• l’année dernière
« J’ai perdu beaucoup d’argent. » Lundi 23 septembre, le procès d’une affaire titanesque s’est ouvert au tribunal de Paris, celui de six sociétés du groupe Indexia, connu autrefois sous le nom de SFAM (Société française d’assurance mobile), un fleuron du secteur de l’assurance pour téléphone portable aujourd’hui accusé de « pratiques commerciales trompeuses » concernant les demandes de résiliation et de remboursements de ses contrats.

Le propriétaires de cet empire, l’homme d’affaires Sadri Fegaier, un temps présenté par de nombreux médias comme le plus jeune milliardaire de France, ainsi que ses entreprises, sont jugés jusqu’au 2 octobre devant la 31e chambre du tribunal de Paris.

Comme vous pouvez le voir dans notre reportage vidéo, Le HuffPost a assisté aux premiers jours de ce procès qualifié « d’historique » par l’avocate Emma Leoty, qui représente bon nombre des 1600 parties civiles jusqu’ici constituées dans ce dossier.

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Transcription
00:00Excusez-moi, ça vous plaît quoi d'être en train de faire des scrums sur Pégaillère ?
00:04Excusez-nous, allez-y M. Pégaillère, allez-y.
00:07Sfam, sellside, upside, ces noms ne vous disent rien,
00:12ils sont pourtant le cauchemar de milliers de Français.
00:14Le 23 septembre, un procès hors normes s'est ouvert à Paris,
00:18celui des sociétés du groupe Indexia, spécialisé dans l'assurance pour téléphone,
00:22et de son propriétaire, le milliardaire Sadri Pégaillère,
00:25accusé de prélèvements abusifs sur les comptes bancaires de ses clients.
00:29Plongeant certains dans un gouffre financier. On vous explique.
00:32D'abord, la success story.
00:34En 1999, un jeune commercial, Sadri Pégaillère,
00:38fonde la Sfam, la Société française d'assurance mobile,
00:42qui devient vite un fleuron du secteur.
00:44Les contrats contre la casse ou le vol de téléphone,
00:46débutant à quelques euros par mois, se vendent comme des petits pains,
00:50notamment auprès de commerçants prestigieux comme la FNAC.
00:53En 2018, l'entreprise revendique 5 millions de clients
00:56et 3 000 salariés en Europe, en plus d'une valorisation à 1,7 milliard d'euros.
01:01La société lancera même son réseau de magasins Upside Store.
01:05Un succès vanté par une partie de la presse,
01:07qui consacre des articles flatteurs et des publis reportages à Sadri Pégaillère.
01:11Mais derrière cette façade, la colère gronde
01:13et à partir de 2017, les litiges débutent.
01:16L'association UFC Que choisir
01:18alerte sur des souscriptions forcées
01:20au moment de l'achat d'appareils électroniques en magasin.
01:22Surtout, au fil des ans,
01:24des clients voient leurs comptes prélevés de montants de plus en plus incongrus,
01:27affolants et récurrents.
01:28On était allés chez FNAC, on a acheté un ordinateur, un téléphone,
01:33il y avait encore un truc, donc on avait trois petits contrats avec SFAM.
01:37A peu près la première année, c'était à peu près bien respecté,
01:41mais la deuxième année, ça commençait à augmenter, augmenter, augmenter.
01:45Pour un total de...
01:4643 000.
01:47Ça avait commencé par une petite somme de 6 euros, puis après 8 euros,
01:50puis après, c'est allé en crescendo jusqu'à 29, 39, 90,
01:56mais plusieurs fois dans le mois, parfois.
01:58Aujourd'hui, ça représente quel montant ?
02:00Une somme de 4 000, je ne sais plus trop combien d'euros.
02:04Ça a commencé un jour à la FNAC, quand j'ai acheté un téléphone portable.
02:07J'ai signé une assurance,
02:10et tout s'est bien passé les deux premières années,
02:12et après, ça a commencé à déraper.
02:14En août 2003, j'avais environ...
02:1830 prélèvements par jour.
02:20De mon temps complètement abscond, j'ai perdu beaucoup d'argent.
02:24En 2019, les pratiques de vente de l'entreprise
02:27lui valent une amende de 10 millions d'euros
02:29auprès de la DGCCRF,
02:30la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
02:34Mais rien n'y fait, les prélèvements continuent,
02:37et plus insidieusement encore.
02:39Sur leur relevé de compte, les clients voient apparaître d'autres noms de sociétés,
02:43toujours liés à la Sfam, qui change d'ailleurs de nom en 2021 pour Indexia.
02:47Pendant ce temps, et c'est une spécialité de l'entreprise,
02:50les demandes de résiliation ne sont pas honorées,
02:52malgré les relances de clients à bout de nerfs.
