurs Actuelles.
01:14Bonjour, Benjamin Blanchard.
01:16Directeur général de SOS Chrétien d'Orient.
01:19Vous reçoivez toujours avec plaisir.
01:21Benjamin Blanchard, vous étiez il n'y a pas longtemps au Liban.
01:24Et en Syrie, d'ailleurs.
01:27J'avais enchaîné les deux.
01:29En Syrie, absolument.
01:30Quelle est la situation ? Vous étiez là-bas.
01:33D'abord, qu'est-ce qui a déclenché ça et qu'est-ce qui se passe ?
01:37Je crois que tout ça a été déclenché
01:39suite à la guerre israélienne au Liban,
01:43qui a eu pour conséquence, c'était l'objectif tout à fait clair,
01:46ou en tout cas un des objectifs, d'affaiblir le Hezbollah et l'Iran.
01:50Il se trouve que le Hezbollah et l'Iran
01:52avaient un rôle essentiel dans la défense d'Alep,
01:55puisque les Russes sont présents,
01:57mais surtout avec leurs avions et leur artillerie.
02:00Mais au sol, c'est l'armée arabe syrienne,
02:03ou c'était l'armée arabe syrienne et le Hezbollah et l'Iran.
02:06Et il semble bien que le Hezbollah et l'Iran
02:09aient considérablement amoindri leur présence sur le terrain,
02:13puisque lorsque nous avons vu, mercredi soir...
02:16En fait, mercredi soir, Benjamin Netanyahou annonce le cessez-le-feu
02:20et annonce dans son discours que Bachar el-Assad a joué un jeu dangereux
02:24et qu'il n'a pas payé.
02:25Deux heures après, l'offensive commence,
02:28avec des gens très bien armés, avec des uniformes tout neufs,
02:31depuis la poche d'Idlib, qui était sous couverture.
02:34Il y avait un cessez-le-feu entre la Turquie et la Russie.
02:37Là, le cessez-le-feu est rompu, ils attaquent.
02:40Et à partir du lendemain, l'armée est partie en débandade.
02:43Les soldats ne se sont pas battus, ils se sont mis à courir.
02:46Alep est tombé sans un coup de feu.
02:48Ca rappelle des souvenirs. Mossoul, par exemple.
02:51Ou Sud-Vietnam, pour les plus anciens.
02:53On avait l'impression que le régime, on peut penser ce qu'on veut,
02:57il y a beaucoup de choses à dire sur le régime Bachar el-Assad,
03:00qui n'est pas l'exemple de la démocratie la plus pure.
03:03Mais on pensait qu'il tenait solidement ses positions
03:07et l'armée s'en va.
03:09André Bercoff, on dit souvent, à mon avis à tort,
03:12que les sanctions ne servent à rien.
03:14Je crois que sur le long terme,
03:16et l'histoire nous l'a souvent montré,
03:18les sanctions ont une capacité d'affaiblir un pays en profondeur.
03:21Ca ne se voit pas, mais ça use terriblement.
03:24On parle de 10 ans de sanctions.
03:26Notamment de la France, d'ailleurs, et des Etats-Unis.
03:30Depuis 2019, les combats les plus durs étaient arrêtés.
03:33On peut dire que la guerre avait en quelque sorte cessé.
03:36Mais la guerre économique s'est encore renforcée
03:39avec des sanctions toujours plus dures.
03:41Ca a usé la population à un point que vous ne pouvez pas imaginer.
03:44Quand j'y étais il y a 3 semaines, j'ai senti cet épuisement moral.
03:48Misère économique, misère...
03:50Et de se dire qu'on ne s'en sortira jamais.
03:52A quoi ça sert de se battre si rien ne peut changer ?
03:56Parce qu'on est étranglés, etc.
03:58Et démotivés aussi.
03:59L'armée syrienne me semble vraiment arriver au bout de ses forces.
04:04Ca fait 10 ans, comme le disait Benjamin Blanchard.
04:06C'est une armée qui gagne des salaires de misère,
04:10qui est malheureusement contrainte à une certaine corruption.
04:13Il y a eu beaucoup de corruption.
04:15On le voit quand on va au Liban ou en Syrie.
04:17Il y avait beaucoup de checkpoints où on se faisait arrêter.
04:20Non pas pour vérifier votre identité et voir si vous étiez dangereux,
04:23mais pour vous demander un peu d'argent.
04:25C'est ça, la réalité.
04:26Et à la fin, je pense aussi que ces soldats...
