L'interview en intégralité de Vincent Lemire, historien spécialiste du Moyen-Orient

  • il y a 2 semaines
Vincent Lemire, historien et professeur à l’université Gustave Eiffel, était l’invité du Face-à-Face sur BFMTV et RMC ce jeudi 3 octobre. Il a réagi à l'embrasement et aux escalades des tensions au Moyen-Orient.

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Transcription
00:008h32 sur BFMTV et RMC, mon invité est un spécialiste du Proche-Orient, Vincent Lemire, bonjour.
00:14Bonjour.
00:15Merci d'être sur RMC et sur BFMTV ce matin.
00:18Vous êtes historien, professeur à l'université Gustave Eiffel en région parisienne
00:22et vous avez dirigé le centre de recherche français à Jérusalem jusqu'en août de l'année dernière,
00:28jusqu'en août 2023.
00:30Vous avez publié plusieurs livres sur le conflit israélo-palestinien notamment
00:33et vous êtes notamment l'auteur de cette bande dessinée traduite dans une dizaine de pays,
00:38l'histoire de Jérusalem, parue aux éditions des ARN.
00:41Et vous allez, Vincent Lemire, nous aider à comprendre ce qui se joue actuellement dans la région,
00:45quelles conséquences cela peut avoir sur le reste du monde et notamment sur la France et sur l'Europe
00:50avec cette nuit encore des raids israéliens au Liban,
00:54une frappe notamment au centre de Beyrouth sur un centre de secours du Hezbollah,
00:59six morts dans cette frappe sur le centre de la capitale libanaise.
01:02Côté israélien, les combats ont fait huit morts dans des combats au sol,
01:07huit soldats tombés sur le front.
01:10J'ajoute qu'Israël a frappé aussi plus au nord, en Syrie, à Damas pour éliminer des responsables du Hezbollah
01:16dont le gendre de l'ancien guide religieux Hassan Nasrallah, Vincent Lemire.
01:19Est-ce que c'est la réponse israélienne à l'envoi de 200 missiles iraniens il y a quelques jours sur Israël ?
01:27Non, malheureusement.
01:28Ce n'est pas la riposte ?
01:29Ce n'est pas la riposte. La riposte va être bien plus violente a priori.
01:34C'est le nouvel an juif depuis hier soir jusqu'à demain.
01:37On pourrait imaginer, on pourrait espérer que ça donne 24-36 heures d'accalmie.
01:42Ce n'est pas toujours le cas.
01:44Quand Netanyahou était aux Nations unies il y a dix jours, j'ai dit ça nous donne peut-être 48 heures de calme.
01:50Et à ce moment-là, il y a eu l'assassinat ciblé d'Hassan Nasrallah.
01:54On ne sait pas ce qui se joue.
01:56Ce qui est sûr, c'est qu'on est au-delà de l'escalade.
01:58On est dans une phase d'embrasement généralisé.
02:01Vous dites la réponse d'envergure d'Israël, elle est encore à venir.
02:05Hier, on a eu des off.
02:09Il y a le G7.
02:11Est-ce que vous soutenez les Israéliens dans leur projet de frapper des sites nucléaires iraniens ?
02:17Biden a répondu non.
02:19La question aujourd'hui, ce n'est pas de savoir s'il va y avoir une riposte,
02:21c'est de savoir de quelle ampleur elle va être.
02:23Elle sera forcément sur l'Iran ?
02:25Elle ne peut pas être en dessous de ce qu'on avait eu au mois d'avril dernier
02:29quand on avait eu ces quelques missiles balistiques
02:33et surtout des drones iraniens qui étaient passés dans le ciel israélien.
02:37Donc, ça va être forcément plus fort.
02:40Et encore une fois, ce qu'il faut voir, c'est l'intérêt des acteurs.
02:43Ça fait des mois que je le répète.
02:45Netanyahou a intérêt à l'embrasement.
02:47Pourquoi ? Parce qu'il a besoin de consolider son opinion publique.
02:50Pour l'instant, ça marche.
02:51Il a besoin d'effacer le fiasco du 7 octobre.
