Être PAUVRE ça coûte CHER...

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"ETATS-UNIS : LES PAUVRES, MARCHE RENTABLES ! (L'OR DES PAUVRES)" / Aujourd'hui, les 40 millions d'Américains survivant sous le seuil de pauvreté plongent dans le piège de l'endettement. Ce désastre social a conduit à l'explosion d'un marché lucratif exploitant la misère, mais qui fait le bonheur des investisseurs de Wall Street.

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00:00Los Angeles, quartier de South Central, l'un des quartiers les plus pauvres de la ville.
00:04Ici habitent les noirs, les latinos.
00:07Les banques traditionnelles ont déserté les ghettos américains.
00:10Pour elles, un pauvre n'est pas un client sérieux.
00:13Résultat, un nouveau business florissant occupe la place.
00:16Les premiers à avoir exploité le filon, ce sont les prêteurs sur gage.
00:19Aujourd'hui, ils sont plus de 15 000 aux États-Unis, deux fois plus qu'il y a 10 ans.
00:24Dans ces boutiques, les clients peuvent emprunter un petit peu d'argent
00:27après avoir mis en caution un bien personnel.
00:29Un monde piété à l'américaine, avec des taux d'intérêt très élevés.
00:33– Regardez comme ça brille.
00:35– Le patron, c'est lui, David McEary.
00:37Après une courte carrière dans l'immobilier,
00:40il est venu s'installer dans le quartier dans les années 60.
00:43David n'a pas honte de son activité, il la considère même comme un service public.
00:49– Nous, on est les banquiers du quartier.
00:53Les banques ne veulent déjà pas prêter 500 ou 1 000 dollars aux pauvres.
00:57Alors, pour ceux qui ont besoin de 50 dollars ou de 100 dollars,
01:00les banques leur éclateraient de rire au nez.
01:04Ils n'ont pas de compte épargne, ils n'ont que quelques bijoux en or.
01:09Surtout les Latinos.
01:12Ils amènent beaucoup de bagues et de bracelets,
01:15et ils empruntent quelques centaines de dollars.
01:21– Parmi les habitués de cette boutique, nous rencontrons Yvette Lévy.
01:25Employée dans une crèche et mère de 6 enfants,
01:27son salaire ne lui permet pas de faire des économies.
01:29Elle fait partie des working poor, les travailleurs pauvres.
01:32Ils sont des millions aux États-Unis.
01:35Aujourd'hui, Yvette doit emprunter pour payer son loyer.
01:38Elle a apporté toutes ses bagues dans l'espoir d'obtenir un prêt de 150 dollars.
01:43– Ils vous donnent un peu d'argent pour chaque bague.
01:49Elles ne valent pas grand-chose, vous savez.
01:5136 dollars pour toutes celles-ci,
01:55et 80 dollars pour celle en or avec des petits diamants.
02:00C'est ma bague de mariage.
02:04– Ça, c'est du bon matos.
02:08C'est le patron qui est à la charge de l'évaluation du prix des bijoux.
02:11Un travail essentiel dans son commerce.
02:14Il pèse l'or de chaque bague et en mesure minutieusement la taille des pierres.
02:21– On prête l'équivalent du tiers ou du quart de la valeur des bijoux.
02:29Voyez sa bague ?
02:30Je pourrais peut-être la vendre 150 dollars.
02:36– Yvette obtient 160 dollars.
02:38Selon elle, les bijoux ont coûté 1200 dollars à l'achat,
02:41soit plus de 7 fois la somme que le prêteur sur gage veut bien lui prêter.
02:46– Vous voyez, il y a une date limite.
02:48Passée cette date, les bijoux leur appartiennent immédiatement
02:52et ils ont le droit de les vendre.
02:55Ensuite, ils risquent de se retrouver là avec les autres bijoux,
02:58vendus à un prix bien supérieur à ce qu'ils vous donnent pour votre gage.
03:06– L'or des pauvres est ici, dans la salle des coffres.
03:11– C'est là que vous gardez les objets de valeur ?
03:13– Oui. En fait, ils passent deux semaines dans ce coffre
03:18et ensuite, ils sont ici, dans le grand coffre.
03:21Tout ça appartient aux clients.
03:23Ça, c'est les flingues.
03:24Vous ne montrez pas les armes.
03:27Ça ne sera pas diffusé aux Etats-Unis.
03:30– C'est pour votre protection ?
03:31– Oui. Il faut que je m'en débarrasse.
03:33Légalement, on n'a plus le droit d'avoir des armes.
03:36– Oh non ! Vous pouvez quand même me donner plus que ça pour une télé.
03:41Au moins 75 dollars, non ?
03:4450 ? Non ?
03:49– On préfère fonctionner avec l'or et les diamants.
03:55Les autres articles, on les prend juste pour faire plaisir aux clients.
03:59En espérant qu'un jour, après nous avoir apporté leur vélo, leur télé,
04:04ils vendront leur or.
04:08L'or, c'est plus facile à gérer.
04:11– En échange de ces bijoux, Yvette a obtenu un prêt de 160 dollars.
04:15Elle a désormais 4 mois pour rembourser non pas 160, mais 195 dollars.
04:21Intérêt oblige.
04:29– Vous avez peur de perdre vos bijoux ?
04:32– Non, je reviens toujours dans les deux mois.
04:35Mais souvent, un mois plus tard, j'ai à nouveau des problèmes d'argent,
04:38alors je suis obligée de revenir.
04:40Mais pour beaucoup de gens, cela ne se passe pas aussi bien.
04:44Vous avez vu, il y a beaucoup d'articles à vendre dans le magasin.
04:47Beaucoup de gens font un emprunt et ne reviennent pas chercher leurs articles.
04:51– Parce qu'ils ne trouvent pas d'argent pour payer ?
04:53– C'est ça. Ils ne peuvent pas payer.
04:55Ou ce sont des articles volés qui sont écoulés ici.
05:02Vous savez, nous sommes dans un quartier pauvre.
05:06C'est pas l'Amérique riche, ici.
05:10C'est difficile, la vie.
05:12Et quand vous êtes noir, c'est encore plus dur.
05:15– Troquer de l'or contre quelques billets, ça commence à être dépassé.
05:19Aujourd'hui, pour exploiter la misère des pauvres,
05:21il y a beaucoup mieux les marchands de prêts à très court terme.
05:27Nous avons rencontré un homme d'affaires
05:29qui a fait fortune en prêtant de l'argent aux pauvres.
05:31Il s'appelle Jim Ball.
05:33Aujourd'hui, son entreprise, Fast Cash,
05:35compte une trentaine de boutiques en Californie et au Nevada.
05:38Jim adore raconter sa success story.
05:43– J'ai arrêté mon doctorat d'histoire et je suis venu m'installer dans le coin.
05:48J'ai ouvert un magasin d'alcool.
