• il y a 21 heures
Le représentant personnel du Président de la République au Liban et ancien ministre des Affaires etrangères Jean-Yves Le Drian revient sur les conséquences de l'élection de Donald Trump aux États-Unis. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-jeudi-21-novembre-2024-4114900

Category

🗞
News
Transcription
00:00Et avec Léa Salamé, nous recevons ce matin dans le Grand Entretien le représentant personnel
00:05du Président de la République au Liban, ancien ministre des Affaires étrangères
00:10et de la Défense.
00:11Vos questions au 01 45 24 7000 et sur l'application de Radio France.
00:17Jean-Yves Le Drian, bonjour.
00:18Bonjour.
00:19Et bienvenue sur Inter, on va essayer d'analyser avec vous ce matin ce monde si incertain d'où
00:25qu'on le regarde, le Proche-Orient évidemment, l'Ukraine aussi, mais d'abord les Etats-Unis.
00:31On commence à en savoir plus sur les hommes du futur président américain, Donald Trump
00:36est en train de choisir son équipe, que ce soit à la Défense, au Trésor, à la Santé,
00:42il nomme ses proches des Trumpistes purs et durs.
00:45Qu'est-ce que ça augure selon vous pour les quatre années qui viennent ? Pensez-vous
00:50que Trump 2024 sera très différent de Trump 2016 ?
00:56La grande différence qu'il va y avoir, c'est que Trump 2016, c'était une surprise.
01:00Il n'était sans doute pas très organisé pour assurer les fonctions de président des
01:06Etats-Unis.
01:07Là, il était préparé et donc il a ses équipes autour de lui et on voit d'ailleurs dans ses
01:11nominations qu'il met en œuvre des équipes de combat.
01:14C'est-à-dire qu'en fait, tout ce qu'il a dit dans sa campagne, il va le faire, il
01:18faut le prendre au pied de la lettre, c'est-à-dire sur l'immigration, le retour et l'expulsion
01:27de plusieurs millions de personnes vers le Mexique en particulier, c'est-à-dire sur
01:32les droits de douane.
01:33Il va mettre en œuvre la politique tarifaire, à la fois à l'égard de la Chine et à l'égard
01:37des Européens, 60% sur les droits de douane, les tarifs à l'égard de la Chine.
01:42C'est aussi les orientations climato-sceptiques qu'il va mettre en œuvre, il nomme des gens
01:47qui sont en mesure de faire ça, puisqu'ils ont déjà démontré qu'ils allaient agir
01:51ainsi.
01:52Donc c'est une équipe de combat menée par un président qui reste toujours imprévisible
01:58dans ses décisions mais rationnel dans ses choix, même si dans le passé on a pu voir
02:03qu'il pouvait faire des vols de face importants.
02:06C'est un homme de deal, il passe des accords, il est hors du système multilatéral que
02:12l'on connaît, hors du système des Nations Unies, hors de la diplomatie internationale
02:17telle qu'on la pratique, il passe des deals avec la volonté que ce deal soit un avantage
02:22pour les Etats-Unis.
02:23Parfois ça marche, il arrive que ça ne marche pas.
02:27Je me souviens de l'ouverture sur le leader coréen Kim Jong-un, ça n'a pas marché,
02:33c'était un deal, il n'a pas réussi, d'autres deals ont été faits, rappelez-vous le fait
02:38que c'est Trump qui a initié les discussions avec les talibans pour sortir d'Afghanistan,
02:42il passe des deals et donc c'est un rapport de force permanent et il a auprès de lui
02:46les équipes qui vont le faire.
02:47C'est ça la réalité, donc il ne faut pas considérer qu'il y a eu une campagne électorale
02:52et qu'il va s'adapter, non, il a autour de lui l'équipe nécessaire d'avoir pour
03:00mettre en œuvre ces mesures qu'il a annoncées.
03:02Et du coup il faut se préparer et ne pas être naïf, c'est ce que vous dites ce matin.
