• il y a 4 heures
Félix Radu exprime sa passion pour les mots, il parle de l'impact qu'ils ont sur notre vie de tous les jours. Au cours de la discussion, il explique comment chaque mot, en plus de son sens basique, peut évoquer des images, provoquer des émotions et créer des liens entre les gens. Avec simplicité et enthousiasme, Félix Radu montre que le langage est un art accessible à tous, rempli de nuances qui permettent d'exprimer les pensées et les sentiments les plus profonds.

Cet échange est un vrai voyage dans l’univers d’un amoureux des mots. Félix raconte comment les mots, pour lui, sont comme des petits êtres vivants qui nous aident à rêver et à imaginer autrement. En l'écoutant, on est invité à redécouvrir l'importance du langage et la façon dont il influence notre vision du monde, nous rappelant que la communication est avant tout un moyen de se connecter aux autres, un mot après l'autre.
Transcription
00:00Il y a un pari à faire, c'est soit tu restes en Belgique
00:02et tu fais ce que tu peux comme carrière,
00:05soit tu reprends tout à zéro à Paris
00:07et tu prends le risque de perdre ce que tu avais,
00:09c'était pas grand chose mais c'est ce que tu avais,
00:10et de jamais y arriver,
00:12et de te ruiner.
00:13J'ai pas réfléchi longtemps,
00:14moi j'avais très envie d'aller me confronter à Paris,
00:16j'avais très envie de recommencer tout à zéro,
00:17j'avais envie de tomber amoureux d'une parisienne
00:20et de tomber amoureux sous la tour Eiffel,
00:21enfin le fantasme belge de Paris quoi.
00:23Donc je suis arrivé là, j'ai tout recommencé,
00:25j'ai joué dans une salle à Paris qui s'appelle La Petite Loge,
00:27qui est le plus petit théâtre de Paris,
00:29c'est une salle de 12 places,
00:31et quand tu rentres dans ton 10 mètres carré avec des cafards
00:34et que tu dors dans ton lit où tu dois dormir accroupi,
00:36tu regardes par la fenêtre et tu te dis
00:37« ouais je galère, ah putain c'est dur et je me sens seul »,
00:40mais c'est ça la vie quoi,
00:42c'est là où je veux être, c'est dans le cœur de la culture,
00:44et Paris malgré tout ça reste un cœur battant culturel quoi,
00:48il se passe tellement de choses,
00:49il y a tellement de spectacles,
00:50tellement d'artistes qui espèrent et qui rêvent à faire des carrières
00:52que t'as l'impression d'être dans la grande intrigue de la vie,
00:57d'être le héros de ton roman quoi.
00:58J'ai toujours aimé l'expression « tu me manques ».
01:01Comment l'autre pourra-t-il nous manquer comme ça du jour au lendemain,
01:04alors qu'avant sa rencontre tout allait bien ?
01:07Pour moi « tu me manques » ça revient à dire
01:10« tu m'as toujours manqué, je l'ignorais jusqu'ici, voilà tout ».
01:14J'avais mes parents derrière moi à Paris,
01:15et heureusement parce que j'avais besoin d'eux,
01:16je ne gagnais pas assez d'argent,
01:18encore moins quand j'ai recommencé, je ne gagnais rien, je perdais,
01:20et quand j'ai commencé à pouvoir payer mon loyer au bout de deux ans,
01:22ça a été une fierté de leur dire « arrêtez de me faire les versements là,
01:25c'est bon, je tape le SMIC, je peux payer mon loyer ».
01:27Pareil, c'est grâce à eux que finalement aujourd'hui c'est vraiment mon métier,
01:30c'est-à-dire que j'étais à Paris, je ne remplissais pas,
01:32je faisais trois spectateurs,
01:33et un spectateur m'a dit « tu sais, pour réussir dans ce métier,
01:37il faut faire le Festival d'Avignon ».
01:38Et le Festival d'Avignon c'est un festival qui coûte une fortune,
01:41où tu dois payer des frais dans tous les sens,
01:43tu dois louer un théâtre, payer des prospectus, des flyers,
01:45et espérer être repéré là-bas,
01:47parce que c'est un épicentre où tous les producteurs, tous les programmateurs viennent.
01:51Et je l'ai dit à ma mère en disant « apparemment il faut faire Avignon ».