02:54Et il a aussi intérêt à embarquer les États-Unis là-dedans.
02:57Parce que le 5 novembre, c'est dans un mois.
03:00Et s'il y a un embrasement, c'est l'électorat démocrate qui va être divisé.
03:04L'électorat républicain va être vent debout derrière Israël et derrière Trump.
03:07Donc, Netanyahou a intérêt à l'embrasement.
03:10Le Hamas aussi.
03:12Le 7 octobre, ça a été déclenché pour ça.
03:14La seule bonne nouvelle, c'est qu'il y a deux acteurs majeurs
03:16qui n'ont pas intérêt à cet embrasement.
03:18C'est le Hezbollah et l'Iran.
03:19Donc, eux, calculent leur coût.
03:21Vous dites, Vincent Lemire, que par exemple,
03:23quand le président iranien dit hier que l'Iran ne cherche pas la guerre contre Israël,
03:27ce n'est pas du bluff.
03:28Il ne veut pas la guerre contre Israël.
03:30Malgré l'envoi de 200 missiles, c'est ça qui peut paraître paradoxal.
03:33On est en guerre.
03:35La guerre est en cours.
03:37On parle toujours d'escalade.
03:39Moi, c'est un terme qui me gêne un petit peu.
03:40Parce qu'escalade, on a l'impression qu'on peut s'arrêter.
03:42Si vous escaladez une montagne, il faut vous arrêter.
03:44Là, on est plutôt dans une course à l'abîme.
03:47C'est une descente aux enfers.
03:49L'image qui me vient, c'est un toboggan.
03:51C'est-à-dire que les acteurs ne maîtrisent plus les termes de l'escalade, précisément.
03:56Pendant qu'on est en train de parler,
04:01un missile israélien peut tomber sur une école au Liban
04:04et faire 15 morts.
04:06Les frappes iraniennes auraient pu tuer des civils
04:11de façon massive et peut-être donc accidentelle.
04:15On est dans un moment où tout peut arriver.
04:18De blesser un mort dans ces frappes.
04:20Comment ?
04:21De blesser un mort, je rappelais, dans les frappes iraniennes sur Israël.
04:24Une réponse d'envergure d'Israël, pour essayer de comprendre,
04:29avec nos auditeurs, avec les spectateurs, de quoi il pourrait s'agir.
04:33C'est forcément ce que vous venez d'évoquer.
04:35Des frappes, par exemple, sur les sites nucléaires iraniens.
04:38Ça peut être tenter d'éliminer le guide suprême iranien.
04:42Jusqu'où ça peut aller ?
04:44Parce qu'on est pris d'un vertige quand on regarde les événements de ces derniers jours.
04:47On est obligé d'imaginer des choses inimaginables.
04:50Puisque le 7 octobre était inimaginable.
04:52La mort de Nasrallah était inimaginable.
04:54On se dit que le nucléaire, c'est inimaginable.
04:55Les beepers, c'était inimaginable.
04:58Le nucléaire, ça n'est faisable qu'avec l'appui tactique, stratégique des Etats-Unis.
05:03Et a priori, les Etats-Unis ne sont pas pauvres.
05:05Donc ce ne sera peut-être pas ça.
05:06On sait que Khamenei, le guide suprême iranien, a été mis en sécurité dans des sous-sols.
05:10Il y a déjà plusieurs jours.
05:13Une élimination ciblée, comme ça s'est fait avec Nasrallah, c'est tout à fait possible.
05:18C'est dans la tradition israélienne.
05:23Mars 2004, élimination du cher Ahmed Yassine, le numéro 1 du Hamas.
05:29Tous les gens qui nous regardent peuvent se dire
05:32est-ce que l'élimination du numéro 1 du Hamas en 2004 a supprimé la menace du Hamas ?
05:38Évidemment non.
05:39On a eu le 7 octobre derrière.
05:40Mais sur le moment, ça bouscule l'adversaire.
05:43Et surtout, ça donne un peu d'oxygène politique et électoral à Netanyahou.
