"RECYCLAGE : DE L'OR DANS NOS ARMOIRES" / Depuis 2007, le prix du textile usagé a été multiplié par 5. Une tonne de vieux jeans peut se revendre 4 000 euros. Comment nos vêtements usagés génèrent-ils autant argent ? Lorsque nous donnons des vêtements, plusieurs possibilités offrent à nous. Le dépôt dans les associations caritatives qui redonnent gratuitement ces habits. Mais surtout, le recours aux conteneurs postés un peu partout sur les trottoirs de hexagone. En 2013, près de 200 000 tonnes de vêtements ont été déposés dans ces boîtes métalliques. Mais où vont les vêtements ? Ils ne sont pas donnés aux plus démunis. Acheminés dans des usines gigantesques, ils sont triés, puis recyclés. Certains sont remis à la vente et autres sont broyés et transformés en isolant thermique. Dans cette bataille des conteneurs privés, les petites associations locales risquent de mettre la clef sous la porte.
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00:00Dans son usine de tri, une cinquantaine de personnes travaillent six jours sur sept.
00:06Nous retrouvons les gros sacs de toile blanc.
00:09Ceci ne viendrait pas du Relais, mais d'une autre société française.
00:14Les logos nous sont familiers.
00:17Ce sont bien les sacs que nous déposons dans les containers de France.
00:21Notre enquête commence dans la banlieue sud de Tunis.
00:25Mehdi est l'un des plus gros importateurs de vêtements usagés de Tunisie.
00:30Un commerce pas toujours légal, raison pour laquelle nous cachons son visage.
00:35Nous le suivons dans la cité Etarir, la capitale de l'Afrique, au Maghreb.
00:40C'est le marché de la friperie.
00:43C'est cette rue. Vous allez voir les dépôts.
00:49Nous filmons en caméra discrète.
00:52Dans ces hangars, la marchandise que vend l'homme d'affaires.
00:55Des centaines de tonnes de vêtements usagés, empaquetés dans des balleaux de toile.
01:00Nous rencontrons un grossiste en vêtements, client de Mehdi.
01:28A l'intérieur, une tonne de fripes livrée la veille.
01:36Qu'est ce que c'est ça?
01:43Le sac plastique rejoint d'autres sacs dans la voiture, à même le sol.
01:50Nous découvrons le marché aux fripes de Tunis.
01:53Les vêtements apportés par Mehdi seront revendus ici à deux ou trois
01:57euros la pièce.
02:00Nous suivons l'homme d'affaires jusqu'à son hangar.
02:03A l'entrée, un amoncellement de sacs remplis de vêtements.
02:12Vous travaillez beaucoup avec la France?
02:21Dans l'entrepôt, des milliers de balleaux blancs, plus de 200 tonnes
02:26de t-shirts, pantalons, chemises que vous avez peut-être donnés en
02:30pensant faire une bonne action.
02:37Ça fait combien, à peu près, un euro, ça?
02:4420 000 euros, sa recette de la matinée.
02:49Comment des vêtements donnés génèrent-ils autant d'argent?
02:52D'où viennent tous ces vêtements?
02:55Qui contrôle ce commerce?
02:59Mehdi est le dernier maillon d'une chaîne que nous avons remontée jusqu'au
03:03conteneur métallique posté un peu partout sur les trottoirs de France.
03:09Où iront ces vêtements collectés?
03:12À des oeuvres de charité ou sont-ils destinés à un commerce international?
03:17Plongée dans le monde du textile usagé, un déchet qui vaut de l'or.
03:29Chez les Lepage, à Putot, en région parisienne, l'été est la saison du tri.
03:36On trie les vêtements?
03:37Vous allez me dire ce que vous aimez encore, ce que vous mettez, ce qui
03:40est trop grand ou pas, trop petit.
03:43Agnès et ses deux petites filles préparent des sacs de vêtements
03:47qu'elles vont donner.
03:48Trop petit, ce pull là, celui là, il est trop petit.
03:54Ça aussi, ça aussi, c'est beaucoup trop petit.
03:58Allez, on donne.
04:00Parfait, tout est propre.
04:02Ça, c'est encore la lessive.
04:04Elles sont plutôt encore en bon état.
