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Dominique de Villepin, ancien Premier ministre, est l'invité du Grand entretien. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-mercredi-21-juin-2023-6230080

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00:00 recevons un ancien Premier ministre, ancien ministre des Affaires étrangères, dans le
00:04 grand entretien du 7-9-30.
00:05 Vos questions, vos réactions au 01-45-24-7000 et sur l'application de France Inter.
00:11 Dominique de Villepin, bonjour.
00:13 - Bonjour.
00:14 - Et bienvenue à ce micro, nous vous avions reçu en février dernier, un an tout juste
00:18 après le début de la guerre en Ukraine.
00:20 Quatre mois plus tard, le moment est important, l'Ukraine a lancé sa contre-offensive, des
00:25 territoires ont été repris, des villages reconquis, mais son armée fait face à des
00:29 pertes en hommes et en matériel.
00:31 Quant à la Russie, elle intensifie ses attaques aériennes massives sur Kiev et les grandes
00:35 villes du pays.
00:36 Ce qui se joue en ce moment est décisif, Dominique de Villepin, décisif pour aujourd'hui
00:41 évidemment, mais aussi pour l'après ?
00:43 - Oui, c'est évidemment très important.
00:46 L'Ukraine veut reprendre l'initiative, elle veut refuser le fait accompli de l'occupation
00:53 russe et dans ce contexte, c'est évidemment un enjeu très important parce que cela veut
00:59 dire d'avoir un nombre de troupes très supérieur aux forces russes pour pouvoir regagner le
01:07 terrain.
01:08 L'offensive, c'est évidemment beaucoup plus compliqué à gérer que la défensive.
01:10 Et on a peut-être sous-estimé la capacité de la Russie à tirer les leçons des échecs
01:16 nombreux de son armée au cours des derniers mois et dans la défensive, elle a évidemment
01:21 appris.
01:22 Et de ce fait, les six lignes successives qui permettent à la Russie de se protéger,
01:27 l'utilisation de techniques extrêmement différentes, les mines, les dents de dragon,
01:33 etc. permettent à la Russie pour le moment.
01:37 Alors évidemment, ne sous-estimons pas le fait que nous sommes dans une phase préalable
01:42 où l'Ukraine cherche à tester les lignes russes pour voir les zones de fragilité et
01:46 n'a jusqu'à maintenant engagé que peu d'effectifs.
01:49 Donc c'est encore un préalable.
01:54 Il faut souhaiter effectivement que l'Ukraine puisse très rapidement trouver la faille
01:59 parce que l'enjeu, c'est la percée.
02:01 Ce qui m'a inquiété dans les mois derniers, c'est que ma conviction, c'est que pour
02:06 faire la percée, il faut aligner des moyens logistiques qui permettent cette percée.
02:10 Est-ce que l'Ukraine dispose aujourd'hui de l'ensemble de ces moyens ? On voit par
02:13 exemple qu'en matière aérienne, cela reste insuffisant et que la maîtrise de l'air
02:17 est toujours dans les mains de la Russie.
02:19 Et donc de ce fait, il manque peut-être encore quelque chose.
02:23 Et cela doit être un signal, par exemple dans la maîtrise de l'air, par exemple
02:27 dans les missiles de longue portée.
02:29 Et cela doit alerter les Européens et les Américains sur le fait que nous ne devons
02:34 pas être dans la situation d'apporter trop peu trop tard.
02:39 Le facteur temps est important.
02:42 La stratégie ukrainienne doit s'aligner sur les moyens dont l'Ukraine dispose.
02:47 Sachant que l'objectif, il est précis, réussir une percée et se mettre en situation
02:52 de pouvoir infliger un échec à Vladimir Poutine et à partir de là, forcer une négociation
03:00 à son avantage.
03:01 On va venir sur la négociation, mais juste je vous reprends, attention au "trop peu
03:05 trop tard".
03:06 Vous trouvez que l'effort, qui est massif quand même, des Américains et des Européens
03:10 pour donner des armes, des chars et maintenant des avions aux Ukrainiens n'est pas suffisant
03:15 encore ?
03:16 Je ne dis pas cela.
03:17 Ce que je dis, c'est qu'il est important d'avoir une réflexion stratégique avec
03:21 les Ukrainiens sur les moyens exigés pour réussir la percée du front.
