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Xerfi Canal a reçu Clotilde Coron, professeure agrégée des universités, Université Paris-Saclay, pour parler de la satisfaction professionnelle.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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Transcription
00:00Bonjour Clotilde Coron, vous êtes professeure agrégée des universités à l'université
00:13Paris-Saclay.
00:14Papier dans la revue française de gestion, numéro 316, « Sentiment de satisfaction
00:19des docteurs en début de carrière et conditions d'emploi, une analyse au prisme du genre
00:23», donc papier que vous avez publié avec Mathieu Laffont et Anis Amokran.
00:27Papier extrêmement intéressant, j'ai droit au but, c'est en gros il faut pousser
00:31les femmes à faire des doctorats.
00:33Alors, je résume la thèse, on va creuser ensemble cette question.
00:38D'abord il y a un paradoxe, c'est le paradoxe de la satisfaction genrée, est-ce que vous
00:41pouvez nous l'expliquer ?
00:42Oui, alors ce paradoxe a été identifié à la base plutôt dans des pays anglo-saxons
00:46et il renvoie au fait que quand on interroge les salariés femmes et hommes, souvent les
00:51femmes en moyenne déclarent un niveau de satisfaction à l'égard de leur emploi
00:56supérieur au niveau de satisfaction des hommes, alors qu'on sait qu'elles font
01:00face à des conditions d'emploi souvent plus précaires, plus difficiles.
01:03C'est typiquement le cas sur la rémunération, souvent les femmes déclarent un niveau de
01:06satisfaction à l'égard de la rémunération plus élevé que le niveau de satisfaction
01:11des hommes alors qu'elles sont moins bien payées, donc ça c'est le paradoxe.
01:14C'est le grand paradoxe, alors pourquoi pour essayer de travailler ce paradoxe on s'intéresse
01:18à une population particulière, les docteurs ?
01:21Parce qu'une des pistes d'explication de ce paradoxe c'est que les femmes ayant conscience
01:27des inégalités et des discriminations auraient des attentes inférieures finalement à celles
01:31des hommes à l'égard de leur emploi et or on peut supposer que ce n'est plus le cas
01:35chez la population des docteurs puisque ce sont des personnes qui de toute façon investissent
01:39beaucoup sur le plan du diplôme et donc finalement sur le plan professionnel et que donc dans
01:45cette population-là, les femmes auraient des attentes similaires à celles des hommes.
01:49D'accord, alors quand on creuse auprès de cette population, qu'est-ce qu'on trouve ?
01:54Alors donc notre article porte sur une enquête qui a été menée auprès de 2000 docteurs,
01:59donc des données collectées par l'entreprise Adopt Talent Management. Alors on trouve plusieurs
02:05choses, d'abord que les conditions d'emploi, notamment la rémunération, le type de contrat,
02:11sont un déterminant fort de la satisfaction à l'égard de l'emploi, donc jusque là pas de
02:15surprise. Mais on trouve aussi que chez cette population-là des docteurs, il n'y a pas de
02:19différence entre femmes et hommes sur le plan de la satisfaction à l'égard de l'emploi. Donc
02:23effectivement déjà le paradoxe de la satisfaction genrée, il semble diminué pour cette population.
02:28Et l'autre chose qu'on montre, et c'est peut-être ça qui effectivement conduit à penser qu'il faudrait
02:34que les femmes fassent des doctorats, c'est qu'il n'y a pas d'inégalité, notamment quand on contrôle
02:38l'effet de la discipline, il n'y a pas d'inégalité entre femmes et hommes sur le plan des qualités
02:42des conditions d'emploi. C'est-à-dire qu'à discipline équivalente, les femmes et les
02:47hommes qui intègrent le marché du travail après un doctorat ont à peu près les mêmes conditions
02:51d'emploi en moyenne, ce qui est extrêmement rare, parce qu'on sait très bien qu'en France,
02:54les femmes et les hommes n'ont pas les mêmes conditions d'emploi. Les femmes sont beaucoup
02:57plus à temps partiel, elles sont moins bien rémunérées, mais ce n'est pas le cas pour cette
03:01population des docteurs. Donc ça peut s'expliquer d'abord parce que le doctorat pourrait être une
03:07forme de protection finalement contre les inégalités. Ça peut s'expliquer aussi d'une
03:12autre façon. Malheureusement, quand on ne contrôle pas l'effet de la discipline, on voit quand même
03:16qu'il y a des inégalités entre femmes et hommes. Ça veut dire que les disciplines les plus
03:20féminisées de recherche donnent accès à des conditions d'emploi moins favorables que les
03:25disciplines les plus masculinisées de recherche. Quand on a fait un doctorat dans une discipline
03:30en sciences humaines et sociales, on n'a pas les mêmes conditions d'emploi que quand on a fait un
03:32doctorat dans une discipline des sciences dures, par exemple. Donc finalement, ça peut contribuer
03:36in fine aux inégalités entre les femmes et les hommes. Mais quand on contrôle l'effet de
03:40discipline, en revanche, il n'y a pas d'inégalités. Et donc effectivement, le doctorat semble prémunir
03:45les individus contre les inégalités de genre. Un point qui est extrêmement intéressant dans
03:51votre article, c'est secteur académique versus secteur privé aussi. C'est-à-dire que vous dites,
03:55en revanche, il y a une forme de frustration souvent quand on est docteur de ne pas avoir
03:59pu intégrer le monde académique. Mais vous dites surtout que cette frustration est alimentée par
04:04le manque de reconnaissance du doctorat au sein du secteur privé. Donc là,
04:07il y a un enjeu absolument majeur. Oui, tout à fait. Parce que dans notre enquête,
04:12on voit aussi si les individus sont allés plutôt dans le secteur privé et dans le secteur public,
04:16ou dans le secteur public hors recherche aussi. Il y a différentes catégories. Et ce qu'on
04:21constate, c'est qu'il y a quand même une forme de satisfaction à l'égard des conditions d'emploi,
04:26même pour des personnes qui ont pu aller dans le privé. Mais ça montre aussi que valoriser le
04:31doctorat auprès des entreprises pourrait permettre effectivement à cette population des docteurs
04:36d'avoir la même satisfaction à l'égard des conditions d'emploi, quel que soit le secteur
04:40finalement dans lequel ils se dirigent. L'égalité professionnelle, c'est au cœur du débat politique,
04:46très clairement, homme-femme. Donc un des moyens d'y contribuer, c'est de valoriser le doctorat.
04:51C'est ce que vous rappelez dans cet article, et de le valoriser auprès du monde privé. Et je
04:56termine juste en précisant que l'enquête date de 2015, c'est ça ? Et vous dites, et vous avez
05:00tout à fait raison, qu'il y a eu l'inflation, il y a eu la crise sanitaire, il y a eu tout ça,
05:04donc il méritera d'être poursuivi. Donc vous reviendrez nous en parler, parce que c'est un
05:07sujet extrêmement intéressant, très attaché ici à la valorisation du doctorat. Avec plaisir, merci.
05:12Merci Clotilde. Merci Jean-Philippe.

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