04:07Bon, là, elles sont froissées, mais je pense qu'effectivement, ça peut
04:12servir à des gens qui sont dans le besoin.
04:17Agnès apporte beaucoup de soins à ses vêtements qui ne sont pas
04:20destinés à des personnes de son entourage.
04:23Un sac avec les grandes chemises.
04:25Tu prends celui là, Valentin.
04:27Allez, on y va les filles.
04:29Comme 20 millions de Français cette année, elles les déposent dans
04:33un conteneur près de chez elles.
04:35Oh là là, c'est plein, il y a beaucoup de conteneurs, il est plein.
04:39Franchement, il n'y a plus de place, là.
04:41Ah, mais c'est parce que c'est bloqué.
04:42Eh bien, regarde, on est dans les trucs.
04:47Comme ça.
04:49Et ça ne ferme pas.
04:51Bon, vous faites ça souvent ?
04:55J'essaye de le faire aussi souvent que possible, oui.
04:58Parce que je trouve que c'est normal que ça aille à des gens qui
05:01ont des besoins, ou qui soient dans le besoin, qui n'ont pas suffisamment
05:04d'argent pour se vêtir.
05:07Ça me paraît normal.
05:12En 2013, en France, près de 200 000 tonnes de vêtements usagés ont
05:16été déposés dans des conteneurs comme celui-ci.
05:22Notre enquête commence dans le nord de la France, à Bruel à
05:26Buissière, près de Béthune.
05:29Il est 8h30 du matin, Thierry et Frédéric démarrent leur tournée.
05:33Ils travaillent comme collecteurs pour le Relais, leader de la
05:37récupération de vêtements depuis 30 ans.
05:40On a une feuille de route par rapport aux différents emplacements
05:44qu'on doit effectuer, et on doit essayer d'en faire le plus
05:47possible sur la journée.
05:50On arrive aux emplacements.
05:53Chaque matin, ils vident une vingtaine de conteneurs, sur les
05:5619 000 que compte le Relais sur le territoire français.
06:05Je vais me mettre à l'intérieur, je vais me mettre à l'intérieur.
06:10Le lundi est la plus grosse collette de la semaine.
06:13Les habitants profitent du week-end pour vider leurs armoires.
06:20Et à la fin de la tournée, leur camion est plein à craquer.
06:25En une matinée, ils ont récupéré 3 tonnes de vêtements.
06:30On va essayer de faire tomber au maximum.
06:33Attention, attention.
06:38Comme Thierry et son collègue, plus de 600 camions sillonnent la
06:41France et collectent chaque année 100 000 tonnes de vêtements
06:45déposés dans les conteneurs du Relais.
06:47Des dons qui arrivent dans d'immenses usines comme celle-ci.
06:51Ici, chacun des vêtements donnés est examiné et trié.
07:04Voilà, c'est de la laine, on va dans le bac laine, et ensuite,
07:09dans le bac d'avant, c'est tout ce qui est cuir.
07:13Blousons, pantalons, chemises.
07:16Chaque pièce est classée par genre avant d'être revendue.
07:20Car aucun de ces vêtements n'est destiné à être distribué
07:24gratuitement. Le Relais n'est pas une association caritative,
07:29mais une société coopérative qui fait de ces vêtements un commerce.
07:34Pierre Duponchel, le PDG, ne s'en cache pas.
07:38Il vient personnellement nous faire la visite.
07:42Elle regarde déjà ce qui...
07:44Quand la marchandise passe, elle essaye de prélever au fur et à
07:48mesure ce qui lui semble pouvoir aller en magasin.
07:52Les vêtements de marque et ceux en parfait état seront revendus
07:56de 4 à 200 euros dans l'une des boutiques de la société.
08:00Les autres partent en Afrique, revendus à la tonne.
08:04Là, c'est des balles pour le Niger.
08:08C'est classé par client.
08:1330% des vêtements donnés au Relais sont abîmés ou trop usés.
08:17Ils sont alors recyclés et revendus comme isolants pour l'industrie.
08:23Usage industriel, exportation, vente en boutique.
08:28Le Relais a su trouver de nouveaux débouchés à nos vieux vêtements.
08:33Des déchets qui se sont transformés en or.
08:37Depuis 2007, la valeur du textile usagé a été multipliée par 5.