05:48Je rappelle que vous êtes historien, que vous connaissez parfaitement la région.
05:52À la lumière de tout ce que vous savez, de ces rappels que vous évoquez
05:58dans les précédents israélo-palestiniens,
06:01est-ce que nous sommes en train de vivre en ce moment
06:04l'une des pires crises de l'histoire des conflits au Proche-Orient ?
06:10Oui, c'est certain.
06:12Ce n'est pas exagéré.
06:14C'est la pire crise du conflit israélo-palestinien.
06:16L'attentat du 7 octobre, c'est 1 200 morts.
06:19À l'échelle de la France, c'est 9 000 morts dans une seule journée.
06:22À Gaza, c'est 41 000, 42 000 morts.
06:25Sans doute plus.
06:26À l'échelle de la France, c'est 1,5 million de morts,
06:29dont un million de femmes et enfants.
06:30Ce qui se passe dans le cadre du conflit israélo-palestinien
06:33est absolument sans précédent.
06:35Encore une fois, 42 000 morts à Gaza en un an.
06:38La première intifada, est-ce que vous savez,
06:40est-ce que les gens qui nous écoutent savent combien de morts palestiniens
06:43il y a eu pendant la première intifada ?
06:44En cinq ans, et sur tout le territoire,
06:46Gaza, Cisjordanie, Jérusalem Est, 1 000 morts.
06:49Là, on a 40 fois plus de morts, en cinq fois moins de temps,
06:52et sur un tiers seulement du territoire.
06:54Ce qui se passe est absolument sans précédent.
06:57Et de même au Liban, on est quand même déjà à 1 500 morts depuis 15 jours,
07:012 000 morts depuis un an,
07:031,5 million de Libanais réfugiés,
07:06dont 100 000 réfugiés en Syrie.
07:08Vous vous rendez compte ?
07:09Des Syriens qui avaient fui la Syrie pour se réfugier au Liban,
07:13qui repartent, et des Libanais aussi qui vont en Syrie.
07:15Sans compter les 80 000 Israéliens
07:17qui depuis un an sont réfugiés dans leur propre pays.
07:20Non, ce qui arrive est sans précédent,
07:22et on a raison, dans les médias français,
07:24on a raison de s'y intéresser, il faut s'y intéresser.
07:27Effectivement, et c'est la raison pour laquelle, tant sur RMC que sur BFM TV,
07:30nous parlons autant de ce conflit avec nos envoyés spéciaux sur place,
07:35et c'est la raison pour laquelle vous êtes avec nous ce matin,
07:37Vincent Lemire, pour nous aider à comprendre,
07:39toujours pour essayer de saisir l'enjeu de ce qu'il se passe,
07:42j'ai lu ce que vous écriviez il y a quelques jours,
07:45et c'était avant l'attaque iranienne contre Israël,
07:48vous écriviez ceci,
07:50« Expansion des opérations terrestres israéliennes, menaces iraniennes,
07:53renforts américains, à partir de quel moment on a le droit de paniquer ? »
07:56Est-ce que vous êtes en train de nous dire que vous,
07:57avec tout ce que vous savez sur la région,
07:59vous n'êtes pas loin de paniquer aujourd'hui ?
08:02Oui, parce que moi je suis d'un naturel optimiste,
08:04et donc je me suis pas mal trompé depuis le 7 octobre,
08:08parce qu'en fait plusieurs fois,
08:09j'ai vu des portes de sortie pragmatiques pour les acteurs,
08:11et par exemple, depuis plusieurs semaines,
08:13un cessez-le-feu à Gaza,
08:14qui était encore proposé il y a 7 jours,
08:17un cessez-le-feu de 21 jours.
08:20Voilà.
08:21Ça c'était le cessez-le-feu de 21 jours pour le Liban,
08:23mais avant il y avait le cessez-le-feu à Gaza.
08:24Le cessez-le-feu à Gaza, il aurait tout réglé d'un coup.
