Angleterre : bilan de la situation deux semaines après les premières émeutes
Avec Maximilien Nagy, journaliste franco-britannique
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Transcript
00:00Il est 8h20, heure de Paris et de Toulouse et de Bordeaux, il est 7h20, heure de Londres.
00:10Tout de suite, on retrouve notre autre invité, Maximilien Nagy, bonjour et bienvenue sur
00:16Sud Radio.
00:17Vous êtes journaliste franco-britannique, je le disais, chose promise, chose due, nous
00:22faisons le bilan de ces plusieurs semaines de manifestations, d'émeutes, de contre-manifestations
00:28et de répression à la suite de ce mouvement de grogne xénophobe qui visait les migrants,
00:33parfois les musulmans, en Grande-Bretagne.
00:36Première chose d'abord, est-ce que les violences continuent en Grande-Bretagne, Maximilien
00:40Nagy ?
00:41Alors non, elles ne continuent pas, ni dans les dimensions des semaines précédentes,
00:46ni tout court, c'est-à-dire qu'il n'y aura plus de violences comme on les a vues
00:51dans les banlieues autour de South Pole où a lieu, je le rappelle, l'assassinat de
00:57trois fillettes dans la dernière semaine de juillet par un Rwandais d'origine né au
01:04Royaume-Uni.
01:05Le problème évidemment qui a déclenché, je le rappelle, ces émeutes, c'est que sur
01:10les réseaux sociaux, Twitter et Télégramme en particulier, un certain nombre de personnes
01:16dont avec des comptes très suivis, ont accusé cette personne, ce Rwandais d'origine né
01:23au Royaume-Uni, d'être un migrant musulman qui serait arrivé sur le territoire britannique
01:29par bateau.
01:30Donc pour les manifestants, voire les émeutiers, c'était un énième crime de l'immigration
01:37en quelque sorte, si je le résume grossièrement, c'est ça qui a mis le feu aux poudres.
01:41Ça a été corrigé, malgré tout, le mal était fait, les manifestations se sont répandues
01:44un petit peu partout.
01:45Qu'est-ce qui a fait que les violences se sont terminées en Grande-Bretagne ?
01:49Alors la répression ou la réaction policière a fonctionné.
01:54C'est-à-dire qu'au fond, on était face à des profils de hooligans blancs qui habitent
02:00dans des banlieues désindustrialisées et défavorisées, qui n'étaient pas particulièrement
02:05organisés.
02:06Ils se donnaient simplement rendez-vous via les réseaux sociaux.
02:09On n'est pas face à des groupes de bandes qui s'entraînent toutes les semaines avec
02:14une hiérarchie.
02:15Ce n'est pas du terrorisme, non, très loin de là.
02:17Donc là, la réaction policière a fonctionné.
02:20Via les réseaux sociaux, ils ont fait des appels à témoins pour savoir avec des photos
02:25qui étaient quels manifestants qu'ils avaient identifiés dans les émeutes.
02:31Ça, je le répète, a fonctionné.
02:34Bon, et je pense que de ce point de vue-là, il y a une légère ressemblance avec les émeutes
02:42de l'année dernière.
02:43On n'est pas face à des profils suffisamment déterminés pour provoquer une révolution.
02:49Ça veut dire que c'était un mouvement spontané et pas organisé, qui en quelque
02:54sorte est né de manière assez naturelle à la suite d'un sentiment, qu'il soit
02:58justifié ou non, qui était répandu au sein d'une bonne partie de la population.
03:03Comment expliquer qu'une telle colère se soit déclenchée ? Elle devait couver depuis
03:07un moment.
03:09Oui, c'est une très bonne question et je partage entièrement ce constat.
03:14En réalité, les crimes au couteau, notamment, sont une chose de monnaie courante.
03:20En début de semaine, il y a eu une attaque au couteau à Leicester Square, qui est une
03:26place au Royaume-Uni, à Londres, au centre de Londres, où il faudra passer 2,5 millions
03:31de personnes par jour.
03:32Premier élément.
03:33D'ailleurs, il faut rappeler l'identité de cette personne parce que ça permet de
03:38faire un lien léger avec les émeutes.
03:40C'était un Roumain d'origine qui ne parlait pas l'anglais, qui n'a pas de nationalité
03:43britannique et, bien sûr, les opposants à l'immigration au Royaume-Uni.
03:48Mais au-delà de cela, on se demande pourquoi des personnes avec des intentions qu'on ne
03:54connaît pas forcément toujours bien, mais qui agissent très violemment, sont en liberté.
03:58Pourquoi on a autant de problèmes sociaux, au fond ?