01:54Elle a regardé le prix,
01:56et elle m'a dit « je vais hypothéquer la maison et on va y aller alors ».
01:59En espérant que ça fonctionne, si ça ne fonctionnait pas,
02:01on était tous les trois ruinés, mais ruinés, j'ai ruiné,
02:05on avait tout mis, on n'avait plus d'économie.
02:07Alors en gros, pourquoi on t'a fait venir ?
02:08C'est simple, tu sais que je n'ai jamais vraiment osé écrire sur toi,
02:12du coup j'ai voulu faire l'exercice pour l'album d'écrire une chanson pour toi.
02:18Donc il y a une chanson pour toi dans l'album.
02:19Donc il y avait ma mère, mon beau-père, mes sœurs,
02:23et mon grand-père, et mon avocat.
02:26Et on allait dans les rues, et on flyait vraiment familialement,
02:29en mode « venez, ça peut être super, machin ».
02:31Et en fait on a eu énormément de chance,
02:32c'est que dès le premier jour, on a fait complet,
02:34et on a fait complet tous les jours, ce qui était inespéré, vraiment inespéré.
02:37Et la chance qu'on a eue, c'est que dans cette foule,
02:39par le hasard d'une rencontre, se trouve un énorme producteur
02:43qui reste 15 minutes à tout casser dans la salle, il s'en va,
02:47il appelle le théâtre et il dit « j'ai adoré, je veux le rencontrer ».
02:51Non, tac, t'es pas tout seul, mais arrête de pleurer comme une madeleine,
02:54viens, on va prendre le car 33,
02:57et on boira des demi chez Eugène, et tu me feras le coup du coucou.
03:00Même si j'aimais pas ça, non, tac, t'es pas tout seul.
03:02Je me retrouve à table dans un hôtel de luxe avec une dame qui s'appelle Caroline,
03:07et elle me dit « on va vous signer jeune homme ».
03:10Elle a entendu le contrat, j'ai fait « oui madame ».
03:13Ils ont été producteurs de mon spectacle et de ma pièce.
03:15J'étais avec la fille dont j'étais fou amoureux.
03:17Premier jour d'Avignon, elle sait les enjeux, elle arrive au festival d'Avignon,
03:21elle me dit « j'ai rencontré quelqu'un d'autre, je pense plus que je sois amoureuse de toi,
03:25je suis désolée, je m'en vais ». Elle part deux jours plus tard.
03:28Le festival d'Avignon, en gueule de bois sentimentale.
03:35Je devais assumer, j'étais malheureux.
03:37J'ai souvenir que je pleurais tous les jours, tout le temps.
03:40Et j'allais à la salle de spectacle, je m'asseyais sur les banquettes vides avant que les gens rentrent,
03:45ma mère venait, elle m'attrapait par le col, elle me disait
03:48« il y a des gens, ils ont payé et ils ont besoin d'un peu de légèreté, donc on va y aller maintenant ».
03:52Et je jouais mon spectacle.
03:54C'est bien parce que ça apprend la définition de ce métier.
03:56Il y a des jours où tu ne seras pas bien, il y a des jours où tu n'auras pas envie,
03:59il y a des jours où même tu auras toutes les raisons de pleurer
04:01et il va quand même falloir réussir à trouver la force de faire rire les autres.
04:04À ce moment-là, le spectacle que j'ai défendu au festival d'Avignon,
04:06c'était un seul en scène qui s'appelait « Les mots s'imposent »,
04:09qui était vachement basé sur le jeu de mots et le partage littéraire.
04:13Le but, c'était de se réapproprier la langue française, de jouer avec.
04:17Mon premier testeur, ça a été mon père, du coup, qui n'a jamais lu un livre,
04:19qui n'a jamais été passionné par ça et qui même considère que la philosophie, c'est secondaire.
04:24D'arriver avec un texte, de le lire et de discuter, de débattre avec lui,
04:28c'était une de mes premières victoires.
04:30Lorsque mon daron a commencé à comprendre que c'était mon métier,
04:33on est arrivé à une époque de la vie où tu es suffisamment grand
04:36que pour parler à ton père, non pas comme un père, mais comme un individu d'égal à égal.
04:41C'est tellement agréable d'avoir cette relation avec ses parents.
04:43C'est devenu des gens que je peux appeler en chagrin d'amour, qui me donnent des conseils.
