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00:00On parle de la blessure d'abandon avec Nathalie qui nous rejoint. Bonjour Nathalie, merci de prendre la parole.
00:05Oui bonjour, bonjour Brigitte, bonjour Samuel, merci de me recevoir.
00:10Je voulais témoigner en fait, bon moi j'ai 51 ans maintenant, mais quand j'étais toute petite petite,
00:18en fait j'ai ressenti très très tôt le... sinon l'abandon, en tout cas le rejet.
00:25En fait j'ai appris plus tard que mes parents voulaient un garçon et donc je l'ai ressenti.
00:32Donc je me suis conformée à ce qu'on voulait que je sois, donc j'ai observé comment agissaient les garçons
00:39et je me suis comportée en garçon. Et en fait pendant toute ma vie j'ai été hyper vigilante aux signes de colère
00:49ou de désapprobation de mes parents. Je faisais très très attention à ça. Je me suis complètement oubliée.
00:59En fait quand j'étais petite j'en suis arrivée à être persuadée que j'avais fait quelque chose de très très mal
01:06dans des vies avant ou dans ma vie tout court et qu'il fallait que j'explique. Donc je me suis dit,
01:13Mais ça c'est... Nathalie, excusez-moi je vous coupe, c'est parce que je veux transmettre le message à tout le monde.
01:19En tant qu'enfant, la manière dont nos parents nous traitent c'est toujours de notre faute.
01:24C'est comme ça que ça fonctionne un enfant.
01:26Absolument.
01:27Et c'est vrai que le premier travail qu'on devrait tous faire aux alentours de 21 ans,
01:33j'aime bien cet âge parce que sur le plan astrologique il est symbolique,
01:37c'est qu'on devrait tous comprendre que nos croyances d'enfant, il faut les mettre de côté.
01:44Oui, alors c'est pas facile.
01:46Non, non, non, je n'ai pas dit que c'était facile.
01:50Parce qu'on sait que ça engage.
01:52Mais en tout cas j'ai grandi avec cette idée que j'étais un vase vide, vide d'amour.
01:59Et c'est très très douloureux.
02:04Et grâce à mon fils, quand j'ai accouché, il y a eu une dissonance cognitive qui s'est opérée en moi
02:11et je me suis dit mais en fait je ne suis pas un garçon.
02:15Et alors là tout a explosé et j'ai suivi une analyse pendant 17 ans.
02:22Et là je suis une femme heureuse et joyeuse.
02:26Ah bah bravo.
02:27Comment en tant que garçon vous avez pu être enceinte et porter pendant 9 mois un enfant ?
02:32C'est ça, c'est cette dissonance cognitive qui a pris naissance à ce moment-là.
02:36Mais vous savez Brigitte, dans mon fort intérieur je souhaitais être une fille, j'étais une princesse.
02:42Je me couchais tous les soirs, je m'imaginais avec une belle robe et je me disais un jour je serais heureuse.
02:51Ah oui, il y avait ce rêve qui vous portait.
02:54Oui, oui exactement.
02:56Et donc il y avait un côté qui était garçon.
02:59Vous n'aviez pas abandonné la petite fille ?
03:03Non, non jamais, jamais.
03:06Et je suppose que cette analyse que vous avez faite vous a permis de rendre à vos parents les blessures qui leur appartenaient et à dire stop, n'est-ce pas ?
03:14Oui, exactement.
03:16Et le dialogue a été très libre avec ma mère et on en a parlé et elle s'en est voulue.
03:23Je lui ai dit écoute t'as fait avec ce que tu pouvais.
03:25On fait tous avec ce qu'on peut et on fait tous de notre mieux.
03:28Et ça a pacifié beaucoup beaucoup la relation et elle en a été heureuse aussi.
03:35Bravo Nathalie parce que vous avez fait le chemin, comme on dit c'est bien.
03:40Et alors quel homme vous avez choisi en tant que garçon ?
03:46Justement un homme qui m'aimait en tant que garçon.
03:50Et quand j'ai changé radicalement après mon accouchement où je me suis transformée en fille super sophistiquée,
03:56il s'est éloigné et on a fini par se séparer.
04:00Bon, ça fait l'air d'être pensée en tout cas.
04:04C'est intéressant parce qu'en fait il y a réellement eu une métamorphose grâce à la naissance de votre fils.