04:02Et ces personnes qui se sont soulevées dans les banlieues, dont leur mouvement a été
04:11arrêté, se demandent, elles aussi, mais nous, nous sommes dans des banlieues défavorisées
04:14depuis des décennies, nos usines ont été fermées, nous sommes au fond un peu seuls,
04:21et le gouvernement considère les attaques au couteau avec presque de la légèreté en
04:26disant, attention, ne diffusons pas de fausses nouvelles et nous nous en occupons.
04:31Si je résume votre propos, c'est qu'il y a une bonne partie de la population britannique
04:37qui, elle, n'est pas d'origine immigrée, qui considère que les immigrés ou leurs
04:42enfants sont des gens dangereux, qu'ils veulent les tuer et qu'en plus,
04:44qu'ils sont protégés par les autorités.
04:47Concrètement, c'est une croyance qui a répandu.
04:49Alors, protégé, c'est peut-être un mot un peu excessif.
04:53En tout cas, l'inaction du gouvernement est ressentie et, effectivement,
04:59elle est ressentie par ce groupe, il faut le préciser quand même, minoritaire.
05:02C'est soulevé dans les émeutes, malgré tout, et je pense que les médias britanniques
05:07ont manqué, à l'exception d'une chaîne de télévision, ont manqué de souligner
05:13que, en réalité, le sentiment n'est pas partagé par un si petit nombre que ça.
05:18Les soulèvements étaient organisés et provoqués par un petit nombre.
05:21En revanche, le sentiment que le gouvernement prend très à la légère l'immigration,
05:26malgré toutes ses déclarations, et le crime qui, parfois, en est la conséquence.
05:31Il y a une colère qui couvre.
05:33Et pas toujours.
05:34Il y a, effectivement, soulève une colère que Nigel Farage du Reform UK a particulièrement
05:40souligné.
05:41Le leader du Brexit.
05:42Avec plus ou moins d'habilité.
05:43Le leader du Brexit, effectivement.
05:44Merci, Raphaël.
05:45Avec plus ou moins d'habilité et de tact.
05:47Maximilien Nagy, j'aimerais qu'on vienne pour faire le tour de la question et qu'on
05:52explique pourquoi les violences se sont terminées.
05:54Vous l'avez dit, il n'y a plus d'émeutes, manifestement.
05:57Ça veut dire que la répression a fonctionné.
05:59Comment ça s'est passé ? On a entendu parler, non seulement, de beaucoup de meneurs
06:03qui étaient arrêtés, mais aussi des Britanniques qui appelaient à se rassembler, qui ont été
06:07arrêtés et même emprisonnés sur la base de simples messages sur les réseaux sociaux.
06:12Ça veut dire que la justice britannique a quand même été extrêmement efficace.
06:16Elle a été efficace, effectivement.
06:19Ils ont réussi à apeurer des groupes qui, jusque-là, avaient la possibilité de se
06:25réunir de manière très libre, avec une police qui a beaucoup moins de prérogatives
06:30qu'ici.
06:31Donc, il a fallu que la police ait de nouvelles prérogatives, c'est important à préciser,
06:34pour pouvoir réagir face à ces manifestations.
06:37Ça, c'est quand même un point où il faut bien comprendre les différences de mentalité.
06:41C'est essentiel.
06:42Et oui, on a une répression qui a marché.
06:46Et encore une fois, je ne pense pas que nous soyons à nos dernières émeutes, parce qu'il
06:51y a aussi eu un sentiment que la police réagissait de manière différente aux différents types
06:55d'émeutiers.
06:56On a eu les émeutiers majoritaires, les hooligans blancs, et on a eu aussi les réactions compréhensibles
07:02par ailleurs d'autres communautés, les communautés pakistanaises notamment.
07:05On a vu dans certaines vidéos en direct sur la chaîne Sky News, un Pakistanais avec un
07:12grand sabre dans son dos et qui était filmé de manière complètement libre, ça paraissait
07:18tout à fait normal.
07:19Et on a eu une sorte de gêne dans les médias qui ne voyait pas arriver le mouvement qui
07:24s'est produit.
07:25Et un sentiment chez une partie de la population que la police, au fond, se préoccupait uniquement
07:31d'un groupe et pas de tous les groupes.
07:32Alors, ce n'est pas vrai parce que d'autres jeunes, puisque ce sont souvent des jeunes
07:37ou quarante-mères, ont été arrêtés d'autres groupes ethniques, mais la manière dont ça
07:41a été traité par le gouvernement et les médias a surpris en tout cas une partie de la population.