03:25 Il faut partir des moyens mis en œuvre par la Russie et à partir de là, il y a un travail
03:29 à faire sur quels moyens sont nécessaires pour obtenir quels objectifs.
03:34 Il est bien évident que dans cette contre offensive, il y a énormément d'espoir qui
03:38 sont mis sur un succès à échéance relativement rapide et il est très important que l'Ukraine
03:44 puisse préserver son momentum.
03:46 Vous savez tous les conséquences psychologiques que pourraient avoir des difficultés rencontrées
03:52 dans cette opération.
03:53 Donc il faut garder ce momentum, garder la pression sur Vladimir Poutine et ne pas relâcher
03:58 l'effort.
03:59 Vous avez vu que plusieurs pays de l'Est comme la Pologne n'excluent plus d'envoyer
04:02 des troupes au sol pour aider les Ukrainiens.
04:04 Qu'en pensez-vous ? Est-ce que là, pour le coup, ce sera un "game changer" ? Est-ce
04:07 que ça, ce serait quelque chose qui irait trop loin, qui nous placerait clairement
04:12 en position de co-belligérance ?
04:13 Vous avez vu la réaction d'un certain nombre de nos partenaires, la réaction française,
04:18 la réaction américaine, évidemment très résistante pour ne pas dire complètement
04:22 opposée sur le plan des principes.
04:24 Cela contreviendrait aux engagements que nous avons pris et cela nous mettrait sans doute
04:27 dans une situation de co-belligérance.
04:29 Je fais la part dans les déclarations de la Pologne de ce qui est aujourd'hui un enjeu
04:34 électoral en Pologne.
04:35 La Pologne est engagée dans la préparation d'élections, elle cherche à éliminer une
04:39 partie de son opposition et c'est pour ça qu'elle a fait une loi tout à fait scandaleuse
04:43 sur la participation d'un certain nombre de médias ou d'un certain nombre de responsables
04:49 politiques avec des forces étrangères.
04:52 Il y a donc aujourd'hui dans le discours de la Pologne des éléments qui doivent être
04:57 pris avec précaution parce que faisant partie de cet engagement électoral.
05:00 Sur la contre-offensive ukrainienne, Emmanuel Macron a déclaré que ce qui se joue dans
05:05 les prochains mois, c'est la possibilité même d'une paix choisie et donc durable
05:08 qui ne peut qu'être fondée sur les choix de l'Ukraine.
05:11 Est-ce que vous le dites aussi Dominique de Villepin, la paix future s'il y en a une
05:16 ne pourra être fondée que sur les choix de l'Ukraine ?
05:18 Que sur les choix de l'Ukraine pour ce qui concerne l'Ukraine.
05:22 Mais je le redis, il y a dans l'enjeu ukrainien quelque chose qui dépasse et de loin l'Ukraine
05:28 et notamment la sécurité des Européens.
05:31 Tant que l'Ukraine réaffirme la souveraineté planée entière sur son territoire, cela
05:36 me paraît la moindre des choses, c'est normal, c'est pour cela que nous sommes engagés
05:39 à ses côtés pour répondre à une agression russe qui doit bien conduire la communauté
05:43 internationale à faire les distinctions entre l'agresseur et l'agressé.
05:47 Mais la question qui se pose c'est est-ce qu'il faudra ménager les Russes dans cette
05:51 discussion-là ?
05:52 La question n'est pas à aucun moment de ménager les Russes.
05:55 La question c'est d'arriver à une paix durable.
05:58 Comment on fait pour arriver à une paix durable ?
06:00 Et bien ça implique effectivement de prendre en compte la situation du vaincu pour faire
06:07 en sorte qu'il n'ait pas la possibilité naturelle et spontanée de nourrir un esprit
06:12 de revanche ou de ressentiment.
06:14 Le problème s'est posé à plusieurs reprises.
06:16 Il s'est posé en 1918 vis-à-vis de l'Allemagne, il s'est reposé en 1945 et vous avez vu
06:22 à quel point les alliés à l'époque et notamment les Américains ont évolué.
06:24 Les Américains voulaient faire de l'Allemagne un grand terrain d'agriculture.
06:30 Le Plor-Morganto était fait, il fallait faire de vastes champs de blé en Allemagne.
