Sophie Vénétitay : "L'Éducation est dans un tel état de crise qu'on ne peut pas se permettre d'être en pause"

  • le mois dernier
Alors que la rentrée scolaire est lancée, la secrétaire générale du SNES-FSU est notre invitée à 6h20 pour analyser les enjeux de l'école aujourd'hui, alors que la ministre démissionnaire de l'Éducation Nicole Belloubet a elle-même dénoncé certains choix de Matignon en la matière. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-mercredi-28-aout-2024-7066559

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00:00Il est 6h21, mais on fait quoi à la rentrée ? Voilà la question que doivent se poser
00:04la plupart des enseignants, c'est le grand flou à cause de la crise politique.
00:07Pas de gouvernement, donc pas de politique éducative claire.
00:10Et pourtant la rentrée, c'est vendredi pour les professeurs et lundi pour les élèves.
00:14Et j'en reçois justement une enseignante représentante du premier syndicat dans le
00:18second degré.
00:19Bonjour Sophie Vénétité.
00:20Bonjour.
00:21Secrétaire générale du SNES et FSU, vous enseignez les sciences économiques et sociales
00:24dans un lycée de l'Essonne, d'abord êtes-vous quand même contente de retourner en classe
00:28malgré ce contexte particulier, de rencontrer, de découvrir vos nouveaux élèves ?
00:32Oui, forcément en tant qu'enseignante, je suis contente de retrouver mes élèves,
00:36de retrouver mes collègues, il ne faut quand même pas oublier qu'on fait ce métier
00:39pour ça, pour transmettre des choses aux élèves, pour les faire grandir, les faire
00:43grandir intellectuellement, les faire grandir ensemble, c'est ça qui fait le cœur de
00:46notre métier et forcément je suis plutôt contente de les retrouver, même si je sais
00:50qu'on va aussi très vite être rattrapés par le contexte, il y a des questions extrêmement
00:55concrètes qui vont se poser au quotidien, mais quelque part ça renforce la volonté
00:59de se dire qu'on va se battre aussi pour que nos élèves et nos collègues puissent
01:02travailler dans de bonnes conditions.
01:03Très concrètement pour vous, est-ce que vous avez pu préparer vos cours pour toute
01:08l'année ou est-ce qu'il y a des changements qui se profilent pour vous ?
01:10Alors moi j'enseigne en lycée, j'enseigne les sciences économiques et sociales, donc
01:14il y a des changements de programme en terminale qui ont été annoncés au mois de juin et
01:22c'est là qu'on a été rattrapés par l'actualité puisque ces changements de
01:25programme n'ont pas été publiés officiellement, donc il y a encore ce flou qui règne et qui
01:30montre bien d'ailleurs qu'il y a un peu le symbole de cette situation et de cette
01:33rentrée dans l'éducation nationale, donc finalement comme beaucoup de mes collègues
01:37je me prépare un peu à tout au début de cette année scolaire et c'est ce qui fait
01:42la caractéristique de ce qu'on vit depuis quelques années dans l'éducation nationale.
01:45Mais l'an dernier on avait un ministre de l'éducation, Gabriel Attal, qui était
01:48omniprésent, qui voulait tout changer, lancer plein de réformes, ça faisait d'ailleurs
01:51pas mal rater la communauté enseignante, c'est pas mieux quand c'est calme finalement ?
01:55C'est vrai que le calme permet de se poser un peu, ça fait du bien de ne pas être soumis
02:01à de très nombreuses annonces en se demandant comment est-ce qu'on va les mettre en place.
02:04Maintenant il y a aussi le revers de la médaille, c'est qu'on met l'éducation nationale
02:08un peu dans une situation de pause, en attendant un certain nombre d'arbitrages et quand
02:14on est en pause, finalement pendant ce temps-là l'éducation nationale elle continue aussi
02:18de se dégrader, on continue d'avoir des choses qui ne vont pas bien, on continue de
02:21se poser des questions, d'avoir des questions sans réponses et aujourd'hui l'éducation
02:25nationale est dans un tel état de crise qu'on ne peut pas se permettre d'être en pause.
02:28Et même la ministre des missionnaires, la ministre de l'éducation Nicole Belloubet
02:31le dit, elle émet des critiques, elle dit que le budget de l'éducation n'est pas suffisant.
02:36Comment ça se fait ? C'est plus une priorité l'éducation ?
02:38Ça fait un moment que c'est plus une priorité et d'ailleurs j'ai un peu d'amertume en
02:42écoutant Nicole Belloubet dire ça puisque quand il y a eu des coupes budgétaires annoncées
02:47au début de l'année 2024, elle les a plutôt soutenues d'une certaine manière.
02:52L'entendre aujourd'hui défendre le budget de l'éducation nationale, ça laisse un petit
02:56goût amer.
02:57J'aurais aimé qu'elle le fasse quand elle était ministre de plein exercice et pas juste