04:47J'en ai marre de cette idée préconçue que la poésie doit être faite par des héros antiques
04:52et comprise que par des sommèmes intellectuels dans des classes sociales qui ne verraient pas le soleil.
04:58La poésie, il n'y a rien de plus humain et par définition, c'est dans le cœur de tous les hommes,
05:02même ceux qui ne lisent pas, même ceux qui n'aiment pas lire.
05:05Elle est partout, quoi.
05:06Il fallait que ce soit drôle.
05:07Victor Hugo, il a écrit « L'humour, c'est la politesse du désespoir ».
05:10L'humour, c'est la seule chose qui nous reste quand on est gamin et qu'on est un peu désespéré.
05:13J'ai joué ce spectacle longtemps, j'ai joué dix ans.
05:15Eh bien d'abord, je vais prendre note de vos fausses notes.
05:19Je dis, vous voulez me faire chanter, c'est ça ?
05:23Pas du tout, enfin. Pas du tout.
05:27Une note notée note rien à notre professionnalisme.
05:31Quoi ?
05:32C'est-à-dire, monsieur, que j'ai comme la sensation que lorsque l'on me note, j'ai un peu les points liés.
05:37Un peu.
05:38Il est bien continuer comme ça, alors, et aller chanter dans les chœurs.
05:42Je dis, dans les églises ?
05:43Oui, parce que quand vous chantez seul, même la chorale.
05:50Lorsque les choses commencent à s'accélérer, que par exemple, les salles commencent à se remplir,
05:53que la radio, ça marche bien,
05:55j'ai longtemps pensé que justement, il y avait une forme de soulagement.
05:57Un truc en mode, c'est bon, j'y suis arrivé.
06:01Il n'y en a pas du tout.
06:02C'est même pire.
06:03C'est l'inverse qui se passe.
06:04C'est un piège.
06:06Le travail appelle le travail et tu as envie de tout faire.
06:08Et puis, dès que tu as une opportunité, tu veux la saisir pour peut-être agrandir le truc.
06:11Il y a le rythme qui change.
06:13Les enjeux qui changent aussi.
06:15Parce que quand tu te plantes devant une salle de 12 personnes,
06:17franchement, tu dors bien la nuit, ça va.
06:19Mais quand tu te plantes devant une salle de 300 personnes,
06:22quand tu te plantes sur une chronique devant 6 millions de personnes,
06:25tu as l'impression d'être naze.
06:26Et puis, les gens te le font savoir.
06:28Les gens peuvent te le dire.
06:29La littérature, ça nécessite un peu de patience.
06:32Et la société nous le pardonne un peu.
06:34On a besoin que tout aille vite.
06:36Et on passe très vite à autre chose.
06:37Il faut que tout soit très vite donné.
06:39Et c'est parce qu'elles arrivent doucement que c'est joli.
06:41Parce que si tu as des résumés des oeuvres,
06:43tu kiffes moins que quand tu lis le truc.
06:45Il faut savoir trouver cette parenthèse-là dans le monde qui court.
06:47C'est difficile.
06:48Donc, on ne peut pas en vouloir aux gens qui lisent moins ou qui ne lisent pas.
06:50Le monde va vite.
06:51Et c'est normal que quand tu rentres chez toi,
06:53tu ne te vois pas te mettre en pause
06:55alors que ton téléphone vibre,
06:56alors que tu sais qu'il se passe plein de choses à la télé.
06:59La poésie ne peut pas disparaître.
07:00Il n'y a pas d'alerte à la poésie.
07:01Elle va disparaître.
07:02Alerte.
07:03Non.
07:04Les formats changent.
07:05Les théâtres, peut-être, certains vont se fermer,
07:07d'autres vont s'ouvrir.
07:08Et ça aura d'autres tronches.
07:09Et il y aura d'autres langages.
07:10Et il y aura d'autres mots.
07:11Et c'est OK.
07:12Tout est toléré au théâtre.
07:13Il n'y a rien de trop.
07:14En fait, même l'excès est séduisant au théâtre.
07:17Et je me sens moi-même sur un plateau bien plus que dans la vie.
07:20Dans la vie, il y a des comportements qui ne sont vraiment pas OK.
07:23Mais qui, dans des œuvres, peuvent paraître vraiment cool.
07:26Il y a des comportements, par exemple, que tu peux trouver trop cool dans la série,
07:29mais qu'il ne faut pas faire dans la vie.