03:06Il faut à la fois ne pas être naïf mais en même temps ne pas être trop anxiogène.
03:12Il est là, il va falloir faire avec et donc se défendre et se protéger.
03:15Et il va falloir passer des deals avec lui.
03:17Passer des deals en situation de force le mieux possible.
03:20Mais justement vous l'avez pratiqué si j'ose dire, de Trump pendant 4 ans.
03:25Sous l'autorité du président Macron.
03:27Oui tout à fait, vous l'avez rencontré, vous parlez d'imprévisibilité du personnage,
03:32de ses volte-faces, de sa brutalité, mais il y a aussi, vous le dites, une forme de
03:36rationalité, celle du rapport de force.
03:39Ce sera ça à chaque fois et donc pour la France, pour l'Europe, le message c'est
03:44si on n'est pas fort face à lui, il va vous écraser, c'est ça globalement.
03:47Si on n'est pas tout seul, on va se faire écraser, il va essayer de nous diviser.
03:52Donc il faut en cette période particulière que l'Europe soit unie, se renforce même
03:58dans sa volonté, se renforce dans sa sécurité pour ne plus être dépendant et qu'elle
04:04joue le rapport de force avec le président Trump.
04:07On l'a déjà fait dans le passé, y compris sur les questions tarifaires, quand il était
04:11en responsabilité.
04:12Vous sentez les Européens alignés là ?
04:14Pas encore tout à fait vraiment, même si la réunion qui s'est tenue en Pologne il
04:21y a quelques jours autour des questions ukrainiennes, on va peut-être en reparler, montre qu'il
04:26y a quand même une volonté de sursaut de la part des acteurs principaux, y compris
04:30d'ailleurs de la Grande-Bretagne qui a participé à cette réunion sur les questions de sécurité
04:34et de défense.
04:35Mais il faut que les Européens soient unis pour montrer au président Trump qu'il y
04:38a un rapport de force qui peut s'établir aussi avec une Union Européenne forte.
04:42Venons-en au Proche-Orient et au Liban pour continuer.
04:46Puisqu'on rappelle que vous êtes le représentant personnel d'Emmanuel Macron au Liban, vous
04:54vous êtes rendu plusieurs fois à Beyrouth ces dernières semaines, des négociations
04:59sont engagées en vue d'un cessez-le-feu.
05:01L'émissaire spécial américain Amos Hochstein a jugé mardi qu'une solution est à portée
05:07de main.
05:08Un cessez-le-feu est-il possible dans les prochains jours ? Est-ce que vous y croyez
05:13Jean-Yves Le Drian ?
05:14Ce pays est en grande souffrance, ce pays est en détresse, en raison à la fois des
05:21ingérences extérieures que l'on constate par les bombardements actuels, ce pays devient
05:28une espèce de lieu d'affrontement entre l'Iran et Israël, en souffrance et en détresse
05:35en raison de ses ingérences et puis en raison de sa désunion.
05:37Donc ce pays est aujourd'hui en danger de mort, il faut le dire.
05:40Ça veut dire quoi « danger de mort » une fois que vous dites ça, parce que vous l'avez
05:44déjà dit ?
05:45De dislocation, d'imprévisibilité, d'absence de responsabilité, d'absence d'intégrité,
05:54bref, il est urgent d'y remédier.
05:56Alors en plus, il y a dans ce pays au-delà des 5,5 millions d'habitants aujourd'hui
06:01des réfugiés du Nord qui viennent de Syrie après les crises de 2011, il y a les Palestiniens
06:07qui sont là depuis très longtemps et puis il y a maintenant des déplacés venus du
06:10Sud avec donc des tensions potentielles même existantes aujourd'hui au sein de ce pays.
06:16Il faut donc là avoir trois principes de base qui sont les principes évoqués par
06:21les autorités françaises, par le président de la République en particulier.
