Anne Fulda reçoit Olivier Frébourg pour son livre «Frère unique» dans #HDLivres
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00:00 - Bienvenue à l'heure des livres, Olivier Frébourg. - Bonjour Anne Fulda.
00:03 - Vous êtes auteur, vous êtes éditeur aussi.
00:06 Et vous venez de publier "Frère unique",
00:09 publié au Mercure de France.
00:12 C'est un très beau livre qui mêle émotion et colère,
00:17 souvenirs heureux et analyses plus froides.
00:22 Alors, mon frère Thierry était un héros classique,
00:25 il est mort d'une tragédie moderne.
00:26 Je vais vous raconter mon frère et cette tragédie.
00:28 Un professeur de médecine emmené à la mort par la main de son propre hôpital.
00:32 C'est une parabole de l'effondrement de notre maison commune, l'hôpital public.
00:35 Ce sont les premiers mots de votre livre.
00:37 J'imagine que vous auriez préféré ne jamais devoir les écrire.
00:40 - Absolument.
00:42 - C'est votre manière de protester contre ce que vous appelez une triple peine
00:45 qui vous a frappé, vous et votre famille.
00:48 - Oui, mon frère a d'abord été un homme d'une générosité absolument incroyable.
00:53 Outre le fait qu'il était un scientifique et un pionnier de la génétique en France,
00:58 c'était un homme qui avait une audace de vivre absolument incroyable,
01:02 un charisme, un aspect solaire absolument magnifique.
01:06 Et en effet, alors qu'il était professeur de médecine au CHU de Rouen,
01:11 pour une maladie absolument bénigne, à savoir une névrite optique,
01:16 eh bien, il a été entraîné dans le couloir de la mort
01:20 par une faute à la fois d'une infirmière et par un manque d'encadrement médical
01:24 puisque pas moins de 7 fautes graves ont été relevées par les experts médicaux.
01:28 Alors en effet, ce livre c'est à la fois un livre qui est un hommage, ça ne veut rien dire,
01:34 c'est un mot un petit peu valise, mais je crois beaucoup à la fidélité
01:39 que l'on doit aux êtres qui nous ont le plus porté, qui nous ont le plus apporté.
01:43 Ça c'est l'aspect je dirais rayonnant de cet ouvrage.
01:46 Et en même temps, pour moi l'hôpital c'était ma maison commune.
01:50 Nous avons été élevés dans l'admiration de l'hôpital public.
01:53 Et la façon dont mon frère a été victime de cet accident,
01:57 et en outre le comportement absolument indigne et d'une lâcheté incroyable de l'hôpital,
02:02 m'ont amené, si vous voulez, à ce cri de colère.
02:05 Parce que quand un homme a donné presque 40 ans de sa vie à un hôpital
02:08 où il a été étudiant interne et où il est revenu pour créer ce service de génétique si éclatant,
02:15 eh bien l'hôpital aurait dû au moins avoir une attitude de dignité, de vérité sur les conditions de sa mort.
02:20 Or tout a été fait pour dissimuler à la fois les conditions réelles de ce qui s'était passé,
02:26 et ensuite le mensonge, l'omerta, ont recouvert, si vous voulez, les conditions de la disparition de mon frère.
02:34 Alors vous avez décidé de porter plainte.
02:38 Est-ce que c'est... Enfin j'ai vu qu'il y avait eu des résultats.
02:44 Est-ce que les médecins, les sanctions assez légères qu'ils ont encourues,
02:50 vous apaisent d'une certaine façon ou cela ne suffira évidemment jamais ?
02:54 Les sanctions sont toujours extrêmement symboliques et évidemment elles ne réparent en rien l'absence d'un être cher.
03:01 Ce combat a été mené beaucoup par ma belle-sœur qui est elle-même médecin dans ce même hôpital
03:06 et qui en tant que médecin a trouvé absolument insupportable la façon dont les responsables médicaux
03:12 avaient été absents pendant tout ce qui s'était passé.
03:15 Et donc l'éthique médicale c'est une chose extrêmement importante.
03:18 Ce livre je l'ai écrit à la fois en pensant à la jeunesse
03:22 et parce que je pense que de la part de médecin on doit attendre un supplément d'âme et d'humanité plus fort que n'importe quel homme.
03:28 Je veux dire, l'hôpital, on y est tous confrontés à un moment ou à un autre dans notre vie
03:33 et avec la vieillesse de la population on le voit un peu plus chaque jour
03:37 dans quelles conditions terribles les hôpitaux publics français sont actuellement.
03:42 Et je pense que si vous voulez, toute mort révèle une époque, elle signe une époque.
03:48 Et en fin de compte mon frère est mort à la fois d'un manque de moyens et en même temps d'incompétence.
03:52 Et donc en effet rien ne répare l'absence mais cette condamnation elle est quand même forte
03:59 parce que c'est rare que des médecins de l'hôpital public soient condamnés.
04:02 Un médecin a été quand même condamné à 4 mois de suspension,
04:05 un chef de service a un blâme.
04:07 Ce sont des choses assez rares dans la jurisprudence concernant les hôpitaux publics.
04:10 Donc en effet tout ça ne répare pas ce terrible manque, cette tragédie.
04:19 Mais je pense que tout individu quand il est face à une tragédie doit essayer
04:23 justement d'apporter son centimètre de vérité pour rendre le monde à tant soit peu meilleur.
04:29 Et je pense que le mot fraternité c'est un mot dont nous avons besoin aujourd'hui plus que jamais.
04:33 Oui, alors justement à propos de fraternité, ce livre n'est pas que l'analyse des dysfonctionnements
04:38 d'un hôpital qui traduit celui de l'hôpital en général.
04:41 L'inhumanité, vous parlez d'inhumanité plusieurs fois,
04:43 mais c'est aussi les liens particuliers qui unissent deux frères, c'était votre frère cadet.
04:48 C'est comme une forme de couple, ce que vous dites à un moment.
04:52 C'est aussi les souvenirs de jeunesse que vous évoquez, la martinique, la profession de vos parents.
05:00 C'est tout ça aussi, tout est mélangé.
05:04 Qu'est-ce que vous pouvez espérer aujourd'hui puisque vous lui avez rendu un bel hommage ?
05:08 Justement, je pense que si vous voulez, on ne dit jamais assez le bonheur que l'on a eu dans une famille.
05:15 Aujourd'hui souvent les livres écrivent pour dire que quelque chose ne va pas dans une famille.
05:19 Moi j'ai eu la chance d'avoir une enfance absolument heureuse et magnifique, voyageuse en Outre-mer,
05:26 avec en effet un père qui était capitaine de Longcourt.
05:30 Nos parents nous ont donné ce goût du voyage, de l'audace et de la joie de vivre.
05:36 Je pense que la joie de vivre c'est une chose qui se transmet aussi,
05:40 c'est un goût, une vitalité de découvrir le monde.
05:43 Je pense que si vous voulez, à travers ce livre, j'ai voulu rendre un hommage quasi mythologique à mon frère
05:50 parce que c'était un héros au sens grec du terme.
05:54 Dans sa force de vie, dans sa jeunesse et par cette volonté qu'il avait toujours de transmettre sa passion.
06:02 On est souvent dans un monde où les passions tristes règnent.
06:05 Quand il y a des passions joyeuses, il faut le faire savoir.
06:08 En tout cas c'est réussi, c'est vraiment un très beau livre, je vous le conseille vivement.
06:12 Ça s'appelle "Frère unique". Merci Olivier Fribourg.
06:15 Merci Anne Fulda.
06:16 [Musique]
06:20 [SILENCE]