L'édito de Paul Sugy : «JO : une cérémonie en l'honneur de la France ?»

  • il y a 2 mois
Dans son édito du 26/07/2024, Paul Sugy revient sur la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques.

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00:00Oui, on a quelques indices. En tout cas, on sait qu'effectivement, a priori,
00:02on ne devrait pas voir la moustache et la baguette de pain de Jean Dujardin.
00:05Vous savez, comme c'était le cas lors de la cérémonie d'ouverture
00:07de la Coupe du monde de rugby, qui avait fait un peu parler, c'est vrai,
00:10pour peut-être ses excès de relents un peu chauvins.
00:12Mais vendredi soir, rien de tout ça, parce qu'on a appris,
00:16notamment dans Le Monde, que parmi les conseils qui ont présidé aux réflexions
00:21entourant cette cérémonie d'ouverture, il y avait l'historien Patrick Boucheron.
00:24Alors Patrick Boucheron,
00:25les gens ne connaissent peut-être pas forcément tous ses travaux.
00:27C'est un historien, notamment du Moyen Âge et de la Renaissance
00:30dans les villages italiens.
00:31Mais enfin, on connaît au moins ses positions médiatiques.
00:34C'est un historien qui a appelé à voter pour le Nouveau Front populaire
00:36lors des dernières élections législatives et qui est surtout le chantre
00:39de l'anti-roman national.
00:41Ce qu'il déteste par-dessus tout, c'est une histoire qui célèbre la grandeur,
00:45l'héroïsme du passé et notamment des personnes qui ont fait ce passé.
00:49Lui, il déteste ça.
00:50Il l'a d'ailleurs très largement dit dans un immense article
00:53qu'il avait écrit dans l'Obs sur le puits du fou.
00:55Alors, le puits du fou, pour lui, c'est l'horreur.
00:57C'est le comble de ce qu'il ne faut pas faire.
00:59Mais alors, comment est-ce qu'il va ?
01:00Comment est-ce qu'il a pensé cette cérémonie d'ouverture
01:03d'un point de vue historique ?
01:05Eh bien, il dit notamment qu'il s'était inspiré de la cérémonie
01:08qui célébrait le bicentenaire de la Révolution française.
01:11Et là, je le cite, c'est une cérémonie qui déjouait les stéréotypes nationaux
01:15et qui ne craignait pas de prôner le métissage planétaire.
01:18Comme c'est beau.
01:19On retiendra donc qu'au moment où le monde entier va regarder vers elle,
01:22le premier souci de la France, eh bien, ce ne sera de ne surtout pas parler d'elle
01:26ou de ne pas mettre en lumière son propre récit, de le déconstruire,
01:29au fond, en vertu de cette idéologie qui est contraire pourtant à la vérité
01:33de l'histoire et qui voudrait que nos rares fiertés, nos rares grandeurs
01:36ne soient que le fruit des hybridations dans le grand hasard des migrations,
01:39des influences culturelles venues d'ailleurs.
01:41Ce sont donc des Jeux olympiques à Paris, mais dont on a quasiment chassé
01:44les Parisiens.
01:45On se souvient qu'il y a quelques mois, il était même question de dégager
01:47les bouquinistes.
01:48Et puis, ce sont des Jeux olympiques en France, mais où surtout, surtout,
01:51il ne faut pas exalter la France.
01:53Il faut la ramener à n'être qu'une partie insignifiante du monde.
01:56Mais Paul Légiaux, ce n'est pas seulement la célébration d'un pays,
01:58c'est aussi l'amitié entre les peuples.
02:00Est-ce que vous ne faites pas un peu de chauvinisme ?
02:03Peut-être. Bon, je le confesse.
02:04Mais je crois quand même qu'on peut mettre, si vous voulez, les deux ensemble
02:08et les concilier dans la mesure où la France peut célébrer l'universel
02:12tout en parlant d'elle-même et tout en exaltant sa singularité.
02:15Et d'ailleurs, si on revient sur le cadre de cette cérémonie d'ouverture,
02:18on va remonter la Seine.
02:20C'est extraordinaire.
02:21La Seine, ce n'est pas seulement un fleuve, c'est aussi un déluge de monuments
02:24et de pièces parisiennes qui font la grandeur du pays.
02:29Et justement, cette Seine, elle a été habillée tout au long
02:33des expositions universelles qui ont commencé à peu près au milieu du 19e siècle
02:37et qui se sont poursuivies jusqu'au 20e par des monuments qui avaient été conçus
02:40exprès justement pour ces célébrations de grandeur nationale.
02:43Alors évidemment, le plus connu d'entre eux, c'est la Tour Eiffel, bien sûr,
02:46qui sera le clou du spectacle olympique et sur laquelle on a hissé
02:49ces cinq anneaux entrelacés, symbole justement de l'union des continents.
02:52Il n'y a pas que la Tour Eiffel qui date des expositions universelles.
02:55Il y a le Grand et le Petit Palais, le Palais de Tokyo, le Palais de Chaillot aussi.
02:59Tout ça, ce sont des lègues.
03:00Une exposition universelle, alors c'est sûr, il y a un siècle,
03:03Patrick Boucheron n'aurait pas pu y mettre les pieds.
03:04Ça aurait été l'enfer pour lui.
03:06On ne faisait qu'y célébrer la grandeur de la France et de Paris.
03:09Et en plus, à l'époque de l'histoire coloniale.
03:11Mais enfin, il faut reconnaître quand même qu'elles ont laissé
03:13une telle trace dans notre patrimoine parisien qu'en principe,
03:16les touristes qui viennent à Paris viennent plus pour voir la Tour Eiffel
03:19que pour lire les œuvres de Patrick Boucheron dans une bibliothèque.
03:23Et c'était une époque aussi où, sans autarcie chauvine, à Paris,
03:27dans ces expositions universelles, on nous ferait une ouverture sur le monde.
03:30Mais la France se glorifiait d'être l'ambassadrice de cette ouverture.
03:34Elle célébrait au fond de l'univers à la première personne du singulier.
03:37Mais on est un siècle plus tard et ce n'est pas une exposition universelle,
03:40mais des Jeux olympiques, Paul.
03:42C'est vrai, mais il y a peut être aussi une continuité entre les deux.
03:45En tous les cas, c'est en lisant les mémoires de jeunesse
03:48d'un adolescent contemporain, notamment de l'exposition de 1878,
03:51ce que je m'en suis rendu compte.
03:52Donc, un jeune homme, il a une quinzaine d'années qui dit,
03:54parlant de cette exposition universelle,
03:56ce relèvement me remplissait de fierté.
03:58La colline du Trocadéro, le champ de Mars couvert de palais énormes
04:01me faisait l'effet d'un élégant défi jeté à l'Allemagne.
04:04Et puis, il raconte que le lendemain soir, il jetait des feux de bengales
04:07pour essayer de faire sa petite cérémonie à lui dans son coin.
04:10Et il regardait, je le cite à nouveau, monter les flammes multicolores
04:13avec la dévotion d'un prêtre de Zoroastre,
04:15tandis que se chantait en mon cœur un cantique à la gloire de la France.
04:18Ça transpire de ferveur patriotique.
04:20L'auteur de ces lignes, c'était Pierre de Coubertin.

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