08:27Libération des otages israéliens encore en vie,
08:29protection des populations civiles de Gaza,
08:31stabilisation de la frontière nord,
08:33puisque le Hezbollah répétait matin, midi et soir,
08:35que dès qu'il y aurait cessez-le-feu à Gaza,
08:37les tirs s'arrêteraient.
08:39Donc, il y avait des portes de sortie.
08:41Netanyahou avait d'autres choix.
08:43Il a intérêt à l'escalade,
08:45il a intérêt à l'embrasement,
08:47et donc, j'arrête d'être optimiste,
08:50parce qu'en fait, on se trompe tout le temps.
08:52Combien de fois on a annoncé la fin politique de Netanyahou ?
08:55Combien de fois on a annoncé un cessez-le-feu ?
08:57Ça n'est pas arrivé.
08:58On a un embrasement qui est en cours.
09:00La seule bonne nouvelle, encore une fois,
09:02c'est que le Hezbollah et l'Iran n'en veulent pas.
09:04Juste, Vincent Lemire,
09:05vous évoquez ce tragique anniversaire du 7 octobre.
09:07Effectivement, ce sera lundi,
09:09et nous y consacrerons évidemment
09:11une large couverture sur BFM TV et RMC.
09:13Est-ce qu'il faut retenir son souffle jusque-là ?
09:15Il se passera forcément quelque chose
09:17entre aujourd'hui et le 7 octobre,
09:19et lundi ?
09:21Le 7 octobre, ça va être une commémoration.
09:24Donc, en Israël, une commémoration,
09:26normalement, c'est une communion.
09:28C'est un moment de...
09:30Mais c'est aussi un traumatisme.
09:32Vous avez pris la référence du 11 septembre,
09:34par exemple, aux États-Unis,
09:35pour dire ce qu'a vécu Israël.
09:36Tout de suite, j'ai dit...
09:37C'est l'équivalent de 11 septembre pour les États-Unis.
09:39En fait, en équivalent de mort,
09:40c'est bien pire.
09:41Mais c'est bien pire aussi
09:42parce que le 11 septembre au soir,
09:43les deux tours étaient tombés.
09:44C'est terrible à dire,
09:45mais c'était terminé, d'une certaine manière.
09:47Et on pouvait passer à autre chose.
09:49L'invasion de l'Afghanistan,
09:50l'opération en Irak, par ailleurs.
09:52On pouvait passer aux répliques.
09:53Mais le 7 octobre,
09:54il y a 250 otages qui sont pris.
09:57Il en reste encore une centaine à Gaza.
09:59Donc, d'une certaine manière,
10:00c'est un attentat à longue durée,
10:01qui dure encore.
10:02C'est comme si,
10:03c'est ce que les Israéliens appellent
10:04un jour sans fin.
10:05Ils comptent les dates
10:06en fonction du mois d'octobre dernier.
10:07Parce que tant que les otages
10:08ne sont pas sortis,
10:09ils sont toujours dans le trauma
10:11du 7 octobre 2023.
10:12Et Netanyahou a intérêt
10:14à les laisser bloqués dans ce trauma.
10:17Vous dites d'ailleurs
10:18que l'histoire le jugera sévèrement
10:20Benyamin Netanyahou.
10:22On a vu que l'opération au Liban
10:24et l'élimination du chef religieux
10:26Assad Nasrallah,
10:27chef de la militie du Hezbollah,
10:29lui a permis de gagner en popularité.
10:31Est-ce que cette popularité,
10:34pour le terme politicien,
10:36dans la période tragique,
10:37est durable ?
10:38Ou est-ce que précisément
10:39la question du retour des otages
10:41peut le mettre en difficulté
10:42dans les jours
10:43ou dans les mois prochains ?
10:45Quand les armes se déroulent.
10:46Je rappelle, vous disiez,
10:47le Nouvel An juif,
10:48il y a des familles encore qui...
10:50Oui, le Nouvel An juif,
10:51c'est un moment important.
10:52Qui fait ce moment
10:53sans leurs proches
10:54qui sont revenus dans le monde de Gaza.
10:55Le Nouvel An juif,
10:56c'est un moment d'introspection,
10:57d'examen de conscience
10:58et qui va conduire dans dix jours
11:00à Yom Kippour,
11:01le jour du grand pardon.