06:33 Ils se sont rendu compte que c'était absurde et ils ont finalement adopté une autre stratégie
06:38 de reconstruction.
06:39 Donc soyons capables le moment venu de nous situer dans le temps long.
06:44 Il est bien évident qu'on ne peut pas effacer la Russie de la carte et que la Russie fera
06:49 et continuera de faire partie de l'Europe et d'un ensemble géopolitique avec lequel
06:54 il faudra compter.
06:55 La France, et ce serait un changement notable, semble ne plus s'opposer à une entrée
06:59 de l'Ukraine dans l'OTAN.
07:00 Jusqu'ici Emmanuel Macron s'en tenait à la ligne Merkel-Sarkozy.
07:04 Il y a six mois, il disait encore l'entrée de l'Ukraine dans l'OTAN serait perçue
07:08 par les Russes comme quelque chose de confrontationnel.
07:11 Que pensez-vous de ce changement de doctrine ?
07:13 C'est un changement qui s'inscrit aussi dans un changement de discours.
07:19 Et je pense qu'il a raison.
07:20 Le discours de Bratislava marque la volonté de privilégier l'unité de l'Europe et
07:26 la solidarité entre Européens.
07:27 Vous dites qu'il a raison, parce qu'effectivement il y a eu un changement avec le discours de
07:31 Bratislava où Emmanuel Macron prend en considération les pays de l'Est.
07:35 Voilà, il y a une histoire, il y a une expérience et il y a une situation géographique des
07:38 pays de l'Est sur la ligne de front.
07:40 On doit prendre en compte cette sensibilité-là et il a raison de le faire.
07:45 Et dans ce contexte-là, effectivement, il faut tirer les leçons de ce qui s'est
07:50 passé en 2008.
07:51 Il faut tirer les leçons de ce qui s'est passé avec le pacte de 1994 qui a été passé
08:00 à la poubelle à l'époque.
08:02 Et donc il faut tirer les leçons et ça c'est important de faire les gestes nécessaires.
08:05 Néanmoins, nous savons tous que pour ce qui est de l'avenir, une Ukraine qui se situerait
08:16 dans l'OTAN, cela implique d'avoir une Ukraine en paix.
08:21 Et c'est pour cela que toutes les déclarations qui sont faites sont suspendues à la nécessité
08:27 d'avoir la paix au préalable pour accepter.
08:30 Oui, ce n'est pas l'entrée de l'Ukraine demain matin en pleine guerre.
08:32 Ce n'est pas une décision du sommet de l'Ilius.
08:34 Ni Emmanuel Macron, ni même les Américains.
08:35 Voilà, donc ça fait partie des perspectives pour l'avenir.
08:38 En février, à ce micro, vous estimiez que l'effort diplomatique autour de la guerre
08:41 en Ukraine était insuffisant, notamment pour rallier les pays qui se sentent extérieurs
08:44 au conflit.
08:45 Notamment des pays africains, des pays sud-américains, qui étaient neutres pour ne pas dire autre
08:51 chose vis-à-vis entre les Russes et les Ukrainiens.
08:53 Pour ne pas dire pro-Russes.
08:55 Vous disiez, il faut prendre son bâton de pèlerin.
08:57 Est-ce que ce travail a été fait ?
08:58 Alors, ce travail est en train d'être fait.
09:01 Le président Macron l'a fait en se rendant en Chine.
09:06 Nous voyons aujourd'hui la France accueillant un certain nombre de pays, de grands pays
09:12 émergeant notamment à Paris pour le sommet du pacte financier.
09:17 Voilà la prise en compte des préoccupations des pays du Sud qui aujourd'hui regardent
09:22 le Nord avec le sentiment que le Nord ne se préoccupe pas suffisamment de leurs difficultés.
09:27 Et ils ont raison de se le dire ?
09:28 Par exemple, si on prend le cas du Soudan ?
09:30 Ils ont parfaitement raison.
09:31 Prenez la crise soudanaise aujourd'hui.
09:33 Le Soudan est à Genève pour solliciter le soutien de la communauté internationale
09:38 face au drame qui se déroule aujourd'hui au Soudan.
09:41 Au même moment se déroule la crise en Ukraine.