06:24Un, c'est vrai que la population du Nord d'Israël doit pouvoir acquérir sa sécurité,
06:32oui, il faut donc mettre en place les moyens permettant à cette population de vivre sereinement,
06:37mais deux, il faut néanmoins préserver l'intégrité du Liban, ce qui veut dire trois, respecter
06:43l'ensemble des communautés de ce pays, parce que ce pays vit par un ensemble de communautés
06:48qui ont l'habitude de vivre ensemble et ça veut dire trouver les moyens d'avoir
06:53une frontière sécurisée, d'une part, qui permettrait l'arrêt des bombardements et
06:57par ailleurs d'avoir une solution politique.
07:00Il y a le Hezbollah, j'entends bien qu'Israël veut éradiquer le Hezbollah, mais je ne sais
07:07pas à quel moment la victoire sur le Hezbollah sera actée.
07:11Donc ça veut dire que le plus simple c'est d'ouvrir des négociations pour permettre
07:15aux trois critères que j'ai indiqués d'être pérennes et d'être validées.
07:18Mais vous croyez au cessez-le-feu ? Là on entend des nouvelles de Washington qui disent
07:22que c'est une affaire d'or, ça fait des jours qu'on attend.
07:26Nous sommes en bonne relation avec Amos Holstein, nous sommes informés de ce qu'il dit, de
07:31ce qu'il fait, je l'ai rencontré à plusieurs reprises.
07:34Il joue aussi une bonne articulation avec la France, il s'est rendu à Beyrouth, il
07:40a manifestement eu des engagements de la part des différents acteurs, y compris d'ailleurs
07:45me semble-t-il du Hezbollah, puisque en tout cas le Hezbollah a eu en main les éléments
07:49de négociation.
07:50Et maintenant il va à Tel Aviv, j'espère qu'il pourra aboutir, je souhaite qu'il
07:53puisse aboutir.
07:54Et bien Jean-Marc Netanyahou a-t-il intérêt aujourd'hui à faire un cessez-le-feu ?
07:57Je pense que c'est son intérêt.
07:58Avant l'arrivée de Trump ? Je pense que c'est son intérêt, parce que la population
08:01israélienne ne demande que cela, y compris la population du Nord.
08:04Et c'est l'intérêt aussi de Netanyahou d'apparaître comme une fois au moins un
08:08homme de paix.
08:09Les Libanais craignent une nouvelle guerre civile, est-ce que vous voyez des signaux
08:18qui pourraient nous dire que ça pourrait basculer en guerre civile ? Des chrétiens
08:23contre les chiites, des sunnites ?
08:26Le risque ce sont les tensions au sein des populations, avec les mouvements de population
08:32qui sont en cours.
08:33La population du Sud, essentiellement chiite, remonte vers Beyrouth.
08:37Il y a des tensions internes qui se manifestent.
08:39Il faut éviter que ces tensions se transforment en affrontements militaires et en affrontements
08:45armés.
08:46Et pour cela il faut une négociation.
08:47On connaît les bases.
08:48Elles ont été d'ailleurs évoquées dès la fin du mois d'octobre aux Nations Unies,
08:53à la fois par les Etats-Unis, par la France, mais aussi par les pays arabes et les Européens.
08:58C'est l'application d'une résolution, elle s'appelle 1700, un peu importe le chiffre,
09:02mais qui avait été prise dès 2006 par les Nations Unies, il faut maintenant en mettre
09:08en place l'application.
09:09Qui n'est pas appliquée depuis.
09:10Si les Américains en tout cas poussent pour un cessez-le-feu au Liban, en revanche ce
09:14n'est toujours pas le cas à Gaza, malgré les dizaines de milliers de morts.
09:18Face à la détermination de Benjamin Netanyahou à poursuivre cette guerre, au soutien des
09:24Américains, les Européens n'apparaissent-ils pas, Jean-Yves Le Drian, impuissants et silencieux.
09:30Il n'y a pas que les Européens qui sont impuissants et silencieux.
09:35Les Arabes aussi, les Américains d'une certaine manière aussi.