05:51C'était dans un quartier pauvre et il y avait beaucoup de gens
05:54qui recevaient des chèques d'allocations familiales.
05:57Et les banques ne voulaient pas les encaisser.
06:00Il se trouvait que cela faisait mauvais genre
06:03d'avoir tous ces pauvres dans la banque.
06:07Donc, j'avais des clients qui me suppliaient
06:10et j'ai encaissé leurs chèques contre de l'argent liquide.
06:13Et c'est comme ça que tout a commencé.
06:16Nous y voilà.
06:17– Jim nous fait visiter une de ses succursales.
06:20Une sorte de mini-banque située dans un quartier pauvre
06:23de la Silicon Valley en Californie.
06:25Pour l'instant, elle n'a jamais été attaquée, mais Jim est méfiant.
06:28Des milliers de dollars en liquide sont gardés ici.
06:31– Nous avons plusieurs systèmes d'alarme.
06:34Nous avons un système de surveillance avec des caméras.
06:37Les glaces sont pare-balles.
06:39Elles ont 25 centimètres d'épaisseur et ils sont remplis de sable.
06:43Voyez ici cette matière.
06:45Cela ne fait que quelques millimètres d'épaisseur.
06:48Mais cela peut arrêter une balle de 357 Magnum.
06:52– Le service proposé par Jim s'appelle le prêt jour de paye.
06:56Un prêt à très court terme qui s'adresse à ceux
06:58qui ont un travail, mais un salaire de misère.
07:01La plupart n'ont pas assez d'argent pour tenir jusqu'au prochain jour de paye.
07:05– Vous n'avez pas assez d'argent pour vos cadeaux de Noël ?
07:08Relax, venez faire un petit emprunt chez Fast Cash.
07:11Vous voyez le père Noël ? Il ne rentre même plus dans la cheminée.
07:15– Jim se considère un peu comme le père Noël dans ce quartier.
07:18Seule différence, il ne fait pas vraiment de cadeaux
07:20lorsqu'il prête du liquide et c'est comme ça qu'il s'est enrichi.
07:24Le prêt jour de paye est souvent le seul recours
07:26pour ceux qui sont au pied du mur,
07:28pour régler une facture qui n'attend pas
07:30ou pour tout simplement acheter de quoi manger.
07:32Les clients font un emprunt à très court terme,
07:34souvent deux semaines, dont les taux d'intérêt varient
07:36suivant la somme empruntée, entre 391 et 460 %.
07:41– Ces gens empruntent de l'argent
07:43parce qu'ils n'ont pas de quoi vivre les deux prochaines semaines.
07:46Donc on leur donne du liquide en échange d'un chèque de caution
07:50daté de leur jour de paye.
07:52On les sélectionne en vérifiant que leur compte en banque existe
07:54et on détermine quelle somme on peut leur prêter.
08:00Vous voyez cette femme, elle s'appelle Cassandra.
08:02Elle m'a fait un chèque de 300 dollars il y a deux semaines
08:04et je lui avais donné 255 en liquide.
08:07Elle revient aujourd'hui pour me rembourser en liquide les 300 dollars
08:10pour que je lui rende son chèque de caution.
08:12Maintenant, je vais pouvoir lui en faire un autre.
08:15– Quand voulez-vous rembourser votre nouveau prêt, Cassandra ?
08:17– Dans deux semaines.
08:18– Le 17, donc.
08:20– Maintenant, elle me redonne un autre chèque de 300 dollars
08:23et je vais lui donner 255 dollars en liquide.
08:26Et dans deux semaines, elle viendra me racheter ce chèque.
08:29C'est comme ça que nous faisons notre bénéfice.
08:32– Donnons 255 dollars et on récupère 300 dollars.
08:36– Récapitulons. En un mois, cette cliente a fait deux emprunts.
08:39Pour obtenir 510 dollars en cash, elle va payer une commission de 90 dollars.
08:44Cela représente un taux d'intérêt annuel de 460%.
08:51– Pour moi, c'est un peu effrayant de penser qu'ils ont tellement besoin
08:54de 100 dollars, 200 ou 250 dollars, qu'ils sont prêts à payer
08:58de telles commissions, tout ça pour tenir deux semaines.
09:02Cela veut bien dire qu'aujourd'hui,
09:04les gens n'ont plus les moyens d'économiser.
09:10– Le siège social de Fast Cash est situé à San José, en Californie.
09:14Les affaires marchent très bien pour Jim, qui n'hésite pas
09:16à afficher son goût de l'argent sur les murs de son bureau.
09:19Depuis la fin des années 70, il a ouvert une nouvelle boutique par an.
09:23Mais ces trois dernières années, grâce au développement du prêt jour de paye,
09:26son chiffre d'affaires a explosé.
09:28C'est le jackpot. Il a ouvert 13 nouveaux magasins.
09:33– La vérité, c'est que les gens ont besoin et aiment ce produit.
09:37Et ils ne se font pas avoir.
09:41Quelquefois, vous avez des gens qui ne savent pas se contrôler
09:44et qui abusent du système.
09:46Mais c'est comme avec tous les autres produits,
09:49comme pour les drogues ou l'alcool.
09:52Vous trouvez toujours des gens qui abusent.
09:57– Une accro du prêt jour de paye, nous en avons rencontré une.
10:01Lisa est vendeuse dans un supermarché.
10:03Accompagnée de sa soeur, elle vient, comme toutes les semaines,
10:06rembourser un prêt pour en prendre un autre.
10:08Aujourd'hui, pour obtenir 200 dollars, elle fait un chèque de 230.
10:11Et elle nous confie qu'elle vit chez sa mère
10:13et que c'est elle qui l'envoie contracter ce prêt.
10:17Pourquoi votre mère ne vient-elle pas elle-même ?
10:20– Peut-être qu'elle-même a déjà fait un emprunt.
10:22Elle a besoin de plus d'argent, donc c'est moi qui viens.
10:25– Vous connaissez le taux d'intérêt du prêt que vous venez de contracter ?
10:28– Non, pas vraiment. Je ne fais pas attention à ça.
10:32Quand vous avez vraiment besoin d'argent, ça paraît pas si mal.
10:36– Dans les quartiers pauvres, la loi de l'argent, c'est la loi de la jungle.
10:39Le marché explose et aucune loi n'encadre les pratiques de ces banques alternatives.
10:45À Washington, Ed Merlinski est un des directeurs de USPIRG,
10:49un organisme de défense des droits des consommateurs.
10:51Depuis quelques années déjà, il tente d'alerter le public et les parlementaires.
10:56– Ils profitent des pauvres.
10:58Vous savez, les familles n'ont pas assez d'argent pour survivre d'une paie à l'autre.
11:03Et les banques sont incapables d'offrir des emprunts à des taux raisonnables pour les pauvres.
11:09Une banque sera très contente de me prêter 10 000 dollars si je remplis les critères.