08:41Suivant le cours du tissu, une tonne de jeans sélectionnées peut
08:45se négocier jusqu'à 3000 euros.
08:47C'est le prix d'une tonne de cuivre.
08:51Du coup, le chiffre d'affaires du Relais s'est envolé lui aussi.
08:55Il a atteint en 2012 95 millions d'euros.
09:00Le PDG ne veut pas parler de bénéfices.
09:02Il préfère mettre en avant sa politique de réinsertion sociale
09:05et de création d'emplois.
09:07Nous, on dit l'argent, il en faut.
09:10Mais le but du jeu, c'est lutter contre l'exclusion, donc créer des emplois.
09:14C'est pour ça qu'on est 2500 dans le monde, dont 2000 en France.
09:20Dans la cour de l'usine, des centaines de conteneurs tout neufs
09:24sont prêts à être installés dans nos rues.
09:26La société a déjà posé 19 000 conteneurs en France et a pour
09:30objectif de doubler son parc d'ici à 2017.
09:35Mais le Relais n'est plus le seul à vouloir attirer nos frippes.
09:39Ces derniers mois, des dizaines de concurrents ont débarqué sur le marché.
09:43Les boîtes métalliques se multiplient sur nos trottoirs.
09:46En tout, 28 000 conteneurs sur tout le territoire.
09:53À Strasbourg, par exemple, où les habitants voient apparaître
09:57chaque semaine un nouveau conteneur.
10:00Comment s'y retrouver ?
10:02Lequel choisir pour donner ses vieux vêtements ?
10:06Christian Dessart est président de l'association belge Terre.
10:10Dans les années 80, il a été le pionnier de la collecte de vêtements usagés en Europe.
10:17Donc voilà les conteneurs ici qu'on va voir.
10:20Donc c'est vraiment l'exemple frappant de cette guérilla,
10:25de ce western qui a lieu ici, ici en France.
10:31Voilà, on va un peu voir qui collecte et qui fait quoi ici à Strasbourg.
10:35Il va nous aider à faire le tri parmi toutes ces boîtes.
10:39Les sociétés investissent de gros moyens pour attirer nos dons.
10:44Il y a un petit nouveau, donc la V-Box.
10:48J'en avais entendu parler, donc c'est un concept mis en place par une société privée.
10:53Là, on recycle. Recycler, c'est très tendance.
10:57Donc, tiens, c'est vraiment du marketing pur.
11:01Le bleu du ciel, le vert de la verdure, la planète.
11:05On a tous gagné à mettre plutôt nos vêtements là plutôt qu'ailleurs.
11:10Certains affichent des bébés souriants sur leur boîte ou jouent la corde écolo
11:15et vendent la création d'emplois dans la région.
11:19D'autres, rien du tout, pas même un numéro de téléphone.
11:25Ce conteneur est complètement foireux.
11:28Qu'est-ce qu'il fait là ? On ne sait pas, mais c'est un fantôme.
11:30Il n'y a rien. Il n'y a rien écrit dessus.
11:31On ne sait pas à qui on va faire le don, mais on sait qu'il est là.
11:34La méthode la plus utilisée pour être certain de remplir les conteneurs,
11:38c'est de jouer sur notre compassion.
11:41Ceci, c'est pas mal fait.
11:45Voilà, ça, c'est l'exemple type du piège dans lequel un citoyen pourrait tomber.
11:51Tiens, il pense qu'il va donner des vêtements pour une ASOS,
11:55qui est une association d'aide aux enfants atteints de l'euphémie.
11:59Vraiment, c'est joli, ça nous ferait à la limite un peu pleurer.
12:02Ce n'est pas le cas, ce conteneur.
12:05Ce conteneur, c'est vraiment un don pour en faire de l'argent.
12:09Certaines boîtes attirent tout de suite l'œil du donateur avec des logos prestigieux.
12:14La méthode révolte Christian Dessartes.
12:17Si aujourd'hui, votre maman veut venir pour faire un dépôt de vêtements,
12:22moi, je lui dirais de ne pas déposer ses vêtements ici.
12:25C'est clairement de la tromperie.
12:28Ce conteneur, si on nous dit que c'est pour les restos du cœur, ce n'est pas vrai.
