• il y a 2 semaines
Transcription
00:00Bonjour Isabelle Carré.
00:02En 2003, vous obteniez le rôle de César de la meilleure actrice pour votre rôle dans le film
00:06« Se souvient des belles choses » après avoir été couronnée d'un Molière pour Mademoiselle Else en 1999,
00:11avant de l'être de nouveau pour « L'hiver sous la table » en 2004.
00:14Tout ça pour dire que vous vous êtes construite en tant qu'actrice à travers le théâtre et le grand écran
00:19avec la reconnaissance du public, la reconnaissance du métier aussi.
00:22Et comme la plume vous titillait un peu depuis que vous étiez enfant,
00:25vous écrivez aussi avec en 2018 la sortie de « Les rêveurs », votre premier roman.
00:29Ensuite, il y a eu « Du côté des Indiens » et « Le jeu des scies », merveilleux jeu des scies.
00:33Aujourd'hui, il y a une double actualité Isabelle, le théâtre et le cinéma.
00:36Vous serez bientôt à l'affiche du film « Prodigieuse » avec un « S » qui sortira le 20 novembre 2024.
00:40Et en ce moment, vous êtes sur scène au théâtre de la Porte Saint-Martin
00:43et ce jusqu'au 4 janvier 2025 dans la pièce « La serva amorosa », pièce féministe de Goldoni,
00:49mise en scène par celle qu'il a jouée il y a 40 ans, Catherine Hégel,
00:52où l'histoire de Coraline, une servante complexe, intelligente, obstinée à vouloir réconcilier son maître
00:57et le père de celui-ci, déjouant les manipulations de l'épouse très intéressée par l'héritage.
01:02Cette pièce et ce rôle sont-ils des cadeaux Isabelle ?
01:05Alors là, vraiment, on ne peut pas dire mieux que ça.
01:08Oui, c'est un énorme cadeau que m'a fait Catherine Hégel parce que c'est une transmission.
01:14C'est toujours très émouvant quand une actrice vous transmet autant.
01:18C'est son rôle fétiche.
01:20Moi, je l'avais vu en plus à l'époque, quand elle était sur scène dans ce rôle.
01:24J'étais émerveillée par ce qu'elle donnait.
01:27C'est un rôle qui lui correspond tellement.
01:29Donc, quand elle m'a contactée, j'étais étonnée parce que je me voyais moins qu'elle dans le rôle, en fait.
01:37Et grâce à elle, grâce à sa direction d'acteur, grâce à ses mots,
01:43grâce à tout le travail qu'on a fait pendant un mois et demi, je me sens portée.
01:48J'ai des ailes grâce à elle.
01:50Ma voix s'est posée autrement.
01:52C'était un voyage.
01:54C'est un voyage tous les soirs et un voyage extraordinaire.
01:57C'est ça qu'on parle d'ailleurs de la phrase qui termine cette pièce de théâtre.
02:01Qu'ils viennent à présent ces prétendus sages qui disent du mal des femmes.
02:04C'est incroyable.
02:05Qu'ils viennent ces messieurs les poètes qui croient ne pouvoir être applaudis qu'à nos dépens.
02:08Je les ferai rougir de honte.
02:10Et tant d'autres le feront mieux que moi.
02:12Tant de femmes nobles, courageuses, qui surpassent les hommes en vertu
02:15et n'arrivent jamais à leur cheville dans le vice.
02:18C'est une ode à la femme.
02:21À la fin de la pièce, on le vit tous les soirs en ce moment,
02:24il y a une espèce de montée comme ça, d'applaudissement à la fin.
02:29Parce que c'est un cri.
02:31C'est un cri qui résonne aujourd'hui.
02:35Étrangement, j'ai envie de dire, j'aimerais qu'il résonne moins en réalité.
02:39J'aimerais qu'il n'ait pas besoin de résonner comme ça.
02:41Et il résonne d'une façon, oui, avec l'actualité qu'on connaît.
02:45Ces procès, ces femmes qui sont entendues.
02:50Et on se dit, mais c'est fou.
02:52Comment tant de gens ont pu se taire ?
02:56Vous la première, Isabelle.
02:58Vous avez parlé, vous avez accepté de parler en écrivant à travers vos livres.
03:02Enfin, parler de ça.
03:04Évidemment, il y a eu ce mouvement Me Too.
03:06Est-ce que ça avance ?
03:08Ça avance, oui, ça avance.
03:10Mais c'est comme si on n'en finit...
03:12Ce n'est pas de se réveiller en se disant,
03:15mais comment ça a pu se produire et durer tant de temps ?