11:14Mais si je veux emprunter 100 dollars,
11:16je ne peux aller que chez un fournisseur d'emprunts
11:19et je ne peux aller que chez un fournisseur d'emprunts jour de paie.
11:23C'est un commerce en pleine expansion, sans aucune régulation
11:26et qui propose aux pauvres des services financiers hors de prix.
11:33– Ces 5 dernières années, le nombre de prêteurs jour de paie a explosé
11:36et aujourd'hui, on compte 22 000 magasins aux États-Unis, plus que des McDonald's.
11:40Voici le numéro 1, Advance America.
11:42Son chiffre d'affaires a augmenté de 16% cette année.
11:45Advance America a refusé de nous expliquer les raisons de son succès,
11:48mais ses publicités révèlent sa stratégie, il faut déculpabiliser les plus pauvres.
11:54– Je dois avouer que quelquefois, je me retrouve à court d'argent avant le jour de paie.
11:59Est-ce que ça fait de moi quelqu'un de mauvais ?
12:01Non, ça arrive à tout le monde, c'est la vie.
12:03Quand je viens chez Advance America, personne ne me fait culpabiliser,
12:06personne ne me dit « Eh, vous avez de la chance qu'on soit là ».
12:09C'est pas comme ma banque, qui en plus me facture des agios énormes quand je suis à découvert.
12:13– Ils se multiplient comme les rats.
12:15Et quand vous en tuez un, un autre apparaît chez le voisin.
12:20Alors on fait des progrès, on essaye de faire passer des lois,
12:24mais c'est vraiment très difficile, parce que ces gens gagnent tellement d'argent.
12:30– Pour emprunter de plus grosses sommes, pour acheter une voiture par exemple,
12:34les pauvres ont accès eux aussi aux crédits.
12:36Des crédits faciles, des offres alléchantes, en fait un piège.
12:39Jim est un petit marchand de voitures d'occasion dans le quartier mexicain de Los Angeles.
12:46Voici Carlos Sanchez Cruz, un jeune Mexicain de 24 ans
12:49qui doit s'acheter un véhicule afin de se rendre à son travail.
12:52Un fast-food dans lequel il a trouvé un emploi de cuisinier.
12:59Carlos aime bien cette petite voiture, mais il n'a pas assez d'argent pour l'acheter.
13:04Il décide donc d'avoir recours à un crédit.
13:11– D'abord, il faut remplir un formulaire de demande de crédit,
13:15permis de conduire, numéro de sécu et référence de travail.
13:21Ensuite, nous allons envoyer ce formulaire à la société de crédit
13:25et ils vont se renseigner sur sa note de crédit.
13:28En fonction de sa note, ils vont déterminer s'ils acceptent de le financer
13:32et si oui, à quel taux d'intérêt.
13:38Voilà, j'envoie le fax et dans une heure ou deux, on devrait avoir la réponse.
13:43– C'est à ce moment-là que se met en branle la machine du crédit américain.
13:46Prenant les informations de Carlos,
13:48la société de crédit se met en liaison avec un système informatique
13:52qui gère le financement du crédit américain.
13:55La société de crédit se met en liaison avec un système informatique
13:58qui gère les informations financières de 200 millions d'individus,
14:0165 000 milliards de fichiers stockés, analysés et accessibles en temps réel.
14:07Nous sommes chez Experian, l'une des trois sociétés privées
14:10qui, avec l'aval de l'administration américaine,
14:12surveille et analyse la solvabilité financière de 99% des consommateurs américains.
14:19L'endettement, la ponctualité dans le règlement des factures,
14:22tout est passé au peigne fin pour repérer les mauvais payeurs
14:25et surtout pour donner à chaque consommateur une note de bonne ou mauvaise conduite
14:29intitulée note de crédit.
14:33– Nous avons l'historique financier de tous les consommateurs.
14:36Les informations nous sont données par les banques et les autres institutions financières
14:40ainsi que par les fournisseurs de services comme le téléphone ou l'électricité.
14:45Voyez ici sur ce tableau, nous pouvons visualiser l'endettement des gens,
14:49leur demande de crédit et même leur ponctualité dans les règlements de leur facture.
14:54Tous ces éléments nous permettent de calculer leur note de crédit.
14:58Par exemple, quelqu'un qui paye ses factures en retard aura une note de crédit plus basse
15:02que celui qui paye en temps et en heure.
15:08Autre exemple, quelqu'un qui est endetté, lui aussi,
15:11aura un score plus médiocre que quelqu'un qui n'a pas de dette.
15:20Une heure plus tard, la société de financement contacte Jim par téléphone
15:24pour donner son accord ainsi que les modalités du crédit.
15:27– Oui, allô ?
15:30Le prêt est-il accordé ?
15:33Oui, à quel taux d'intérêt ?
15:37– Un prêt de 1150 dollars avec un taux d'intérêt de 22%.
15:41C'est le contrat proposé par la société de crédit contactée par Jim,
15:45un taux très élevé et non négociable.
15:48– C'est ça le business.
15:50C'est parce qu'il a une mauvaise note de crédit et qu'en plus il est étranger.
15:55Maintenant, s'il était riche, le taux serait de 0%.
16:02Votre note de crédit, c'est ce qui vous permet d'exister aux États-Unis.
16:07– Et qui sont généralement les gens qui ont une mauvaise note de crédit ?
16:12– Les classes moyennes et les pauvres.
16:15Les gens veulent tout acheter, même quand ils n'ont pas les moyens.
16:19C'est ça l'Amérique.
16:24– Bien, on va aller voir ta nouvelle voiture.
16:27Enfin, ta nouvelle voiture d'occasion.
16:29Le vendeur demandait 1650 dollars pour la voiture.
16:33Avec le prix du crédit, Carlos va finalement payer 745 dollars supplémentaires.
16:39– C'est comme ça pour les Mexicains.
16:43Toujours des tarifs plus chers.
16:48C'est n'importe quoi.
16:51Jim, le vendeur de voitures, n'a personnellement rien à gagner dans la transaction du crédit.
16:56Il ne touche pas de commission et il prend même un risque.
16:59C'est lui qui garantit le prêt.
17:01– Ils nous facturent les frais de dossier du prêt.
17:04Et si le client ne paye pas ses trois premières mensualités,
17:07nous devons racheter le prêt.
17:10Ces sociétés de crédit jouent gagnants à tous les coups.
17:13Si votre note de crédit est très mauvaise, vous pouvez payer jusqu'à 30% d'intérêt.
17:18C'est pour ça qu'on dit que les riches s'enrichissent et que les pauvres restent pauvres.
17:22On préfère les pauvres que les riches.
17:24Et c'est pour ça qu'on dit que les riches s'enrichissent et que les pauvres restent pauvres.
17:29– Pénaliser les gens qui ont une mauvaise note de crédit,
17:32c'est la règle dans la société américaine.
17:36Nous partons à Washington pour rencontrer Matthew Fellow,
17:39un professeur du prestigieux Institut de recherche Brookings.