04:29Seuls, finalement. Pourquoi ils ont tenu ?
04:32Parce qu'il y avait ces groupes du Hezbollah qui tenaient sur le terrain.
04:35Et l'aviation russe.
04:37Les Russes sont occupés avec la guerre en Ukraine.
04:38Le Hezbollah a été occupé avec le conflit israélien.
04:43Et ils sont complètement démantelés.
04:45Et l'occasion était absolument propice pour les groupes islamistes,
04:49soutenus par la Turquie et peut-être avec l'influence
04:52ou la bienveillance d'Israël et des États-Unis,
04:54de frapper un grand coup.
04:56Et face à une structure qui est devenue un château de cartes...
04:59Oui, c'est ça.
05:00Et la guerre des autres continue, ce soit au Liban ou en Syrie,
05:04où la Turquie, la Russie, Israël, les États-Unis, la France
05:10continuent à jouer...
05:11Et là, le gouvernement Assad, la Syrie Assad,
05:14fait penser à une espèce de bâtiment...
05:16Une termitière.
05:17Une termitière bouffée par les termites.
05:19Et il ne reste plus qu'à souffler et à pousser, et ça s'effondre.
05:23Alors, nous avons aussi, et je remercie d'être là,
05:25bonjour, Tadé de Sils-et-Vit.
05:27Oui, bonjour.
05:29Bonjour.
05:30Bonjour, écoutez, merci d'être avec nous.
05:34Vous êtes fondateur et gérant de Tadé, pays du Levant.
05:37Vous êtes importateur de produits artisanaux et de savons d'Alep.
05:42Et vous êtes mécène de l'ONG Baroudeur de l'espoir.
05:44Mais je voudrais savoir, vous, vous connaissez Alep
05:46depuis, je crois, plus de 30 ans.
05:4935 ans, c'est ça ?
05:50Exactement.
05:51Je suis arrivé, pour la première fois, en 90,
05:52comme étudiant avec Fabrique Balance.
05:55Je crois que vous le connaissez aussi, parce que c'est très bien.
05:57Voilà, il a une grande connaissance des décennies de géographe.
06:00Il a continué dans la géographie, puisqu'il est professeur agrégé.
06:03Et aujourd'hui, il connaît suffisamment le dossier géopolitique syrien.
06:08Et j'ai beaucoup apprécié vos analyses très factuelles.
06:11Mais voilà.
06:12Et alors, comment vous réagissez, justement,
06:15à ce qui se passe aujourd'hui à Alep ?
06:17Enfin, vous savez, déjà, c'est pas nouveau.
06:19Il y a eu toute la guerre depuis 2011, 2010, etc.
06:22Et vous, vous êtes français, vous travaillez là-bas, vous avez...
06:25Je suis français, je travaille, voilà.
06:26Je fais des allers-retours et j'ai une entreprise là-bas.
06:29Oui.
06:29On a même une société là-bas.
06:32On a une carte de travail, j'ai une carte d'obéissance.
06:35Je fais des allers-retours et j'y ai passé...
06:37Là, l'année dernière, j'ai pratiquement passé huit mois là-bas.
06:40Voyez ? Donc je...
06:41Dix mois, oui. Donc vous connaissez...
06:44Voilà. Et j'ai vécu...
06:45J'ai vécu là d'une manière...
06:47J'étais complètement mais assommé, abasourdi,
06:50parce que j'y étais il y a moins de...
06:52Il y a trois semaines, j'étais là-bas.
06:53Ma femme devait y être samedi matin, figurez-vous.
06:56Elle a...
06:56Elle a...
06:57Son avion a été reconduit vers Damas.
06:59Je l'ai prié.
07:00Je l'ai prié vendredi soir, quelques minutes
07:03avant qu'elle monte dans le taxi pour l'aéroport.
07:06Le deux ne partent pas.
07:07Parce que, voyons, la situation s'est dégradée si vite à l'aide.
07:10Je lui ai prié de ne même pas aller à Damas.
07:12On avait en fait...
07:13Taddeï Zivitch, alors vous avez juste...
07:16Vous n'avez pas tenu compte de l'embargo...
07:20Pardon.
07:21De l'embargo français.
07:23L'embargo, il ne nous concerne pas.
07:25Il ne concerne pas les produits artisanaux.
07:28Il concerne...
07:29D'accord.
07:29Il concerne davantage, je dirais,
07:32des biens qui concernent directement
07:35les personnalités syriennes qui sont sous le contrôle.