11:02On est censé effacer,
11:03d'une certaine manière,
11:04tous les conflits
11:05de l'année précédente
11:06pour repartir sur une nouvelle année.
11:09Quand les armes vont se taire,
11:11quand la guerre sera terminée,
11:13immédiatement,
11:14les Israéliens vont demander
11:15des comptes à Netanyahou.
11:16Et c'est pour ça
11:17que la guerre ne s'arrête pas.
11:18Au printemps dernier,
11:19sur un autre plateau,
11:20je disais,
11:21mais en fait,
11:22la guerre de Gaza
11:23est en train de s'enliser.
11:24C'est une impasse stratégique.
11:26Un an de guerre,
11:2742 000 morts.
11:28Il y a la moitié
11:29des combattants du Hamas
11:30qui sont encore en vie.
11:31Sinoir est toujours dans ses tunnels.
11:32Les tunnels sont toujours là.
11:33Et il y a encore de l'armement.
11:34Et il y a Sinoir,
11:35le nouveau chef du Hamas.
11:36Et il y a encore des otages.
11:37Et Sinoir est le nouveau chef du Hamas.
11:39Donc c'était une impasse stratégique.
11:40Et j'ai dit,
11:41mais Netanyahou a besoin d'une guerre,
11:43donc peut-être
11:44qu'il va passer
11:45d'une guerre à Gaza
11:46à une guerre avec le Liban.
11:47Et on m'a dit,
11:48mais comment ?
11:49On y est.
11:50Et après le Liban,
11:51pourquoi pas l'Iran ?
11:52On est dans cette logique
11:54d'embrasement.
11:55Hier,
11:56on a appris
11:57que le secrétaire général de l'ONU,
11:59Antonio Guterres,
12:00était désormais
12:01personnel en gratta
12:02en Israël.
12:03Les Nations unies,
12:04qualifiées de farce
12:05par le Premier ministre israélien.
12:07Qui peut empêcher aujourd'hui,
12:08puisqu'on voit que ça ne se joue plus
12:09au niveau des instances
12:11multilatérales, internationales,
12:12qui peut empêcher,
12:13Vincent Lemire,
12:14le pire d'advenir ?
12:15Est-ce que, par exemple,
12:16vous rappeliez que les Américains
12:18mettaient une ligne rouge,
12:20traçaient une ligne rouge
12:21autour des installations
12:22nucléaires iraniennes ?
12:23Est-ce que quand Joe Biden
12:24dit à Benyamin Netanyahou
12:25le nucléaire iranien,
12:26c'est non,
12:27est-ce qu'il est écouté ?
12:29C'est le seul qui peut...
12:30C'est le seul ?
12:31Oui, c'est le seul
12:32qui peut arrêter les choses.
12:33Il n'y a personne d'autre ?
12:34La France, l'Europe ?
12:35Oui, mais là,
12:36l'image que je prends,
12:38si vous avez un ami,
12:40même très proche,
12:41qui est ivre,
12:42vous l'empêchez de conduire.
12:43D'accord ?
12:44Et s'il insiste trop lourdement,
12:45vous lui confisquez
12:47les clés de sa voiture.
12:49Biden fait le contraire.
12:50Il donne les clés à Netanyahou,
12:52il continue de livrer les armes,
12:53il monte dans la voiture,
12:55parce qu'il dit
12:56on va s'associer à la riposte
12:57contre l'Iran,
12:58et en plus,
12:59il passe le volant à Netanyahou.
13:00La seule question
13:01qu'on doit se poser ce matin,
13:02c'est est-ce qu'il va l'encourager
13:03à accélérer ou pas ?
13:04C'est ça.
13:05Mais si vous revenez
13:06sur la question de l'ONU,
13:07ça raconte beaucoup de choses.
13:08C'est une déclaration
13:09sans précédent,
13:10de mon point de vue,
13:11c'est-à-dire un État comme Israël
13:12qui dit le secrétaire général
13:13de l'ONU
13:14et Persona non grata
13:15sur le sol israélien,
13:16ça raconte beaucoup de choses
13:17de l'histoire très ambivalente.