17:43Pendant un an, il a mené l'enquête dans les quartiers pauvres.
17:46Son étude révèle aujourd'hui l'une des dérives du système financier américain.
17:50La note de crédit est utilisée pour étudier les gens qui ont une mauvaise note de crédit.
17:56La note de crédit est utilisée pour établir les taux d'intérêt des emprunts,
18:00mais également pour faire payer encore plus cher
18:03les produits et les services que consomment les pauvres des ghettos américains.
18:08– La plupart des gens qui viennent habiter dans un quartier pauvre comme celui-là
18:13se disent que dans ce genre d'endroit, la vie doit être moins chère.
18:17En fait, c'est le contraire.
18:20En général, les gens qui habitent ici ont des notes de crédit inférieures
18:24à ceux qui vivent dans les quartiers plus riches.
18:27Étant donné que les sociétés d'assurance et que les sociétés de crédit
18:31utilisent cette note pour fixer leurs tarifs,
18:34les pauvres se retrouvent à payer plus cher leurs assurances
18:37et les remboursements d'emprunts de leur maison.
18:41Tout ça parce que leur note de crédit est inférieure.
18:46– Selon l'étude de Matthew Fellow, la note de crédit moyenne dans les quartiers pauvres
18:50est de 18% inférieure à celle des classes moyennes,
18:53une ségrégation par l'argent qui ne dit pas son nom
18:56et qui précipite les plus pauvres dans la misère.
19:01– On parle toujours de spirale de la pauvreté.
19:04Moi, je parle d'un dérèglement du marché.
19:07Les entreprises s'aperçoivent, ou en tout cas ont l'impression,
19:11que cela coûte plus cher de faire du commerce avec les pauvres.
19:15Donc, pour se protéger, elles augmentent leurs tarifs.
19:20Cela a comme conséquence de faire payer les pauvres
19:23un prix plus important pour leurs produits de base.
19:26Et comme ils ont moins les moyens de payer,
19:28cela entraîne un taux de faillite et d'impayé bien plus important.
19:32Et le résultat, c'est que commercer avec les pauvres revient plus cher.
19:37C'est un cercle vicieux, basé quelquefois sur des réalités économiques
19:43et d'autres fois sur des pratiques de prédateurs.
19:47– La machine à fabriquer du score de crédit dicte désormais sa loi.
19:51Aucun Américain ne peut y échapper.
19:54Pour ceux qui ont une bonne note, les banques leur ouvrent encore leurs portes.
19:57Ils ont droit à un prêt de première classe, très avantageux,
20:00à un taux d'intérêt de moins de 7%.
20:02Mais pour les mal notés, de nombreux organismes financiers
20:05proposent ce qu'on appelle les prêts de deuxième classe.
20:08Des prêts avec des taux d'intérêt annuels de plus de 7%,
20:11qui atteignent souvent 10%, voire plus.
20:14Un marché en pleine expansion.
20:16Aujourd'hui, un consommateur américain sur 4
20:19a recours à ses prêts de deuxième classe.
20:23– Bonjour, je m'appelle Nathan et je suis un banquier prêt à vous aider,
20:26même si votre note de crédit est mauvaise.
20:28– On était noyés sous les dettes.
20:29On voulait utiliser la plus-value de notre maison pour s'en sortir.
20:32– Nous, on allait se faire expulser de notre maison.
20:35Grâce à eux, nous avons obtenu l'argent dont nous avions besoin en moins de 5 jours.
20:41C'est en regardant ce genre de publicité
20:43que les épouseloteurs ont contracté un prêt de deuxième classe
20:46au taux d'intérêt très élevé.
20:48Un piège dans lequel tombent beaucoup d'Américains de la classe moyenne
20:51lorsque survient le moindre petit incident de la vie.
20:57Jacqueline est agent de police.
20:58Son mari est ouvrier en bâtiment, mais il y a deux ans,
21:01suite à un accident, il a dû quitter son travail.
21:03Avec moins de revenus, la famille s'endette
21:05et pour s'en sortir, Jacqueline a mis sa maison en gage.
21:09– Ma maison était totalement payée.
21:11Ma grand-mère avait fini de la payer il y a très longtemps.
21:15Regardez, vous pouvez voir une photo de moi avec ma grand-mère.
21:20C'est une vieille photo.
21:22– Aujourd'hui, la maison de famille n'appartient plus tout à fait à Jacqueline.
21:25En effet, elle n'a obtenu un prêt pour rembourser ses dettes
21:28qu'à condition que sa maison serve de garantie.
21:31Si elle ne rembourse pas son prêt, sa maison sera vendue.
21:34Mais le remboursement de son prêt de deuxième classe coûte cher à Jacqueline.
21:37Le taux d'intérêt est trop élevé.
21:41– Je savais que ma note de crédit n'était pas très bonne
21:43car je m'étais endettée en m'occupant de ma famille.
21:46Avec le vendeur de prêt, je me sentais à l'aise,
21:49surtout après avoir entendu sa publicité à la radio.
21:52Je pensais obtenir un service plus personnalisé.
21:57Il m'avait assuré que le taux d'intérêt serait bas et je lui ai fait confiance.
22:02C'est seulement le jour de la signature des contrats
22:04que je me suis rendue compte que les intérêts étaient très élevés.
22:09J'étais très contrariée, mais à ce stade, je ne pouvais plus rien faire.
22:16Mon temps était compté et il fallait que j'éponge des dettes immédiatement.
22:22Ils ne m'ont pas laissée de porte de sortie.
22:26– Une fois les contrats signés, il n'y a plus rien à faire.
22:29Jacqueline, officier de police, connaît la loi.
22:32Aujourd'hui, elle s'en mord les doigts car les termes de son emprunt sont effarants.
22:36Au bout du compte, pour emprunter moins de 33 000 $,
22:40elle devra rembourser un total de 96 135 $, dont 63 280 $ d'intérêt.
22:49– J'étais tellement furieuse contre eux
22:51que je ne préfère pas vous dire ce que j'avais envie de leur faire.
22:55Mais bon, je me suis calmée et j'ai remis tout ça dans les mains de Dieu.
23:00Cela ne devrait jamais arriver, ce genre de choses.
23:03Jamais et à personne, ça vous démolit une vie.
23:06– Je me suis débarrassée de mes agios et de mes pénalités.
23:09Un seul paiement par mois et il s'occupe du reste.
23:15– Les emprunts de seconde classe avec leurs taux d'intérêt élevés
23:18font le bonheur du marché financier américain.
23:21Le chiffre d'affaires de ce type de prêts a explosé ces dix dernières années
23:24pour passer de 91 à 516 milliards de dollars.
23:28C'est à Wall Street que les sociétés de crédit vont chercher les investisseurs
23:32qui financent les prêts de deuxième classe.
23:34Mais prêter aux pauvres, aux mauvais payeurs, c'est considéré comme risqué.