04:12Oui et puis vous montrez aussi que l'abandon, comme on le disait en introduction à cette émission,
04:17ne concerne pas que les personnes mais aussi les concepts abandonnés,
04:20quelque part une sorte de genre qui ne nous appartiendrait pas.
04:24Il y a eu ce travail d'élaboration qui vous a permis de devenir vous.
04:27Et quand on accepte l'abandon, et c'est un peu ce que je trouve dans le propos de Brigitte,
04:31on est un petit peu plus soi-même.
04:33Là j'entends une quête d'authenticité de vous-même, non ?
04:36Oui, exactement.
04:38J'ai toujours été un petit peu particulière,
04:43et je me souviens très bien arriver au lycée avec des bretelles fluo,
04:48une rose, une verte, une chaussure orange et une chaussure rouge.
04:52C'est intéressant parce que sur le plan symbolique ça veut bien dire qu'il y a toujours eu en vous,
04:57certes ce garçon à qui vous vouliez ressembler, mais cette fille que vous saviez que vous étiez.
05:04Et je suis sûre qu'au fond de vous, vous avez toujours su que vous étiez une fille,
05:07sinon vous n'auriez pas pu être enceinte, vous n'auriez pas pu désirer un enfant.
05:11Oui, oui.
05:13Et c'est ça qui est intéressant parce que, grâce à votre analyse je suppose,
05:17vous avez fait la part des choses.
05:19Mais ce qui est formidablement bien, et moi ce que j'ai vraiment envie de relever,
05:23c'est qu'on a tous en nous de toute façon une part masculine et une part féminine.
05:28Alors après le dosage va dépendre de chacun.
05:31Mais c'est quelque part en faisant le lien entre ces deux parts qu'on devient soi.
05:39Vraiment qu'on devient soi.
05:41Et ceux qui croient qu'ils sont que garçons ou que filles, de toute façon ne sont pas complètement unifiés.
05:47Oui, et je me sens tellement libre.
05:50Je peux jurer comme un charquier, je peux être en robe de soirée le lendemain,
05:57pareil de tous mes plus beaux atours, et je me sens tellement libre.
06:02C'est un jeu. L'identité n'est jamais qu'un jeu.
06:04Alors on voudrait croire aujourd'hui dans notre société qu'il y a une rigidité,
06:07qu'il faut être de tel genre ou tel genre, ou être ceci ou être cela.
06:10Non, c'est un jeu. Amusons-nous avec nos multiples identités.
06:14Soyons vivants, soyons multiples, ne soyons pas...
06:17Mais remarquez Nathalie, moi ce que j'ai envie de dire,
06:20c'est que vos parents vous ont fait un magnifique cadeau en vous disant qu'ils voulaient un garçon.
06:24Parce que vous imaginez le chemin que ça vous a permis de faire,
06:28et cette liberté que vous avez acquise grâce justement à cette souffrance.
06:33Et c'est quand même ce que j'aime toujours à signaler à ceux qui nous écoutent,
06:38la souffrance, quand on la dépasse, eh bien ça devient un cadeau.
06:42Oui, je remercie tous les soirs tous mes aïeux de cette histoire qui m'est arrivée.
06:47Tous les soirs, peut-être pas quand même.
06:49Si, en m'endormant. Si c'est vrai, je le fais en m'endormant, je les remercie.
06:54Oui, parce que pour rien au monde je vivrais une autre vie maintenant.
06:58Ah, ça c'est rare d'entendre ça.
07:00C'est superbe.
07:01Oui, bravo à vous.
07:03C'est un message d'espoir pour tous les gens qui souffrent.
07:06Bravo, ça fait plaisir à entendre.
07:08Vous avez bien montré à votre fils que c'était un garçon ?
07:12Ah oui, oui, oui, j'ai toujours respecté leur identité, j'ai deux garçons.
07:17La seule chose qui m'ennuie, c'est que mon aîné est né trop tôt,
07:21et donc je lui ai transmis quelques souffrances de manière inconsciente.
07:25On en a discuté, j'ai mis des mots dessus, mais ça n'empêche pas qu'elle soit ici.
07:31Oui, puis né trop tôt, bon, là on parle du sens encore.
07:34Pas sûr, pas sûr, les choses arrivent parfois avec une certaine sérénité,
07:38elles n'arrivent pas totalement par hasard.