12:33Regardez, voilà, en tout petit, pas trop grand.
12:36Mais voilà, collecte et exploitation effectuée par Colta.
12:42Qui est derrière cette organisation qui affiche les restos du cœur sur son conteneur ?
12:47Nous avons tenté de contacter la société pour rencontrer son directeur en vain.
12:53Nous décidons de nous rendre au siège social à 5 km de la frontière allemande
12:58et filmons en caméra cachée.
13:00Le responsable de la collecte nous avoue que la société n'en est pas à son coup d'essai.
13:05D'antan, avant d'avoir les restos du cœur,
13:08on était avec l'Association nationale de parents d'enfants aveugles,
13:13qui est très peu connue en France.
13:15Et pourquoi vous les avez quittés, les enfants aveugles ?
13:16Mais c'est parce qu'on n'avait aucun impact.
13:19Personne ici en Alsace ne connaît cette association.
13:22C'est vrai que les restos du cœur, c'est quand même autre chose que ce qu'on avait avant.
13:28Notre interlocuteur nous explique que cette pratique est en fait courante dans le milieu.
13:33Les associations y trouveraient même leur compte.
13:53Les vêtements récupérés sont exportés en Allemagne
13:57et revendus dans l'une des dizaines de boutiques de la société.
14:01Dans les prochains mois,
14:02les dirigeants prévoient d'installer encore une centaine de nouveaux containers
14:06à l'effigie des restos.
14:08Les restos du cœur assument-ils cette alliance ?
14:11Nous avons rencontré la directrice des restos de Strasbourg.
14:15Elle semble un peu gênée d'aborder le sujet.
14:17Ce qui m'érange, c'est que la confusion, oui.
14:19C'est-à-dire que les personnes, c'est vrai, elles s'imaginent...
14:22Certaines personnes peuvent penser que le manteau qu'elles mettent dedans
14:25ira sur le dos d'une personne.
14:27Par contre, nous, on est un peu actuellement en négociation
14:30avec cette entreprise pour que l'on précise bien sur les containers
14:35que les objets ou les vêtements qu'ils mettent dans ces containers
14:41sont destinés à un recyclage et que s'ils ne veulent pas que ce soit recyclé,
14:45il faut qu'ils le déposent directement dans les centres restos du cœur.
14:49Voit-elle d'un bon oeil cette pratique déjà courante chez la concurrence ?
14:53Moi, ça me gêne, mais d'un autre côté, pourquoi c'est lui ?
14:59Il faudrait que ça se moque, que ça gêne pour tout le monde
15:01et pas uniquement pour les restos.
15:04Les restos du cœur ne sont pas les seuls à louer leur image.
15:08La Croix-Rouge, les Paralysées de France ou le Secours catholique
15:11s'affichent aussi sur ces boîtes métalliques.
15:15Nous retrouvons Christian Dessartes devant un container du relais.
15:19L'entreprise a été la première à passer un contrat
15:22avec une association caritative.
15:24Pour chaque tonne collectée, le relais reverse un euro à Emmaüs.
15:28Il est sûr que mettre Emmaüs au niveau de l'image de marque
15:32est quelque chose qui a aidé et qui est toujours, bien entendu, le relais.
15:37C'est la foire d'empoigne totale où on a le monde associatif
15:41qui est en train de se faire doubler par le privé
15:45qui veut absolument s'approprier le textile et les kilos de textile que nous consommons.
15:50Ça, c'est une certitude.
15:52Nos vieux vêtements, une mine d'or que s'arrachent entreprises privées et associations.
15:59Y en aura-t-il pour tout le monde ?
16:02Au cœur de cette bataille de chiffonniers,
16:04des petites associations locales risquent de mettre la clé sous la porte.
16:11À Moulins, dans l'Allier,
16:13l'association Andigène soutient les personnes handicapées
16:16et réinsère une dizaine de jeunes en difficulté.
16:19Ce qui est bon, vous le mettez d'un côté et ce qui n'est pas bon, vous le mettez à l'autre.
16:24Jusqu'à l'année dernière,
16:26Jean-Yves et Isabelle Léger faisaient vivre leur association avec des meubles récupérés,
16:31mais surtout grâce aux vieux vêtements que les habitants de la région leur apportaient.