09:42 Nous n'aurons pas de problème pour répondre aux demandes en matière de reconstruction
09:47 des Ukrainiens.
09:48 Par contre, les Soudanais ne l'accueillent pas.
09:50 Les mêmes réponses s'enthousiastent.
09:52 Et il y a 2 millions de réfugiés dans les derniers mois en Ukraine.
09:58 Il y a 850 000 Soudanais qui se pressent aux frontières pour essayer de partir ailleurs.
10:03 Ces Soudanais pour partie se retrouveront en Europe.
10:06 Pourquoi ne nous en rajoutons pas suffisamment ou davantage pour essayer de rétablir l'équilibre
10:13 de la situation au Soudan ?
10:14 Pour contribuer à trouver une solution à la guerre des généraux qui existe là-bas.
10:17 Et quand les Africains se déplacent en Ukraine et à Moscou, ils ont bien évidemment en
10:23 tête ce deux poids deux mesures.
10:25 L'Europe est aujourd'hui entièrement mobilisée par l'Ukraine.
10:28 Elle ne se préoccupe pas suffisamment des problèmes du monde.
10:31 Alors même que ces problèmes du monde nous rattrapent, nous le voyons avec la question
10:35 de l'immigration.
10:36 Avec la question de l'immigration.
10:37 Et juste un mot sur ce bateau qui s'était échoué dans les mers la semaine dernière.
10:41 700 personnes mortes.
10:43 Le New York Times hier disait que peut-être, pointait clairement du doigt les gares de
10:48 côte grecques.
10:49 Mais comment c'est possible encore aujourd'hui ?
10:51 On a fait une matinale spéciale lundi.
10:53 Comment c'est possible, alors que ce n'est pas nouveau, on sait que les migrants arrivent
10:57 tous les jours, que 700 personnes meurent en mer au large de nos côtes ?
11:01 Et je ne fais pas de la morale, ce n'est pas une question de moralisation.
11:04 Cela montre que le durcissement, le rejet, le refus aujourd'hui de voir cet équilibre
11:14 ou ces questions identitaires être bouleversées davantage, nous conduit à certains égards
11:20 même à nous renier nous-mêmes, à renier les principes d'assistance à personnes en
11:24 danger, à renier notre humanité.
11:27 Et c'est là où il faut faire attention.
11:28 Parce que ce n'est pas le confort de ces certitudes ou de ces principes qui consistent
11:34 à penser que trop d'immigration doit nous conduire à fermer nos frontières.
11:37 Ne l'oublions pas, ceci dans le monde d'aujourd'hui est extrêmement difficile, voire impossible.
11:43 Ce n'est pas comme ça que cela se fait.
11:45 Par contre, empêcher des guerres de se développer, travailler à la source, là où les crises
11:50 se développent, au Moyen-Orient, en Afrique, ça c'est quelque chose que nous pouvons
11:53 faire.
11:54 Mais malheureusement, nous ne sommes pas assez présents dans la gestion, dans la recherche
11:59 de solutions vis-à-vis de ces crises.
12:00 En Europe, on voit les accords entre des parties de droite classique et d'extrême droite
12:04 se multiplier, des accords de gouvernement.
12:06 C'est le cas en Italie, en Suède, en Finlande.
12:08 Qu'est-ce que ces alliances vous inspirent ? Est-ce qu'elles seraient envisageables en
12:13 France, imaginables ?
12:14 Malheureusement, elles sont plus qu'envisageables.
12:18 Aujourd'hui, on ne peut avoir le sentiment, quand on regarde la politique française,
12:21 qu'il y a un mouvement naturel qui se fait dans le sens de la droitisation et une marche
12:27 vers l'extrême droite qui paraît difficilement arrêtable.
12:30 Je pense que le point de départ de cela, c'est le sentiment d'impuissance publique.
12:36 À partir du moment où les Européens, nos compatriotes, ont le sentiment que la décision
12:43 politique n'a plus de prise sur la réalité et que cette réalité, ils la refusent, elle
12:48 représente la mondialisation qui les assaille, leur niveau de vie et leur pouvoir d'achat
12:53 qui baisse, le sentiment que ça profite à d'autres dans le cadre de la mondialisation,
12:57 à des pays du Sud, mais qu'eux vont voir leur position régresser, le sentiment que
13:02 les services publics se dégradent, le sentiment que l'éducation et la santé sont menacés.
