• il y a 16 heures
Après la prise de parole de Gisèle Pelicot, retour sur un procès pour l’Histoire, avec la journaliste et chroniqueuse judiciaire au Monde Pascale Robert-Diard et le journaliste du service police-justice de France Inter, Jean-Philippe Deniau.

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Transcription
00:00Dans le Grand Entretien aujourd'hui, retour sur un procès hors norme suivi dans le monde
00:06entier.
00:07Une figure héroïque, 51 hommes accusés d'avoir violé Gisèle Pellicot alors qu'elle était
00:13droguée par son ex-mari.
00:15Elle a longuement pris la parole pour la première fois cette semaine devant la cour criminelle
00:19d'Avignon.
00:20Chers auditeurs, toutes les questions, les réactions au 01 45 24 7000 ou sur l'application
00:27Radio France.
00:28On parle donc du procès Mazan qui se tient à Avignon avec une journaliste qui est l'une
00:34des grandes plumes du journal Le Monde et une voix familière des auditeurs d'Inter.
00:40Il nous emmène chaque semaine dans le prétoire, c'est le titre de sa chronique.
00:45Lui travaille au service Police Justice.
00:47Pascale Robert-Diar et Jean-Philippe Degnaud, bonjour à tous les deux.
00:51Bonjour.
00:52Et merci infiniment d'être avec nous pour essayer de comprendre à la fois les enjeux
00:57et de refaire le film de ce qui a commencé le 2 septembre en Avignon.
01:03Vous êtes l'un et l'autre habitués des tribunaux, des salles d'audience.
01:07Vous avez rendu compte de nombreux procès et notamment de procès qui ont même marqué
01:11l'histoire judiciaire.
01:13Pascale Robert-Diar et vous Jean-Philippe Degnaud pour Inter, qu'est-ce que celui-ci
01:19a d'unique, de véritablement hors du commun ?
01:22Pascale Robert-Diar.
01:24J'aurais volontiers laissé Jean-Philippe répondre en premier parce que je l'ai pris
01:28en cours.
01:29Je vais répondre quand même.
01:31La première chose qui est hors du commun, sans doute, c'est le fait que ce procès
01:38est plus raconté à l'extérieur qu'à l'intérieur.
01:44C'est-à-dire que la dimension, la passion qu'il suscite, les débats qu'il suscite,
01:51l'impact qu'il va avoir à la fois sur une modification du code pénal, sur les
01:55rapports hommes-femmes, sur les fantasmes des hommes, tout ce qu'on découvre en allant
02:01dans ce procès est tellement gigantesque que le procès, normalement, déclenche quelque
02:07chose.
02:08Là, en fait, c'est le débat extérieur qui recouvre presque le débat judiciaire.
02:12C'est ça à mon avis.
02:13Jean-Philippe Degnaud.
02:14Oui, techniquement aussi, il y a une particularité.
02:18De mon expérience, c'est la première fois que je vais à un procès où il y a 50 accusés
02:24et une victime.
02:25Il y a cette particularité-là qui est inhérente à ce procès.
02:29Au-delà de ça, comme l'explique très bien Pascal, c'est effectivement un procès.
02:33Quand on est à l'intérieur de la salle d'audience, d'ailleurs, on ne se rend pas forcément
02:36compte du tam-tam sociétal.
02:39On s'intéresse plus à l'audience du jour, au cas de ces 50 accusés qui sont examinés
02:46les uns après les autres, à Gisèle Pellicot, évidemment.
02:50Mais quand on ressort, on se prend déjà cette salve d'applaudissements du public
02:55qui suit le procès dans une autre salle d'audience.
02:57Ça continue ça.
02:58Tous les jours.
02:59Tous les jours.
03:00Tous les jours, matin, midi, soir.
03:01Il y a des calicots partout, en sortant, dans Avignon, en face du Palais.
03:06Par exemple, cette semaine, il y a quelque chose de nouveau, il y a une espèce d'énorme
03:09chœur qui a été dessiné sur les remparts.
03:14C'est très particulier.
03:16Et le tribunal reçoit des lettres du monde entier.