16:35Et puis tout s'est arrêté.
16:37On a vu arriver à Moulins, sur l'agglomération de Moulins,
16:42des privés, des gros,
16:45qui arrivaient avec une puissance, avec les containers, avec un gros pouvoir.
16:52Et du coup, on s'est demandé ce qu'on allait devenir de nous,
16:55parce que, petites associations,
16:57on est quand même sept associations sur l'agglomération à récupérer du textile
17:00et à essayer de faire du social avec ce textile,
17:04essayer de générer tout un élan associatif avec tout un travail sur le terrain.
17:09Et on s'est dit, on va se faire manger.
17:11L'été dernier, le relais a installé 15 containers d'un coup autour de Moulins.
17:17La petite association n'avait même plus assez de linge à donner aux familles dans le besoin.
17:22Tu me mets des draps, tu me mets un assortiment de draps.
17:26Tu me mets un assortiment de draps pour enfants, puisqu'il y a des enfants.
17:29Et on va prendre des couvertures aussi.
17:32On donne, oui, bien sûr, bien sûr, on donne.
17:35On est là pour ça, on est là pour ça.
17:37Et on a, on réfléchit pas, on donne.
17:39C'est des gens qui sont en grande précarité.
17:41C'est des gens, c'est des gens qui ont besoin, donc forcément, on donne.
17:45Pour protéger leur association, Isabelle et Jean-Yves vont contre-attaquer.
17:51T'as les conventions, t'as tout ça ?
17:52J'ai les conventions, j'ai les cadenas.
17:54D'accord.
17:54Et utiliser les mêmes armes que leurs concurrents.
17:57On part à la guerre, oui.
17:59J'ai l'armée.
18:00Allez.
18:01J'ai mon armée là, alors tout va bien.
18:02Oui.
18:04Ils ont décidé d'installer une dizaine de conteneurs à vêtements
18:07sur les trottoirs de Moulins.
18:11Mais avant de poser ses boîtes sur l'espace public,
18:14Jean-Yves va se demander l'autorisation à la mairie.
18:18Merci.
18:19Bonne fin de journée, au revoir.
18:20Selon lui, ses concurrents ne seraient pas tous aussi réglos.
18:24Il y en a un, il pose des conteneurs et ils font lui une demande après.
18:26Il y en a un qui demande aussi,
18:30pour une pose de, mettons, 2 conteneurs.
18:33Et puis on en voit surgir 10, 12, 18.
18:36Et ils partent du principe qu'une fois qu'ils sont posés,
18:39c'est pas facile à les faire enlever.
18:42Donc, voilà.
18:43Moi, je préfère demander avant, poser après,
18:45quitte à ce que ça prenne plus de temps.
18:47Mais au moins, on est dans les règles vis-à-vis...
18:49Et puis, je veux dire, c'est tout simplement par respect vis-à-vis des gens, quoi.
18:54Et en arrivant à l'emplacement prévu,
18:56il doit encore jouer des coudes.
18:59Là, on le décale. Mettez-la.
19:09Ca vous gêne pas, de bouger les conteneurs des concurrents, là ?
19:12Pas du tout. Bah, ils prenaient trop de place.
19:14Ils prenaient, en fait, la place sur 2 conteneurs.
19:16Donc, on pousse un petit peu, je peux mettre le mien.
19:18Le sien est toujours présent. Tout va bien.
19:21Jean-Yves espère que les habitants feront la différence
19:24entre la grosse entreprise,
19:26et la petite association locale.
19:30Je suis quelqu'un qui habite chevagne, local.
19:34Je vais ici. C'est normal.
19:36On choisit le local.
19:38On bouffera jamais personne.
19:40C'est pas le buton. On mangera jamais personne.
19:42Moi, ça sera pas bouffer.
19:44Ca, c'est la bonne question.
19:46Dans les prochaines semaines,
19:48les membres de l'association poseront encore 8 conteneurs dans le département.
19:52Ils espèrent que les lois de la concurrence joueront en leur faveur.
19:59Toutes les sociétés de collecte ne sont pas aussi loyales.
20:02Depuis l'année dernière,
20:04la bataille a même pris une étrange tournure.
20:08Bondy, dans le nord de Paris,
20:10au siège de la société Veteco.