07:31Il faut savoir laisser la fiction là où elle est.
07:33Quand tu regardes, par exemple, je ne sais pas, prenons au hasard
07:35une pièce d'Alfred de Musset que j'aime,
07:37« Les caprices de Marianne », avec Célio et Octave.
07:40Célio est très amoureux de Marianne.
07:42Et il lui fait de ces déclarations en mode « je vous aime, je vous aime ».
07:47Et en fait, c'est sublime de voir un homme à genoux
07:51face à quelqu'un qu'il trouve beau
07:53et de lui dire « je ne peux plus vivre sans vous ».
07:55Mais dans la vraie vie, ça s'appelle de la dépendance affective.
07:58L'amour me bouleverse.
08:00Les gens que j'aime me tétanisent.
08:03Quand j'étais petit, j'étais très impressionné par la beauté.
08:05Quand je dis « beauté », pareil, c'est un mot qui, je trouve, a perdu de sa superbe.
08:08C'est qu'aujourd'hui, quand on dit « beauté »,
08:10la plupart des gens l'entendent comme une sorte de beauté physique.
08:12Pour moi, la beauté, ça tient davantage d'une harmonie.
08:14Quand tu vois des gens beaux, ça te met un coup de poing dans le ventre.
08:18La première fois que je suis tombé amoureux, j'avais 20 ans, j'étais à Paris.
08:22Elle était comédienne.
08:24Et à l'époque, j'avais l'impression de l'aimer de la bonne manière.
08:26Et quand je regarde aujourd'hui, avec mes yeux de 28,
08:29je me dis « putain, mec, t'as tout faux ».
08:31La pièce de théâtre Rosé Mossimo aussi, je l'ai écrite très rapidement.
08:34Je l'ai écrite en 10 jours.
08:36Mais je l'ai écrite tous les jours.
08:38Je me levais sur mon PC, je m'endormais dessus.
08:40Et puis je l'écrivais pour une fille dont j'étais amoureux.
08:43Donc j'avais beaucoup d'inspiration.
08:45Je la trouvais superbe.
08:47Et il s'avère que j'ai eu beaucoup de chance, c'est qu'elle est tombée amoureuse de moi.
08:49Et on a eu une jolie histoire qui a duré un an.
08:51J'en étais fou amoureux.
08:53Et j'avais envie de lui écrire un rôle à sa hauteur.
08:55J'avais envie de lui offrir son travail.
08:57Je sais que c'était une grosse appréhension qu'elle avait
08:59de ne pas travailler, de ne pas trouver de taf en sortant d'école.
09:02Et je lui avais dit « Hey, si ils te font un rôle à la hauteur,
09:06je vais te l'écrire, il sera à toi. »
09:08Et je suis parti lui déposer à son école.
09:11Et Rosé Mossimo, c'est une histoire d'amour
09:13entre Rose, qui est censée être interprétée par elle,
09:16et Mossimo, qui était censée être interprétée par moi,
09:19qui sont un peu nos penchants poétiques.
09:21Ce n'est pas tout à fait nous, mais c'est nos caractères amplifiés.
09:25Et c'est ça que ça raconte, Rosé Mossimo.
09:27C'est une déclaration d'amour.
09:29C'est un gros « je t'aime » en vers.
09:32Et puis pareil, j'avais tout le temps envie qu'on soit ensemble.
09:35J'avais tout le temps envie de la voir, de la sentir, de la toucher.
09:38J'étais tout le temps dans un roman.
09:41Il fallait que ce soit une nouvelle scène qui démarre à chaque fois.
09:44J'étais tout le temps dans la théâtralité,
09:46dans le besoin de créer de l'événement,
09:48de faire des surprises, des cadeaux.
09:50Je la couvrais de cadeaux.
09:52Et évidemment, c'est cool de recevoir un cadeau,
09:54mais quand on reçoit trop, c'est trop.
09:56Il y a une phrase de Saint-Exupéry qui me parle beaucoup.
09:58Il a écrit « j'étais trop jeune que pour savoir l'aimer ».
10:00Elle a essayé plusieurs fois de me dire « attention,
10:02tout ça m'épuise, tout ça c'est trop. »
10:05Et je n'ai pas pu le comprendre à l'époque
10:07parce que ça ne rentrait pas dans mon logiciel.
