Présidentielle américaine : le face-à-face Trump-Harris a-t-il changé la donne ?
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00:00Et notre invité nous attend à Los Angeles, bonjour Julien Labarre, merci d'être en direct, il est très tôt chez vous, il est 6h.
00:06Vous êtes maître de conférence et chercheur en sciences politiques à la California State University.
00:11Bon, les échos à Los Angeles, est-ce qu'ils sont les mêmes qu'à Paris ? Harris l'a remporté ?
00:17Alors, de l'accord de pratiquement tous les experts, Harris l'a remporté.
00:22Pour ce qui concerne les électeurs, c'est un peu moins clair.
00:25Il y a eu des sondages qui ont été faits durant le débat,
00:28par CNN notamment, et le sondage montre une victoire pour Kamala Harris à hauteur de 63% des téléspectateurs.
00:35Simplement, il faut garder beaucoup de précautions par rapport à ça, parce que ce genre de sondage ont des marges d'erreur absolument énormes.
00:41On parle de six points de marge d'erreur.
00:43Et en plus de ça, on sait depuis très longtemps en sciences politiques que l'effet des débats ne se ressent qu'au bout de 48 heures à peu près.
00:52Parce qu'il n'y a pas que le débat qui compte, il y a aussi la couverture médiatique qui en est faite par après.
00:57Donc, la plupart des gens vous diront que Kamala Harris l'a remporté, elle a fait ce qu'elle avait à faire.
01:03Le président Trump est retombé dans ses travers, il a fait des déclarations dérangées, par moments un peu étranges.
01:12Je ne suis pas sûr qu'il ait forcément dépassé les bornes au point d'aliéner une partie de son électorat à lui.
01:18Donc, je pense que tout le monde serait d'accord pour dire que Kamala Harris s'en est très bien sorti.
01:23Est-ce que ça aura un effet à long terme ? Je ne suis pas sûr.
01:27Vous parlez de Donald Trump, a-t-il dépassé les bornes ?
01:30C'est vrai qu'il y a une séquence qui revient beaucoup, qui tourne beaucoup sur les réseaux sociaux.
01:35C'est cette sortie de Trump qui affirme que les méchants migrants, entre guillemets haïtiens, mangent le chien et les chats des gentils Américains.
01:45C'est bien sûr une fake news.
01:48Ça passe quand même dans l'électorat Trump ?
01:50Ça passe parce que c'est une fake news qui circule beaucoup dans le système médiatique de droite aux États-Unis.
01:58Aux États-Unis, vous avez des médias mainstream, CNN, MSNBC, et puis vous avez un écosystème médiatique ultra-conservateur
02:07qui tourne autour de Fox News, autour de Newsmax et d'autres chaînes de télé comme ça,
02:12dans lesquelles vraiment il y a une réalité presque alternative qui est présentée à l'électeur de droite.
02:17Donc pour beaucoup de gens qui votent à droite, ce genre de fausses informations, c'est quelque chose qui passe tout à fait.
02:23Mais vous mentionnez la question des migrants squatteurs qui viendraient dévorer les animaux de compagnie des Américains.
02:30Il y a eu d'autres affirmations complètement dérangées, par exemple le fait que dans certains États, on exécuterait des bébés après leur naissance.
02:38Évidemment, ça n'arrive pas.
02:40Mais voilà, il y a aussi des atteintes qui sont...
02:42Et que les démocrates poussent à cela ?
02:44Bien sûr, parce qu'ils savent que c'est ce qui, si vous voulez, renforce l'image que renvoie Trump depuis presque dix ans maintenant.
02:51Depuis presque dix ans, Donald Trump renvoie cette image de quelqu'un de totalement excentrique,
02:57qui n'a pas vraiment de borne pour cadrer son caractère, pour cadrer son tempérament.
03:02Et donc forcément, lorsqu'il parle de questions comme ça, de migrants squatteurs qui viendraient dévorer les animaux de compagnie,
03:09il joue dans la main des démocrates parce que c'est du pain béni pour eux.
