Anne Fulda reçoit Eric Neuhoff pour son livre «Lettre ouverte à François Truffaut» dans #HDLivres
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00:00Bienvenue à l'Heure des Livres, Éric Neoff.
00:02On ne vous présente pas, on vous connaît.
00:04Critique, littéraire, écrivain,
00:06fou de littérature américaine, fou de littérature tout court,
00:09fou de cinéma.
00:10Vous avez déjà écrit plusieurs livres,
00:11et là, vous republiez,
00:13enfin, plutôt, les éditions Albin Michel republie,
00:15une lettre ouverte à François Truffaut
00:17que vous aviez publiée en 1984.
00:20Alors, c'est comme une déambulation,
00:22comme dirait Emmanuel Macron aujourd'hui.
00:24Ça commence bien.
00:27L'occasion de réactualiser
00:30un hommage sans fleur ni couronne
00:31que vous avez fait pour ce cinéaste
00:33qui aimait, lui aussi, les femmes et les livres.
00:36Alors, vous écrivez, bien des choses se sont passées
00:37depuis ce 31 octobre 1984.
00:39Je ne suis pas sûre qu'elles vous auraient plu.
00:41Ces tensions, vous aurez cherché des poux dans la tête
00:43parce que vous aviez engagé Gérard Depardieu.
00:47C'est vrai, on imagine mal Truffaut
00:50dans le cinéma d'aujourd'hui, dans ce qu'il est devenu.
00:52Oui, et puis surtout, ça fait 40 ans,
00:55et je crois que la disparition de Truffaut,
00:57le cinéma français ne s'en est pas remis,
00:59parce que c'était quelqu'un qui tenait le machin à bout de bras,
01:02qui faisait croire que ça existait encore,
01:04que ça avait de l'importance et que le cinéma pouvait être un art.
01:07Et depuis, on a vu ce qui s'est passé.
01:09Et oui, effectivement, aujourd'hui,
01:11L'homme qui aimait les femmes,
01:13c'est un titre qui ne pourrait plus exister.
01:15Il serait obligé de dire
01:17L'homme qui aimait les femmes et les hommes.
01:19Et puis, le sujet lui-même aurait du mal à passer.
01:22Et c'est pour ça que je trouve que Truffaut,
01:25il n'a pas subi de purgatoire du tout.
01:28C'est sa force, depuis 40 ans.
01:30Tous les mois, il y a un nouveau livre qui sort sur lui.
01:33Il est connu dans le monde entier. Il y a des rétrospectives.
01:36Tous les films, sauf L'homme qui aimait les femmes,
01:39sont disponibles en DVD.
01:41Et puis, c'était quelqu'un qui avait une générosité,
01:43une intelligence, un humour, qui nous manque cruellement.
01:47Alors, vous le rappelez, il est mort à l'hôpital américain,
01:51ce qui peut être un clin d'oeil à son oeuvre.
01:54Il est enterré au cimetière Montparnasse, pas très loin.
01:57Montmartre.
01:58Montmartre, pardon.
02:00Pas très loin de la mer d'Antoine Douanel.
02:03Cela dit, vous le disiez, de cette époque,
02:06il ne reste pas grand-chose, finalement, des femmes
02:08comme des actrices, comme Catherine Deneuve et Fanny Ardant.
02:11Ce sont les vigies. C'est celles qui restent.
02:13C'est celles qui maintiennent...
02:15Le cadre, entre guillemets.
02:17L'appartement dans l'état où il aurait dû être
02:20quand on l'a trouvé.
02:21Oui, c'est des actrices à l'ancienne,
02:24mais qui font rêver les gens
02:25et qui ont une filmographie assez étonnante
02:28et qui ont toutes les deux tourné avec Truffaut,
02:31sinon plus.
02:32Vous dites 40 ans après sa mort, Truffaut.
02:35Il est plus jeune que tous ses successeurs.
02:38Il restera éternellement l'homme d'à côté.
02:41Il est comme ça une référence indépassable,
02:44ce que vous disiez à l'instant ?