23:38Des sociétés sont spécialisées dans ce qu'on appelle ici
23:41la sécurisation des investissements.
23:44Nous sommes ici chez Greenwich Financial.
23:46Ce géant de la finance fait partie des leaders
23:48sur le marché de la sécurisation des emprunts de deuxième classe
23:51avec un volume de 183 milliards de dollars en 2004.
23:56Peter DiMartino est banquier d'investissement.
23:58Sa mission, éliminer tous les risques grâce à des outils financiers très sophistiqués.
24:05– A priori, on pourrait penser que les prêts de deuxième classe
24:08sont plus risqués pour les investisseurs que les prêts de première classe.
24:11Mais pas du tout !
24:13En fait, notre procédé de sécurisation met en place un mécanisme
24:17de protection financière qui permet de protéger les investisseurs
24:20du marché des prêts de deuxième classe.
24:24Une fois ce travail accompli, nos actions générées par les prêts de deuxième classe
24:28ont le même taux de rentabilité que celles générées par les prêts de première classe.
24:33C'est ça la sécurisation.
24:36– Et qui finance cette sécurisation, les investisseurs ou les consommateurs ?
24:41– Je préfère ne pas répondre à cette question.
24:44– Peter ne nous en dira pas plus.
24:46Les détails de la sécurisation, de la mise en confiance des investisseurs
24:50sont jalousement gardés par Wall Street.
24:52Et pour cause, ils ne sont pas toujours avouables.
24:56Pour en savoir plus, nous avons rencontré un expert de ce système opaque.
25:00Patricia McCoy est professeure à l'université de Hartford.
25:04Spécialisée dans le droit financier, elle est l'auteur d'un rapport
25:07sur le rôle de Wall Street dans le développement des prêts de deuxième classe.
25:12– Les investisseurs obtiennent déjà un taux de rentabilité très élevé
25:15pour un risque minime.
25:18Mais comme ils se disent méfiants, ils demandent un taux de rentabilité encore plus élevé.
25:25Et ça fait donc augmenter le taux d'intérêt des prêts de deuxième classe pour les emprunteurs.
25:33Pour moi, c'est juste une façon d'exploiter les gens qui ont le moins d'argent
25:37et surtout, leur faire payer plus que ce qui est nécessaire
25:41pour couvrir les risques financiers encourus par les investisseurs.
25:45Et plus les gens sont désespérés, plus vous pouvez les faire payer.
25:52– À Philadelphie, le désespoir, on connaît.
25:55Cette ville est un des hauts lieux de la pauvreté aux Etats-Unis.
25:59La précarité et l'exclusion sociale frappent plus de 20% d'une population en majorité noire.
26:05À cela s'ajoute un nouveau phénomène, celui des petits propriétaires
26:09qui ne peuvent plus payer leur traite et qui sont expulsés par les sociétés de crédit.
26:14À Philadelphie, une moyenne de 1000 personnes par mois perdent leur maison.
26:19Nous avons rencontré Danny quelques jours avant son expulsion de sa petite maison
26:23dans le ghetto sud de Philadelphie.
26:25Ses problèmes ont commencé il y a 5 ans lorsqu'il a perdu son emploi suite à une blessure.
26:30Il est aujourd'hui dans l'incapacité de rembourser un emprunt de 25 000 dollars.
26:39– J'ai peur de perdre cette maison.
26:41C'est tout ce que j'ai jamais possédé dans ma vie.
26:44Je l'ai acheté quand je me suis marié.
26:49Je ne voulais pas reprendre un emprunt.
26:52Mais c'est ma femme qui voulait faire des réparations.
26:56En ce moment, je dois 25 000 dollars.
27:00Mais avec les frais d'avocat de 15 000 plus les frais de mise en vente de la maison par le shérif,
27:06j'en suis à 40, 42 000.
27:09Pour eux, c'est un bonheur les procédures d'expulsion.
27:12C'est un commerce lucratif aux dépens des gens.
27:17Danny s'est réfugié dans la dernière pièce habitable de la maison.
27:20Il est désespéré.
27:22Le remboursement de sa dette est devenu insurmontable.
27:27Ce qui vous assassine, ce sont les intérêts et les pénalités pour les retards de règlement.
27:31C'est ruineux.
27:33Quand vous vous retrouvez comme ça, dos au mur, c'est la déprime qui vous gagne.
27:38Vous devenez un ermite, l'amboise vous gagne avec les factures qui continuent à arriver.
27:44Vous avez la sensation qu'il n'y a pas d'issue. Il y a de quoi se suicider.
27:49C'est le shérif à Philadelphie qui a la charge de vendre aux enchères
27:52les maisons des particuliers en faillite au profit des sociétés de crédit.
27:56Aujourd'hui, plus de 900 maisons vont être vendues en quelques heures.
28:00Nous ne pouvons pas entrer dans la salle, mais nous avons tout de même glissé un micro à l'intérieur.
28:05Cette maison s'est vite vendue. Écoutez.
28:0920 000 dollars.
28:1120 000 dollars.
28:1335 000 dollars.
28:1640 000 dollars.
28:1845 000.
28:2045 000 une fois, deux fois.
28:2245 000 dollars adjugés à l'avocat en rouge.
28:26Le shérif John Green est celui qui fait respecter la loi.
28:30Mais depuis quelques mois, une partie de ses bureaux a été transformée en agence immobilière.
28:36Presque un second métier pour le shérif.
28:40Les propriétés sont vendues à un bon prix.
28:42Donc les gens qui cherchent à faire une bonne affaire viennent à la vente du shérif.
28:48D'un côté, vous avez les gens qui perdent leur maison et qui sont expulsés.
28:54Et de l'autre, vous avez des gens qui obtiennent des propriétés à un bon prix.
28:58Ils réparent les maisons. C'est bon pour la stabilité de la communauté.
29:04En espérant que les nouveaux acquéreurs n'auront pas à contracter un prêt de deuxième classe.
29:08Oui, mais même s'ils ont un prêt de deuxième classe, il faut bien comprendre qu'ils obtiennent une propriété à un prix inférieur au marché.
29:16Donc ils font immédiatement un bénéfice grâce à ce prêt de deuxième classe.
29:22Les bureaux du shérif font payer 1 200 dollars à toutes les personnes dont la maison est mise en vente.
29:27Une taxe qui rapporte 1 million de dollars par mois et qui déclenche la polémique.
29:32Car aux Etats-Unis, le shérif est élu par ses concitoyens. C'est un homme politique.
29:36Cette taxe des expulsions a déclenché la colère de John Dood.
29:41Le rêve des gens est jeté par la fenêtre.
29:44John est directeur d'une association caritative qui organise régulièrement des manifestations devant les bureaux du shérif.
29:51L'argent est collecté par le shérif et il l'utilise pour faire de la publicité partout.