10:09Et en grandissant, à force de faire des histoires
10:11et de comprendre un peu pourquoi ça merde,
10:13pourquoi ça réussit, tu te dis « en fait, effectivement,
10:15arrête de rechercher l'amour avec le grand A,
10:17essaie de trouver l'amour avec le petit A d'abord. »
10:19Donc ça a été très difficile de faire le deuil de la romance.
10:22Aimer, c'est une action,
10:24et c'est une action qui n'est pas si simple que ça.
10:26Ce n'est pas parce que tout le monde l'a fait
10:28que tout le monde l'a réussi.
10:30C'est comme les omelettes.
10:32Mais il y a un truc...
10:34Ça met du temps de comprendre comment aimer correctement quelqu'un.
10:37Malheureusement, ça recommence à zéro à chaque nouvelle personne
10:39parce que chaque relation est une nouvelle histoire,
10:42un nouvel univers avec ses propres règles et ses propres lois.
10:45Donc je peux comprendre qu'il y ait des gens qui aient très facile à dire « je t'aime »
10:48et d'autres qui aient beaucoup plus de mal à le dire.
10:50Peut-être d'abord parce qu'ils n'ont pas la même définition de ce mot.
10:53Peut-être que pour certains, « je t'aime »,
10:55ça veut juste dire « j'éprouve en ce moment énormément d'affection pour toi,
10:58je te remercie d'être dans ma vie. »
11:00Et peut-être pour d'autres, « je t'aime »,
11:02ça prend racine dans un truc très profond
11:04d'admettre la nécessité de l'avoir.
11:07Donc ce ne sont pas les mêmes « je t'aime ».
11:09Peut-être que tout le monde aura facile à dire le « je t'aime » que moi je dis
11:12et peut-être qu'on aura plus de mal à dire le tien.
11:15Est-ce que c'est la peur d'être fragile ?
11:18Est-ce que c'est la peur d'admettre à l'autre que s'il s'en va, tu vas souffrir ?
11:21Est-ce que c'est l'attente de toi d'être un homme solide ?
11:24Ou d'être une femme solide ?
11:26C'est sûr que si ça te pèse de ne pas le dire,
11:29c'est intéressant de savoir ce qui t'empêche de le faire.
11:31Je pense que quand tu aimes quelqu'un, tu dois lui vouloir du bien.
11:35Et quelquefois, le bien de l'autre, c'est d'être sans toi.
11:38Et l'entendre, c'est le premier pas d'une belle maturité sentimentale.
11:42Et c'est pour ça que j'espère être facile à quitter.
11:45Quand quelqu'un me dit « je ne suis plus amoureux », je dis « ok, ça va être difficile,
11:49tu vas me manquer terriblement, mais merci pour tout ce qu'on a vécu,
11:52merci pour tout ça et je vais rentrer chialer ma race ».
11:55Ça m'est déjà arrivé d'avoir l'inverse.
11:57C'est-à-dire qu'on attendait de moi une romance et un romantisme littéraire
12:01parce qu'on a projeté sur moi, de par mon métier ou de par les interlocutions que je peux avoir.
12:06Ça m'est déjà arrivé qu'une femme que j'ai aimée courtement,
12:10c'est-à-dire 3-4 mois, me dise « c'est décevant,
12:13je m'attendais à des fleurs tous les jours et des poèmes tous les jours
12:17et toi quand je me lève le matin en train de dessiner sur ton...
12:20Hey, je suis un individu, j'ai mes jours, parfois je suis fatigué,
12:23je veux juste me caler sous un plaid ».
12:25Mais je reste persuadé que le mieux pour deux êtres qui s'aiment,
12:28c'est de s'épargner ça.
12:30Et on met certainement toute une vie à savoir où est la limite
12:34entre soi et ce qu'on est prêt à concéder.
12:37Peut-être qu'on attend de moi que je fasse des choses plus rapides,
12:40moins sentimentales.
12:42Peut-être qu'on attend de moi que je sois plus viril, plus solide.
12:45Et c'est justement parce que je ne suis pas dans la bonne époque
12:48et que je suis trop sensible que ça va ouvrir la brèche
12:51et diriger peut-être vers une époque plus sereine.
12:55Chaque individu est né à la mauvaise époque
12:57parce que celle qui lui correspond, c'est la sienne.
13:00Elle n'existe pas encore.
13:02On est tous un peu bancal dans cette époque et dans toutes les autres.