20:13Installer des conteneurs sur l'aéroport de Paris,
20:16c'est quelque chose qui peut se faire très vite.
20:18Les fondateurs de cette jeune entreprise ont des idées.
20:21Et ça marche.
20:23Depuis 4 ans, ils ont installé plus de 800 conteneurs.
20:26Et chaque semaine, ils décrochent de nouveaux marchés.
20:29Déjà, on a eu la confirmation pour la ville de Chalette,
20:32sur-loin, dans le Loiret,
20:34pour installer les conteneurs à partir de la semaine prochaine.
20:37Donc, il y a une vingtaine de conteneurs à installer la semaine prochaine.
20:41Plus.
20:43Plus.
20:45Oui, oui, c'est pas mal, hein ?
20:47C'est bien, c'est bien.
20:51Leur créneau, c'est d'implanter des conteneurs
20:54là où la concurrence ne va pas,
20:56de préférence en banlieue parisienne.
20:58On est sur le 93, le 94,
21:01mais aussi autour de Cergy,
21:03les Mureaux.
21:05Rien ne semble freiner leur développement.
21:08Et pourtant, depuis plusieurs mois,
21:11ils doivent retirer certains points de leur carte.
21:14Aujourd'hui, malheureusement,
21:16il y a deux semaines,
21:18on nous a enlevé,
21:20on nous a piqué 3 conteneurs sur Chal.
21:23Ça fait presque une quinzaine sur un an
21:26qu'ils nous ont été dérobés.
21:28Donc, ça commence à faire un...
21:30Enfin, voilà, à 800 euros, le conteneur,
21:32vous imaginez qu'on est déjà à 12 000 euros de perdus.
21:35Pour une entreprise comme la nôtre, c'est beaucoup.
21:38Le directeur commercial veut nous montrer le parking
21:41où 2 de leurs conteneurs auraient été volés.
21:47Au départ, nous en avions 4.
21:49Donc, à un moment donné,
21:51il y en a 2 qui ont disparu.
21:53Et la même semaine,
21:55d'autres conteneurs auraient fait leur apparition.
21:59Là, on est cernés.
22:01Donc, un là-bas, 2 ici,
22:03et plus que 2 ici.
22:05Donc, forcément, on pouvait pas se permettre de laisser que 2.
22:08On était obligés d'en rajouter,
22:10et du coup, on en a rajouté plus,
22:12parce que là, au moins, pour le coup, ça se voit.
22:16Ils soupçonnent donc ce concurrent.
22:19Vous les avez appelés, vos concurrents ?
22:22Malheureusement, il y a pas du tout de...
22:25Il y a pas du tout de contact,
22:27et puis, parfois, une fois,
22:29on s'est permis de l'appeler,
22:31et il nous a dit...
22:33Il s'est permis de l'appeler,
22:35et il nous a dit, oh, c'est de bonne guerre. Voilà.
22:38Le jeune entrepreneur n'a aucune preuve de ce qui l'avance.
22:42Il a donc déposé une plainte contre X.
22:45L'enquête n'a pour l'instant pas abouti.
22:51La société du 93 n'est pas la seule
22:54à voir ses conteneurs disparaître.
22:57En France, l'année dernière,
22:59plus de 200 conteneurs se sont volatilisés.
23:03Il semblerait que les sociétés de collecte
23:06aient décidé de mener elles-mêmes leur enquête.
23:09Nous retrouvons le PDG du Relais,
23:11dans ses locaux du nord de la France.
23:14En 2013, il s'est fait voler 112 conteneurs.
23:18Avec l'aide de son responsable informatique,
23:21il a trouvé une parade.
23:23Une boîte, une carte téléphone,
23:25une grosse batterie, un aimant,
23:28et c'est parti.
23:30Ils équipent leurs conteneurs d'une balise GPS.
23:33Nous, on a des caches spéciales,
23:35mais on ne va pas les dire.
23:37Ce modèle-là...
23:40Je ne sais pas trop.
23:42Je ne sais pas trop.
23:44Vous allez parfumer un peu.
23:46Là, il y a une possibilité.
23:52Après, il y a le truc tout bête.
23:55Bon, maintenant que vous le savez,
23:57on ne le mettra plus là.