13:19D'une certaine manière,
13:20pour moi,
13:21c'est tuer le père.
13:22Israël est né d'un vote
13:23de l'Assemblée générale
13:24de l'ONU en 1947.
13:25Tous les Israéliens le savent,
13:26de gauche, de droite,
13:27laïcs, religieux,
13:28ils le savent.
13:29Peut-être que
13:30ça leur fait mal
13:31de s'en souvenir,
13:32mais c'est comme ça.
13:33Et donc,
13:34c'est des relations
13:35très, très ambivalentes,
13:36Israël et l'ONU.
13:37C'est l'ONU
13:38qui a créé Israël,
13:39mais un an après,
13:40en 1948,
13:41on sait que
13:42des terroristes israéliens
13:44ont assassiné
13:45Falk Bernadotte,
13:46le médiateur de l'ONU.
13:47Donc,
13:48Israël a une histoire
13:49très, très ambivalente,
13:50très, très équivoque
13:51avec l'ONU
13:52et c'est un nouvel épisode.
13:53Et donc,
13:54quelles conséquences
13:55ça peut avoir ?
13:56Ça veut dire
13:57que dans les faits,
13:58l'ONU n'existe plus
13:59aujourd'hui ?
14:00Les conséquences,
14:01c'est que
14:02Netanyahou fait partie
14:03des dirigeants du monde
14:04qui considèrent
14:05que l'ordre mondial
14:06mis en place
14:07après la Deuxième Guerre mondiale
14:08est terminé.
14:09On est sorti
14:10du règne du droit
14:11et on entre
14:12dans le règne de la force,
14:13la loi de la jungle.
14:14Il y a lui,
14:15il y a Poutine,
14:16il y a Trump,
14:17il y avait Bolsonaro.
14:18La question,
14:19c'est,
14:20les gens qui nous entendent,
14:21je pense qu'ils n'en peuvent plus
14:22d'entendre le mot
14:23droit international
14:24parce que c'est complètement usé,
14:25c'est complètement lessivé.
14:26Le droit international,
14:27c'est pas seulement
14:28une invocation éthique ou morale,
14:29c'est aussi un outil pragmatique
14:30de règlement des conflits.
14:31Quand vous avez
14:32deux personnes en France
14:33qui veulent s'entretuer,
14:34vous avez un juge
14:35qui s'interpose.
14:36Entre les États,
14:37c'est pareil.
14:38Quand deux États
14:39veulent se faire la guerre
14:40et s'entretuer,
14:41il faut un juge,
14:42il faut un juge
14:43qui s'interpose.
14:44Il faut que les gens
14:45qui nous écoutent
14:46se mettent ça dans la tête.
14:47Le droit international,
14:48c'est pas seulement
14:49une discussion philosophique,
14:50c'est aussi un outil
14:51pragmatique de règlement
14:52des conflits.
14:53Vincent Lemir,
14:54je rappelle que vous avez
14:55dirigé le centre
14:56de recherche français
14:57à Jérusalem de 2019
14:58jusqu'en août 2023,
14:59donc jusqu'à août
15:00de l'an dernier.
15:01Quelle place
15:02pour la France
15:03dans cette crise,
15:04dans cette guerre ?
15:05Traditionnellement,
15:06la France a une voix
15:07au prochain moment.
15:08Elle est encore entendue ?
15:09Mais la semaine
15:10dernière,
15:12elle a encore une voix
15:13à porter ?
15:14L'appel au cessez-le-feu
15:15entre les États-Unis
15:16et la France
15:17qui a été portée
15:18à l'ONU,
15:19c'était une percée diplomatique.
15:20Et moi, ce matin-là,
15:21j'ai été fier
15:22de la diplomatie française.
15:23La France,
15:24elle a un siège permanent
15:25au Conseil de sécurité.
15:26Donc c'est faux de dire
15:27qu'elle ne compte plus,
15:28par exemple ?