29:57Dans tous les journaux de la ville, les quotidiens, les hebdos, à la radio et ses acolytes ramassent une commission de 15%.
30:05Vous voulez dire que l'argent va au bureau du shérif ?
30:08Non, l'argent va à une société de conseil qui est dirigée par son chef de campagne.
30:14Le shérif vous dirait que ses publicités aident à vendre les maisons pour la vente aux enchères.
30:21Mais moi, je pense que c'est surtout un bon moyen d'arroser les journaux pour obtenir leur faveur.
30:28Et c'est un bon moyen de faire du fric.
30:33Sur le plan national, en moyenne, 64 000 personnes perdent leur maison chaque mois.
30:39Ce nombre d'expulsions est tout simplement sans précédent dans l'histoire des Etats-Unis.
30:42Afin de mieux comprendre les raisons de ce désastre économique et social, l'état de Pennsylvanie a commandé une étude à Ira Goldstein, un expert dans le financement immobilier.
30:58Voici la carte de Philadelphie, avec ici les quartiers avec les plus forts taux d'expulsions.
31:05Dans les trois quarts des cas, ce sont des gens qui ont contracté des emprunts de deuxième classe.
31:10Les gens ne peuvent tout simplement pas faire face à leur paiement.
31:15C'est vraiment un énorme commerce.
31:18Le volume des prêts de deuxième classe a augmenté de façon exponentielle depuis le milieu des années 90.
31:25A la même vitesse que les taux d'expulsions ?
31:28Oui, à la même vitesse.
31:30Les quartiers avec les taux les plus importants sont en général ceux dans lesquels il y a une majorité de Noirs.
31:40A Philadelphie, la communauté noire est la plus pauvre.
31:44C'est la cible numéro un des marchands de prêts de deuxième classe.
31:48Et parfois, ils n'hésitent pas à abuser des plus faibles.
31:56Les gars, vous voulez un coquin ?
31:59N'hésitez pas.
32:01Monsieur Bronson, un soudeur à la retraite de 65 ans, s'est fait séduire par une publicité à la radio.
32:06Notre société a des assurances et assure les prêts immobiliers pour les gens avec une bonne ou une mauvaise note de crédit.
32:14Notre société contracte des prêts avec des églises.
32:17Sans bien comprendre les termes du contrat, Monsieur Bronson s'est fait vendre un prêt de 31 800 dollars à un taux de 12,45% sur 30 ans.
32:27Au moment de la signature, il ne savait même pas que le prêt hypothéquait sa maison.
32:32Ils avaient l'air gentils. Je me suis dit, je vais leur faire confiance.
32:38Je pensais faire un simple emprunt, pas un emprunt hypothécaire sur ma maison.
32:42Je ne comprenais rien à tous les papiers qu'ils me présentaient.
32:45Ils me disaient, signez ici, signez là. Je n'avais même pas le temps de lire.
32:52Et ensuite, c'était trop tard ?
32:54Oui, beaucoup trop tard.
32:56Vous savez, quand cette histoire a commencé, je pesais 60 kilos.
33:02Et maintenant, je n'en pèse plus que 49 et je continue à plonger.
33:08Je décline chaque jour un petit peu plus.
33:13Pour se sortir d'affaires, Monsieur Bronson a trouvé de l'aide.
33:17Une organisation gouvernementale dont la fonction est de faire respecter l'égalité raciale dans l'état de Pennsylvania.
33:22Lui a envoyé cet avocat, Charles Nyers.
33:25L'avocat a trouvé un argument juridique de poids.
33:28Il accuse ceux qui ont vendu le prêt de Monsieur Bronson d'avoir pratiqué une politique commerciale raciste.
33:36Les États-Unis ont des lois très puissantes pour protéger la personne ou lutter contre le racisme.
33:43Et ces lois sont beaucoup plus punitives que les lois qui protègent les gens des prêts abusifs.
33:47Notre commission a été capable de prouver que ceux qui faisaient ce genre de crédits ciblaient manifestement les Afro-Américains.
33:55Et nous avons prouvé qu'ils faisaient leur publicité en utilisant seulement des médias afro-américains,
34:00notamment leurs shows radio sur les grandes ondes.
34:04La société de crédits, la société des frères McGlone, a été condamnée en première instance à une suspension de licence,
34:10mais surtout à une amende.
34:12Les McGlone ont fait appel. La peine est suspendue en attendant une décision définitive de la cour d'appel de Pennsylvanie.
34:19Suite au refus répété des McGlone de nous accorder un rendez-vous, nous décidons de rentrer dans leur bureau avec une caméra cachée.
34:26Anthony McGlone se montre brièvement et la surprise, il est lui-même afro-américain.
34:31Vous savez pourquoi on est là ?
34:34Oui, et on m'a connu.
34:36Il est lui-même afro-américain.
34:39Vous savez pourquoi on est là ?
34:41Oui, et on m'a conseillé de ne pas vous parler.
34:44Ah bon, on vous a conseillé de ne pas nous parler ?
34:46Oui, c'est mon avocat qui m'a dit de ne pas vous parler.
34:49Vous m'obligez à me répéter. Appelez donc mon avocat puisque vous avez son numéro.
34:54Nous avons appelé l'avocat des McGlone plusieurs fois.
34:58Et il a finalement bien voulu nous recevoir.
35:01Si je comprends bien la position de cette agence gouvernementale, elle nous dit que ces gens ne sont pas aptes à prendre leurs propres décisions quand il s'agit de contracter ou non un prêt.
35:15Je pense que c'est une erreur.
35:18Si ce genre de jugement était confirmé par les tribunaux, alors on retournerait à la situation des années 70 et 80, à l'époque où les Noirs étaient incapables d'emprunter.
35:29Je dis les Noirs, mais en fait je voulais dire les pauvres.
35:33Ça, ce sont des photos de famille.
35:36Cette maison est remplie de souvenirs.
35:39Le temps presse pour M. Bronson.
35:42Le verdict de la cour d'appel qui condamnerait définitivement les McGlone arrivera probablement trop tard.
35:48J'ai reçu les papiers de la procédure d'expulsion.
35:52Il va falloir qu'on trouve un endroit pour habiter.
35:54Et à mon âge, je ne peux pas tout recommencer.
36:02Dans la société américaine, ce genre d'affaires ne fait jamais grand bruit.
36:0640 ans après avoir obtenu leur droit civique, les Noirs restent les plus touchés par la grande misère.
36:121 sur 4 vit sous le seuil de pauvreté et leur taux de chômage est deux fois plus important que celui des Blancs.
36:17Une inégalité considérée comme du racisme économique qui met en colère des leaders Noirs comme Michael Zison.
36:23Un ancien Black Panther qui vit dans le ghetto de Los Angeles.
36:30Moi, je vous parle d'un racisme sophistiqué.
36:34Soutenu par un système économique qui a les pouvoirs d'instaurer les politiques racistes,
36:40qui a les pouvoirs d'instaurer les politiques racistes,
36:43qui existe dans ce pays.
