Faut-il manger dans des restaurants gastronomiques ? - La question de David Castello-Lopes

  • il y a 8 heures
L’autre soir, je me suis assis dans un restaurant gastronomique à Paris. Et là il y a une serveuse qui est venue me voir et qui m’a dit : « Bonsoir je m’appelle Sophie et je vais vous expliquer comment va se dérouler l’aventure ». L’aventure...

Retrouvez la question de David Castello-Lopes dans le 7/10 (8h55 - date) Retrouvez toutes les questions de David Castello-Lopes sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-billet-de-david-castello-lopes

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00:00David Castello-Lopez, bonjour.
00:02Bonjour, Nicole.
00:03Votre question ce matin, David, faut-il manger dans des restaurants gastronomiques ?
00:09L'autre soir, je me suis assis dans un restaurant gastronomique à Paris
00:13et là, il y a une serveuse qui est venue me voir et qui m'a dit
00:16« Bonsoir, je m'appelle Sophie et je vais vous expliquer comment va se dérouler l'aventure ».
00:22L'aventure, normalement, une aventure ça implique deux choses, un déplacement et du danger.
00:29Christophe Colomb, par exemple, a vécu une aventure.
00:32Mais là, c'est quoi le danger, Sophie ?
00:35Je vais me blesser avec la sauce, tu vas me frapper avec le pain, c'est pas possible.
00:39Mais il y a pire que ça. Dans la foulée, Sophie, elle nous a expliqué l'histoire du restaurant.
00:43Elle nous a dit « Quand on a refait cet espace il y a dix ans, on a vu apparaître ce vieux mur de pierre
00:48et on a décidé de le garder tel quel. On est comme ça ».
00:52Vous êtes comment, Sophie ? Vous avez l'audace de dire non au plâtre, c'est ça ?
00:57Mais au fond, on comprend pourquoi Sophie a raconté l'histoire du mur.
01:01Sophie a raconté l'histoire du mur parce qu'elle pense que cette histoire va donner du goût à mon ceviche,
01:06qu'elle va insuffler à tous les ingrédients du repas la profondeur d'une expérience humaine.
01:11Les brocolis, sans le vieux mur à côté, c'est juste des brocolis.
01:15Mais avec le mur, ça devient des brocolis incroyables.
01:19Et ça arrive, ça arrive que ce soit vrai.
01:22C'est vrai, si tout à coup Sophie m'avait dit « Votre sol a été pêché par Vladimir Poutine lui-même »,
01:28j'aurais été plus attentif à la texture, j'aurais essayé confusément de déceler la présence de Vladimir Poutine dans ma sol.
01:35Mais le mur, Sophie, ce n'est pas assez bien comme histoire et ça dénote ton envie d'en trouver une à tout prix.
01:41Et puis les restaurants gastronomiques, ils cherchent délibérément à mettre dans tes plats des ingrédients
01:46dont tu n'as jamais entendu parler.
01:48L'hamacazé, l'hamazake pardon, le mellilo, la livèche.
01:53Et quand ce sont des ingrédients que tu connais, il y a toujours un adjectif mystérieux qui l'aurait attaché.
01:58Un jour comme ça, on m'a servi une émulsion au basilic sacré.
02:02Quelle est la différence entre le basilic sacré et le basilic profane ?
02:07Je ne sais pas et en tout cas, ça ne justifie pas un adjectif aussi grandiloquent.
02:11Les tomates aussi dans ces restaurants, ce ne sont jamais des tomates.
02:15Ce sont des tomates roses de Berne, des tomates confites de fin d'été.
02:20Et je vous défie, Nicolas, de déceler la fin de l'été dans une tomate.
02:24Mais alors la vraie question, ça reste, est-ce que derrière les mots pompeux et l'obsession du storytelling,
02:29est-ce que derrière ces repas qu'on nous présente comme des aventures, il y a de la bonne nourriture ?
02:33Et ça, ça dépend très très fort.
02:35Mais il ne reste que la meilleure chose que j'ai mangée dans ma vie, c'était dans un restaurant gastronomique.
02:40En octobre 2009, j'ai fait un petit reportage pour le journal Le Monde dans le restaurant d'Alain Passard à Paris qui s'appelle L'Arpège.
02:46Et il m'a servi un gazpacho de tomate avec une glace à la moutarde.
02:51L'extase dans mon visage.
02:53L'association de la moutarde et de la tomate, elle est ultra familière.
02:56On la teste tous les jours à la cantine.
02:58Mais sur cette base familière, Passard a développé des sensations inédites.
03:02Le contraste entre le gazpacho à température ambiante et la glace glacée.
03:06Le contraste entre la texture granulée de la tomate et l'onctuosité de la glace.
03:10Et l'impression aussi que la tomate était beaucoup plus tomate que toutes les tomates que j'avais mangées jusqu'alors.
03:16Et la moutarde plus moutarde.
03:18Après, c'est vrai qu'à L'Arpège, j'étais invité et que les choses gratuites ont souvent meilleur goût que les choses payantes.

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