03:19Du monde entier.
03:20Du monde entier.
03:21Le procès est suivi dans différents pays.
03:24Mercredi, Gisèle Pellicot a été invitée à s'exprimer pour livrer ses impressions
03:29après près de 50 jours d'audience.
03:32Vous avez écrit dans Le Monde, Pascal Robert-Diarc, qu'une femme « invaincue » était apparue.
03:36Beaucoup ont parlé d'elle comme d'une héroïne.
03:39Invaincue ? En quel sens ?
03:41Elle qui disait qu'à l'intérieur, elle était totalement détruite.
03:49Oui.
03:50J'ai été, comme tout le monde évidemment, très impressionnée par cette déposition.
03:56J'ai été frappée déjà par… On me l'a même presque reproché d'avoir commencé
04:05à décrire l'allure de Gisèle Pellicot.
04:08Je crois que l'allure était extrêmement importante.
04:10Cette femme est là tous les jours.
04:12On comprend qu'elle prend un grand soin d'elle et de son allure.
04:20Et pour moi…
04:21Je peux vous citer ? Vous citez justement Pascal Robert-Diarc dans le journal Le Monde
04:26parce que c'est important ce papier que vous lui avez consacré.
04:29« Démarre par ses mots ce geste vif et léger avec lequel elle corrige la mèche qui barre
04:34son front, l'impeccable carré de ses cheveux, l'élégance d'une robe fluide à l'imprimé
04:40bleu nuit et le twist de bottyme en dain caramel.
04:43Un corps vivant ». Ça a commencé comme ça et effectivement il y a eu des critiques
04:47en disant « mais pourquoi vous intéressez à son apparence physique ? ».
04:50Non mais un corps vivant.
04:52C'est-à-dire qu'il faut imaginer ce qu'on voit sur les images, sur les vidéos des viols.
05:04Et c'est un corps couché, nu, dénudé, sédaté, mort et pénétré.
05:11Et tout d'un coup vous avez cette femme qui arrive comme ça, déliée, qui se pose
05:19et je me suis dit « mais elle est en fait, elle est effectivement l'invaincue ».
05:24C'est-à-dire qu'elle est debout, elle est droite et ceux qui regardent le bout de
05:31leur soulier c'est les accusés.
05:33Et pour moi c'était quelque chose de magnifique de la voir comme ça et ce contraste avec
05:39ce que les images montrent d'elle.
05:42Le contraste avec les images, Jean-Philippe, vous aussi vous l'avez ressenti, vous avez
05:46assisté à de nombreuses audiences.
05:47Qu'est-ce qui vous a marqué ? L'attitude comme Pascale Robert-Diard de Gisèle Pellicot
05:52qui fait face à ces hommes qui l'ont accusée, enfin qui sont accusés de l'avoir violée
05:58alors qu'elle était sous emprise chimique.
06:01Sa parole, elle est apparue de manière extrêmement rare, comme par effraction.
06:06Oui, là où elle nous bouscule, c'est qu'elle nous dit qu'elle est détruite de l'intérieur
06:12et qu'en fait on voit une femme extrêmement forte en apparence évidemment, mais pas seulement
06:18en apparence.
06:19Dans les mots, les mots comptés puisqu'elle a choisi, et je pense que c'est une stratégie,
06:26je pense pas que ça soit une stratégie mais c'est un bon choix, elle a choisi de ne pas
06:29s'exprimer au-delà de la cour criminelle, elle ne s'exprime qu'à la cour criminelle.
06:33Et donc ces mots choisis, comptés…
06:35Pourquoi est-ce que c'est important ? Le fait qu'elle n'aille pas dans la presse
06:40par exemple ?
06:41Parce que la parole est plus forte, elle n'est pas usée.
06:44Et en fait, ce qu'elle nous a dit encore mercredi quand elle dit « on me félicite
06:50pour le courage que j'ai », mais c'est pas du courage, c'est de la volonté, mais
06:52elle a entièrement raison, c'est de la volonté, c'est encore plus fort que le courage, ça
06:56veut dire qu'on a dépassé le stade du courage et que maintenant, on peut le faire,
07:00on peut dire des choses, et sa volonté, c'est de changer les choses dans la société.