07:40Certes, mais je le vois souffrir et ça me fait mal au cœur.
07:43Mais il souffre de quoi ? Qu'est-ce qui vous fait mal au cœur ?
07:48D'abandon, parce que son père l'a abandonné en nous quittant,
07:53et hop, l'histoire se répète.
07:56Ça me fait tellement mal au cœur, mais il faut qu'il traverse sa propre souffrance pour évoluer.
08:01Il le voit son père ? Il le voit ?
08:03Il le voit de temps en temps, oui, bien sûr.
08:06Il a choisi d'habiter chez lui une fois qu'il a eu 15 ans,
08:10mais ça n'a pas empêché qu'il court après l'amour de son père encore et encore.
08:16Et oui, ça me fait tellement, tellement mal au cœur.
08:20Mais on en discute, on a un dialogue, il en est conscient.
08:23Il a quel âge aujourd'hui ?
08:25Aujourd'hui, il a 23 ans.
08:27Oui, c'est normal, il n'a pas encore cheminé suffisamment,
08:30mais je veux dire, il se sent bien en tant que garçon de toute façon.
08:36Oui, ça n'a pas d'incidence sur son genre, mais les garçons sont des garçons.
08:41Bon, donc ça va faire son chemin.
08:43Vous savez, à 23 ans, qui n'a pas des souffrances de toute façon ?
08:47Parce qu'on a tous des enfances où il y a des choses qui n'ont pas été comprises,
08:51donc il a cette souffrance-là.
08:55Vous l'apercevez bien parce que vous avez fait beaucoup de travail sur vous,
08:59donc vous êtes très apte à être à l'écoute des autres,
09:03mais je veux dire, il n'a pas d'addiction,
09:07il travaille à l'école, dans sa vie professionnelle, ça va ?
09:12Oui, ça va.
09:14Il n'y a aucun symptôme qui laisse à penser que ce sont des souffrances
09:17qui ne seront pas surmontables ?
09:19Absolument.
09:20Ah, alors il a choisi son métier en fonction de ce qu'aimait son père.
09:23Je ne suis pas sûre que ce soit un vrai choix.
09:25Vous avez pu avoir une identification sans que ça soit forcément un problème, vous voyez ?
09:29Oui, tout à fait.
09:31Désormais, c'est son choix.
09:33On dialogue ensemble, et puis l'essentiel, c'est qu'il soit heureux,
09:38et pour l'instant, il a l'air heureux.
09:40Donc là, vous êtes un peu en train de projeter votre propre parcours sur lui,
09:46mais j'ai l'impression, dans ce que vous dites,
09:48qu'il n'y a rien d'alarmant, franchement.
09:51D'accord.
09:52Merci de ce regard extérieur.
09:54Oui, soyez paisible avec ça, je pense que ça va l'aider aussi.
10:00D'accord.
10:01Il me semble.
10:03Absolument d'accord.
10:04Je pense qu'il est sur un chemin de vie,
10:05et puis surtout, vous êtes très sensible à la question de la psychologie,
10:09à la question de la transmission, au langage.
10:11Donc il a quand même une maman qui est éveillée à ces choses-là,
10:14et ça, c'est un grand privilège.
10:16Oui, et puis le dialogue est ouvert, ça c'est très important aussi.
10:19Absolument.
10:20Je peux tout entendre.
10:21C'est très précieux, et puis il fera son histoire aussi avec son père.
10:24Vous, la difficulté, je pense, ce sera de réussir à laisser faire son père d'un côté,
10:29sans trop le critiquer et sans fragiliser le lien que votre fils peut avoir avec lui,
10:33parce que ça, ça fragilisera l'identité narcissique de votre enfant.
10:36Ce sera le plus dur, parce que si vous avez souffert de cet abandon,
10:39il pourrait y avoir des représailles inconscientes à l'égard de votre ex,
10:42et ça, ce sera difficile.
10:43Ça s'observe beaucoup dans la clinique.
10:45Oui, mais je fais très attention à ne pas justement le mettre en porte-à-faux entre son père et moi.
10:51Félicitations, j'aimerais entendre ça plus souvent en séance.
10:55En tout cas, merci de ce témoignage particulièrement positif, beau.
11:00Franchement, merci Nathalie et bravo.