07:39Vous savez qu'ils sont ce qu'on appelle des monopoles, en fait.
07:43Et comment...
07:45Est-ce que vous êtes...
07:47Vous avez vu, ça, ça fait maintenant 15 ans,
07:49presque tout cela dure.
07:51Et là, on voit ce qui se passe, mais comment vous allez faire ?
07:53A votre avis, la situation peut bouger ou pas ?
07:57Oui, elle a beaucoup évolué en l'espace de 48 heures.
08:01Je ne vous cache pas que, voilà, moi, nous,
08:02j'ai partagé la suffocation avec nos amis sur place
08:05qui ont été complètement abasourdis.
08:07Parce qu'il ne faut pas oublier quand même
08:08que la guerre à Alep et Benjamin,
08:10je disais très justement,
08:12elle a duré quatre ans.
08:13C'est moi qui l'ai compris aussi, elle se saluera.
08:15Mais on en a peu parlé.
08:17Mais les Alepins ont reçu des bombes,
08:19mais elle n'a pas duré que quatre ans.
08:20C'est-à-dire qu'après la libération en décembre 2016,
08:23les rebelles ont continué de bombarder Alep
08:26jusqu'en 2020, jusqu'aux années 2020 d'Astana.
08:30Donc, il y avait des tirs de mortier.
08:32Moi, ma femme, c'est arrivé une fois,
08:34on rencontrait quelqu'un le matin,
08:36l'après-midi, elle a prenait ça.
08:38Parce qu'en prenant son café,
08:41il y avait un mortier qui avait tombé des rebelles
08:44sur la place de la terrasse.
08:47Donc, ça a été la sécurité depuis là.
08:50Et quand vous dites, vous êtes plutôt optimiste,
08:54plutôt pessimiste ?
08:55En fait, je suis...
08:56Alors, allons voir au but, je suis...
08:59Moi, la première des choses que je voudrais souligner, là,
09:02c'est que ça s'est fait, c'est une surprise incroyable.
09:05Je dirais que c'est presque plus terrible qu'un tremblement de terre,
09:07le tremblement de terre qui a vécu en février 2022.
09:11C'est presque plus terrible parce que derrière,
09:13on n'a pas de perspective à trembler,
09:14on sait que ça va finir par s'arrêter.
09:15Là, on est...
09:17Attendez, quand on a vu les horreurs
09:19qui se sont passées pendant la guerre,
09:21la haine et les rivalités,
09:22les tensionsifiques, religieuses,
09:25enfin, bref, la radicalisation,
09:27et tous ces... Voilà.
09:28Toutes ces atrocités qui ont été commises,
09:30on se dit, mon Seigneur, on vous commence, ça repart, là.
09:32Et donc, pour une population civile qui a payé le prix de la guerre,
09:36vous pouvez, comme le disait le Père Jacques Mourad,
09:39vous reprendre.
09:40Moi, j'ai beaucoup aimé ce qu'est venu mon Seigneur Mourad,
09:42qui est l'évêque, le catholique de Hommes,
09:44qui dit, nous, on ne vit pas,
09:46on est isolés, on est séparés du monde,
09:48on est devenus très pauvres,
09:50on ne mange pas bien,
09:51pas ce qui est nécessaire pour être en bonne santé.
09:55La plupart des gens dans la population tombent malades,
09:58les soins deviennent hyper chers
10:00parce qu'il n'y a pas d'importation de médicaments
10:03et de matériel médical nécessaire.
10:06Après, les gens qui n'arrivent pas à se soigner, ils meurent.
10:09J'ai trouvé ces mots d'une exastitu
10:11pour vraiment qualifier ce qui se passe en Syrie,
10:14et c'est très vite.
10:16Et les Syriens,
10:17si tu pars, un peu comme je l'ai dit, depuis 75,
10:20ils vont subir la guerre
10:22avec la banquie cubanaise,
10:25avec l'explosion du port de Beyrouth,
10:28et maintenant, la guerre à nouveau,
10:29mais ils sont dans le coma, ils sont complètement anéantis.
10:32Et il y a ça qui les tente dessus.
10:34Donc, mais ils étaient dans un état d'angoisse,
10:36et les seuls qui sont partis, en fait,
10:38ce sont ceux qui étaient dans les cartons ouest
10:41quand il y a eu l'invasion,
10:42et puis après, toutes les autorités,
10:44et qui sont même partis parfois 24 heures avant.
10:46Oui, mais oui.
10:48C'est vif, il n'y a rien à dire.
