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Georges Bensoussan, historien, auteur du livre «Les origines du conflit israélo-arabe», était l’invité de #LaGrandeInterview de Sonia Mabrouk dans #LaMatinale sur CNEWS, en partenariat avec Europe 1.

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Transcription
00:00Bonjour Georges Bensoussan.
00:02Bonjour Sonia Mahbouk.
00:03Et merci de nous avoir réservé votre prise de parole en ce jour.
00:06C'est votre grande interview sur CNE.
00:08En ce jour, un an après les terribles attaques perpétrées par les terroristes du Hamas,
00:12vous êtes historien, auteur notamment du livre « Les origines du conflit israélo-arabe ».
00:17Emmanuel Macron et Benjamin Netanyahou se sont parlé hier,
00:20mais la crise diplomatique déclenchée par le président français
00:23suite à ses propos sur l'arrêt des livraisons d'armes servant à Gaza reste très vive.
00:27Georges Bensoussan, comment vous avez reçu et interprété la position et les déclarations du président français ?
00:34Je crois que ce sont des déclarations qui sont liées à un pur opportunisme.
00:40Elles sont directement liées au fait qu'il a prononcé ça lors du congrès de la francophonie.
00:44Et il a fallu donner des gages à un certain nombre de pays francophones
00:48dans ce genre de tropisme anti-israélien.
00:51Et je pense qu'on doit mettre ça en parallèle avec le fait
00:54qu'il n'ait pas participé à la marche contre l'antisémitisme le 12 novembre 2023.
00:59Il fallait cette fois donner des gages aux banlieues.
01:01En fait, c'est la même logique.
01:03C'est une logique très opportuniste et finalement, sur le plan diplomatique, assez inconséquente.
01:08Parce qu'on ne peut pas dire à la fois à un pays « vous avez le droit de vous défendre »,
01:11mais en même temps, vous ne pouvez vous défendre que les mains liées dans le dos.
01:14Parce qu'en ne livrant pas des armes, c'est ça que ça signifie.
01:17On pouvait très bien dire « nous sommes partisans d'un cessez-le-feu à Gaza ».
01:21Et c'est tout à fait valable, bien sûr, c'est tout à fait rationnel et raisonnable,
01:25sans mettre en avant l'argument du boycott,
01:29c'est-à-dire l'argument de l'interdiction de vente des armes,
01:33qui au demeurant, d'ailleurs, ne représente rien.
01:35Vous savez que les ventes des armes françaises à Israël, c'est 0,2% des livraisons d'armes.
01:38De l'opportunisme Georges Bensoussan, dans un contexte inflammable,
01:42nous avons encore deux otages français détenus par le Hamas,
01:45plus largement il y a une centaine d'otages.
01:47Malheureusement, il y aurait aujourd'hui un otage, on l'a appris,
01:50qui est mort.
01:52La France est-elle ?
01:54Est-ce qu'on peut poser la question directement ?
01:56Dans quel camp est la France aujourd'hui avec une telle déclaration ?
01:59À qui parle la France ?
02:00C'est très difficile à dire, mais votre question,
02:02elle renvoie finalement à l'incohérence de la position d'Emmanuel Macron,
02:05y compris sur le plan intérieur.
02:07Comment expliquer la dissolution ?
02:09C'est la même question, c'est-à-dire,
02:11y a-t-il une cohérence dans cette politique depuis le mois de juin dernier ?
02:13Il n'y en a aucune, finalement.
02:15Personne ne comprend vraiment la dissolution.
02:17Personne ne comprend non plus ses positions diplomatiques et ratiques.
02:20Un jour, on est pour un front, une coalition anti-Hamas internationale,
02:24c'était en octobre 2023,
02:26et maintenant, on interdit de vendre des armes.
02:28Ça n'a aucune logique, sur le fond.
02:30Je le disais, tout cela intervient dans un contexte très particulier.
02:33Georges Bensoussan, on assiste dans le monde entier,
02:35mis à part en Occident, à une inversion totale.
02:38Des choses à savoir que pour les pays du Sud,
02:41le Sud global, comme on dit aujourd'hui,
02:43le juif est devenu, entre guillemets, le génocidaire.