15:29C'est le seul siège,
15:30mais les Français adorent dire
15:31qu'ils ne comptent plus.
15:32En même temps,
15:33ils sont super fiers
15:34et ils ont organisé
15:35les plus beaux JO de l'histoire.
15:36Ça, c'est le problème français.
15:37Factuellement,
15:38la France a un siège
15:39au Conseil de sécurité.
15:40C'est le seul siège européen
15:41depuis le Brexit,
15:42depuis que la Grande-Bretagne
15:44est sortie.
15:45La France a un lien historique,
15:46évidemment,
15:47très, très fort avec le Liban.
15:48Le Liban,
15:49c'était un mandat français
15:50jusqu'à la Deuxième Guerre mondiale.
15:51Il y a 23 000 Français
15:52qui vivent encore aujourd'hui
15:53au Liban.
15:54Et la France a un lien
15:55très, très fort avec Israël.
15:56Rappelons-nous
15:57que c'est la France
15:58qui a fourni l'arme nucléaire
15:59aux Israéliens
16:00dans les années 50.
16:01Et la France a un lien
16:02très, très fort
16:03avec la Palestine.
16:04Donc oui, bien sûr,
16:05la France a un rôle à jouer
16:06si elle veut.
16:10la première communauté juive
16:11et la première communauté musulmane
16:12d'Europe,
16:13de très, très loin.
16:14Donc de toute façon,
16:15elle n'a pas le choix
16:16parce que dans nos rues,
16:17dans nos réseaux sociaux,
16:18il y a le feu
16:19et donc,
16:20il faut s'en occuper.
16:21Très brièvement,
16:22Vincent Lemieux,
16:23pour m'expliquer.
16:24C'est une question
16:25qui m'a été posée
16:26pour tout vous dire
16:27par une téléspectatrice
16:28originaire du Liban
16:29qui m'a dit
16:30je n'ai pas eu de réponse,
16:31Madame Latrousse,
16:32à cette question.
16:33Est-ce que le Liban,
16:34est-ce qu'Israël,
16:35est-ce que la région
16:36est plus sûre
16:37avec l'élimination
16:38de Nasrallah,
16:39le chef du Hezbollah
16:40et avec la déstabilisation
16:41du Hezbollah en général ?
16:42Sa disparition,
16:43elle règle
16:44ou elle ne règle pas
16:45la question de la sécurité
16:46dans la région ?
16:47Bien sûr que non.
16:48Est-ce que la région
16:49était plus sûre
16:50quand on a éliminé
16:51le numéro un du Hamas
16:52en 2004,
16:53il y a 20 ans ?
16:54Oui, c'est ce que vous disiez
16:55il y a quelques instants
16:56en évoquant aussi
16:57Chirp Yassine.
16:58Toutes les opérations
16:59israéliennes au Liban
17:00en 1982,
17:012003, 2006,
17:02à chaque fois,
17:03ça a coûté son poste
17:04à un premier ministre israélien
17:05et à chaque fois,
17:06à très court terme,
17:07ça sert les intérêts
17:08électoraux et politiques
17:09de Netanyahou,
17:10à long terme,
17:11c'est mortifère.
17:12Le Hamas,
17:13qui pour vous
17:14n'a pas été
17:15déstabilisé,
17:16en tout cas,
17:17pas fondamentalement,
17:18pas déstructuré,
17:19pas éliminé,
17:20je reprends mes mots.
17:21Pas éradiqué,
17:22puisque c'était le but
17:23de guerre de Netanyahou.
17:24Il a revendiqué
17:25l'attaque qui a eu lieu
17:26il y a quelques jours
17:27à Tel Aviv,
17:28revendication opportuniste
17:29où c'est encore un groupe
17:30qui est en mesure
17:31de menacer la sécurité
17:32des Israéliens.
17:33Le Hamas est fortement
17:34confronté en Cisjordanie.
17:35Apparemment,
17:36ces deux assaillants
17:37venaient de la ville d'Hebron,
17:38au sud de la Cisjordanie.