03:19Comment tant de personnes ont pu se taire ?
03:22Comment on a pu tolérer ça ?
03:24Puis on n'en finit pas, effectivement, de découvrir que c'est pas une,
03:28c'est pas dix, c'est nous toutes, en fait.
03:33Il y a un point commun, effectivement, à tout ce que vous faites aujourd'hui.
03:36Comme quoi, il faut laisser le temps au temps et que rien n'arrive pas à hasard.
03:40Ça existe aussi dans le film qui arrive le 20 novembre prochain,
03:42dans Les Prodigieuses, enfin, Prodigieuses, tout court,
03:45qui est nourri d'une histoire vraie,
03:47de deux sœurs plein aînés qui se sont donc illustrées dans l'univers du piano.
03:54Elles étaient les meilleures,
03:57jusqu'à ce qu'elles découvrent qu'elles avaient une maladie orpheline génétique,
04:00une maladie génétique orpheline.
04:03À un moment donné, il faut savoir justement prendre sa vie en main.
04:06C'est ça que ça veut dire.
04:07Parce que ça raconte l'histoire de ces sœurs qui, évidemment,
04:09ont dû lutter pour continuer à jouer du piano.
04:11Ce qui était leur passion, alors qu'elles avaient cette maladie.
04:13Jouer une méthode à elles, en fait.
04:14Et de jouer ensemble, de concert, en tant que sœurs jumelles.
04:17L'une paillant les défauts de l'autre.
04:19Ça, c'est aussi très beau parce que c'est une ode à l'altruisme,
04:23au compagnonnage, à l'amitié.
04:26À la sombrorité aussi.
04:28Voilà, ensemble.
04:29Et surtout, ça montre qu'il ne faut jamais rien lâcher.
04:32Il faut toujours continuer à y croire.
04:34Ce qui est un peu une caisse de résonance avec votre vie à vous.
04:37Isabelle, c'est par hasard, j'ai l'impression,
04:39tous ces projets qui vous arrivent.
04:41C'est vrai que de les mettre en parallèle, je n'y avais pas pensé.
04:44Mais vous le faites très justement.
04:45C'est vrai que ce sont finalement deux textes qui nous donnent du courage.
04:50La servante à Montrosa, c'est vraiment une pièce
04:53où une servante se retrouve sur un ring.
04:55Elle se prend des coups.
04:56C'est une journée quand même assez spéciale.
04:59N'en jetez plus.
05:01Elle a vraiment à se battre à chaque instant.
05:03Elle se prend des coups.
05:04Elle se relève.
05:05Elle se prend des coups.
05:06Elle se relève et elle va tout résoudre.
05:08Donc, c'est vraiment une ode au courage, au courage des femmes.
05:11Et ce film prodigieux aussi, une ode à un appel à trouver des solutions.
05:18A trouver des solutions, même quand on est entravé.
05:21Même quand on pense que ça ne va pas être possible.
05:23Quand on pense que c'est cuit.
05:25Voilà, trouver sa propre méthode.
05:28Trouver son chemin.
05:29Trouver des solutions.
05:30Et s'en sortir avec un peu de folie, d'audace et d'inventivité.
05:35On m'a dit, mon petit doigt m'a dit, qu'un film arrivait.
05:39Qu'il était réalisé par Isabelle Carret.
05:41Qu'en est-il ?
05:42Oui, c'est une première réalisation de mon premier roman.
05:46Une adaptation.
05:47Évidemment, 350 pages, je n'ai pas pu tout dire.
05:50Mais j'ai décidé, j'ai choisi de prendre le moment
05:56où j'ai été internée quand j'avais 14 ans dans un hôpital.
05:59J'avais 14 ans dans un hôpital psychiatrique.
06:01Pourquoi passer cette histoire à l'écran ?
06:04C'est au moment du confinement.
06:06Je me suis rendue compte que beaucoup d'adolescents,
06:08beaucoup de jeunes avaient du mal à accepter tout ce qui nous arrivait.
06:14Plus que nous, les adultes.
06:16En voulant d'ailleurs mettre fin à leur jour, ce qui a été votre cas.
06:18Voilà, beaucoup de difficultés encore aujourd'hui.
06:21J'ai eu besoin de me sentir portée par une cause.
06:24Celle de ces adolescents, celle de ces enfants en fragilité.
06:27Pour me sentir légitime.
06:29Mais je ne devrais pas avoir à me poser ces questions comme ça.
06:32Je devrais me dire que, peu importe si je me trompe ou pas,
06:35j'ai le droit d'essayer.

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