02:46Est-ce que le risque d'un isolement total d'Israël,
02:49d'une inversion totale du paradigme, est aujourd'hui à craindre ?
02:53Oui, ce risque existe.
02:55D'ailleurs, c'est ce qui est recherché par les adversaires d'Israël,
02:58à savoir un isolement international.
03:00C'est la stratégie de l'Iran.
03:01La stratégie de l'Iran, c'est une usure générale de la société israélienne
03:04par de multiples fronts.
03:05C'est Gaza, c'est le Liban, c'est les Houthis,
03:07c'est le front intérieur, etc.
03:09Et le risque, évidemment, c'est que dans cette logique guerrière,
03:13Israël soit de plus en plus isolé
03:15et qu'il apparaisse comme le modèle du monde capitaliste,
03:18blanc, occidental, colonialiste et finalement toujours coupable.
03:23Et ça, ça renvoie à un paradigme très ancien
03:25qui fait partie vraiment des structures mentales
03:27d'une bonne partie du monde occidental
03:29et aussi d'une certaine partie du monde musulman,
03:31mais davantage du monde occidental.
03:33C'est que le juif, c'est le signe pariah par excellence.
03:35C'est le signe maudit par excellence.
03:37Donc, on est passé, si vous voulez,
03:39entre l'avant Seconde Guerre mondiale à aujourd'hui,
03:42du peuple pariah de jadis à l'État pariah d'aujourd'hui.
03:45Mais on est dans la même logique intellectuelle.
03:47Il s'agit de montrer un État qui est le représentant aujourd'hui
03:52du mal sur la Terre et du chaos général.
03:54Comme en 1939, si vous prenez les grands textes antisémites français
03:58des années 35-39, dont Céline, par exemple,
04:01le juif est le responsable du chaos mondial
04:03qui va nous amener à la guerre.
04:04Aujourd'hui, vous avez la même chose avec l'État d'Israël, c'est tout.
04:07Remplacez le mot juif par État d'Israël
04:09et vous avez les mêmes logiques.
04:10Comment les Israéliens aujourd'hui, et plus largement,
04:13comment les Juifs, un an après ces terribles massacres,
04:16ont appréhendé ce moment ?
04:18Comment il est inscrit selon vous, Georges Bensousson ?
04:20Je pose l'action à l'historien sur le temps long
04:22dans l'imaginaire collectif.
04:23Vous avez raison de parler du temps long,
04:25parce qu'il s'inscrit précisément dans le temps long
04:27dans un peuple qui est profondément parqué par la mémoire.
04:29C'est l'un des grands impératifs du judaïsme, tu te souviens ?
04:32Comment les Israéliens et les Juifs ont vécu le 7 octobre
04:37et comment forcément ils le commémorent aujourd'hui ?
04:39Ils l'ont vécu comme un peu le prélude
04:43à ce qui pourrait être un anéantissement final.
04:45C'est-à-dire que les Juifs sont habités
04:47par la conscience de l'anéantissement
04:48comme tous les peuples génocidés.
04:50Si vous posez la question à un Arménien ou un Tutsi du Rwanda,
04:53il aura exactement les mêmes réactions intellectuelles
04:56et les mêmes réactions émotionnelles.
04:58Donc les Juifs réagissent avec leur mémoire longue
05:00de la persécution, mais plus que de la persécution,
05:02la mémoire relativement récente de la Shoah.
05:05Donc forcément, le 7 octobre, ils l'ont vu comme le prélude
05:08à ce qui pourrait être une catastrophe finale.
05:10Un peu comme l'acte II de la Shoah, si vous voulez.
05:14Donc ça a réveillé en eux une angoisse existentielle,
05:17une précarité existentielle,
05:19que même les témoins les plus bienveillants
05:21ont du mal à percevoir.
05:23C'est quelque chose de très profond
05:26dans la psyché juive et dans la psyché israélienne, évidemment.
05:29Mais il y a quelque chose qui est faux,
05:31qui court les rues aujourd'hui,
05:34et souvent les salles de rédaction,
05:35c'est de dire que ce qui s'est passé le 7 octobre
05:38a ruiné le rêve sioniste.