13:05 À partir de ce moment-là, il y a effectivement le sentiment, pourquoi pas, carrément basculé,
13:12 pourquoi ne pas essayer d'autres partis politiques, avec parfois des phénomènes
13:17 souvent illusoires.
13:18 Je prends le cas par exemple de l'immigration au Danemark.
13:20 Oui, c'est plus facile de régler la question de l'immigration au Danemark compte tenu
13:24 de la taille du pays, ce qui ne veut pas dire que les mesures appliquées au Danemark dans
13:26 un des grands pays européens auraient la même efficacité.
13:29 C'est ça, c'est-à-dire que vous avez tous les leaders de la droite qui se précipitent
13:32 au Danemark, les uns après les autres, de votre ancien parti, Dominique de Villepin,
13:35 et qui reviennent en disant "c'est les sociodémocrates, regardez, c'est pas l'extrême droite qui
13:40 le fait et qui le ferme".
13:41 Mais je vois bien ce concours démagogique qui vise à s'aligner sur le plus dur, celui
13:46 qui créera le plus fort, celui qui préconisera la mesure la plus inhumaine et la plus intransigeante
13:54 susceptible d'avoir de l'efficacité.
13:55 Au bout du compte, ce sont des discours qui s'ajoutent au discours et qui nourrissent
13:59 l'extrême droite.
14:00 Oui, mais quelle est la solution ? Quand vous voyez que les sondages montrent par exemple
14:03 que l'ascension du RN semble inexorable, je dis "semble" et je mets des guillemets,
14:10 quand on voit aussi les sondages qui montrent, on en a parlé aussi la semaine dernière,
14:15 que plus de 6 Français sur 10 disent qu'il y a trop d'immigrants en France.
14:18 Quel est le contre-discours que vous pouvez faire quand de plus en plus de gens vous disent
14:21 "on a tout essayé, essayons Marine Le Pen".
14:24 Remettre de l'ordre dans nos affaires, je crois que c'est extrêmement important.
14:27 Arrêter cette fuite en avant, fuite en avant financière.
14:30 Il y a eu la conférence des finances publiques, il est temps d'arrêter le quoi qu'il en coûte.
14:34 Il faut reprendre le contrôle de la situation dans notre pays, reprendre le contrôle des
14:40 services publics, remettre en marche les administrations.
14:42 Je crois que gouverner, gouverner enfin devient la priorité quand nous n'avons pas cessé
14:51 de croire qu'il fallait à tout prix réformer.
14:53 Gouverner, ça passe avant réformer.
14:57 Gouverner, c'est remettre de l'ordre chez soi.
14:59 Et pour cela, on n'a pas besoin de faire passer des lois.
15:01 On a tous un moment besoin d'avoir des ministres, d'avoir des administrations qui sont clairement
15:06 avec des feuilles de route et qui cherchent à avancer pas à pas en améliorant les dispositifs.
15:11 Ce n'est pas le cas.
15:12 Non, ce n'est pas le cas.
15:13 Pourquoi ? C'est un défaut d'incarnation, ça répond de quoi ?
15:15 Parce que gouverner, c'est difficile, ça demande une autorité sur son administration,
15:19 ça demande une reprise en main de l'État et ça demande moins de communication.
15:23 Et je pense que la politique est en train de céder à la communication, d'où la fuite
15:27 en avant dans laquelle nous sommes dans le sens de la démagogie et du populisme, là
15:30 où le travail de gouvernement, le travail d'autorité de l'État n'est pas effectué,
15:36 en tout cas pas suffisamment.
15:37 En France, on voit que la droite cherche clairement à concurrencer Marine Le Pen sur l'immigration
15:42 avec deux propositions de loi, dont l'une qui veut faire déroger la France aux traités
15:46 européens sur les questions migratoires et organiser un référendum sur ces mêmes questions.
15:51 Comment vous voyez l'évolution des LR sur ce sujet, leur approchement, le fait d'aller
15:57 sur le terrain du RN ?
15:58 Je crois que c'est une erreur stratégique.
16:01 Ils perdront non seulement leur identité, mais leurs valeurs, leurs principes, les principes
16:08 qui avaient été clairement fixés à l'époque jusqu'à Jacques Chirac.