13:05Je pense que si toutes les personnes qui sont mal dans cette époque
13:08s'en allaient dans les bonnes époques, ce serait terrible.
13:11Cette époque serait triste.
13:13Si t'es à l'étroit dans le monde, c'est que t'es là pour le changer.
13:17On est là pour repousser les barrières.
13:19Je ne suis pas bien dans la godasse, mais elle va se faire.
13:21Aujourd'hui, on est connecté au monde,
13:23donc on est constamment assailli du désir.
13:25Au lieu de pouvoir rencontrer plein de gens,
13:27tu tombes plus vite sur un vrai individu qui te plaît pour de vrai.
13:29Ce qui n'était pas tout à fait vrai dans un monde où il y avait moins de gens.
13:32Quand tu faisais ta vie dans ta ville,
13:34c'est certain que tu rencontrais l'amour
13:36et tu rencontrais tout le temps les mêmes gens.
13:38Tu es un peu dans ta bulle.
13:40Mais l'idée de me sentir libre de partir, déjà,
13:42quand je regarde le couple de mes grands-parents qui ne s'aimaient plus,
13:45qui se parlaient mal,
13:47mon grand-père traînait en haut et ma grand-mère en bas,
13:49j'aurais envie de dire heureusement qu'on ne vit plus ça,
13:52qu'on ne s'enferme plus avec quelqu'un
13:55Je pense qu'on peut vivre plein de grandes histoires d'amour
13:57et que le monde est rempli de gens aimables.
13:59Donc je ne pense pas qu'on s'aime moins, peut-être qu'on s'aime mieux.
14:01Il manque le manque de l'autre.
14:03C'est la seule chose peut-être qui fait tâche au tableau.
14:06C'est qu'avant, on avait l'opportunité de s'oublier un peu, de se manquer.
14:11C'était quoi ? C'est Musset qui avait écrit
14:13« Le plaisir des départs, ce sont les retrouvailles ».
14:15Je pense que c'est un des combats de notre époque et de notre génération.
14:18C'est de rendre à la sensibilité son humanité.
14:23Par-delà d'attribuer des caractéristiques à un quelconque genre.
14:27Très clairement, je suis quelqu'un qui est sensible à l'idéalisation
14:31et il faut que je prenne garde de ne pas me perdre dans une rêverie.
14:34Un livre que j'ai adoré, c'est « L'histoire d'une rupture ».
14:37C'est un jeune homme qui est fou amoureux de son amante.
14:40Un soir, il fait tomber sa fourchette sans faire exprès.
14:43Il ramasse la fourchette en dessous de la table
14:45et il voit que son amante a les deux genoux sur un autre homme
14:47et que l'homme a la main entre ses cuisses.
14:49Et là, c'est la fin de sa vie. C'est la rupture.
14:51Le livre raconte comment on se remet d'une rupture amoureuse.
14:54Par quel chemin on essaye de passer.
14:56Il passe d'abord par le désespoir.
14:58Ensuite, il passe par la débauche.
15:00Le fait de coucher partout, de faire la fête et de se bourrer la gueule tous les jours.
15:03Ensuite, par la relation pansement.
15:05C'est un chemin que tout le monde vit, que tout le monde traverse
15:07quand tu te fais quitter, quand tu te fais tromper.
15:09Et ça, c'est les confessions d'un enfant du siècle, d'Alfred de Musset.
15:13Si tu veux découvrir un livre, c'est d'aller te paumer dans une librairie,
15:16dans un magasin de bouquins et juste lire les quatrièmes de couverture.
15:19C'est la meilleure manière de découvrir un livre, de base.
15:21Comme ça, c'est dit.
15:22En littérature, c'est comme au jeu vidéo, il y a des levels.
15:24Et ça ne sert à rien d'aller vouloir bourriner un level 100 si tu es encore au level 1.
15:28Saint-Exupéry, par exemple, dans Le Petit Prince.
15:30Bah, Le Petit Prince, ça se lit super vite, ça se lit super bien.
15:33C'est ultra philosophique et c'est ultra intéressant.
15:36Donc déjà, moi, si tu n'as pas l'habitude de lire, je te conseille de redécouvrir Le Petit Prince.
15:39Ensuite, tu peux découvrir des auteurs qui sont trop cool et trop chill, zéro prise de tête.
15:43Comme En attendant beau jungle.
15:45Ce livre est sublime, il est trop beau, il se lit trop facilement.