05:39Pas du tout.
05:40Le rêve sioniste, ça n'était pas seulement
05:42la sécurité d'un État juif.
05:44C'était autre chose.
05:45C'était une nouvelle définition d'identité juive.
05:47Et cette attaque du 7 octobre
05:49n'a pas ruiné le rêve de sécurité.
05:51C'est une défaillance des services militaires
05:53et sécuritaires israéliens.
05:54Ça ne remet absolument pas en cause
05:56le fait que l'État d'Israël reste aujourd'hui
05:59un gage de sécurité, et osons le dire même de paix,
06:03pour un grand nombre de Juifs dans le monde.
06:05Le fait est que le courant d'immigration vers Israël
06:08n'a pas cessé depuis le 7 octobre.
06:09Gage de paix, dites-vous, c'est un mot fort
06:12pour les Juifs dans le monde entier.
06:14Mais alors, parlons du contexte aussi
06:18qui est celui sur place.
06:20Georges Benoît Poussin, mis à part Gaza bombardée,
06:22est-ce que les frappes sur le Liban,
06:24qui ont provoqué aussi de nombreux morts,
06:25est-ce qu'elles sont inévitables aujourd'hui ?
06:27Est-ce que dans cette idée de gage de paix israélien
06:30pour tous les Juifs,
06:31est-ce que ces bombardements sont inévitables ?
06:33Est-ce que l'État d'Israël pouvait laisser
06:36le Hezbollah et ses 150 000 missiles
06:38menacer constamment le nord d'Israël,
06:41et finalement toute Israël,
06:42puisque ces missiles peuvent atteindre jusqu'à Eilat,
06:44et contraindre 80 000 Israéliens
06:46à fuir leur domicile depuis un an ?
06:48Quel État le supporterait ?
06:50Donc il fallait bien à un moment donné
06:51faire cesser la menace.
06:52Donc les bombardements,
06:53ce n'est pas sur le Liban qu'ils se portent,
06:55même si c'est sur la terre libanaise, bien sûr,
06:57mais c'est d'abord sur le Hezbollah.
06:59Et le Hezbollah n'est pas un corps étranger au Liban,
07:01c'est vrai,
07:02mais c'est une faction libanaise
07:04qui s'est emparée du Liban,
07:06qui a phagocyté le Liban
07:07au détriment des sunnites,
07:09au détriment des chrétiens,
07:10au détriment des maronites,
07:12et qui a fait une véritable opéa
07:14sur le Liban tout entier.
07:15Donc la guerre actuellement menée par Israël,
07:17c'est la guerre contre le Hezbollah,
07:18pas contre le peuple libanais.
07:20Donc aucun État au monde, s'il revient,
07:22ne pourrait tolérer qu'à sa frontière,
07:24des tunnels d'attaque arrivent
07:25à 100 mètres à peine de la frontière,
07:27sont prêts à recommencer le 7 octobre,
07:29version nord.
07:30Si je prends votre raisonnement,
07:31ça veut dire que si demain,
07:32il y a une attaque en Iran,
07:34des bombardements en Iran,
07:35vous diriez la même chose,
07:36que ce n'est pas une attaque israélienne
07:38vis-à-vis de l'Iran ?
07:40Encore une fois, reprenons le conflit
07:43à son origine.
07:44Qui est à l'origine du conflit ?
07:46Est-ce l'État d'Israël
07:47qui menace l'Iran de disparition,
07:48ou est-ce l'Iran qui menace
07:49l'État d'Israël de disparition ?
07:51C'est l'Iran qui, depuis 45 ans,
07:53menace un État, membre de l'ONU,
07:55de le faire disparaître de la planète.
07:57C'est le Hamas qui déclare
07:59que cet État est illogique et illégitime
08:01et qu'il doit disparaître.
08:03Ismail Haniye le disait en novembre dernier,
08:05Ghazi Hamad, du bureau politique du Hamas,
08:07le disait,
08:08cet État est illogique et ne doit pas exister.
08:10Et on pourrait comme ça multiplier
08:12les prises d'opposition des uns et des autres
08:14qui montrent qu'ils ne veulent pas
08:16d'une existence nationale juive sur cette terre.