16:13 Cette dérive est, je crois, en plus extrêmement dangereuse pour l'équilibre de notre vie
16:18 politique parce que derrière ces propositions qui ont l'air de bonne volonté, il y a en
16:25 fait une faiblesse de conviction sur l'importance de l'État de droit.
16:30 Et très, très, mine de rien, nous sommes en train d'évoluer de la démocratie libérale
16:35 à la démocratie illibérale, qui est celle pratiquée par quelqu'un comme Victor Orban.
16:40 Vous pensez qu'on y est ?
16:41 Je pense que nous sommes dans cette dérive-là.
16:42 Vous pensez qu'on est en train de basculer vers une démocratie illibérale ?
16:45 D'ailleurs, vous citez les Républicains, il y a chez les Républicains un certain nombre
16:47 de grands admirateurs de Victor Orban.
16:49 Je pense que les digues sont en train de sauter et je pense que sur le plan de la réflexion
16:56 stratégique, compte tenu du sentiment d'impuissance qui existe, un certain nombre de responsables
17:01 politiques ont le sentiment, y compris à droite, qu'il n'y a pas d'autre solution
17:06 que de monter encore d'un cran, quitte à carrément passer du côté des extrêmes.
17:11 Alors sur l'application de France Inter, des questions assez générales.
17:16 Que pensez-vous du projet de dissolution des soulèvements de la terre, ce mouvement écologiste
17:21 qui arrive au Conseil des ministres, la dissolution aujourd'hui ?
17:24 Ecoutez, je n'ai pas de conviction sur ce sujet, faute d'informations suffisantes,
17:30 donc je me garderais bien de donner un sentiment définitif sur ce sujet.
17:33 Darougard vous demande si vous pourriez devenir le Premier ministre LR si Emmanuel Macron
17:41 vous le demandait.
17:42 Je ne suis pas LR, j'aurais dû m'adrenir à Premier ministre.
17:45 Vous avez David qui dit « est-ce que Domique de Lupin est en train de se positionner pour
17:48 Matignon ? »
17:49 Non, certainement pas.
17:50 J'essaie de donner mon point de vue modestement à votre matinale.
17:54 Sur la Chine, bonjour M. de Villepin.
17:57 Peut-il nous donner son avis sur l'état des droits de l'homme en Chine et sur la menace
17:59 sur Taïwan ? Merci.
18:00 La question des droits humains est une vraie question que nous avons vis-à-vis de la Chine
18:06 et c'est un différent très profond que nous partageons avec les autres pays européens
18:11 et à chaque visite nous remettons ce sujet.
18:15 Donc c'est un enjeu, c'est une différence.
18:17 Et donc nous devons évoquer ces questions et en parallèle essayer de faire émerger
18:22 sur des sujets d'intérêt commun, on parle de l'écologie, de la transition écologique,
18:28 essayer de dégager des méthodes de travail.
18:30 Donc c'est difficile parce que effectivement nous avons là un différent extrêmement
18:34 profond.
18:35 Cela ne doit pas nous empêcher d'être capable de travailler ensemble à la paix en Ukraine.
18:40 Vous avez vu la déclaration cette nuit de Joe Biden après la visite de Blinken, Anthony
18:44 Blinken, son secrétaire d'état.
18:45 La visite avait été reportée plusieurs fois et finalement elle est allée à Pékin.
18:48 Il a rencontré Xi Jinping en début de semaine.
18:50 Ils ont tous les deux acté d'un début d'apaisement, blabla.
18:54 Et cette nuit, Joe Biden qui dit "Xi Jinping est un dictateur".
18:58 Oui, ce n'est pas la première fois que Joe Biden utilise ce type de vocabulaire.
19:04 Je ne suis pas convaincu que ce soit le bon vocabulaire sur la scène politique et la
19:08 scène diplomatique, surtout à un moment où manifestement les États-Unis souhaitent
19:11 rétablir un minimum de contact avec la Chine et où la Chine pose clairement les choses.
19:15 Bien évidemment nous le souhaitons, mais à condition qu'il n'y ait pas d'ingérence
19:20 dans les affaires intérieures chinoises.