09:40C'est Netanyahou qui parle à Netanyahou en permanence.
09:44La difficulté, le drame de cette situation, après le pogrom horrible du 7 octobre, c'est
09:54que la réponse est disproportionnée et qu'on ne connaît pas les buts de guerre.
10:01Comme disent les militaires, quel est l'état final recherché ? On ne le sait pas.
10:04Et j'ai le sentiment qu'on est parti, pour reprendre à l'inverse une formule célèbre
10:10de Kant qui parlait de la paix perpétuelle, nous sommes partis dans la guerre perpétuelle.
10:14Vous voyez une guerre perpétuelle ?
10:16Je ne vois pas de sortie avec la routine de l'horreur en permanence à Gaza, avec les
10:23morts qui se succèdent, l'espèce de punition collective qui a lieu, ça devient intolérable.
10:29Et je pense que les Israéliens, au moins le Premier ministre Netanyahou, ne se rendent
10:35pas compte de l'isolement dans lequel il plonge Israël au niveau de la communauté
10:39internationale.
10:40Puisque rien ne semble pouvoir arrêter.
10:42Et rien n'indique quelle va être la fin du processus d'agression contre les Palestiniens.
10:49Donc moi je m'insurge sur ce point, je suis même en colère sur l'évolution de la situation
10:55et je ne sais pas si l'arrivée de Trump va régler l'affaire.
10:58Justement, à l'arrivée de Trump en janvier, est-ce que ça ne va pas être carte blanche
11:01encore plus pour Benjamin Netanyahou ? Vous nous dites que c'est déjà carte blanche
11:05pour lui, mais est-ce que ça ne va pas être encore plus ? Toutes les personnalités nommées
11:08autour de Trump sont des fervents défenseurs d'Israël, sont des proches de Netanyahou.
11:13Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que la colonisation va s'amplifier en Cisjordanie,
11:17que partout où le gouvernement israélien voudra installer une colonie en Cisjordanie,
11:21il pourra le faire.
11:22Ça va être ça ? Ça va être pour les millions de Palestiniens qui habitent à Gaza, ça
11:27va être quoi ? Parce que les plans maximalistes du gouvernement israélien sont sur la table.
11:31Ils demandent à l'Egypte et à la Jordanie de prendre les millions de Palestiniens.
11:36C'est fini.
11:37Ils doivent partir.
11:38Et ça va être carte blanche pour cela, de la part de Donald Trump ? Et tout le monde
11:42va laisser faire ? C'est ça qui va se passer ?
11:43J'ai trois remarques sur ce que vous dites.
11:45D'abord une remarque de fond.
11:46Lorsqu'on prive un peuple de son destin, on condamne ce peuple au désespoir et le
11:54désespoir produit les violences.
11:55Et ça, c'est sur le long terme.
11:56Et je crains que ce qui se passe aujourd'hui à Gaza ne produise demain des générations
12:03de frustrés, voire de terroristes.
12:05Ma deuxième remarque, c'est que par rapport au Trump d'avant, la situation au Moyen-Orient
12:11est totalement différente.
12:12D'abord parce qu'il y a ce conflit majeur et ensuite parce qu'il s'est produit un
12:16événement qui, je trouvais passé un peu trop inaperçu il y a quelques jours, c'était
12:21le 11 novembre.
12:22À Riyad, se sont réunis les principaux leaders arabes et le premier ministre iranien.
12:28Et ils ont rendu des conclusions communes.
12:31Je dis les principaux leaders, c'était au plus haut niveau.
12:33D'abord sur le fait que la solution ne viendrait que par la prise en compte de deux États.
12:39Ensuite, par le fait qu'il fallait cesser le feu immédiat, mais que les pays arabes
12:45ne rentreraient dans une discussion que si le principe des deux États était reconnu,
12:49la démarche pour aller vers les deux États était reconnue.
12:51Et enfin, dans cette même déclaration, il est dit « n'agressez pas l'Iran parce
12:56que l'Iran est une république sœur ». Une république sœur.