08:18Donc la vraie question est celle-là,
08:20d'où vient le conflit ?
08:21À l'origine du conflit,
08:22il y a ce refus absolu
08:24d'une existence nationale juive
08:26sur un petit bout de terre,
08:28même pas toute la Palestine,
08:29sur un petit bout de la Palestine historique.
08:31Et il y a d'ailleurs quelque chose de frappant
08:33que personne ne relève,
08:34mais qui était dit dans les années 30 et les années 40,
08:37je parle ici en historien du conflit,
08:39c'est qu'il y a quelque chose d'indécent
08:42à ce que ceux qui sont tellement pourvus en territoire,
08:444 millions de kilomètres carrés,
08:46disputent des miettes à ceux qui n'ont rien,
08:48sinon 28 000 kilomètres carrés,
08:50et ce n'est même pas 28 000 kilomètres carrés,
08:52pour exercer une existence nationale juive indépendante.
08:55Si l'État d'Israël disparaît demain,
08:57il n'y aura plus d'existence nationale juive
08:59indépendante sur la terre.
09:01Votre phrase est forte, Jean-Benoît.
09:03Aujourd'hui, la Palestine arabe n'existe pas,
09:05et j'espère que demain elle existera.
09:06Mais même si la Palestine arabe n'existe pas encore aujourd'hui,
09:09l'indépendance arabe existe,
09:11le fait est que la Ligue arabe existe,
09:13et l'existence nationale arabe existe,
09:16du Maroc jusqu'à l'Irak.
09:18Mais comme vous l'avez dit,
09:19la Palestine arabe n'existe pas.
09:21Pas encore.
09:22Et justement, alors poursuivons la question,
09:24puisque vous dites qu'Israël gage de paix pour les Juifs.
09:28Est-ce que l'objectif de Benjamin Netanyahou,
09:32c'est la paix ?
09:33Alors, je vous dirais deux choses.
09:35Premièrement, la Palestine n'existe pas encore,
09:37mais il y a une question encore une fois.
09:39On ne peut comprendre le conflit qu'en historien.
09:41Si on ne fait pas l'étude du conflit sur le temps long,
09:43on ne comprend rien,
09:44et on est submergé par l'émotion,
09:46on est submergé par l'immédiateté de l'actualité.
09:49Entre 1949 et 1967, la guerre des Six Jours,
09:53en Cisjordanie et à Gaza,
09:55il n'y avait pas un seul Juif,
09:56il n'y avait pas un seul Israélien,
09:58il n'y avait pas l'ombre de la présence militaire israélienne.
10:00Pourquoi l'État de Palestine
10:02n'a-t-il pas été créé à ce moment-là en Palestine ?
10:05Pourquoi ?
10:06Tant qu'on ne répondra pas à cette question...
10:08Elle est majeure.
10:09Elle est majeure.
10:10C'est qu'on ne voudra pas répondre à la question centrale.
10:13En réalité, à l'origine du conflit,
10:15depuis plus d'un siècle,
10:16il y a le refus d'une existence nationale juive
10:18sur un bout de territoire.
10:19Maintenant, j'en viens à votre question.
10:21Je ne me dérobe pas.
10:23Je pense qu'aujourd'hui,
10:25Netanyahou est un obstacle
10:26à la conclusion d'un cessez-le-feu à Gaza,
10:28et qu'il faut un cessez-le-feu,
10:30car Hamas est détruit militairement.
10:33On ne détruit pas un ennemi jusqu'au dernier.
10:35Il y a un entretien très riche...
10:37C'est pourtant ce qu'il affirme.
10:38Oui, c'est pourtant ce qu'il affirme,
10:39je suis en désaccord là-dessus.
10:41Je pense qu'aujourd'hui,
10:42il est un obstacle à la conclusion d'un cessez-le-feu.
10:44Yair Golan, chef de l'opposition de gauche en Israël,
10:47a donné un entretien remarquable au Point cette semaine.
10:50Et il dit très clairement,
10:51aujourd'hui, Netanyahou est un obstacle, effectivement.
10:55Le cessez-le-feu s'impose à Gaza.
10:57Il est évident qu'on ne réduit pas un ennemi
11:00en détruisant tous les adversaires les uns après les autres.