19:21 Jeudi et vendredi, demain et après-demain, se tient à Paris le sommet de Paris pour
19:28 un nouveau pacte financier mondial.
19:30 C'est à l'initiative d'Emmanuel Macron.
19:31 L'objectif est d'aider les pays en développement à financer leur transition écologique.
19:36 Hier, à ce micro, Esther Duflo nous disait que ce sont les pays riches qui sont responsables
19:41 du dérèglement climatique et que c'est à eux de payer pour les pays pauvres.
19:45 Vous êtes d'accord avec elle ?
19:46 Je suis très largement d'accord avec elle.
19:49 Je crois que nous sous-estimons la responsabilité que nous avons en matière d'exemplarité.
19:53 Parce que nous sommes des pays plus développés, parce que nous avons profité de la croissance
19:58 et parfois même abusé de cette croissance au cours des derniers siècles, nous devons
20:02 donner l'exemple.
20:03 Je pense la même chose en matière démocratique.
20:05 La capacité à donner l'exemple, on parlait des droits humains vis-à-vis de la Chine,
20:11 est toujours plus importante que de donner des leçons.
20:14 Appliquons à nous-mêmes ces règles, faisons vivre cette démocratie, faisons vivre l'exigence
20:21 écologique.
20:22 On voit bien par exemple au moment de la crise en Ukraine que nous avons préféré parer
20:27 au plus pressé plutôt que d'utiliser le chemin un peu plus long qui nous aurait permis
20:31 de trouver des solutions plus écologiques en matière énergétique.
20:35 Nous n'avons pas fait ce choix malheureusement.
20:37 C'est-à-dire ?
20:38 C'est-à-dire que nous avons préféré trouver d'autres sources d'approvisionnement plutôt
20:42 que de rechercher des moyens de trouver des réponses décarbonées.
20:48 Donc nous n'avons...
20:49 On aurait dû...
20:50 Le nucléaire, c'est une phrase sur le nucléaire.
20:52 Ce n'est pas seulement le nucléaire, mais parce que le nucléaire, je vous rappelle,
20:56 est une énergie décarbonée.
20:57 On a trop tardé à...
20:58 Nous avons trop tardé à essayer de mettre en place des mécanismes, de rechercher des
21:03 solutions qui puissent nous permettre d'apporter des réponses décarbonées.
21:07 Donc je crois que dans ce domaine, oui, l'exemplarité est l'essentiel et c'est à nous qu'il appartient
21:14 de montrer le chemin.
21:15 Et pour financer cette fois la transition écologique de la France, le rapport Pisani-Maffouz
21:19 a mis sur la table la proposition d'une taxation provisoire des Français les plus riches, un
21:24 ISF vert comme il a été rebaptisé dans le débat public.
21:27 L'exécutif a dit non.
21:29 Mais que pensez-vous de l'idée ?
21:30 Je crois que l'idée est bonne.
21:32 J'y crois que l'idée est bonne parce que, là encore, qui dit exemplarité dit à ceux
21:38 qui sont les mieux placés, les plus riches, de donner l'exemple.
21:41 Donc je ne dis pas qu'il ne faut pas le faire avec prudence.
21:45 Il ne s'agit pas de casser notre économie, de pointer du doigt.
21:48 Mais je pense que dans ce domaine, oui, il appartient aux plus riches de donner l'exemple
21:53 et de montrer le chemin.
21:55 Comment vous expliquez la position d'Emmanuel Macron et de Bruno Le Maire sur ce sujet qui
21:59 est de dire non systématiquement en expliquant qu'une taxe exceptionnelle devient toujours
22:04 pérenne et donc je me méfie des taxes exceptionnelles, ce que disait Bruno Le Maire.
22:08 Mais j'ai raison du point de vue de la.
22:09 Oui, mais du coup, il y a une opposition depuis six ans, depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron,
22:14 à l'idée de taxer de manière, je ne sais pas si exceptionnelle ou pas, l'idée de la
22:20 taxe sur les riches.
22:21 Il y a deux explications sous-jacentes.
22:22 Il y a deux explications sous-jacentes.
22:23 Il y a l'idée économique qui est de dire si on taxe ceux qui sont susceptibles de nous
22:29 permettre de dégager de nouvelles capacités productives, on se tire une balle dans le
22:35 pied, ce qui n'est pas faux.