10:49– Thaddeus Nielsewitz, restez avec nous.
10:52Je voudrais justement parler de cela
10:53avec Benjamin Blanchard et avec Pierre-Alexandre Clé.
10:57Alep était une ville multiculturelle
10:59et multireligieuse, multiconfessionnelle.
11:01Où en sont actuellement les chrétiens, là-bas ?
11:04Qu'est-ce qui se passe en Syrie ?
11:06Je ne sais pas qui veut répondre, Benjamin.
11:09– Écoutez, avant la guerre,
11:10on parlait de 150 000 à 200 000 chrétiens à Alep,
11:13donc avant 2011, à Alep, juste à Alep.
11:17– Avant 2011, oui, avant 2011.
11:19Aujourd'hui, on était entre 20 000 et 25 000.
11:22Là, depuis vendredi, c'est l'exode.
11:24Nous, nous voyons, ça a été des centaines de milliers
11:27de personnes qui ont fui.
11:28Moi, je vois mes collaborateurs,
11:30il y en a qui ont mis 26 heures pour arriver à Damas,
11:34parce que tellement il y avait de voitures,
11:35tellement c'était bloqué dans tous les sens,
11:38c'était le chaos.
11:39Je ne sais pas aujourd'hui combien de chrétiens restent à Alep,
11:41mais j'espère qu'il en restera encore moins bientôt,
11:44parce que c'est très dangereux.
11:46Pour l'instant, les nouvelles autorités font assaut
11:49de discours lénifiants et bienveillants,
11:51mais nous savons ce qu'il en a été à Raqqa,
11:53nous savons ce qu'il en a été à Mossoul,
11:55et nous savons ce que ce même groupe a fait à Idlib.
11:57Ils dirigent Idlib depuis 2015,
11:59et nous savons ce qu'elle a été le sort des chrétiens à Idlib,
12:02c'est-à-dire un sort de Dimi.
12:04Alors effectivement, ils ne les ont peut-être pas massacrés, etc.,
12:06mais ça a été une vie qui n'est pas enviable.
12:09– Dimi égale citoyen de seconde zone.
12:10– Exactement, c'est une vie qui n'est pas enviable du tout.
12:13Et là, pour l'instant, je conseille à tous mes amis,
12:16ceux qui n'ont pas pu partir jusqu'à présent,
12:18de partir dès qu'ils le pourront.
12:20Pour l'instant, ce n'est pas possible,
12:20il y a des combats sur la route du désert,
12:22qui est la seule qui était encore ouverte,
12:24mais la situation est bien sûr extrêmement inquiétante,
12:28et je crains hélas que l'avenir des chrétiens à Alep soit très sombre.
12:32– Et puis on se demande aussi l'avenir du régime.
12:34Pierre-Alexandre Bercoff.
12:35– J'avais rencontré l'an dernier un prêtre qui venait d'Idlib,
12:38qui circulait un peu confidentiellement en Syrie,
12:42et il m'avait raconté le quotidien des chrétiens dans cette zone d'Idlib.
12:46Donc Idlib, c'est cette zone tampon
12:48entre la Syrie gouvernementale actuelle et la Turquie,
12:51et où ont été acculés tous les djihadistes
12:55à la fin de ce qu'on pensait être la guerre en Syrie, donc vers 2017.
12:59Et il racontait vraiment, ce sont des tonnes de petites factions,
13:03de petits groupes, à moitié criminels et à moitié islamistes,
13:07qui font régner une terreur constante,
13:09ou qui s'adoucissent en fonction de leurs intérêts particuliers du moment,
13:14et de leur rivalité avec les autres groupes islamistes.
13:16Corruption sans arrêt, soumission, brutalité ou assouplissement,
13:21et en fait ce qui fait que les gens, les chrétiens notamment,
13:23qui sont obligés de se plier aux lois de ces criminels islamistes,
13:28criminels au sens criminel de droit commun, et en plus islamistes,
13:32et bien vivent dans une insécurité permanente.
13:35Et alors j'aurais bien aimé, si on a deux minutes,
13:37quand même rappeler cette une du Monde d'hier,
13:40qui me semble un scandale de presse.
13:43C'est-à-dire que le Monde titré,
13:45« Syrie, la grande ville d'Alep,
13:46échappe au contrôle du régime de Bachar el-Assad
13:49après l'offensive de groupes islamistes radicaux ».
13:51Et là, dans ce titre, tout est concentré, à mon avis,
13:54dans l'incompréhension totale de la presse française
13:57face à ce qui se passe maintenant.