11:03Ça n'existe pas,
11:04parce qu'il faut toujours laisser une porte de sortie à l'ennemi.
11:06Vous dites qu'il faut raisonner avec l'esprit de l'historien.
11:11En France, c'est l'émotion qui prime,
11:13et même davantage.
11:14Je voudrais vous faire réagir à un antisémitisme d'atmosphère
11:18qui s'enquiste dans les vins de notre pays,
11:19Georges Bensoussan, y compris dans les universités.
11:22Vous avez vu ce qui s'est passé à Sciences Po
11:24avec un appel à l'intifada dans les rues.
11:26Il y a également Jean-Luc Mélenchon
11:28qui appelle à mettre des drapeaux palestiniens
11:30partout dans les universités.
11:32Demain, le 8 octobre, comment réagissez-vous ?
11:37Il y a deux choses.
11:38En ce qui concerne les universités,
11:41je pense que là aussi, on est peut-être piégé par l'image
11:45et on a l'impression qu'on a affaire à des mobilisations massives.
11:48Ce sont des mobilisations de minorités.
11:50Minorités actives, bruyantes,
11:52qui tiennent le haut du pavé,
11:55et qui s'appuient sur la passivité et la lâcheté générale du grand nombre.
11:59C'est un phénomène classique.
12:00La plupart des gens n'osent pas réagir, ils ont peur.
12:03Mais en réalité, il s'agit de minorités.
12:05Est-ce qu'il s'agit de minorités spontanées ?
12:06Je ne crois pas.
12:07Il y a réellement des organisations derrière,
12:09dont une qui s'appelle Samy Doun et d'autres,
12:11Collectif Palestine, depuis très longtemps.
12:13En ce qui concerne Mélenchon, c'est autre chose.
12:15Mélenchon n'a pas de conviction en la matière.
12:17Mélenchon, j'en suis convaincu, n'est pas lui-même antisémite.
12:20Mélenchon se moque éperdument de la Palestine.
12:22Stratégie électorale.
12:24Ce que vise Mélenchon, c'est le chaos en France
12:26pour provoquer une élection présidentielle anticipée
12:29dont il pense qu'il aura sa chance face à Marine Le Pen.
12:32Donc vous dites, Georges Bensoussan,
12:34qu'il est en train d'essayer de lever, si je puis dire,
12:36de provoquer le chaos dans les universités
12:38et peut-être aussi dans les banlieues,
12:40c'est la France des banlieues et la France des universités,
12:42pour peut-être arriver au pouvoir,
12:44en tout cas provoquer le chaos.
12:46Pour provoquer une crise de pouvoir,
12:48c'est ce qu'il cherche évidemment avec LFI,
12:50en s'appuyant sur ce qu'il estime être, lui,
12:52le vote des banlieues et en particulier
12:54le vote des abstentionnistes, qui sont très nombreux,
12:56dans ces banlieues-là, l'emporter demain.
12:58Encore une fois, Mélenchon,
13:00toute sa stratégie depuis 2017,
13:02part du constat suivant.
13:04En 2017, il lui a manqué relativement peu de voix
13:06pour parvenir au second tour.
13:08Ce peu de voix qui lui manque, c'est dans les quartiers
13:10et dans la jeunesse des quartiers populaires
13:12qu'il espère les trouver. D'ailleurs, il l'a dit récemment.
13:14Il a dit, laissez tomber tout le reste,
13:16intéressons-nous à la jeunesse et aux quartiers.
13:18Stratégie purement électoraliste.
13:20Que cette stratégie passe par
13:22l'instrumentalisation de l'antisémitisme
13:24supposé de ces banlieues,
13:26il le fait avec un cynisme absolu.
13:28Ce qu'on doit retenir surtout de Jean-Luc Mélenchon,
13:30c'est ce cynisme
13:32absolu qui réintroduit
13:34l'antisémitisme comme une variable
13:36dans la politique française qu'on n'avait jamais vue
13:38depuis 1945.
13:40Avec certains intellectuels qui ne se bougent pas le nez
13:42quand ils entendent cela.
13:44Comment vous expliquez ce tropisme ?