02:46Oui, parce qu'il a eu la chance, entre guillemets,
02:48de disparaître à ses jeunes.
02:50Et ça, c'est un atout, c'est une fatalité.
02:53Mais on reste dans les mémoires
02:54avec le physique qu'on avait à ce moment-là.
02:57Et pour les gens, ça restera éternellement
03:00Antoine Douanel, sous les traits de Jean-Pierre Léaud,
03:02qui lui est toujours vivant.
03:04Et qui est le dernier témoin
03:07de ce qu'a été la nouvelle vague.
03:08C'est très émouvant.
03:10Et puis, cette histoire d'Antoine Douanel,
03:12c'est un cas unique dans le cinéma,
03:14d'avoir pris un personnage
03:16et de l'avoir fait vieillir avec le même acteur
03:19comme un héros de balzac dans la comédie humaine.
03:22C'était le côté littéraire de Truffaut
03:24qui nous manque aussi beaucoup.
03:25Parce qu'effectivement, il aime les femmes,
03:28on le disait à l'instant.
03:29D'ailleurs, il y a une femme version Truffaut.
03:31Vous réclamiez des grandes bringues inaccessibles,
03:34des femmes qui donnent des gifles et des remords,
03:36capables d'arracher leur tailleur Chanel
03:38dès que la situation l'exige.
03:39Un peu influencée par Hitchcock.
03:41Oui, les grandes blondes hitchcockiennes.
03:43Et puis, des femmes de cinéma,
03:45des femmes comme il n'en existe pas vraiment dans la vie.
03:47C'est pour ça qu'on aimait Truffaut.
03:49Et puis, ça a toujours été le petit gamin solitaire
03:53qui regardait les jambes des femmes
03:55à travers un soupirail
03:57comme Trintignant dans le dernier film Vivement Dimanche.
04:00Vous le disiez, il aime aussi les livres.
04:02D'ailleurs, les métiers autour du livre
04:04sont toujours très présents dans ses films.
04:06Oui, et puis, il y a même deux de ses héros,
04:08Douanel et le Charles Denner de l'Homme qui aimait les femmes,
04:11qui publient un roman sous la couverture Flammarion,
04:14qui ne s'appelle pas Flammarion dans le film.
04:16Et Antoine Douanel, tout gamin,
04:19élève un hôtel à Balzac avec une bougie
04:21qui manque mettre le feu à la maison.
04:23Et les livres comptent énormément dans les films de Truffaut.
04:26Il y a toujours quelqu'un qui a un livre à la main
04:29et il y a toujours des bibliothèques.
04:32Et il a adapté beaucoup de livres,
04:34dont Jules et Jim, et grâce à lui,
04:36Henri-Pierre Rocher est devenu un auteur connu.
04:39Il nous fait voyager aussi.
04:41Il est parisien, mais ses films se passent rarement à Paris.
04:45Il y en a beaucoup à Paris, mais il est allé...
04:47Il y en a pas mal, quand même.
04:48Il est allé à Lisbonne pour La Peau douce,
04:50qui est peut-être un de ses plus beaux films,
04:53en tout cas le plus cruel.
04:54Il est allé à Nice, à Montpellier.
04:56Et pour La Sirène du Mississippi,
04:58c'était dans les Dom-Toms.
05:01Et à Montpellier aussi, beaucoup.
05:03Et à Nice, à la Victorine, pour La Nuit américaine.
05:06Mais c'était sur son passeport.
05:10Date de naissance, c'est Hollywood
05:12ou les studios de la Victorine.
05:14Vous avez toujours une photo de lui,
05:16celle de Jean-Luc Sief, 59, sur votre bureau.
05:19Hélas, je l'ai perdu au cours d'un déménagement,
05:21mais j'ai toujours sa photo et ses films dans ma tête.
05:24En tout cas, je vous conseille de lire ce livre.
05:27C'est un très joli livre.
05:29C'est paru chez Albain Michel.
05:30Merci beaucoup, Eric Neuf.
05:32Merci à vous.