03:13Ça leur permet de dire que cet homme-là n'est pas apte à être président des États-Unis.
03:17Plusieurs fake news sur les haïtiens, les migrants, sur l'avortement, on en a parlé.
03:23Des fake news qui ont été relevées par les journalistes d'ABC,
03:27qui se sont révélés être des médiateurs et des modérateurs féroces.
03:35En tout cas, Donald Trump affirme que ce débat a été truqué par la chaîne organisatrice.
03:42Est-ce que c'est une manière pour lui de dire qu'il a échoué hier soir ?
03:48Si vous voulez, juste après le débat, il est allé dans la salle des journalistes pour expliquer qu'il n'avait pas perdu le débat
03:53et pour réexpliquer certains de ses éléments de langage.
03:55Lorsque le candidat ne quitte pas la salle du débat et va voir les journalistes juste après,
04:01en général, c'est plutôt mauvais signe.
04:03Je pense qu'il a conscience du fait qu'il a perdu ce débat,
04:07qu'il a eu une performance qui n'était pas forcément très bonne.
04:10En réalité, je pense que le format du débat l'a plutôt aidé.
04:14Le fait que les micros soient coupés, d'une certaine façon,
04:17a pu participer au fait qu'il n'ait pas eu une performance aussi désastreuse, par exemple, qu'en 2020 ou en 2016.
04:23Pour tout vous dire, moi, j'ai d'abord écouté le débat sans les images.
04:27J'étais au volant lorsque le débat a commencé.
04:29Et avec le son seulement, j'ai trouvé que...
04:32Bien sûr, il racontait beaucoup de choses un peu extraordinaires,
04:35mais j'ai trouvé qu'il s'en sortait mieux qu'espéré.
04:38Mais c'est vraiment le visuel qui lui a été peu flatteur.
04:43Avec les images, le contraste avec Kamala Harris ne pourrait pas être plus clair.
04:47C'est lui qui a installé, par exemple, le critère dans cette campagne de l'âge.
04:52Pour le coup, si vous aviez les images,
04:55Donald Trump paraissait particulièrement âgé, aigri, énervé.
04:59Et forcément, ce n'est pas forcément très flatteur.
05:03Et très différent de 2016, où il y avait une sorte d'enthousiasme autour de lui.
05:07Il présentait des choses fantaisistes, c'est vrai, mais peut-être un peu plus positivement.
05:12Et il y a une différence aujourd'hui avec 2024, où Donald Trump, c'est vrai,
05:15paraît un peu enfermé dans cette stratégie de la vengeance.
05:22Tout à fait. Et je pense que Kamala Harris a repéré cette faille dans sa communication.
05:27Puisque sa stratégie, pendant tout le débat, c'était non seulement de le provoquer
05:31et le faire aller dans ses travers plus négatifs,
05:34mais c'était aussi de faire passer un message subliminal aux Américains.
05:37C'est de dire, il est temps de tourner la page.
05:39Il est temps de tourner la page de dix ans de polarisation extrême dans un pays
05:43où les démocrates et les républicains ne se supportent plus.
05:46Où les démocrates et les républicains vraiment se détestent.
05:50On en est à ce point-là.
05:52Et le message en transparence dans toute la communication de Kamala Harris durant ce débat,
05:58ça a été de dire, ça suffit, passons à autre chose.
06:02Il y aura d'autres débats, à votre avis, après cette séquence d'hier ?
06:07Je crois que le camp Kamala Harris pousse à ce qu'il y ait une deuxième rencontre.
06:13C'est difficile à dire parce que le débat qu'il y a eu hier,
06:19forcément, n'aura pas de très grandes conséquences.
06:21Parce qu'on le sait depuis très longtemps,
06:23les débats présidentiels à la télé n'ont pas d'influence sur les intentions de vote.
06:27En général, c'est vraiment marginal.
06:29Donc, le problème du débat d'hier pour Donald Trump,
06:32c'est qu'il a renvoyé une image absolument catastrophique.