12:59C'est une très grande nouveauté.
13:00Donc le contexte est très différent.
13:02Et le processus d'Abraham, qui avait eu certains succès, qui en tant que tel pouvait
13:06ne pas être négatif, aujourd'hui il est caduque.
13:08Et donc comment on va retrouver des chemins pour aller vers la paix ? C'est très compliqué.
13:14D'autant plus que, troisièmement, les buts de guerre ne sont pas clairs de la part des
13:18Israéliens, sauf à entendre les plus extrémistes que vous citez, c'est-à-dire ceux qui pensent
13:23qu'il faut annexer, coloniser, pour faire en sorte qu'il n'y ait qu'un seul État
13:28d'Israël qui, à ce moment-là, aura des populations arabes et israéliennes dans
13:34le même État.
13:35Mais je ne vois pas comment 7 millions d'Israéliens et 7 millions de Palestiniens peuvent vivre
13:39dans le même État aujourd'hui et demain.
13:41C'est, à mon avis, une vue de l'esprit où l'heure s'apprésage de conflits du futur.
13:45Mais M. Le Drian, un Palestinien qui vous dirait « nous allons donc souffrir et souffrir
13:49encore plus pendant les quatre prochaines années », un Palestinien qui n'est pas
13:53Hamas.
13:54Non, non, je ne parle pas d'Hamas.
13:55Je vous parle d'un homme palestinien qui vit aujourd'hui en Cisjordanie.
14:00Il vous dirait « voilà, il faut qu'on se prépare à souffrir pendant les quatre
14:06prochaines années et c'est notre destin et c'est ainsi et ni la France ni l'Europe
14:09ne pourra rien faire ».
14:10Et ni les Arabes.
14:13La France et l'Europe font part de leur indignation, de la manière dont les solutions
14:19pourraient être possibles, je l'ai dit, et c'est le seul message que l'on peut
14:22donner aujourd'hui.
14:23Il faut mettre les responsabilités là où elles sont.
14:25Et M. Netanyahou dit « quels sont ses buts de guerre ? ».
14:28Il n'est pas dans la… sa logique n'est pas partagée par tout le monde en Israël.
14:33Moi, je ne critique pas Israël, je critique le Premier ministre Netanyahou.
14:38Sa logique n'est pas partagée par tout le monde.
14:40Il y a des chefs militaires qui pensent qu'il y a d'autres solutions.
14:42Il y a des anciens premiers ministres qui pensent qu'il y a d'autres solutions.
14:44Mais il est dans cette logique de guerre.
14:45Et la logique de guerre, c'est le désespoir.
14:48A propos de l'Iran, Jean-Yves Le Drian, Benyamin Netanyahou a assuré dimanche que
14:53lui et Donald Trump considéraient d'un même œil la menace iranienne, sans donner
14:58plus de détails.
14:59L'option de frappe américaine ou israélienne sur l'Iran vous semble-t-elle être sur
15:06la table de Donald Trump ?
15:10L'Iran est affaibli et l'Iran est divisé.
15:13L'Iran est affaibli parce que les opérations qui ont été menées récemment ne l'ont
15:20pas servi.
15:21Même s'il a pu agir de manière assez forte dans les attaques contre Israël, qu'il
15:29a montré qu'il pouvait attaquer Israël, l'attaque n'a pas été percutante.
15:33Donc il est fragilisé, il est divisé parce qu'il y a un certain nombre d'acteurs,
15:36y compris le nouveau président, qui voudraient s'ouvrir vers l'Occident et revenir peut-être
15:42à ce qui avait été fait dans les accords de 2015, dans lesquels la France avait joué
15:46un rôle très important, qui était « on arrête les sanctions à partir du moment
15:51où vous renoncez à l'arme nucléaire ». Ce camp-là, il existe toujours.
15:55Oui, sauf que Trump revient au pouvoir.
15:56Sauf que Trump revient au pouvoir, mais comme je vous l'ai dit tout à l'heure, il est
15:59capable de deal.
