Le sujet du logement, deuxième préoccupation des Français, est-il une bombe sociale" ? Regardez l'interview de Emmanuelle Cosse, présidente de l'Union sociale pour l'habitat.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot avec Amandine Bégot du 10 septembre 2024.
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00:00RTL Matin, avec Amandine Bégaud et Thomas Soto.
00:05Il est 8h19, c'est l'heure de l'interview d'Amandine Bégaud.
00:07Ce matin, Amandine, vous avez été interpellée par la crise sans précédent du logement social en France.
00:12Alors vous avez choisi de recevoir Emmanuelle Cosse, ancienne ministre du logement.
00:15Elle est aujourd'hui la présidente de l'Union Sociale pour l'Habitat.
00:18Bonjour et bienvenue à vous.
00:19Bonjour Emmanuelle Cosse.
00:20Bonjour.
00:20L'Union Sociale pour l'Habitat, on le rappelle, qui accompagne et regroupe les différents offices HLM.
00:25Vous venez ce matin nous dévoiler les derniers chiffres.
00:28Et clairement, ils ne sont pas bons.
00:30Le nombre de ménages en attente de logements sociaux explose.
00:33Absolument.
00:34On est à la veille du congrès HLM qui sera en 15 jours à Montpellier.
00:37Et aujourd'hui, on pense qu'on a plus de 2 600 000 demandeurs en attente d'un logement social.
00:43C'est 100 000 demandeurs supplémentaires par rapport à l'an passé.
00:46Alors ce chiffre est déjà très élevé.
00:48Mais surtout, face à lui, il y a une très faible proposition de logement.
00:53Puisque d'année en année, on construit de moins en moins.
00:57C'est ça le problème ? On construit de moins en moins ?
00:59Il y a deux problèmes.
01:00D'une part, on construit de moins en moins.
01:02On est sur un volume d'autour de 82 000 logements sociaux agréés cette année.
01:07Il y a 5 ou 6 ans, on en faisait 120 000.
01:11Et entre temps, on a une demande HLM qui n'a cessé de croître.
01:14Parce que beaucoup de ces ménages n'arrivent pas à trouver un logement en dehors du logement social.
01:19A cause de la flambée des prix de l'immobilier ?
01:21Parce que leur situation aussi personnelle s'est dégradée ?
01:24Pas tout à fait.
01:25Ce qu'on voit, c'est que les demandeurs de logements HLM,
01:27ce sont des personnes qui travaillent, qui ont un salaire,
01:30mais un salaire qui n'est pas très élevé, qui est autour du SMIC,
01:32et qui montre la smicardisation des salariés en France.
01:36C'est beaucoup de familles monoparentales,
01:38donc un seul salaire avec plusieurs enfants,
01:41et des personnes qui cherchent un logement dans tout le territoire.
01:44Et c'est ça aussi qui est important de dire,
01:46c'est que c'est une demande très forte dans les métropoles,
01:49dans les zones où c'est très cher,
01:51mais c'est aussi dans les villes moyennes.
01:53Parce que depuis le Covid,
01:54on a aussi vu un parc locatif privé se raréfier,
01:57voire un retrait des logements de la location classique,
02:01et une difficulté à trouver un logement
02:03dans des territoires où avant il n'y avait pas de difficulté.
02:05Avec un SMIC aujourd'hui, on ne peut pas se loger en France ?
02:08En tout cas, dans le logement social, on peut se loger, mais pas ailleurs.
02:11Donc ça suppose d'attendre 6 à 7 ans en moyenne, vous me disiez ?
02:15En moyenne, l'attente est en effet de 6 à 7 ans,
02:17beaucoup plus forte en Ile-de-France, autour de 10 ans.
02:20Même s'il y a des ménages en grande urgence
02:22qui vont être relogés très rapidement, bien entendu,
02:24et des régions où on est autour d'un an d'attente.
02:27Ce qu'il faut comprendre,
02:28c'est qu'on a en même temps un phénomène de plein emploi,
02:30ce qui est formidable pour le pays,
02:32mais un plein emploi qui se fait aussi avec des bas salaires.
02:34Et on n'a pas développé à côté de ça,
02:36une politique du logement qui réponde à ces bas salaires.
02:38Par le passé, dans les années 50, dans les années 60,
02:41on était capable de faire les deux.
02:43Mais là, depuis 2017,
02:44on a totalement décroché sur la construction de logements sociaux,
02:47on a perdu du soutien gouvernemental,
02:49et aujourd'hui on en arrive à ces chiffres
02:51qui sont désespérants pour nous,
02:53qui sont désespérants pour les demandeurs,
02:55mais aussi pour les élus locaux
02:56qui ont du mal à répondre aux besoins de leurs concitoyens.
02:58On va revenir sur ce que vous attendez du gouvernement
03:00dans un tout petit instant,
03:01mais juste d'abord un mot.
03:02On entend souvent les logements sociaux,
03:05il y a plein de gens qui y ont eu droit
03:07et qui ne devraient plus y être
03:08parce que leur situation a changé.
03:10C'est vrai ou c'est faux ça ?
