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Comment expliquer que, malgré la prolifération d’experts en stratégie, optimisation et gestion, face à la prolifération de la digitalisation, la productivité horaire en Europe semble stagner, parfois à décliner ? Alors que les entreprises sont surveillées de près par des actionnaires exigeants et que la menace des fonds activistes plane sur les plus grandes entreprises, l’amélioration des marges n’a été permise que par une aubaine inflationniste. Ce paradoxe cache une vérité dérangeante : l'excès de gestion ne mène plus à l'efficacité, mais à une bureaucratisation inefficace des organisations. [...]

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00:00Comment expliquer que malgré la prolifération d'experts en stratégie, optimisation et
00:12gestion, et malgré aussi la digitalisation croissante, la productivité horaire en Europe
00:19semble stagnée, voire déclinée ? Alors que les entreprises sont surveillées de près
00:25par des actionnaires exigeants et que la menace des fonds activistes plane sur les plus grandes
00:29entreprises, l'amélioration des marges n'a été permise que par une aubaine inflationniste.
00:35Ce paradoxe cache une vérité dérangeante. L'excès de gestion ne mène plus à l'efficacité
00:43mais à une bureaucratisation inefficace des organisations. Une explication vient de la
00:50sociologie des organisations et de l'explosion de la bureaucratie managériale. Les élites
00:56managériales tendraient à privilégier des structures de plus en plus complexes
01:01et hiérarchisées pour maintenir leur propre pouvoir et légitimité. Tous ces reportings,
01:08réunions, comités, expertises, contrôles, visioconférences sont-ils vraiment utiles
01:14? Au début du XXe siècle, l'économiste Veblen
01:18critiquait déjà cette prolifération bureaucratique qui absorbe des ressources sans créer de
01:24valeur ajoutée. Cette tendance à la gestion pour la gestion conduit à un gonflement des
01:31tâches administratives, souvent sans rapport avec l'activité productive centrale. Cette
01:37inflation bureaucratique ne fait pas qu'entraver la productivité, elle réoriente aussi les
01:43objectifs des entreprises. En France par exemple, la multiplication des cadres et experts techniques
01:49censés apporter un avantage compétitif ne se traduit que rarement par des gains
01:55concrets en termes de performances économiques. L'effet de ces couches supplémentaires
02:00de gestion est souvent contre-productif, conduisant à une diminution de la productivité des
02:06secteurs où les services techniques et administratifs deviennent dominants.
02:10Un autre aspect de cette dynamique réside dans l'auto-légitimation des élites managériales.
02:18Elles prolifèrent, non pas pour améliorer l'efficacité des organisations, mais pour
02:22absorber une part croissante de la valeur générée par celles-ci. En s'imposant comme
02:28incontournables, elles ajoutent des niveaux de complexité et de contrôle qui freinent
02:33l'agilité des entreprises. Keynes avait prédit que les avancées technologiques
02:39permettraient de réduire le temps de travail hebdomadaire à 15 heures. Pourtant, nous
02:44assistons aujourd'hui à une augmentation des heures consacrées à des tâches bureaucratiques
02:49plutôt qu'à l'optimisation du travail réel. En Allemagne, cette tendance est particulièrement
02:55marquée dans les services à haute valeur ajoutée, comme le conseil ou l'ingénierie,
02:59où la productivité a stagné au cours des dernières années. Cela s'explique en partie
03:05par le poids croissant des processus internes et des contrôles qui ralentissent la prise
03:11de décision et étouffent l'innovation. Face à ces constats, une question se pose.
03:17Avons-nous atteint les limites de l'efficacité managériale ? Les élites gestionnaires,
03:23en cherchant à justifier leur propre existence, pourraient bien être devenus un frein à
03:28la productivité globale. Peut-être est-il temps de repenser fondamentalement notre approche
03:35du travail et de la production ? En américanisant nos systèmes de gestion, nous avons sans
03:42doute aussi hérité des faiblesses du modèle. Dès lors, on peut s'interroger. Et si, pour
03:48relancer la productivité, il fallait commencer par réduire le poids de ceux qui sont censés
03:54l'optimiser ?

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