07:04Et ça c'est énorme pour une victime en plein milieu du procès de dire « bon, y'a
07:09mon procès, ça va pas régler les choses, à l'intérieur je vais pas bien, mais moi
07:12ce que je veux, c'est changer la société ».
07:14On va y venir justement à cette révolution qu'elle appelle de ses voeux, mais c'est
07:18très frappant de la voir s'adresser à son ex-mari Dominique Pellicot avec des questions,
07:24des questions qu'elle lui pose, mais qui sont des questions que devrait poser un président
07:28dans un tribunal ou un procureur, comment, comment a-t-il pu en arriver là, comment
07:32a-t-il pu me trahir à ce point, comment, alors qu'il était, je la cite, « un homme
07:37parfait et un père attentionné ». Et elle nous interroge tous à travers ces questions,
07:42Jean-Philippe, qu'elle pose à cet ex-mari.
07:44Oui, mais là on est vraiment dans quelque chose de totalement inimaginable, en fait
07:49c'est le procès de l'inimaginable, c'est-à-dire que cette femme a vécu heureuse pendant
07:5350 ans avec un homme qui semblait la combler au sens propre du terme, comme on peut le
08:01dire dans de nombreux couples, c'est-à-dire qu'il était présent là où il fallait
08:05tout le temps.
08:06Et puis, elle découvre un jour quelque chose qui est inimaginable pour elle, mais pour
08:11nous aussi, pour toute une société.
08:13C'est un cas qu'on n'avait jamais connu publiquement, donc voilà, ça nous interroge.
08:19Pascal Robert-Liard ?
08:20Oui, je pense que le plus difficile c'est sans doute ça.
08:25Il y a deux épreuves, il y a évidemment la découverte de ce qu'elle a subi par
08:33des inconnus, mais le pire c'est quand même que le mari est non seulement le coach, l'instigateur,
08:45qui l'organise tout, qui la viole elle-même quand ils sont seuls, et que c'est pas simplement
08:54en faisant venir des hommes, c'est aussi quand ils sont tous les deux seuls, c'est
08:59la découverte que vous avez vécue à côté de quelqu'un que vous ne connaissez pas,
09:02et qui vous a trompé sur tout.
09:04Donc ça, ça doit être quelque chose de très particulier, je ne suis pas sûre qu'elle
09:10l'a d'ailleurs complètement dépassé, je ne pense pas qu'on puisse tout dépasser
09:14en même temps, mais la manière dont elle s'est adressée à lui, y compris en utilisant
09:19pour la première fois le « tu », le prénom et le « tu », c'était la première fois,
09:24elle l'appelle toujours « ce monsieur » ou « monsieur Pellicot ». Et là, elle
09:28lui a dit « Dominique, tu ».
09:29Elle a dit « nous ».
09:31Et elle a dit « nous ». Alors elle mélangeait, c'est ça qui était assez troublant, émouvant
09:37et impressionnant en fait, mais oui c'est une étape, je pense que c'est vraiment
09:42une étape de tutoyer, de l'appeler Dominique, pour lui dire qu'elle a besoin de comprendre.
09:47Il y a de très nombreuses questions d'auditeurs qu'on va retrouver dans un instant, mais
09:52quelles sont pour vous les questions les plus importantes que soulève ce procès ?
09:56Un procès, a priori, ça n'a pas pour vocation de s'adresser à la société toute entière.
10:03Dans un procès, on juge des personnes qui ont commis des actes, mais là, on sent tous
10:10qu'il y a quelque chose de particulier, de quelque chose qui n'est même pas sous-jacent,
10:16mais qui a explosé, Jean-Philippe Degnaud.
10:18Oui, oui, moi, oui, absolument.
10:20La question principale qui ressort de ce procès, c'est le consentement.
10:26Point.
10:27Le consentement.
10:28Le consentement.
10:29Voilà.