23:59C'est là un conteneur sur combien
24:01qui est équipé ?
24:05Non, mais...
24:07Vous ne voulez rien nous dire ?
24:09Non, c'est pas ça.
24:11A vous aussi ?
24:13Oui, c'est pas la question.
24:15A tous les concurrents, non ?
24:17Des traceurs GPS qui permettent
24:19de suivre minute par minute
24:21et au mètre près l'emplacement
24:23de leur boîte.
24:25Le service juridique du relais
24:27a pu ainsi remonter la piste
24:29de 90 conteneurs disparus...
24:31Et on suit son itinéraire.
24:33...et retrouver dans le hangar
24:35d'un concurrent au Portugal.
24:37La concurrence, c'est quelque chose
24:39de normal quand elle est loyale.
24:41Là, on est dans la concurrence
24:43déloyale, mais on est dans le domaine
24:45du pénal, c'est du vol.
24:47C'est un délit.
24:49Des méthodes de voyous.
24:52La bataille
24:54est loin d'être finie.
24:56Le prix du textile peut encore
24:58grimper. Et une exception
25:00française attire toutes les convoitises.
25:02C'est l'éco-contribution
25:04textile.
25:06Un dispositif mis en place en 2008
25:08pour encourager le recyclage
25:10des vêtements.
25:12A chaque vêtement que nous achetons,
25:14un demi-centime d'euro est prélevé.
25:16Avec plus de 2 milliards
25:18400 000 vêtements achetés
25:20tous les ans, cela donne
25:22une cagnotte de 13 millions d'euros.
25:24Une somme redistribuée
25:26chaque année à toutes les entreprises
25:28qui trient des vêtements français.
25:30Même aux entreprises étrangères,
25:32il suffit qu'elles soient européennes.
25:36Nous décidons d'aller filmer
25:38dans l'un des plus gros centres de tri
25:40d'Europe, aux confins de l'Union
25:42européenne, près de la frontière
25:44biélorusse, à Vilnius,
25:46en Lituanie.
25:48Dans ce bâtiment ultramoderne,
25:50des camions déchargent
25:52chaque jour des centaines de tonnes
25:54de vêtements. Ils viennent de tout
25:56le continent et depuis quelques mois
25:58de France.
26:00La direction a refusé notre demande
26:02d'interview. Nous filmons
26:04en caméra cachée sous l'œil du vigile
26:06qui nous barre l'entrée.
26:08La responsable
26:10de l'usine finit par sortir
26:12pour nous parler.
26:18Est-ce que vous savez combien de tonnes?
26:20Non.
26:22Dans chaque camion,
26:24il y a différents kilos.
26:26Ça dépend des possibilités
26:28des camions.
26:30Et chaque semaine,
26:32ils vont en France?
26:34Je ne peux pas dire.
26:36C'est parce que
26:38c'est une subvention publique.
26:40Désolée,
26:42je ne peux pas dire.
26:44C'est une subvention publique.
26:46Désolée,
26:48je ne peux pas dire.
26:50Pourquoi est-ce que c'est un secret?
26:52Non, ce n'est pas un secret.
26:54Je ne peux pas dire
26:56tout ce que nous faisons ici.
26:58D'accord.
27:00Au revoir.
27:17Comme ces Lituaniens,
27:19des Hongrois, des Allemands
27:21ou des Espagnols enverraient leurs camions
27:23récupérer des vêtements chez nous.
27:27Que se passe-t-il réellement
27:29dans ces usines?
27:31Recyclent-elles vraiment les vêtements
27:33comme les incitent l'éco-contribution?
27:35À Paris, nous posons la question
27:37au président d'EcoTLC,
27:39l'organisme qui distribue cette aide.
27:41Comment vous êtes sûrs qu'ils trient vraiment
27:43et qu'ils ne revendent pas ça
27:46Toute entreprise doit justifier
27:48la réalité de sa production
27:50et la traçabilité de sa production.
27:52Nous avons les justificatifs
27:54de reprise de ces matières.
27:56Des factures par exemple?
27:58Par exemple des factures,
28:00mais pas uniquement des factures,
28:02des bons de transport,
28:04des documents qui attestent
28:06que des volumes de matière
28:08ont été effectivement échangés
28:10entre les entreprises.