03:01ministre des missionnaires.
03:02Maintenant on voit bien que l'éducation nationale n'est pas la priorité d'Emmanuel Macron.
03:07On a quand même eu près de 8800 suppressions d'emplois de professeurs dans les collèges
03:13et les lycées depuis 2017 et on voit bien qu'on n'est pas aujourd'hui en mesure d'accueillir
03:18les élèves toute l'année dans de bonnes conditions et ça doit être ça le prochain
03:22cap.
03:23On parle beaucoup de quel est le cap pour l'éducation nationale et à un moment où
03:27on est à un point de bascule, il faut se donner de l'ambition pour l'école publique.
03:31Vous parliez des suppressions de postes, est-ce qu'il y aura un prof devant chaque classe
03:34cette année ?
03:35Il n'y aura certainement pas un prof devant chaque classe ni à la rentrée.
03:38C'est une promesse pourtant ?
03:39C'est une promesse tous les ans, une promesse qui n'est pas tenue et qui montre bien que
03:44les solutions ne sont pas apportées.
03:45Il n'y aura pas un prof devant chaque classe à la rentrée, il n'y aura pas non plus un
03:48professeur devant chaque classe tout au long de l'année parce qu'il ne faut pas oublier
03:51que l'année scolaire, elle ne s'arrête pas au 2 septembre.
03:53Il va y avoir des absences à remplacer, y compris des absences prévisibles, il faut
03:57rappeler qu'aujourd'hui...
03:58Pour des formations par exemple ?
03:59Pour des formations ou même des congés maternités.
04:01Aujourd'hui l'éducation nationale n'est pas en mesure de remplacer des congés maternités
04:05qui sont quand même un peu prévisibles.
04:06J'aimerais qu'on passe en revue les autres réformes ou projets de réformes parce qu'on
04:10le disait, il y a quand même eu beaucoup d'hésitations et de conditionnels dans la
04:13conférence de rentrée hier de la ministre des missionnaires.
04:16L'uniforme à l'école, ça se fait ou pas ?
04:17Pas vraiment.
04:18Pourquoi ?
04:19Pas vraiment.
04:20On a à peu près 90 établissements qui vont expérimenter l'uniforme.
04:25Il n'y en a plus de 50 000 en France.
04:27Il n'y en a plus de 50 000, c'est donc très peu et quelque part c'est une bonne chose
04:31qu'il y ait peu d'établissements qui le fassent parce que la solution face aux problèmes
04:34de l'école, les solutions que moi je peux rencontrer, face aux problèmes qu'on peut
04:38rencontrer, ce n'est pas que tous mes élèves portent un t-shirt bleu, c'est qu'ils soient
04:42moins nombreux dans les classes.
04:43La réforme du brevet au collège ?
04:44Elle est suspendue et c'est plutôt une bonne chose parce que l'idée de rendre le brevet
04:51obligatoire pour passer en lycée, c'est un risque de trier les élèves à la fin de
04:55la troisième et finalement de creuser les inégalités.
04:58Pour l'instant, elle est suspendue.
04:59Nous, ce qu'on espère et qu'on attend du prochain ministre ou de la prochaine ministre,
05:03c'est que ce projet soit retiré.
05:05Les groupes de besoins pour les sixièmes et les cinquièmes en français et en mathématiques ?
05:09Contrairement à ce que disait Gabriel Attal, il n'y aura pas de groupe de niveau dans tous
05:13les collèges du pays puisqu'il y a eu une très forte mobilisation des personnels pour
05:18refuser de trier les élèves et donc il n'y aura pas des groupes de niveau partout, il
05:22y aura des groupes de différentes natures, maintenant il faut aller plus loin et se dire
05:26que l'objectif c'est plutôt que de faire des groupes de niveau, de diminuer les effectifs
05:31dans les classes parce qu'on a quand même les classes les plus chargées d'Europe.
05:33Ça, ça s'est déjà fait quand même dans certains niveaux de diviser les classes en deux ?
05:36Ça s'est fait essentiellement dans le premier degré, si ça se fait dans le premier degré
05:40on doit pouvoir le faire dans le second degré, il faut en finir avec ces classes à 35 ou 36 élèves.
05:45Et les stages en fin de seconde, maintenus ou pas ? Ça c'est une bonne chose ?
05:48Alors les stages en fin de seconde, on ne sait pas trop ce qu'ils vont devenir, la
05:52ministre veut les maintenir, après on a vu en fin d'année dernière qu'il y avait
05:56beaucoup d'élèves qui n'avaient pas trouvé de stage et dans ceux qui les avaient trouvés,
05:59c'était pas forcément très efficace, donc plutôt que des stages occupationnels
06:03ou des stages Netflix à la maison, il faut surtout se donner les moyens de faire réussir
06:07tous les élèves.
06:08Merci beaucoup Sophie Vénétité, secrétaire générale du SNES-FSU, bonne rentrée à vous
06:12et bonne rentrée à tous les enseignants et les élèves qui nous écoutent.

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