10:30Il faut… Tous ces hommes…
10:31Vous l'avez dit d'ailleurs, Jean-Philippe, qu'il y avait un manquement énorme dans
10:33l'éducation au consentement et que c'était l'un des points communs que partageaient
10:38tous les accusés.
10:39Ils n'ont aucune maîtrise de cette notion qui, pourtant, est une notion de base.
10:44Non, non.
10:45Et en cela, ils ne sont pas les seuls dans la société.
10:47Il n'y a pas d'éducation au consentement dans notre société.
10:51C'est-à-dire que des hommes, en toute bonne foi, viennent dire « oui, peut-être que
10:55j'ai commis ces actes-là, mais c'était pas un viol parce que je n'en avais pas l'intention ».
11:00Ils ne prennent pas en compte la décision de la personne avec qui ils ont eu cette relation
11:06sexuelle, un jour, forcée, parce qu'ils n'ont pas interrogé le consentement.
11:12Ce n'est pas une technique de défense, ça ?
11:14Peut-être, mais peu importe.
11:15Peu importe ?
11:16Peu importe.
11:17Pascal pour Robert Diarre ?
11:18Oui, je pense que Jean-Philippe a totalement raison.
11:21Après, encore une fois, il faut distinguer deux choses.
11:26Il y a 50 hommes, 51 hommes, qui vont être jugés, condamnés et pour lesquels des peines
11:34vont devoir être prononcées.
11:36Et là encore, il va falloir faire de la dentelle et découper selon les pointillés et ne pas
11:43répondre.
11:44C'est là où je parlais de la difficulté pour la justice de s'exercer dans ces moments-là.
11:50C'est qu'évidemment, la pression de l'opinion et l'émotion de l'opinion vont être considérables
11:55mais à un moment donné, il va falloir prononcer des peines et il va falloir découper.
12:01Ce n'est pas 20 ans pour tout le monde.
12:04Mais est-ce que la justice peut être à la hauteur de cette tâche invraisemblable ?
12:09C'est ce qu'on attend d'elle.
12:10Là, vraiment, là, elle a quelque chose à… Mais ça va être difficile, ça va être
12:14très très difficile.
12:15Alors, ce ne sont pas des jurés, ce sont des juges professionnels, c'est une cour
12:18criminelle.
12:19Mais ça va être très très difficile, je pense pour eux, de démêler, de se préoccuper
12:27de leurs 50 personnes, de leurs 50 accusés, tout en entendant.
12:34Parce qu'il faut évidemment qu'ils entendent ce qui est dit à l'extérieur mais sans
12:37qu'ils soient écrasés par ce qui est exprimé à l'extérieur.
12:40On sait que le procès, les traitements judiciaires des affaires de viol posent déjà problème
12:46en temps normal mais le procès de Mazan, il emmène dans une toute autre dimension Jean-Philippe
12:53Degnaud.
12:54Vous racontez souvent dans le Prétoire les difficultés auxquelles sont confrontées
12:58les différents tribunaux pour juger des faits graves ou non.
13:00Mais là, est-ce que vous pensez, vous, que ce procès se déroule dans de bonnes conditions
13:05pour le dire rapidement et bêtement ?
13:07Oui, j'allais dire… Peu importe, il faut que ce procès serve à aller beaucoup plus
13:16loin maintenant.
13:17Il faut que toute la chaîne d'enquêtes policiers magistrats réfléchissent encore
13:25davantage et avancent sur ce terrain-là.
13:27Un viol, ce ne sont pas seulement des faits commis à un instant T.
13:31Pourquoi ? Parce que souvent, dans la plupart des cas, il n'y a pas de preuves.
13:34Ce n'est pas le cas dans le procès de Mazan mais d'une manière générale, il n'y
13:37a pas de preuves d'un viol.
13:38Il faut aller beaucoup plus loin, rechercher le contexte global dans lequel ces actes ont
13:45été commis.
13:46Il y a un travail très précieux qui a été engagé par les magistrats, par les chefs
13:52de juridiction de la Cour d'appel de Poitiers, la Première Présidente Gwenaëla Jolicoz
13:56et le Procureur Général Éric Corbeau, qui ont mis au point ce qu'on appelle le contrôle
14:01coercitif.