36:46Que ce soit dans la police, dans le système judiciaire, dans les entreprises ou dans les grands groupes qui dirigent ce pays.
36:52Il y en a qui disent, c'est même pas un pays, c'est juste une immense entreprise.
36:57Je crois qu'on doit vraiment prendre conscience de l'impact de ces grands groupes sur les prolétaires et sur l'ensemble des pauvres.
37:04Que ce soit des femmes, des Latinos, des Noirs ou des vieux.
37:14À Wall Street, les affaires continuent comme si de rien n'était.
37:19Les actions générées par les prêts de deuxième classe enrichissent les investisseurs.
37:24Et on est bien loin de se préoccuper des conséquences sociales de l'exploitation des pauvres.
37:28Nous retrouvons Peter, monsieur sécurisation. Au fait, quelqu'un l'a mis au courant des expulsions et des procès en cours ?
37:34Dites-moi, ces prêts à fort taux d'intérêt entraînent souvent des expulsions ou quelques fois des procès. Qu'est-ce que vous en pensez ?
37:41Je préfère ne pas parler de ça.
37:44Décidément, pas bavard, Peter. Son chargé de communication lui conseille d'arrêter l'interview.
37:51À Wall Street, le seul qui va finalement accepter de répondre à cette question taboue, c'est Robert Paulson.
37:57Lui, travaille pour une société spécialisée dans la notation des prêts de deuxième classe.
38:04Dans notre système de notation, nous analysons le taux de faillite,
38:07et d'expulsions, et cela nous inquiète quand il devient trop élevé.
38:12Mais la question clé n'est pas de savoir si le nombre d'expulsions augmente ou pas.
38:17Ce qui nous intéresse, c'est de savoir s'il y a une diminution des profits pour nos investisseurs.
38:23Mais comme dans la majorité des cas, les propriétés ont pris de la valeur, les pertes sont minimisées pour les actionnaires.
38:29Donc les investisseurs sont protégés ?
38:31D'une façon générale, oui.
38:32À travers les principaux investisseurs, comblés par le marché, les banques, les sociétés d'assurance, les fonds de pension,
38:38c'est finalement tout le système financier qui profite des revenus générés par les emprunts de deuxième classe.
38:43Et tant pis si les perdants sont toujours les mêmes, les pauvres.
38:47Un jour, on va découvrir l'étendue de ce scandale.
38:51Et le Parlement sera bien obligé de changer les lois.
38:56Cela n'arrivera jamais.
38:57Et le Parlement sera bien obligé de changer les lois.
39:01Cela n'arrivera pas cette année, mais un jour, cela devra arriver.
39:07C'est peut-être avec la société Amérique Ouest que le scandale va éclater.
39:11Amérique Ouest, c'est le plus gros fournisseur de prêts de deuxième classe du pays.
39:16Une part de marché de plus de 20%, un chiffre d'affaires de 80 milliards de dollars en 2004.
39:22Amérique Ouest a refusé toutes nos demandes d'interviews et pour cause.
39:25Cette société fait l'objet de 25 enquêtes fédérales et d'une multitude de procédures engagées par des groupes de consommateurs.
39:34Rien ne peut vous faire plus rêver qu'une maison.
39:37Quand les gens d'ici rêvent d'acheter une maison ou d'obtenir un crédit hypothécaire, c'est moi qu'ils appellent.
39:41Je suis spécialiste des prêts.
39:43Je suis là pour réaliser vos rêves.
39:45Amérique Ouest, le fier sponsor du rêve américain.
39:50Le rêve américain, ce retraité de 76 ans n'y croit plus.
39:56Tout commence il y a un an et demi.
39:59Un vendeur d'Amérique Ouest réussit à vendre à M. Bailey un crédit hypothécaire de 350 000 dollars.
40:05Chaque mois, il devra rembourser 3600 dollars.
40:08Seul problème, M. Bailey vit avec une retraite de 900 dollars par mois.
40:13Après une faillite presque immédiate, M. Bailey s'affole et s'enfuit de sa maison, qui est vendue deux mois plus tard par Amérique Ouest.
40:20J'aurais dû demander de l'aide.
40:23Mais j'avais trop honte pour demander quoi que ce soit.
40:28Ils m'ont vraiment trompé.
40:30Vous savez, ils ont trafiqué mon dossier.
40:36Ils m'ont menti, vraiment.
40:39Sur toute la ligne.
40:43Quelques semaines après avoir quitté sa maison, M. Bailey s'affole.
40:47Après avoir quitté sa maison, M. Bailey prévient son jeune neveu, qui ignorait tout de l'histoire.
40:52En consultant le dossier du prêt, John soupçonne tout de suite l'escrecrie.
40:58Le premier élément que j'ai trouvé bizarre, c'était le montant du prêt.
41:02Même si le prix de sa maison a augmenté depuis les années 70, lui prêter 357 000 dollars, ça fait beaucoup.
41:10Ensuite, j'ai vu à combien l'organisme de crédit évaluait ses revenus.
41:14Et là, j'ai vu que c'était trop.
41:17Alors qu'il a juste une petite retraite.
41:20Je me suis dit, mais qui lui a vendu un prêt pareil ?
41:27C'est Kurt Peterson, un avocat de San Francisco, familier avec les tactiques douteuses d'Amérique Ouest, qui reprend l'affaire en main.
41:36L'avocat découvre immédiatement des irrégularités dans le dossier.
41:45C'était un prêt inabordable.
41:48Son montant était de 357 000 dollars, avec un taux d'intérêt de 12%, qui pouvait ensuite grimper jusqu'à 18%.
41:58Amérique Ouest savait que ce monsieur serait incapable de payer ses mensualités.
42:03Amérique Ouest savait aussi qu'il finirait par l'expulser et lui prendre sa maison.
42:08Acheté avec sa femme en 1972, sa maison avait pris une forte plus-value, environ 140 000 dollars.
42:16A cause d'Amérique Ouest, il allait tout perdre.
42:19L'avocat s'est rendu compte que le vendeur d'Amérique Ouest n'avait pas hésité à falsifier les documents.
42:28Regardez. Dans notre jargon, c'est ce qu'on appelle une déclaration de ressources.
42:32Elle dit, je reçois 4000 dollars de loyer par mois, et elle est censée avoir été signée par monsieur Bailey le 19 novembre 2003.
42:40En réalité, ce document est un faux. Monsieur Bailey n'a jamais écrit ni signé ce document, et je suis capable de le prouver.
42:48Face au dossier de l'avocat, Amérique Ouest préfère éviter le procès.
42:53La société n'aime pas ce genre de publicité.
42:56Après avoir fait vendre la maison pour son emploi, l'avocat s'est rendu compte qu'il n'était pas capable de payer ses mensualités.