16:00Moi, je n'exclus rien.
16:01En tout cas, ce qui est certain, c'est que si on ne bouge pas, l'Iran est aujourd'hui
16:05en train d'acquérir les compétences nécessaires pour se doter de l'arme nucléaire assez
16:09rapidement.
16:10Ça veut pas dire qu'un Iran affaibli, c'est le moment de frapper ?
16:12Je ne vois pas une telle hypothèse, parce que Trump a toujours été pour éviter le
16:17conflit et la projection de forces.
16:21Je constate que, par exemple, c'est lui, je l'ai dit tout à l'heure, qui a ouvert
16:25la négociation avec les talibans, c'est lui-même qui a fait retirer les forces américaines
16:29d'Irak.
16:30Bref, il n'est pas dans une logique d'affrontement de ce type-là, à ma connaissance.
16:35Et il est même capable de faire des coups, comme on l'a vu pour la Corée du Nord.
16:38Mais il n'empêche que l'Iran reste toujours un danger pour la sécurité de l'ensemble
16:43de la région, et qu'il importe d'essayer de trouver des solutions qui permettent d'éviter
16:46que l'Iran accède à l'arme nucléaire.
16:48Sur le front européen, maintenant, on a passé cette semaine, vous le savez, le millième
16:51jour de la guerre en Ukraine, Donald Trump, lui encore, a promis de régler le problème
16:57en 24 heures.
16:58Quelle est votre hypothèse sur les plans de Trump ? Imposer un deal, on reprend l'expression,
17:06en gelant la ligne de front, s'aligner sur les conditions de Poutine, à savoir contraindre
17:11l'Ukraine à ne jamais rejoindre l'OTAN ou l'UE ? Comment voyez-vous les choses ?
17:16D'abord, nous sommes au millième jour de la guerre en Ukraine et de la résistance
17:23ukrainienne.
17:24Je pense, d'abord, qu'il faut saluer la résistance ukrainienne, c'est déjà une
17:29victoire.
17:30Parce que je me souviens très bien, j'étais en responsabilité à ce moment-là, que lorsque
17:33les Russes ont commencé leur agression en Ukraine, ils pensaient que ça allait se régler
17:36dans peu de temps et que les militaires qui venaient de Biélorussie avaient déjà leur
17:41uniforme de parade pour défiler dans les rues de Kiev.
17:43Ils pensaient que ça allait être réglé dans 3-4 jours.
17:46Ça n'a pas été le cas parce qu'il y a une force de résistance, une force d'affirmation
17:50de la nation ukrainienne que les Russes n'imaginaient pas et qui se poursuit avec beaucoup de force.
17:56Il faut donc continuer à aider les Ukrainiens.
17:58Plus ?
17:59Plus.
18:00Ça se fait, avec les autorisations qui viennent de se manifester de la part des Etats-Unis
18:06pour avoir l'usage des missiles à longue portée sur le territoire russe, à condition
18:12que ce soit sur des emplacements militaires.
18:15Bref, il faut aider davantage.
18:16Il ne faut montrer aucun signe de faiblesse à l'égard de la Russie et faire en sorte
18:21que les Ukrainiens eux-mêmes décident de quelle manière et à quel moment doit se
18:26mener une négociation.
18:27C'est l'Ukraine qui est agressée.
18:29C'est à l'Ukraine de dire « je suis prêt à négocier ».
18:31Ce n'est pas aux autres.
18:32Qu'est-ce que vous avez pensé du coup de fil de Lavcholz du chancelier allemand à
18:36Vladimir Poutine ?
18:37Il a eu raison de rompre l'isolement de Poutine ou ce n'était pas du tout le moment
18:41de le faire ?
18:42Je trouve que c'était malvenu au moment où ça s'est passé.
18:44Il ne faut donner en ce moment aucun signe de faiblesse.
18:46Aucun signe de faiblesse.