13:58C'est-à-dire, échappe au contrôle du régime de Bachar,
14:01comme si c'était une joie de tomber sous la coupe des islamistes.
14:05C'est de la folie.
14:06– Même si on peut dire beaucoup de choses sur ce régime,
14:08oui, dire que c'est une victoire, c'est quand même spécial.
14:11– Et alors, les groupes islamistes radicaux,
14:13c'est la vieille sérénade sur les groupes islamistes modérés
14:18et les groupes islamistes radicaux.
14:19Et on va nous sortir bientôt les rebelles,
14:21on nous le sort déjà toute la presse française,
14:22à part Sud Radio et Radio Courtoisie et quelques autres.
14:25– Et l'humanité.
14:26– Et l'humanité, écoutez, parle des rebelles.
14:30Ce ne sont pas des rebelles, en fait,
14:31ce sont des groupes islamistes armés, extrêmement dangereux.
14:34– Il y a n'importe quoi.
14:35On va continuer d'en parler juste après cette petite pause, à tout de suite.
14:38Et nous sommes toujours avec Pierre-Alexandre Bouclet,
14:42avec Benjamin Blanchard pour parler,
14:43et avec Taddeï de Slizevitch pour parler de la situation en Syrie.
14:49Vous savez, on a toujours l'impression que ce qui est extraordinaire,
14:53c'est qu'on se dit, oui, ça y est, c'est un peu stabilisé,
14:57et puis au moment où s'attend le moins, enfin, où s'attend le moins,
15:00où les observateurs, vous avez parlé de certains journaux
15:03– on parle d'autres journaux –
15:05qui ne voient même pas ce qui se passe, et qui disent,
15:07ah bon, qu'est-ce qui se passe, comment ça se fait, etc.
15:10Et on voit très très bien que c'est en surfusion,
15:13et qu'au fond, la moindre faille, le moindre interstice,
15:16permet à l'adversaire d'y aller.
15:19– Oui, et c'est vrai que les grands médias, les médias dominants,
15:21nous ont affirmé pendant des mois que le Hezbollah,
15:24c'était égal à Daesh et Al-Qaïda,
15:26et en fait, voilà que ces mêmes groupes,
15:29successeurs d'Al-Qaïda, attaquent l'armée syrienne et le Hezbollah.
15:33Et là, maintenant, on n'a plus que nos larmes pour pleurer.
15:36Et en fait, ce que je trouve absolument fantastique,
15:39je n'oserais pas dire génial, c'est que depuis 25 ans,
15:42on nous répète, donc après l'Irak, après la Libye,
15:45après l'Afghanistan, on nous répète,
15:46oui, oui, nous avons compris, nous ne referons pas les mêmes erreurs.
15:49Mais en fait, à chaque fois, c'est la même chose,
15:51et à chaque fois, on recommence.
15:53Et là, en fait, pour satisfaire la folie guerrière
15:56à la fois du Hamas et du cabinet israélien,
15:58qui sont dans une surenchère permanente,
16:00on a mis le feu à toute la région,
16:02on a porté Al-Qaïda aux portes,
16:04ou les successeurs d'Al-Qaïda aux portes du pouvoir en Syrie,
16:07et au risque de provoquer une vague migratoire
16:10absolument colossale vers l'Europe.
16:12– Mais vous ne croyez pas que le Hezbollah, quand même,
16:15a commis, disons, en dehors de tout jugement de valeur,
16:19une erreur assez tragique en emboîtant le pas au Hamas ?
16:22– Évidemment. – En disant, oui, nous allons la guerre sainte, etc.
16:26– Évidemment, mais c'est aussi le rôle, je crois,
16:28des observateurs étrangers ou des puissances internationales
16:31d'essayer de modérer et de calmer le feu,
16:34et non pas de jeter de l'huile sur le feu.
16:36Et là, avec la dernière guerre au Liban,
16:38je crois qu'on a, en tout cas Israël,
16:40a jeté encore de l'huile sur le feu,
16:41c'est peut-être dans leur intérêt,
16:42mais je ne crois pas que ce soit dans notre intérêt à nous, Européens,
16:45parce que si vague d'immigration il y a,
16:47elle n'ira ni vers les États-Unis, ni vers Israël,
16:49elle ira vers l'Europe.
16:50– Comme d'habitude.
16:51Et en parlant de courte vue, André Bercoff,
16:53je pense qu'aussi bien Israël que Bachar el-Assad
16:56ont eu une courte vue sur les risques qu'ils encouraient
16:58et qu'ils faisaient encourir à la région.