02:55Il faut attendre 2023 pour que les autorités mettent un vrai coup d'arrêt.
02:58Alors que les plaintes continuent de s'empiler,
03:01la Sfam ou Indexia est interdite de vendre de nouveaux contrats par l'ACPR,
03:05l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution,
03:07le gendarme des assurances.
03:09Mais trop tard, l'affaire est déjà devenue hors norme.
03:11Pour la seule période 2014-2021,
03:14la DGCCRF a comptabilisé 743 000 demandes de remboursement ignorées,
03:19permettant de retenir 23 millions d'euros.
03:21Quant au non-résiliation,
03:23elles ont permis à la Sfam de gagner indûment 5,8 millions d'euros.
03:26Aujourd'hui, un procès met donc des visages sur ces chiffres.
03:29Au premier jour, des dizaines d'ex-clients de la Sfam
03:31sont arrivés au tribunal de Paris,
03:33arborant les montants astronomiques réclamés.
03:35Pour le moment, il y a plus de 1 600 parties civiles.
03:38Vraiment, j'espère que le tribunal prendra la mesure de l'ampleur
03:42de ce dossier qui est titanesque.
03:44À mon cabinet, j'ai quelqu'un qui m'a dit
03:45« moi j'ai fait une tentative de suicide il y a quelques semaines,
03:48et je viens aujourd'hui vous apporter mes derniers papiers ».
03:50J'ai vraiment des gens qui ont été impactés dans leur quotidien.
03:53Puis vous savez, le stress de découvrir que vous êtes victime
03:55de prélèvements que vous ne comprenez pas,
03:57et que vous remontez le fil de tout vos relevés
03:59et que vous vous dites « mais attention, mais qu'est-ce que c'était que ça ? »
04:01Vous savez, c'est choquant.
04:03C'est une charge mentale à gérer.
04:05Je n'ai pas accès à faire que de devoir bloquer des jours,
04:10bloquer du temps, réplucher tous mes comptes depuis des années.
04:12C'est un stress, c'est une énergie qu'on ne met pas dans autre chose.
04:17– Quelles conséquences aujourd'hui ça a sur votre vie ?
04:19– Un peu difficile pour moi, très difficile, mais bon.
04:26– Qu'est-ce que vous attendez de ce procès ?
04:30– Quelque chose de bien, pour moi.
04:33Et pour tous les autres aussi, parce que je ne suis pas seule.
04:35– Tout le monde du procès ?
04:43– Il y a beaucoup de victimes, il y a beaucoup de victimes qui attendent.
04:46– Un mot pour vos clients, qu'est-ce qui se pousse ?
04:48– Allez-y, je vous en prie, s'il vous plaît.
04:51– Excusez-moi, ça vous fait quoi d'être traité d'escroc, M. Fégaillère ?
04:55Les personnes disent que vous les avez.
04:56Est-ce que vous comprenez ou pas la colère des clients, M. Fégaillère, ou pas ?
04:59– Désolé, excusez-nous.
05:01– Vous ne devez rien dire.
05:02– Excusez-nous, allez-y, M. Fégaillère.
05:05– Allez-y, allez-y.
05:07Jusqu'au 2 octobre, Sadrif Fégaillère et ses sociétés
05:10sont donc jugés pour pratiques commerciales trompeuses.
05:12Ces dernières risquent une sanction jusqu'à 10% de leur chiffre d'affaires
05:16et le milliardaire, 2 ans de prison et 300 000 euros d'amende.
05:19Mais cette affaire soulève aussi une question,
05:21comment ces pratiques ont-elles pu durer si longtemps et à une si grande échelle ?
05:25– En fait, ce procès, il pointe du doigt toutes les failles de notre loi, de notre législation.
05:30Il faut que les banques renforcent les contrôles,
05:32il faut qu'il y ait des actions de groupe qui soient plus efficaces.
05:35Ce procès, il est historique, ce procès, c'est un procès, c'est l'exemple.
05:38Il ne faut plus que les choses se reproduisent comme ça.
05:40– Quand je vois qu'il a payé une amende en 2019 de 10 millions d'euros
05:45et que ce monsieur-là travaille encore,
05:47c'est quoi, c'est le mécanisme de justice à deux vitesses ?
05:52Pour les riches et pour la classe moyenne ?
05:54Pour moi, c'est une injustice totale.
05:55– Ah oui, reste encore une question, les clients reverront-ils leur argent ?
05:59Eh bien, il y a un hic.
06:01Ces derniers mois, le tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la SPAM
06:05et d'autres sociétés de Sadrif Fégaillère.
06:07Selon Le Monde, les caisses sont vides
06:10et le groupe, par ailleurs endetté auprès de l'URSAF,
06:12aurait un passif de 800 millions d'euros.
06:14Les clients floués pourront donc se tourner
06:16vers ce qu'on appelle le fonds de garantie des victimes
06:18pour un plafond d'indemnité de 3 000 euros, soit de l'argent public.

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