03:11C'est faux, c'est faux.
03:12Je l'ai dit plusieurs fois, des dizaines de fois
03:15au ministre démissionnaire du logement
03:17qui y compris le disait.
03:19Il n'y a pas d'abus ?
03:20Les choses sont assez simples.
03:21Vous êtes bailleur social,
03:22tous les ans vous contrôlez les ressources de vos locataires,
03:24s'ils n'y répondent pas vous leur mettez des surloyers,
03:27et s'ils ne sont pas dans les clous fixés par la loi,
03:29ils sortent.
03:30Donc les choses sont assez simples.
03:32Et ce qu'il faut dire surtout,
03:34c'est que plus de 35% des locataires HLM
03:37vivent sous le seuil de pauvreté.
03:39Donc j'aimerais qu'on entende
03:41que quand on commence à jeter l'opropre
03:43sur les locataires HLM,
03:44on est en train de dire à des personnes
03:46qui vivent sous le seuil de pauvreté
03:47ou qui sont pauvres,
03:48qu'en fait elles ne devraient pas être là.
03:50Donc ça c'est un mythe,
03:51ça a existé par le passé.
03:52C'est pour ça que l'État,
03:53et moi-même en tant que ministre,
03:54on a augmenté les contrôles.
03:56Aujourd'hui c'est des enquêtes annuelles,
03:58les bailleurs font leur travail,
03:59les préfets vérifient cela,
04:00donc je pense qu'il faut arrêter de dire ça.
04:02Le problème c'est que tout le monde
04:04veut un logement social,
04:05et on n'est pas capable de répondre à tout le monde.
04:07Donc ça crée de la jalousie,
04:08de l'envie et de la difficulté
04:10à comprendre pourquoi moi j'y suis pas
04:11par rapport à mon voisin.
04:12Construire des logements,
04:13construire des logements,
04:14qu'ils soient à Chelem ou pas d'ailleurs,
04:15ça prend du temps.
04:16Il faut trouver aussi les terrains disponibles,
04:19et ça a un coût.
04:20Or, et on le répète depuis plusieurs jours,
04:22les caisses sont vides,
04:23on atteint des déficits à des niveaux records.
04:26Concrètement,
04:27qu'est-ce que vous demandez ce matin,
04:28Emmanuelle Cosse,
04:29à Michel Barnier,
04:30le nouveau Premier ministre ?
04:31La première chose,
04:32c'est qu'un pays n'ira pas bien
04:33s'il n'arrive pas à loger ses concitoyens,
04:35et y compris d'un point de vue économique.
04:37Vous dites,
04:38les caisses sont vides,
04:39il y a des problèmes de déficit.
04:40C'est vrai.
04:41C'est vrai.
04:43Rappelez-vous que les recettes de l'État
04:44ont baissé cette année,
04:45parce qu'il y a une crise du logement.
04:47Et en fait,
04:48la crise immobilière,
04:49la crise de la production de logements,
04:50donc qui détruit de l'emploi,
04:52qui ne produit pas des recettes fiscales,
04:54c'est ce qui a coûté un demi-point de PIB.
04:56Et ça va être pire que ça.
04:57Donc en fait,
04:58en ne soutenant pas l'investissement pour le logement,
05:00en fait,
05:01on crée les difficultés économiques de demain.
05:03Et c'est ça aujourd'hui, moi,
05:05que je dis au gouvernement
05:06qui va se mettre en place,
05:07c'est que pour faire une relance économique,
05:09il faut investir.
05:10Et sur le logement,
05:11c'est nécessaire.
05:12D'autant plus que si vous n'offrez pas un logement abordable
05:14à vos concitoyens,
05:15les emplois ne seront pas pourvus.
05:17C'est aujourd'hui un enjeu majeur.
05:19Et ce qui est assez étonnant,
05:20c'est qu'aujourd'hui,
05:21on a du mal à accepter d'investir.
05:23Quand on fait le métro,
05:24qu'on le finance sur 100 ans,
05:25tout le monde le comprend.
05:26Quand on fait le village olympique,
05:27tout le monde le comprend.
05:28Le logement, c'est pareil.
05:29Ce n'est pas quelque chose
05:30qui va disparaître au bout de 3 ans.
05:32Vous investissez
05:33pour un logement social
05:34qui va vivre 80 à 100 ans.
05:35Et du coup, c'est quoi ?
05:36Un manque de volonté politique ?
05:37Très clairement.
05:38Très clairement,
05:39on a un choix depuis 2017
05:41avec le président Macron
05:42de ne pas soutenir le logement
05:44en pensant que ce n'était pas
05:45une politique régalienne
05:46alors que cela a toujours été
05:47et en pensant que c'était
05:48un sujet local
05:49qui était le problème des maires.
05:50Il y a eu des ministres du logement.
05:52Olivier Klein,
05:55Emmanuel Vargon,
05:56Patrice Vergritte.
05:57C'était des faux ministres ?
05:58Non, non.
05:59Il y a eu plein de ministres.
06:00Il y en a d'ailleurs
06:018 en 7 ans.