14:02C'est-à-dire ?
14:03Explication ?
14:04Voilà, ça permet à tous les magistrats qui sont confrontés à un cas de viol, à
14:10un dossier de viol, d'aller faire des recherches étalées sur les conditions de vie, si c'est
14:17un couple par exemple, les conditions de vie sur plusieurs années.
14:20Est-ce que depuis plusieurs années, il y a eu des menaces, des brimades, des bousculades,
14:26puis des gifles, puis des claques, puis des coups de poing, puis un viol ?
14:30Mais alors justement Jean-Philippe, dans ce même studio, vous nous avez raconté plusieurs
14:34fois la manière dont se déroulait ce procès gigantesque, il se déroule dans une salle
14:39d'audience habituelle, c'est-à-dire trop petite, les débats sont condensés sur 15
14:44semaines, c'est-à-dire trop peu.
14:46En règle générale, bon, il faudrait non pas 15 mais 20 à 30 semaines de débats.
14:52Est-ce que vous partagez le constat, Pascale Robert-Diaz ?
14:56Pas tout à fait, mais bon, une fois que le procès a eu énormément de difficultés
15:05à se lancer, qu'il y a eu des tas de problèmes de calendrier, etc., après, si vous voulez,
15:12chaque semaine, c'est un groupe de 5 ou de 6 accusés qui sont jugés.
15:18Donc déjà, la tension baisse, Gisèle Pellicot ne fait plus face à 50 hommes, elle fait
15:24face à, il y en a 5 ou 6, plus évidemment son ex-mari dans le box, et ceux qui sont
15:30dans le box qui comparaissent détenus parce qu'ils y sont retournés plusieurs fois,
15:34mais c'est plus du tout la même atmosphère aussi forte.
15:40Et après, les explications de ces hommes, vous savez, je ne sais pas s'ils en diraient
15:46plus, avec beaucoup plus d'heure, parce qu'ils n'ont pas beaucoup de mots non plus.
15:53C'est quand même « si j'aurais su, je n'aurais pas venu ». C'est beaucoup
16:02beaucoup de mots maladroits, une fois qu'ils ont expliqué qu'ils ne savaient pas…
16:09La bêtise aussi, on lit dans votre papier.
16:12Mais la bêtise, c'est difficile, je ne dirais pas la bêtise, je dirais, il y a quand même
16:18beaucoup de parcours…
16:19Ils ne sont pas très intelligents.
16:20Beaucoup de parcours, ils ne sont pas outillés, voilà, je dis, il y a beaucoup de parcours
16:24quand même assez cabossés.
16:26Oui, je crois qu'à part pour un certain nombre d'entre eux, ils ne sont pas venus
16:34tous pour violer une femme, c'est évident.
16:37Mais moi, j'ai tendance à être un peu plus optimiste et je pense que pour certains d'entre
16:44eux, il y a une vraie prise de conscience à l'audience.
16:46Mais on vous sent particulièrement émue, Pascale Robert-Dierre, c'est la première
16:49fois que je vous entends prendre son ton pour parler d'une affaire judiciaire.
16:54Non, mais c'est d'abord parce que je pense qu'en parler, je suis désolée d'être
16:58émue, mais c'est un petit peu lourd à porter quand même, on se les prend les images
17:03dans la figure.
17:04Voilà.
17:05Et qu'est-ce qu'on en fait ?
17:09On essaye de les éliminer, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ?
17:13Et de transmettre malgré tout, à travers votre travail de journaliste l'un et l'autre,
17:19il y a de nombreux auditeurs qui nous écrivent avec une question, mais des questions quasiment
17:24techniques sur les drogues, les stupéfiants, les anxiolytiques, les somnifères qui ont
17:30pu être administrées pendant des années sans attirer l'attention des médecins, des
17:37pharmaciens, des forces de l'ordre.
17:38C'est une question de Mario Dille.
17:40Cédric, lui, se demande, est-ce que cette question des stupéfiants a été abordée
17:45dans le procès ? Et comment est-ce que Dominique Pellicot a pu se procurer ces drogues ?