17:39La Cisjordanie,
17:40c'est aussi un théâtre
17:41d'affrontement très dur
17:42depuis un an,
17:43mais ça passe sous les radars
17:44parce que vous ne pouvez
17:45pas tout couvrir.
17:46En Cisjordanie,
17:47il y a 700 morts palestiniens
17:48depuis un an.
17:49Encore une fois,
17:50c'est pratiquement autant
17:51que la première intifada
17:52en cinq ans.
17:53La Cisjordanie,
17:54c'est aussi une cocotte minute.
17:55Ça peut exploser en Cisjordanie,
17:56ça peut devenir
17:57un troisième front
17:58et en tout cas,
17:59l'attentat terroriste
18:00qui s'est passé
18:01à Jaffa Tel Aviv
18:02il y a deux jours,
18:03le prouve,
18:04il y a des armes
18:05en Cisjordanie.
18:06Il y en a d'autant plus
18:07que 250 000
18:08permis de port d'armes
18:09ont été distribués
18:10par le ministre Ben Gvir
18:11aux colons de Cisjordanie
18:12et on sait très bien
18:13que les armes circulent
18:14en Cisjordanie,
18:15partout,
18:16de tous les côtés.
18:17Tous les services
18:18de sécurité israéliens
18:19le savent.
18:20Lundi,
18:21il y a cette journée
18:22de commémoration en Israël,
18:23de la journée du 7 octobre.
18:24Il y a aussi
18:25cette menace
18:26de mandat d'arrêt
18:28de la Cour pénale internationale
18:29qui pèse toujours
18:30contre Benjamin Netanyahou
18:31et contre son ministre
18:32de la Défense.
18:33Mandat requis
18:34par le procureur
18:35mais toujours pas délivré.
18:36Vincent Lemire,
18:37dans quelle mesure
18:38est-ce que
18:39cette menace
18:40de la Cour pénale internationale
18:42influe aussi
18:43sur les décisions
18:44d'Israël
18:45et de son premier ministre
18:46aujourd'hui ?
18:47C'est une menace
18:48qui est prise en compte ou pas ?
18:49Oui,
18:50Netanyahou a très peur
18:51de ce mandat d'arrêt.
18:52Alors même qu'il ne reconnaît pas
18:53la Cour pénale internationale
18:54dont il a dit
18:55qu'il ne pourrait plus voyager
18:56dans les territoires
18:57de la CPI,
18:58donc dans toute l'Europe.
18:59Et la CPI demande également
19:00un mandat d'arrêt
19:01contre Yaya Sinoir.
19:02C'est important.
19:03Il y avait trois mandats
19:04contre la masse
19:05et trois mandats sur Israël.
19:06Le droit international,
19:07il n'a jamais été
19:08autant piétiné,
19:09dévasté
19:10que depuis un an,
19:11que depuis le 7 octobre,
19:12y compris.
19:13Et en même temps,
19:14il n'a jamais été
19:15autant invoqué.
19:16Pourquoi ?
19:17Parce que les diplomates
19:18sont impuissants
19:19et donc on en appelle
19:20aux juges.
19:21Les juges du droit international,
19:22la CPI,
19:23le procureur de la CPI,
19:24la CIG,
19:25ont aujourd'hui
19:26un rôle éminent
19:27pour réarmer
19:28le droit international
19:29et pour essayer
19:30de s'interposer
19:31entre les belligérants.
19:32C'est la seule chose à faire,
19:33en particulier
19:34quand on est leurs alliés.
19:35Je retiens
19:36ce que vous venez de nous dire
19:37Vincent Lemire,
19:38historien, professeur spécialiste
19:39du Moyen-Orient.
19:40C'est les juges,
19:41ce sont les juges
19:42et les diplomates
19:43qui finalement auront
19:44le pouvoir
19:45pour faire cesser les armes.
19:46Merci d'avoir été l'invité
19:47de RMC et BFM TV.
19:48Je rappelle que vous êtes l'auteur
19:49d'Histoire de Jérusalem
19:50aux éditions des Arènes.
19:51Merci d'être venu
19:52à ce micro ce matin.

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