17:00Nous, on devrait réfléchir aux risques que nous encourons,
17:03parce que ce qui se passe maintenant là-bas
17:05risque demain d'arriver chez nous,
17:06je suis désolé d'avoir à le souligner,
17:07mais les gens, les rebelles modérés,
17:10ce sont les mêmes qui ont rafalé les terrasses à Paris,
17:13qui ont rafalé au Bataclan,
17:14et qui peut-être un jour vont encore arriver chez nous
17:16dans des bastions qu'ils sont en train de créer.
17:18– Qu'on appelle les rebelles modérés,
17:20juste un mot, effectivement, et de savoir ce qui peut se passer,
17:22on l'avait dit en 2015 déjà.
17:24– Bien sûr, et on avait vu Bachar el-Assad ensemble.
17:26Tadé de Sisyphe, vous, vous entendez ce qui se passe,
17:30vous allez continuer à aller à Alep,
17:32vous allez continuer vos affaires ?
17:35– Oui, la question bien sûr est très juste,
17:40et c'est la question, en fait, nous, c'est notre activité principale,
17:43l'importation du savon d'Alep de Syrie
17:45et d'autres produits de l'artisanat.
17:49Aujourd'hui, la Syrie est coupée en deux,
17:50et comme le disait, on passe d'un régime laïque
17:53à un régime chariesque, comme on dit.
17:59– Pas du tout, c'est très inquiétant,
18:02mais il faut quand même mesurer le propos sur l'heure actuelle,
18:06pas sur les perspectives.
18:07Là, je vois Alexandre et Benjamin parler sur des perspectives,
18:11et je ne vais pas les contredire, c'est vrai qu'on peut être inquiet.
18:14Voilà, ils sont à la fois,
18:19c'est à la fois le retour des sunnites en Syrie,
18:23il faut savoir quand même que la Syrie est à majorité sunnite,
18:26ça c'est une première chose, et puis qu'il y a eu la guerre,
18:29que les sanctions, comme le disait Benjamin,
18:31mais que le gouvernement aussi est responsable et coupable de certaines choses.
18:36– Bien sûr, bien sûr, il ne faut pas être dans le régime de ces turpitudes-là.
18:43– Mais nous, par rapport à en revenir, nous, on va essayer,
18:46moi, la nouvelle que j'avais, nous, on a notre atelier,
18:49vous voyez, qui se trouve dans la plus vieille zone industrielle,
18:52qui a été l'objet de combats dingues, et on a, du reste,
18:55le bâtiment dans lequel on est, notre terreau de chaussée,
18:58était sur 4 étages, c'est un espèce de gros blocos en béton.
19:01– Il n'a pas été touché, jusqu'ici ?
19:05– Il n'a pas été touché, mais il est sur la ligne de front entre les Kurdes et les jihadistes.
19:14– T'as dit, j'espère, de ces événements, j'espère, en tout cas…
19:17– Il faut voir notre entrepôt, qui soit la cible, justement, du feu,
19:20il est dans le no man's land, et on a appris, ce matin,
19:23que, finalement, il y avait eu des accords qui ont été passés,
19:25et que les Kurdes vont se retirer, donc le seul quartier qui était résistant,
19:28puisque l'armée… – Oui, bien sûr.
19:31– Le seul quartier qui était résistant, et qui avait ses militants qui se protégeaient,
19:35c'était le quartier kurde, et donc, notamment, notre zone avait été englobée dedans,
19:39et elle était en périphérie de ce quartier kurde.
19:41– Eh bien, écoutez, Thaddeus Lévy, je vous souhaite, effectivement,
19:43je souhaite, d'abord, à tout le pays, effectivement,
19:48c'est un vœu pieux, encore une fois, de retrouver un semblant,
19:51c'est vrai que, quand on était en Syrie, on voit, c'est terrifiant,
19:54enfin, un peu partout, de voir à quel point ces choses sont,
19:59comment dire, renforcées, et que ça devient, ces pays, Syrie, Liban,
20:04que nous avions connus, enfin, que moi, j'ai connus,
20:07il y a quelques décennies, et qui étaient des havres de paix,
20:10deviennent ce qu'ils deviennent.
20:12Voilà, et on va continuer d'en reparler, merci Pierre-Alexandre Bouclé,
20:16merci Benjamin Blanchard,
20:18et vous revenez quand vous voulez pour parler de la situation.