15:48C'est une belle manière de rentrer dans la littérature.
15:51Et puis ensuite, à force de lire des bouquins comme ça, qui sont cools,
15:54tu vas commencer à vouloir aller tacler du plus âpre, du plus compliqué.
16:00Tu vas commencer à rentrer dans le Victor Hugo.
16:02Et là, on va y aller, quoi.
16:04Donc, démarre avec des livres OK, même des BD, des magazines.
16:07On s'en fout, lis.
16:09Et au fur et à mesure, tes prétentions et tes envies, elles vont monter en grade.
16:12Et puis, tu vas te taper La Recherche du Temps Perdu.
16:14Courage.
16:15C'est bien, La Recherche du Temps Perdu.
16:17C'est long, mais c'est bien.
16:19Comment est-ce qu'on peut donner un conseil à un jeune auteur, admettons ?
16:23Il faut écrire des choses qui nous plaisent, dans un premier lieu.
16:26Il y a beaucoup de gens qui posent la question de l'inspiration,
16:29de savoir qu'est-ce qui plaît, comment est-ce qu'on fait.
16:31Rilke a écrit un livre sublime qui s'appelle Lettre à un jeune poète.
16:34Ce n'est pas un livre, ce sont des lettres qu'on a mis en livre.
16:36Et dedans, il explique plein de grandes phrases très jolies sur la littérature
16:41et comment aborder son métier.
16:43Ensuite, comment le faire lire ?
16:45Internet est ton ami.
16:46Tu peux créer un compte Insta, un blog, un forum, un site.
16:51Tous les moyens sont bons pour avoir des lecteurs.
16:53Ensuite, si tu es élu ou pas, ça ne te regarde pas,
16:55ce sera aux autres de le faire.
16:56Mais si toi, ça te plaît, c'est que forcément, ça plaira à quelqu'un d'autre.
16:59Et même si c'est qu'une seule personne, c'est déjà largement suffisant.
17:03Bouleverser le destin de quelqu'un, ça paraît rien, mais c'est beaucoup.
17:05Pour ce qui est de se faire éditer, c'est un bordel, on ne va pas se mentir.
17:08C'est un bordel.
17:09C'est la guerre.
17:10Courage.
17:11La meilleure chose à faire, peu importe le métier,
17:13c'est de ramer toi-même pour ta propre barque.
17:16Tu n'as pas besoin qu'un éditeur t'édite, auto-édite-toi.
17:20Si tu penses que ta personnalité ou ta sensibilité
17:23ou ta perception de toi ou des autres te fait défaut,
17:27c'est tout simplement parce que tu n'es pas dans le bon décor
17:29et que tu n'es pas avec les bonnes personnes.
17:30Certainement, ta sensibilité éclairera la vie de plein d'autres gens dans un autre endroit.
17:35Il ne faut pas s'abandonner soi,
17:37il faut abandonner les autres qui te font sentir quelqu'un d'autre.
17:39Les principales choses qui font ta différence,
17:41c'est ce qu'il y a de plus sublime chez toi.
17:43Il y a des trucs nazes qui se sont passés dans mon enfance,
17:45des trucs dont je ne suis pas fier, pas reluisant.
17:48J'ai eu des grosses défaites, j'ai eu des humiliations.
17:52Le fait de survivre à ça, le fait de les laisser derrière,
17:56malgré tout, ça t'offre quelques fois des belles leçons.
18:00La sensibilité, elle s'est peut-être dessinée comme ça.
18:03Le besoin d'écrire, il s'est peut-être dessiné par là.
18:07La peur de jamais suffire, la peur de jamais satisfaire,
18:10la peur de ne pas être assez, le besoin d'être aimé et d'aimer.
18:14Tout ça a été certainement tracé, exacerbé par ces événements.
18:20On ne remonte pas dans le temps, on va vers l'avant nous.
18:23Ce n'est pas par là qu'on va.
18:252024, ça va être une année particulière parce que j'ai arrêté le spectacle,
18:28j'ai arrêté la pièce, j'ai arrêté mon sol en scène.
18:30Je suis officiellement plus comédien.
18:32Je suis en train de bosser sur un projet secret dont je ne peux pas parler,
18:35qui va normalement en sortir durant l'année.
18:37C'est vraiment une année de renouveau.
18:39J'ai hâte de cette année qui va être très particulière.

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