Retrouvez William Leymergie entouré d’experts, du lundi au vendredi en direct dès 12h30, pour une émission dédiée aux problématiques de notre quotidien.
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00:00...
00:06Bonjour.
00:07Vous êtes journaliste et scénariste de bande dessinée.
00:10Vous venez de publier
00:12l'incroyable histoire de la géographie.
00:14Le sous-titre, c'est
00:1510 000 ans d'exploration du monde.
00:17Dès la préhistoire, on pensait déjà à la géographie.
00:20C'est étonnant, mais oui,
00:22les cartes les plus anciennes du monde remontent à la préhistoire.
00:26La plus ancienne qu'on connaisse, elle a 14 000 ans.
00:29On est avant le Néolithique.
00:30C'était pas une carte, c'était un dessin ?
00:34C'était un dessin gravé sur un petit rocher
00:37que nos ancêtres emportaient avec eux.
00:39C'était une carte mobile, nomale.
00:41Un bout de rocher.
00:43C'est pas une invention de bande dessinée,
00:45ça a été trouvé par des archéologues.
00:47C'était quoi qui était griffonné ?
00:49C'était un plan de village,
00:51des premières huttes qui précédaient le Néolithique.
00:54Une fois qu'on est passé au Néolithique,
00:56on a eu des cartes plus complexes tout de suite,
00:59des cadastres qui montraient le village, un ruisseau, un chemin.
01:03Dès les temps les plus anciens,
01:05on commençait à faire des cartes pour s'approprier un territoire
01:09et pour savoir où se diriger.
01:11Pour s'orienter aussi.
01:12D'accord, mais à quoi ça leur servait,
01:14qu'ils savaient qu'il y avait un village
01:17et qu'il y avait un autre qu'il fallait conquérir ?
01:19Il y a une autre fonction de la carte
01:21qui est importante dans l'histoire, le pouvoir politique.
01:24Si vous établissez une frontière,
01:26vous établissez le fait que vous êtes le propriétaire
01:29ou le roi ou le prince de tel ou tel village.
01:32C'est là que la géographie a un rôle politique
01:34qui a traversé l'histoire.
01:36Ces villages étaient clôturés ?
01:39On parle moins de villages que des premières cités,
01:41des premières grandes civilisations,
01:44l'Égypte antique, la Mésopotamie.
01:46À cette époque-là, on avait des cartes extrêmement précises.
01:49Ces villes étaient gigantesques, pour certaines.
01:52Là, on n'en est plus à faire des cartes des villes,
01:55mais des pays en question.
01:56Les Égyptiens, que tout le monde connaît,
01:58avaient des cartes Michelin géantes,
02:00qui faisaient 3 m de large, qu'ils pouvaient déplier.
02:03Je ne sais pas s'ils pouvaient les plier comme les cartes Michelin.
02:07Ces cartes pouvaient indiquer les 40 provinces de l'Égypte ancienne
02:11en moins 1100 avant Jésus-Christ. C'est ancien, tout ça.
02:14Les navigateurs aussi faisaient des cartes.
02:16Il fallait bien qu'ils sachent.
02:18On connaît les portulans des navigateurs portugais,
02:21les cartes à bâtonnets des navigateurs polynésiens,
02:24les ancêtres des Polynésiens.
02:25– À bâtonnets, ça veut dire quoi ?
02:27– En fait, c'est des petits bouts de végétaux, de bambous,
02:30qui sont tressés les uns avec les autres
02:33et qui forment une carte d'un territoire marin.
02:35– On la voit sur le dessin.
02:37– Je ne sais pas si on peut le voir à l'écran.
02:39Même les trains de houle, les courants étaient figurés
02:42sur ces cartes.
02:43C'étaient des cartes extrêmement précises
02:46qui ont permis à ce peuple de conquérir tout le Pacifique.
02:49– Pourquoi vous avez mis au point ça, vous le dites ?
02:51– En fait, c'était une invention des ancêtres des Polynésiens
02:55qu'on appelait les austronasiens,
02:57mais ça, c'est un mot que personne ne connaît.
02:59C'est un peuple qui est originaire de Taïwan,
03:01si vous voulez tout savoir.
03:03– D'accord. On va faire un petit bond dans le temps.
03:06Au Moyen-Âge, on va oublier pas mal de choses établies
03:09durant l'Antiquité, finalement. C'est dommage.
03:12– Le savoir, vous savez, ça va, ça vient.
03:14Il y a des périodes où le savoir grandit,
03:16puis d'autres périodes où le savoir s'évanouit.
03:20Et donc, dans notre continent, en Europe, au VIe siècle,
03:23on a un peu perdu le savoir des Antiques
03:25et on a perdu beaucoup de tout le savoir géographique.
03:28– Et pourquoi ? Parce que les documents ont disparu ?
03:30– Parce que les documents ont disparu,
03:31parce que les villes ont disparu aussi.
03:33Le haut Moyen-Âge, c'est une époque où les gens,
03:35les populations se replient sur les campagnes.
03:37C'est une période de troubles, de guerres,
03:39et donc on perd beaucoup de savoir.
03:40Et le savoir géographique, qui faisait partie de ces savoirs
03:42très complexes, on l'a perdu en grande partie.
03:45Et c'est là, pour la première fois, parce que ce n'était pas le cas avant,
03:48qu'on commence à imaginer que la Terre est plate.
03:50C'est quand même un comble.
03:51– Oui, je pense à la civilisation des Incas.
03:54Est-ce que les Conquistadors, ce n'est pas à cause d'eux
03:56qu'on a perdu tous ces documents-là ?
03:58Parce qu'ils ont détruit ces civilisations.