28:12Pour toucher l'éco-contribution,
28:14l'entreprise doit déclarer en ligne
28:16le nombre de tonnes qu'elles ont triées.
28:18Un système déclaratif
28:20basé sur la confiance.
28:22Mais l'organisme n'aurait pas
28:24les moyens d'effectuer
28:26des contrôles surprises sur le terrain.
28:28Comment être sûrs alors
28:30que ces vêtements sont réellement
28:32triés et recyclés?
28:34Nous partons dans l'une des régions
28:36où les Français donnent le plus de vêtements,
28:38près d'Avignon, en Provence.
28:40Devant un hangar du relais,
28:42nous filmons un camion-porte-container
28:44dans lequel sont chargés
28:46de gros sacs de vêtements.
28:50Nous entrons en caméra cachée.
28:52Au fond du hangar,
28:54un stock de petits sacs de vêtements,
28:56encore fermés,
28:58et des balots blancs chargés
29:00dans le container.
29:02Nous demandons où part le camion.
29:04Ça va où ça?
29:06Là, pour l'instant.
29:08Là, pour l'instant,
29:10on voit brûler.
29:14Ah, dans le Nord-Pas-de-Calais?
29:16Non, non, je disais juste
29:18où ça allait.
29:20J'imagine, ça va dans le Nord de la France,
29:22c'est ça.
29:24Pour être trié.
29:26Ah, d'accord. Au revoir.
29:28Le camion démarre.
29:30Nous décidons de le suivre.
29:32Il prend l'autoroute,
29:34mais pas vers le Nord, vers Marseille.
29:38Une heure plus tard, il arrive à l'entrée
29:40du grand port autonome.
29:42Nous entrons en caméra discrète.
29:44Le container de vêtements
29:46est déchargé sur le quai réservé,
29:48au départ pour la Tunisie.
29:52Ces vêtements n'ont pas été triés
29:54dans le Nord de la France,
29:56comme on nous l'a affirmé.
29:58Dans deux jours, ils seront débarqués
30:00sur le port de Tunis.
30:04Nous partons, nous aussi, pour la Tunisie.
30:08Nous y retrouvons Mehdi.
30:10Comme des dizaines
30:12d'autres importateurs tunisiens,
30:14il reçoit chaque semaine
30:16des containers venus de France.
30:22Le pays importerait chaque année
30:24100 000 tonnes de textiles français.
30:26Dans son usine de tri,
30:28une cinquantaine de personnes
30:30travaillent 6 jours sur 7.
30:32Nous retrouvons les gros sacs
30:34de toiles blancs.
30:36Ceci ne viendrait pas du relais
30:38mais d'une autre société française.
30:42Les logos nous sont familiers.
30:44Ce sont bien les sacs que nous déposons
30:46dans les containers de France.
30:52Officiellement, c'est trié ?
31:06Des privilèges fiscaux,
31:08c'est pour cela qu'ils déclarent
31:10que c'est marchandise triée.
31:12Nous nous sommes procurés
31:14l'une de ces factures
31:16émises par ces sociétés françaises.
31:18On peut y lire
31:20« balle de friperie, triée et classée ».
31:22Certains patrons contournent la loi
31:24pour toucher les co-contributions
31:26sans trier ni recycler.
31:28C'est de l'arnaque.
31:30Ça nous permet de travailler,
31:32mais c'est pas honnête.
31:34Il y a même des vêtements
31:36déchirés ou tachés
31:38que Mehdi ne peut pas vendre.
31:44Qu'est-ce que vous allez en faire,
31:46vous, de tout ça ?
31:48On les jette.
31:54Nous voulons voir
31:56où ils jettent cette marchandise.
31:58Environ un tiers des vêtements
32:00qu'ils rachètent.
32:02Voilà, c'est tout ça.
32:04C'est de la poubelle.
32:06C'est de la friperie.
32:08Une montagne de déchets textiles
32:10en état de décomposition
32:12jetée dans un terrain vague.
32:16C'est la poubelle d'Europe
32:18qui vient rentrer ici.
32:24Chaque année,
32:26environ 30 000 tonnes
32:28de vêtements que nous donnons
32:30dans ces décharges à tissus.