06:02C'est pour vous dire
06:03qu'il y en a eu beaucoup.
06:04C'était d'ailleurs un des sujets.
06:05Il y a eu des gens tout à fait estimables.
06:06Jamais soutenus par Bercy.
06:08Toujours la cible de la question
06:10que le logement,
06:11c'est vraiment une politique
06:12qui coûte cher.
06:13Aujourd'hui,
06:14ce qui nous coûte cher,
06:15c'est quoi ?
06:16C'est la cherté du logement
06:17qu'on doit compenser
06:18par des aides de logement
06:19pour les plus pauvres.
06:20C'est le mal logement.
06:21C'est le coût social sur les familles.
06:22Et un pays qui va bien,
06:24il doit être capable
06:25de loger ses concitoyens.
06:28C'est ça la difficulté.
06:30On est face à une bombe sociale.
06:31Cette expression,
06:32elle est souvent employée.
06:33Cette expression,
06:34c'est celle d'Olivier Klein,
06:35ministre du Logement,
06:36il y a un an.
06:37Si vous voulez,
06:38je ne veux plus de slogan.
06:39Parce qu'on a dit ça.
06:40Aujourd'hui,
06:41ce que j'attends,
06:42c'est des actes très précis.
06:43On a Michel Barnier
06:44qui connaît très bien
06:45ces sujets-là.
06:46J'espère qu'il va avoir
06:47un gouvernement offensif
06:48sur le sujet.
06:49Mais ça veut dire annoncer
06:50des chiffres de construction ?
06:51Annoncer qu'on réinvestit ?
06:52Que la puissance publique
06:53réinvestit dans le logement ?
06:54Qu'il y ait une politique
06:55d'investissement ?
06:56Qu'elle soutient les maires
06:57qui veulent bâtir ?
06:58Qu'elle facilite
07:00l'accès aux fonciers ?
07:01Qu'on fait adopter
07:02pour l'ensemble des programmes,
07:03les procédures qu'on a eues
07:04pour les JO
07:05qui sont des permis
07:06obtenus beaucoup plus rapidement ?
07:07Et surtout,
07:08qu'on admette tous
07:09qu'on ne peut pas accepter
07:10qu'un pays se développe
07:11économiquement
07:12si des gens sont à la rue.
07:13Il est impensable
07:14que des ouvriers,
07:15que des fonctionnaires
07:16dorment dans leur voiture.
07:17C'est une réalité.
07:18Mais bien sûr,
07:19c'est une réalité.
07:20Et surtout,
07:21je vais vous dire,
07:22ça fait 4 ans
07:23qu'avec l'ensemble
07:24des acteurs du logement,
07:25y compris,
07:26j'ai créé
07:27avec la Fédération française
07:28du bâtiment,
07:29l'Alliance pour le logement,
07:30on se bat,
07:31on répète,
07:32on demande une mobilisation.
07:33On l'a fait beaucoup
07:34ces deux dernières années.
07:35Là,
07:36les chiffres sont effrayants
07:37et je ne vais pas parler
07:38du secteur privé.
07:39Et pendant ce temps-là,
07:40il ne se passe rien.
07:41Parce qu'on a eu en effet
07:42depuis 2022,
07:433 ministres,
07:44on n'a eu aucun plan d'urgence
07:45et à chaque fois
07:46que le gouvernement parle
07:47des logements,
07:48c'est pour nous enlever
07:49des moyens supplémentaires.
07:50Il faut que ça change.
07:51Il faut que ça change
07:52mais surtout,
07:53il faut aussi que l'État
07:54tienne sa parole.
07:55C'est-à-dire qu'il ne peut pas
07:56penser que les choses
07:57vont continuer à filer
07:58alors qu'on a besoin
07:59aujourd'hui d'investissement.
08:00Un tout dernier mot,
08:01Emmanuelle Cosse.
08:02Vous avez été,
08:03vous le disiez,
08:04ministre du logement.
08:05C'était sous François Hollande.
08:06Si Michel Barnier vous appelait
08:07aujourd'hui pour intégrer
08:08son gouvernement,
08:09vous diriez quoi ?
08:10Vous savez,
08:11je suis aussi une femme de gauche
08:12et écologiste
08:13et quand on est ministre,
08:14on le fait sans état d'âme.
08:15Même si c'est pour faire
08:16ce que vous souhaitez faire ?
08:17Mais la question,
08:18c'est que ce n'est pas le cas.
08:19Donc aujourd'hui,
08:20il y a un ministre,
08:21un Premier ministre
08:22très estimable
08:23qui est de droite
08:24parce que j'ai discuté
08:25souvent avec lui
08:26d'environnement et d'écologie
08:27mais sincèrement,
08:28ce n'est pas le sujet.
08:29Moi aujourd'hui,
08:30je représente les barrières sociaux
08:31et ma question,
08:32c'est plutôt
08:33de porter leur voix
08:34au futur gouvernement
08:35et de vraiment
08:36essayer d'obtenir
08:37un engagement très fort
08:38de la part du Premier ministre.
08:39Merci beaucoup Emmanuelle.