17:50Jean-Philippe Degnaud ?
17:51Ce sont des somnifères, tout simplement.
17:53Du Temesta.
17:54Du Temesta, c'est-à-dire un médicament relativement ordinaire.
17:59Il a même donné la recette.
18:01Pour le coup, il y a aussi d'autres questions qui ont très à la défense et à la manière
18:09dont ces accusés se défendent.
18:12Il y a évidemment les individus que vous décrivez très bien, Pascal Robert-Diarre,
18:16à travers leur prise de parole au cours de l'audience.
18:19Mais la stratégie de défense, c'est uniquement la dénégation ou est-ce qu'il y a aussi
18:26le doute qu'on essaye de jeter sur la parole de cette femme qui a le courage d'affronter
18:36ceux qui sont accusés de l'avoir violée ?
18:37Il y a vraiment un spectre extrêmement large qui va de l'accusé qui reconnaît, comme
18:44le disait Pascal, qui semble avoir une prise de conscience, un retour sur ce qu'il a fait
18:49et qui semble avoir avancé dans la vie, on va dire.
18:51Et puis à l'autre bout du spectre, il y a ces accusés qui persistent, qui maintiennent
18:59qu'ils ne sont pas venus violer et que ceux qu'ils ont commis ne s'apparentent pas à
19:04un viol et qui vont certainement, par la voie de leur avocat, demander un acquittement
19:08à la fin de ce procès.
19:10Ce n'est pas un procès, en fait, ce sont 50 procès.
19:16Ce sont 50 procès, il ne faut pas l'insister, Pascal Robert-Diarre.
19:20Oui, bien sûr, ce sont 50 procès.
19:23Il y a quelque chose qui me frappe, c'est que par exemple, vous en avez beaucoup qui
19:28commencent la question, il y a une question rituelle, chaque interrogateur au fond commence
19:32par la question du Président, reconnaissez-vous les faits ou quelle est votre position sur
19:37les faits ? Je reconnais ou je ne reconnais pas ? Donc la majorité répondent je ne reconnais
19:43pas.
19:44Et à la fin de l'interrogatoire, il y a un certain nombre de questions, avait-elle,
19:50Gisèle Pellicou, avez-vous à un moment donné quelconque discuté avec ? Avez-vous recueilli
19:56le consentement d'eux, etc. ? Était-elle en état de pouvoir donner ou pas son consentement
20:00? Ils répondent non à toutes les questions.
20:02En réalité, il y a un refus du terme, évidemment, et de son enjeu pénal, le viol, mais en réalité
20:13ils le reconnaissent, pour beaucoup d'entre eux, ils le reconnaissent, moralement, alors
20:19ils sont maladroits encore une fois, ils s'excusent, parce que bon, évidemment, c'est inaudible.
20:25Mais bien sûr qu'ils savent bien, vous savez, il y a ce truc où ils disent c'était bizarre,
20:30j'aurais pas dû, j'ai pas dénoncé, mais je pense que ce procès sert déjà au moins
20:38à leur faire prendre conscience à eux, déjà, avant même tout ce que ça génère
20:44comme débat à l'extérieur, à ces hommes-là, ils entendent quelque chose qu'ils n'ont
20:48jamais entendu, ils réfléchissent sur eux-mêmes.
20:50Et les verdicts, on devrait les connaître quand, Jean-Philippe Degnaud ?
20:55A priori le 20 décembre aussi.
20:57A priori le 20 décembre ?
20:58Oui.
20:59Merci infiniment en tout cas d'avoir accepté notre invitation pour nous aider à comprendre
21:05ce qui se joue justement dans ce procès, ces procès, merci de le rappeler, de Mazan,
21:12merci infiniment.
21:13Pascal Robert-Diarre, je signale que votre dernier livre « La Petite Menteuse » est
21:17toujours disponible aux éditions Liconoclast et qu'on peut vous lire dans le monde et
21:21puis à très vite, Jean-Philippe à l'antenne d'Inter, à suivre la revue de presse.

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