13:46La question
13:48est la suivante. Encore une fois,
13:50raisonnons sur le temps long. Nous avons
13:52une partie du pays
13:54avant 1945
13:56qui professe un antisémitisme
13:58culturel, ce qu'on pourrait appeler un antisémitisme d'atmosphère,
14:00un antisémitisme ordinaire,
14:02si vous voulez, qui a été cultivé
14:04dans les familles. La question est la suivante.
14:06Cet antisémitisme a disparu
14:08par enchantement en 1945 ?
14:10Non, on peut imaginer que dans les familles,
14:12il s'est traduit, il s'est produit,
14:14il s'est transmis à un
14:16antisémitisme culturel de génération en génération
14:18qui fait qu'aujourd'hui,
14:20l'antisémitisme n'étant pas dissible,
14:22personne n'est antisémite aujourd'hui. Tout le monde est hostile
14:24à l'antisémitisme et tout le monde pleure
14:26les victimes de la Shoah. L'antisémitisme
14:28ne peut se dire que par le langage de
14:30partitionnisme. Donc, d'une certaine façon,
14:32l'atmosphère culturelle, le bain culturel,
14:34la strade culturelle
14:36dans lesquelles cette génération
14:38ont été forgées, aujourd'hui
14:40trouve un exutoire dans
14:42la réprobation de l'État
14:44d'Israël. Il y a une hérédité
14:46de l'antisémitisme
14:48qui, évidemment, ne se reproduit pas exactement
14:50à l'identique, qui a muté
14:52mais qui se traduit aujourd'hui par ces positions
14:54passionnelles contre l'État d'Israël
14:56qui sont tout de même assez surprenantes parce que
14:58c'est un conflit mineur, c'est un conflit
15:00de basse intensité, qu'on le veuille ou non, il suffit même
15:02de regarder les chiffres, malgré les terribles
15:04chiffres de Gaza, c'est vrai, mais c'est un
15:06conflit qui, par rapport aux Turis du Congo
15:08ou à d'autres Turis dans le monde,
15:10ne font pas le figure.
15:11Et pourquoi, et on va conclure
15:13par cela, Georges Ben Soussan,
15:15que représente Israël pour l'Occident ?
15:17Vous avez eu cette phrase, les Israéliens
15:19insupportent nombre d'intellectuels occidentaux
15:21parce qu'ils sont la preuve vivante de leur
15:23défaite morale. Et vous dites,
15:25dans une société sans transcendance,
15:27est-ce que, justement,
15:29on tient, en tout cas,
15:31on craint Israël parce qu'Israël
15:33se défend, parce qu'Israël est debout,
15:35parce qu'Israël ne veut pas se laisser
15:37anéantir ?
15:38Je dirais qu'Israël représente à la fois une mauvaise
15:40conscience, la mauvaise conscience de l'Occident
15:42vis-à-vis de la mémoire de la Shoah, bien sûr,
15:44et d'une certaine façon,
15:46cette mauvaise conscience, la personne
15:48n'aime se la voir rappeler, et Israël
15:50représente un état-nation, une
15:52identité forte, qui se bat,
15:54qui sait pourquoi elle se bat, et
15:56qui, face à un Occident qui a perdu
15:58toutes ses raisons d'exister, toutes ses raisons de vivre,
16:00toutes ses raisons d'espérer, qui a déserté
16:02la transcendance, qui a pensé qu'en
16:04évacuant complètement le religieux,
16:06on pouvait obtenir une société, malgré tout,
16:08pacifiée, sans transcendance,
16:10sans spiritualité, Israël représente
16:12exactement le contraire. D'une certaine façon,
16:14Israël, c'est comme
16:16la nostalgie
16:18d'un monde que nous avons perdu,
16:20que nous n'avons plus à reconquérir,
16:22c'est-à-dire une société qui sait
16:24pourquoi elle existe, pourquoi elle se bat,
16:26et qui a un sens réellement à donner
16:28à sa vie.
16:30Des propos qui vont faire certainement beaucoup réfléchir
16:32nos auditeurs et téléspectateurs. Merci, Georges Bensoussan.
16:34Merci Sonia Mabou. À bientôt.

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