43:02Pour se faire rembourser l'emprunt, Amérique Ouest décide donc de racheter la maison et de la rendre à monsieur Bailey,
43:07en lui versant en prime de copieux d'hommages et intérêts.
43:12Bonjour, content de vous voir à la maison.
43:20Happy end donc pour ce retraité qui, sans aide, serait aujourd'hui ruiné et sans domicile.
43:33Ils ont offert un arrangement très intéressant pour vous dédommager.
43:37Je suis content qu'on ait pu récupérer votre maison.
43:40Après un an, vous devez être heureux d'être à la maison.
43:43Oui, c'est formidable d'être à la maison.
43:49En fait, on sait très bien que monsieur Bailey n'est pas un cas isolé.
43:54Monsieur Bailey est un parfait exemple du type de gens ciblés par Amérique Ouest et les autres fournisseurs de prêts de deuxième classe à taux abusif.
44:06Dans notre dossier, nous avions plusieurs autres témoignages de victimes, des gens qui ont vécu les mêmes épreuves que monsieur Bailey.
44:16Assez de témoignages en tout cas pour prouver que ces pratiques sont menées courantes chez Amérique Ouest.
44:23Le 24 juin 2005, la société Amérique Ouest fait la une du Los Angeles Times qui titre sur le plus important procès de l'histoire intenté contre une société de crédit.
44:33La procédure a été engagée par plusieurs milliers de victimes qui accusent Amérique Ouest de discrètement changer les termes des contrats de crédit avant leur signature.
44:42Ce procès qui se tient à San Mateo en Californie n'est d'ailleurs qu'une formalité.
44:45La société Amérique Ouest a d'ores et déjà annoncé qu'elle s'engageait à verser 50 millions de dollars de dédommagement aux victimes.
44:56Le premier à sortir de l'audience, c'est Neil McCarthy, l'avocat des plaignants.
45:01Une bonne journée pour lui puisqu'il vient d'empocher une commission de 10 millions de dollars.
45:0510 millions, silence compris, puisque sous la pression d'Amérique Ouest, les deux parties se sont formellement engagées à ne plus parler à la presse.
45:16Quelques minutes plus tard, c'est l'avocat d'Amérique Ouest qui fait sa sortie et lui non plus n'est pas très bavard.
45:23Je peux vous poser une question ?
45:25Nous nous sommes engagés à ne pas parler dans le contrat de négociation et je dois le respecter. Je ne peux pas parler à la presse.
45:34C'est une bonne affaire pour Amérique Ouest ?
45:36Je ne peux vraiment rien vous dire. Parlez à cet homme, il travaille pour Amérique Ouest.
45:42Je peux vous poser une question ?
45:43Non, on vous enverra une déclaration officielle.
45:49Le seul qui accepte finalement de nous parler, c'est cet avocat, Aaron Myers.
45:55Lui-même impliqué dans une autre procédure contre Amérique Ouest, il a été entendu à cette audience comme simple témoin.
46:02Sa parole est donc libre.
46:0750 millions, c'est de l'argent de poche pour Amérique Ouest.
46:12L'année dernière, ils ont fait un bénéfice net de 2 milliards de dollars.
46:19Il y a des lois qui protègent les gens contre ce genre de pratiques, mais pas assez.
46:25La raison pour laquelle nous n'avons pas plus de lois pour protéger les gens, c'est que ces institutions financières forment des lobbies très puissants.
46:35Tous les plus grands donateurs du parti républicain sont des institutions financières, ou plutôt, les milliardaires qui les dirigent.
46:46Le meilleur exemple, c'est Roland Arnold, le propriétaire d'Amérique Ouest.
46:52Le fondateur d'Amérique Ouest, c'est lui, Roland Arnold.
46:56Avec une fortune personnelle estimée à 3 milliards de dollars, il est l'un des hommes les plus riches des Etats-Unis.
47:01Une fortune qu'il met au service de plusieurs hommes politiques.
47:05Arnold Schwarzenegger en a profité plus d'un million de dollars pour payer sa campagne au poste de gouverneur où était donné par Amérique Ouest.
47:13En 2004, Roland Arnold a été le grand collecteur de fonds de la campagne présidentielle de George Bush.
47:19Et pour le récompenser, le président des Etats-Unis a récemment offert à Roland Arnold un poste d'ambassadeur en Hollande.
47:26Seul souci, un ambassadeur des Etats-Unis doit être confirmé par le Sénat.
47:30Dans ce document vidéo qui montre une réunion du comité des affaires étrangères, un petit groupe de sénateurs est chargé de valider les différentes candidatures proposées par le président américain.
47:40Aujourd'hui, Roland Arnold est interrogé par deux sénateurs démocrates opposés à sa nomination.
47:45Barack Obama, le seul sénateur noir des Etats-Unis, et Paul Sarbane.
47:49Alors si je comprends bien, Amérique Ouest fait l'objet d'une multitude d'enquêtes fédérales dirigées par les procureurs.
47:59Et dans combien d'états ? Je ne sais plus très bien, j'ai plusieurs chiffres, 25, 30, 35, c'est bien ça ?
48:12Oui c'est ça, il y a plusieurs chiffres, on ne sait pas exactement combien.
48:15Donc l'essentiel de ces investigations porte sur vos pratiques commerciales.
48:23On accuse votre entreprise de pratiquer des commissions excessives, et même de falsifier des documents.
48:31A cause de tout ça, des gens ont été trompés, des gens ont été détruits dans certains cas.
48:42Alors il me semble que votre envie de régler ces histoires devrait aujourd'hui être absolument sans limite.
48:52Dans les années 80, quand j'ai fondé cette société, contrairement aux banques,
49:01on a permis à toute une catégorie de gens qui avaient des mauvaises notes de crédit,
49:07d'emprunter. C'est vrai qu'on a eu des problèmes, mais on les a corrigés.
49:16Vous savez quand vous avez 16 000 employés, des accidents peuvent arriver.
49:24De toute façon, si je suis confirmé au poste d'ambassadeur de Hollande, je me retire des affaires.
49:32Je ne trouve pas satisfaisant de vous entendre dire que vous allez vous contenter de vous en aller,
49:41et que vous allez laisser à d'autres le soin d'arranger tout ça.
49:47Ne croyez-vous pas que vous devriez fixer de nouvelles règles avant de partir ?
49:54La nomination de Roland Arnal a été confirmée par le Sénat quelques semaines plus tard.
49:59Entre-temps, Amérique Ouest s'est engagée à payer 325 millions de dollars pour dédommager les victimes.
50:05Tout est donc rentré dans l'ordre, et Amérique Ouest a lancé sa nouvelle campagne publicitaire
50:10en sponsorisant la prochaine tournée des Rolling Stones.
50:14Pendant ce temps, le système économique et financier américain continue à fabriquer des pauvres,
50:20des surendettés, des expulsés. En un an, plus d'un million d'Américains sont passés sous le seuil de pauvreté.

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