06:35Beaucoup de gens aux États-Unis avaient oublié ce que c'était de vivre sous l'ère Trump.
06:39Et le débat d'hier a eu un mérite, c'est de rappeler aux Américains,
06:43Trump est cette personne-là que vous voyez en ce moment à la télé.
06:47Est-ce que Trump aurait intérêt à débattre ?
06:49Je ne suis pas sûr qu'il ait intérêt à renouveler l'exercice.
06:52Pour ce qui est de Kamala Harris,
06:54évidemment, le plus de débats possibles,
06:57le mieux sa campagne s'emportera, je pense.
07:00Julien Labar, restez une seconde avec nous.
07:03On va voir un sujet parce que la soirée a aussi été marquée
07:06par le choix d'une chanteuse Taylor Swift.
07:11Choix retentissant puisqu'elle a choisi le camp Harris.
07:15Elle parle d'une dirigeante douée et solide.
07:17C'était très attendu et ça pourrait peser à deux mois de la présidentielle.
07:20Julien Chida.
07:22Près de 4 millions de réactions positives en une heure seulement.
07:26C'est peu dire si la déclaration de Taylor Swift était attendue par ses fans.
07:30Je vais voter pour Kamala Harris et Tim Walz
07:33lors de l'élection présidentielle de 2024.
07:36Kamala Harris se bat pour les droits et les causes qui nécessitent,
07:39selon moi, une combattante pour les défendre.
07:43Une allusion directe propose sur l'avortement et les droits des femmes
07:46émis par le candidat républicain à la vice-présidence, J.D. Vance.
07:49A deux mois de l'élection, ce soutien arrive à point nommé
07:52pour le camp démocrate.
07:54Avec ses quelques 280 millions d'abonnés,
07:57l'artiste originaire du Tennessee pourrait avoir
08:00une influence notable dans les états du Midwest,
08:03plus traditionnellement conservateurs.
08:06Même si elle laisse ses fans choisir eux-mêmes leurs candidats,
08:09dans le camp démocrate, la satisfaction est là.
08:13Un conseil à Donald Trump, ne dénigrez pas ce soutien
08:16aux cétavoristes qu'est Perry.
08:19Chez les républicains, les rares qui réagissent ironisent
08:22sur l'importance de ce soutien.
08:25Gêne quand les démocrates s'occupent des artistes
08:28et quand les républicains, eux, s'occupent de politique
08:31et des lois de notre pays.
08:34Donald Trump avait pourtant tenté de rallier Taylor Swift à sa cause.
08:37En juillet dernier, il affichait cette publication de la chanteuse
08:40Une photo obtenue grâce à l'intelligence artificielle.
08:43Comble de l'ironie, la chanteuse dit avoir déclaré,
08:46entre autres, son soutien à Kamala Harris,
08:49en réponse à cette fausse publication.
08:52Et Donald Trump est déjà réveillé.
08:55Il affirme que Taylor Swift va payer le prix de son soutien à Harris
08:58dans ses ventes d'albums.
09:01Est-ce que le soutien de la méga-star peut peser plus que le débat d'hier soir ?
09:04Je pense que ça peut peser plus que le débat d'hier soir
09:07parce que, par exemple, les gens qui regardent le débat sont des gens
09:10qui sont déjà intéressés par la politique.
09:13L'effet du soutien apporté à Kamala Harris par Taylor Swift,
09:16c'est que Taylor Swift a une résonance,
09:19une caisse de résonance, si vous voulez,
09:22qui va au-delà des gens qui s'intéressent à la politique.
09:25Et, d'une certaine façon, les soutiens apportés par les stars
09:28de la pop culture de Hollywood ont cette fonction-là,
09:31c'est de dire aux gens qui ne s'intéressent pas à la politique
09:34que si vous appréciez qui je suis, peut-être que vous devriez faire la même chose.
09:37Merci beaucoup Julien Labarre d'avoir été notre invité
09:40sur France 24, maître de conférences et chercheur en sciences politiques
09:43à la California State University.