22:37 Mais il y a une deuxième explication qui est politique, qui vise à privilégier ceux
22:41 qui soutiennent la politique d'un gouvernement ou d'un président et éviter de se les mettre
22:46 à dos.
22:47 Je pense que dans la difficulté dans laquelle nous sommes, une fois de plus, c'est une
22:53 difficulté dans laquelle, une fois de plus, il faut se mettre en ordre de bataille.
22:54 Nous sommes aujourd'hui confrontés à des difficultés exceptionnelles.
23:00 On le voit sur le front de la guerre, on le voit en matière économique, on le voit sur
23:03 le plan social, on le voit sur le plan identitaire.
23:06 Et il faut donc accepter de prendre des mesures qui sont susceptibles de redonner un certain
23:12 sentiment de justice au sein de la société française.
23:15 Aujourd'hui, il y a une suspicion qui existe dans notre pays, il y a une colère, il y
23:19 a le sentiment que c'est toujours les mêmes qui sentirent que le fossé se creuse entre
23:22 les élites et le peuple.
23:23 Il faut donc ressouder cette société.
23:25 Et pour que nous soyons capables de recréer un pacte de confiance, il faut accepter que
23:31 ceux qui en ont plus donnent l'exemple et fassent davantage.
23:35 Je crois que c'est une exigence absolue de solidarité au sein de nos sociétés.
23:39 Ça va contre l'idée que dans la mondialisation, il y a le risque qu'un certain nombre de
23:43 ceux qui s'élèvent…
23:44 Vous connaissez l'argument.
23:45 Si on monte l'impôt sur les riches, ils vont partir.
23:48 Parce que la France a le taux de prélèvement obligatoire le plus grand déjà, le plus
23:52 important de ses voisins.
23:53 Vous connaissez les contrariés.
23:54 Bien sûr, mais c'est pour ça que je dis pacte de confiance.
23:56 Il s'agit de recréer les conditions de l'unité de la société française.
24:01 On se bat pour maintenir une unité européenne.
24:03 Mais aujourd'hui, c'est la nation française qui est menacée de fragmentation et menacée
24:07 d'effritement parce que nous ne menons pas de combat commun.
24:10 La vie des plus puissants et la vie de ceux qui au quotidien rencontrent des difficultés
24:17 n'est pas la même.
24:18 Il n'y a pas le sentiment d'être embarqué dans la même aventure nationale.
24:21 Donc il faut récréer un récit dans lequel chacun est à sa place et chacun contribue
24:26 à la mesure de ses capacités.
24:28 Une dernière question internationale.
24:30 On a assisté à une montée de tension en Cisjordanie.
24:32 Avant-hier, un raid militaire israélien dans la ville de Jenin a fait cinq morts, 91 blessés
24:37 parmi les Palestiniens.
24:38 C'est la première fois depuis 18 ans que l'armée israélienne a eu recours à un
24:43 hélicoptère de combat avec des missiles contre des Palestiniens en Cisjordanie.
24:47 Comment avez-vous analysé cette escalade de la violence ?
24:50 Je n'ai jamais cessé d'être inquiet devant l'évolution de la situation au Proche-Orient.
24:56 Je le suis encore plus du fait de l'évolution de la politique israélienne de Benjamin Netanyahou.
25:03 La volonté de s'en prendre à la Cour suprême montre une dérive extrémiste.
25:09 Aujourd'hui, la politique intérieure israélienne, je crois, comporte des risques importants
25:15 pour la sécurité d'Israël.
25:16 C'est-à-dire que la menace est intérieure.
25:18 Elle est dans la politique même qui est menée, qui déséquilibre les institutions du pays,
25:23 déséquilibre la situation du pays dans son environnement immédiat.
25:27 On ne peut pas être heureux tout seul.
25:28 Et aujourd'hui, on voit bien, les tensions montent, les tensions s'accroissent alors
25:32 que les possibilités géopolitiques pour Israël n'ont jamais été aussi importantes.
25:37 Possibilité d'une normalisation des relations avec l'Arabie saoudite, possibilité, suite
25:42 aux accords d'Abraham, d'élargir ses soutiens dans la région.
25:45 Je trouve très regrettable la situation.
25:47 - Dominique Deville, merci.

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