04:00– Bien sûr, ça c'est un exemple de destruction des sources
04:03par une autre civilisation, la nôtre.
04:05Effectivement, tout le savoir géographique ou autre
04:07qui était celui des Incas a disparu.
04:09– Alors que c'est une civilisation incroyable.
04:12– Exactement.
04:13– Est-ce qu'il y a des femmes qui se sont illustrées
04:15dans cette histoire de l'exploration du monde
04:17qui reste assez masculine ?
04:18– Alors, malheureusement, vous avez raison, jusqu'aux Lumières,
04:21on va dire que les femmes n'ont pas pu jouer le rôle
04:23qui était le leur dans le monde savant.
04:26Ça commence vraiment au XVIIIe siècle.
04:28Alors, il y a une anecdote qui est marrante,
04:29c'est que, en fait, la première grande exploratrice,
04:33qui s'appelait Jeanne Barret, a fait la première circumnavigation,
04:36mais sous les habits d'un homme.
04:39En fait, elle s'est déguisée en homme.
04:40– Parce que sinon, ça ne marcherait pas.
04:41– Sinon, elle n'aurait pas embarqué.
04:43– Oui, elle n'aurait pas été acceptée à bord.
04:44– Elle a été, en fait, à bord de l'expédition Bougainville,
04:47que tout le monde connaît, et c'était l'épouse du médecin du bord.
04:50Et, par amour pour ce médecin, mais aussi par amour de la science,
04:53elle s'est embarquée, elle a été la première femme
04:55à faire le tour du monde et à raconter ensuite, par la suite, ce tour.
04:58– Bien sûr, alors il y en a un célèbre qu'on a oublié
05:00et qui adore la géographie, c'est Napoléon.
05:02– Oui, Napoléon, c'est…
05:04– Lui, il faisait des conquêtes, un peu pour ça aussi.
05:06– Napoléon, c'est le père méconnu de la géographie.
05:09Voilà, c'est l'empereur des Français et des Européens,
05:13tout le monde connaît son rôle éminent,
05:15mais il a eu un rôle très important dans la constitution
05:18de la science géographique moderne, pourquoi ?
05:20Parce que quand il a fait cette fameuse expédition d'Égypte
05:22que tout le monde connaît, il a embarqué avec lui, à peu près…
05:25– Des savants ?
05:26– 180 savants, pour relever des cartes, faire la physionomie des pays,
05:30faire les débuts de la géographie.
05:32Et quand ces savants sont rentrés à Paris après l'expédition,
05:34c'est là qu'ils ont fondé la Société de géographie,
05:37qui était une institution savante très importante,
05:39qui a été la matrice de toute cette science géographique moderne.
05:43Et c'est là où la France, à travers Napoléon,
05:45a joué ce rôle éminent dans cette science.
05:47– D'accord, et aujourd'hui, est-ce qu'il y a des enjeux
05:51de la géographie internationale, au-delà des conflits,
05:54des guerres et autres, bien sûr ?
05:56– Alors, il y a toujours des enjeux.
05:57Alors évidemment, le monde a été exploré, conquis,
05:59il n'y a plus de terra incognita, comme on disait sur les cartes d'autrefois.
06:03– Si, quelque part, l'espace est une terra incognita.
06:05– Ah oui, non mais je veux dire…
06:06– Les abysses sont des terra incognita.
06:09Bon, mais après, il y a des nouvelles sciences comme l'hydrologie
06:12ou la cosmographie qui se développent et qui occupent toujours,
06:16à plein temps, des géographes et des légions d'étudiants en géographie.
06:20– Oui, et il y a toujours des profs de géographie.
06:22– Il y a toujours des profs de géographie qui se sont séparés
06:23des profs d'histoire depuis la dernière guerre,
06:27ça c'est une spécificité française, qui a peut-être contribué
06:30à faire de la géographie une science un peu moins populaire que l'histoire,
06:34alors que c'est une science passionnante.
06:36– Oui, vous, vous étiez prof de quoi, vous ?
06:38– Moi, je n'étais pas prof, je suis journaliste, comme vous.
06:40– Merci Benoît, alors il faut dire que vous avez des copains
06:44qui vous ont aidé, c'est Jean-Robert Pitt.
06:47– Alors Jean-Robert Pitt, l'académicien,
06:49est le président actuel de la Société de géographie
06:51dont nous avons parlé l'année dernière.
06:52– Il est à sa place, lui.
06:53– Il est à sa place.
06:54– Très bien, parfait, vous ?
06:56Et alors, qui est Philippe Bercovici, il dessine, non ?
06:58– Alors, Philippe Bercovici, c'est le dessinateur,
07:00alors lui, il a quelques centaines d'albums au compteur,
07:03comme on le connaît, Philippe Bercovici, pour…
07:05– Centaines, vous avez dit ?
07:06– Oui, centaines, j'ai bien dit centaines,
07:07je pense que c'est l'auteur de BD qui a peut-être dessiné
07:10le plus d'albums de monde dessiné de l'histoire de la BD.
07:12– Ah bon ?
07:13– Rien que ça.
07:14– Il a un record, lui.
07:14– C'est un record, c'est un record.
07:16– Très bien, et c'est publié aux Arènes BD, c'est ça ?
07:20– Exactement, aux Arènes BD.
07:21– Merci de votre visite et je vous dis à la prochaine,
07:24parce que souvent, vous publiez ça.
07:26– On se voit souvent et c'est toujours avec plaisir.
07:28– Moi aussi, merci beaucoup.
07:30– Merci beaucoup.
07:31– Sous-titres réalisés par la communauté d'Amara.org