18:49Jusqu'à l'arrivée de Trump, il ne faut pas…
18:51Il ne faut donner aucun signe de faiblesse et au contraire renforcer l'Ukraine.
18:56Parce qu'aujourd'hui, l'Ukraine a réussi une percée dans la région de Koursk qui
19:01lui permet d'avoir des monnaies d'échange significatifs au moment d'une négociation.
19:06Donc il faut poursuivre cet effort.
19:08C'est ce que les Européens ont décidé de faire dans la réunion à laquelle je faisais
19:12allusion tout à l'heure.
19:13On vous entend parler depuis le début Jean-Yves Le Drian et on connaît votre connaissance
19:17véritable des tourments du monde et des régions du monde.
19:21Vous avez été ministre de la Défense d'abord puis ministre des Affaires étrangères pendant
19:25vraiment des années.
19:26Du coup, Patrice vous demande sur l'appli d'Inter, quand allez-vous publier vos mémoires ?
19:29Oui, je sais, elle est surprenante, mais c'est ainsi.
19:34Merci de ce conseil et de cette incitation.
19:37Peut-être que je les ferai un jour, oui.
19:39Peut-être.
19:40Mais vous n'êtes pas pressé là ?
19:41Non, pas pour l'instant et l'actualité m'occupe beaucoup.
19:45Un mot sur la politique française Jean-Yves Le Drian.
19:47Si le climat politique se traduisait en météo, il ferait quel temps actuellement ? Avis d'orage,
19:54neige sur l'Hexagone, tempête, coup de froid ?
19:57Je crois que c'est plutôt avis de coup de froid pour l'instant.
20:00Mais le Premier ministre essaye de gérer une situation très inconfortable et très
20:04complexe.
20:05Je pense qu'il est souhaitable qu'il aboutisse.
20:07Je ne crois pas qu'il soit souhaitable aujourd'hui qu'il y ait une crise politique nouvelle
20:10qui se manifeste en France.
20:12Et que le gouvernement tombe ?
20:13Je ne pense pas que ce soit souhaitable.
20:16Qu'est-ce qui vous désole le plus dans l'état de la France aujourd'hui ? Les déficits
20:22que l'on n'avait pas vu venir, l'instabilité politique, le comportement de certains à
20:27l'Assemblée Nationale ou l'idée d'Emmanuel Macron d'avoir dissous l'Assemblée Nationale ?
20:32Ce qui me choque le plus, et ça s'est accentué depuis que j'ai quitté mes fonctions, je
20:39constate cette évolution avec beaucoup d'inquiétude, c'est la violence des propos, la violence
20:44des affrontements.
20:45Et le fait qu'il y ait l'absence de prise en compte qu'un intérêt national peut dominer
20:50les intérêts partisans.
20:52Aujourd'hui, je ne vois pas ça au rendez-vous.
20:53Y compris dans votre camp, vous avez le sentiment que tout le monde ne pense qu'à 2027 ?
20:59Y compris partout.
21:00Et que l'intérêt national aujourd'hui n'est pas pris en compte suffisamment par
21:03l'ensemble des acteurs qui se violentent mutuellement, je pense devant une forme de
21:09désespérance des Français par rapport au paysage politique qu'ils ont devant eux.
21:12Et la dissolution, vous pensiez que c'était une idée bonne ?
21:16Moi, je n'ai pas d'avis sur le moment de la dissolution, je pense qu'il n'était
21:20pas possible de continuer à ce moment-là dans la logique de la nouvelle assemblée
21:27issue des élections post-présidentielles.
21:30Est-ce que c'était le moment ?
21:32J'étais au Président de la République de le décider, il l'a fait et nous sommes
21:35devant de ces situations.
21:36Et nous voilà.
21:37Et nous voilà.
21:38Merci Jean-Yves Le Drian, ancien ministre des Affaires étrangères et de la Défense,
21:44représentant personnel du Président de la République au Liban.
21:46Merci encore d'avoir été au micro d'Inter.

Recommandations